Phoenix s'éloigna de son scooter fraîchement acquis d'un pas nonchalant. Il l'avait acheté pour un prix très avantageux et révélateur du vieil âge du véhicule. A vrai dire, il s'en foutait, car tout ce qui comptait pour lui c'était d'être indépendant de cette fourmilière qu'est le réseau de transport en commun New Yorkais. Phoenix haïssait les bus, il haïssait les horaires; et tant que son scooter roulait à peu près il se moquait bien du reste. La nuit était noire et Phoenix ôta un instant la cigarette de sa bouche, se dirigeant vers l'entrée de la boîte de nuit. Il n'avait pas l'habitude de fumer, ou plutôt, de fumer des cigarettes. Il n'aimait pas vraiment ça en fait, mais quelque fois lors de soirées, lorsqu'il avait récupéré un paquet d'une manière ou d'une autre il se sentait obligé de le finir. Et pourtant il savait à quel point elles ne lui faisaient plus aucun effet, si ce n'est l'énerver encore plus que d'ordinaire. Il atteignit rapidement l'entrée du night club, et il y entra sans trop de problèmes. Il connaissait les lieux depuis peu mais il y avait déjà fait ses preuves. La semaine passée, une bagarre avait éclatée entre un drogué et un trentenaire complètement saoul : sans surprise quand on connaissait Phoenix, il avait trouvé le moyen de prendre part au combat, et en était ressortit avec un avertissement.

Ce soir là, il avait prévu de bien se tenir. Voir un potes ou deux, traînasser sans but précis. Bref, tenter de s'occuper un samedi soir à New York. Ce n'était jamais très difficile, et étant donné qu'il était plutôt ouvert aux nouvelles rencontres, il ne passait jamais de soirées en solitaire. Rapidement, McDaniels atteignit le bar mais ne commanda rien. Il n'aimait pas tellement boire seul, et en réalité s'installer au bar était plutôt un moyen pour lui de se poster pour chercher des têtes familières, ou éventuellement de repérer de nouvelles têtes intéressantes. Avant qu'il remarque qui que ce soit, il fut surpris par une de ses connaissances qui venait de lui tapoter l'épaule. Il le salua brièvement, car à vrai dire il n'avait pas tellement envie d'entamer la discussion avec lui. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, la soirée avait failli tourner au vinaigre et depuis il préférait limiter les dégâts. Alors qu'il repensait à cette soirée, une silhouette féminine attira son attention, celle d'une jolie brune située un peu plus loin vers le bar, apparemment en grande discussion avec d'autres filles. Un sourire illumina les lèvres de Phoenix, et en quelques secondes il arriva à sa hauteur. Sans prendre de précaution, il lança, avec audace « Bonsoir mademoiselle. Je vous paie un verre ? » Il fit un sourire très exagéré à l'attention de Sweva, et ses amies le dévisagèrent avec interrogation. Phoenix savait bien que son numéro forcerait d'une manière ou d'une autre à éloigner les copines de Sweva, car elles le prendraient pour un beau dragueur ayant pour intention de réquisitionner la jeune femme pour la soirée. Elles ne savaient sûrement rien de la relation entre Phoenix et Sweva, et c'était tant mieux pour elles, car si elles se risquaient à rester avec eux, étant donné l'ambiance qui régnait lorsqu'ils étaient ensemble, elles allaient être servies. Heureusement, les copines en question semblèrent saisir le message et elles firent un signe de tête à Sweva avant de s'éloigner. Content d'avoir réussi son coup, Phoenix lança un sourire plein de fierté à la jeune femme. « Evidemment tu avais compris que c'était une blague. Aucun risque que je te paie un verre. » Nouveau sourire amusé de la part du jeune homme qui s'accouda au bar avec entrain.

« Je m'attendais pas à mieux venant de toi. » Phoenix, amusé, laissa échapper un léger sourire de satisfaction et lui lança un sourire plein d’hypocrisie. Ce n’était vraiment pas dans sa nature de paraître aussi hautain, mais dès qu’il croisait Sweva, il pouvait devenir le pire des crétins, totalement borné et incroyablement désagréable. A croire qu’un simple regard de la part de la jeune femme suffisait à le métamorphoser. C’était plus fort que lui. Elle l’insupportait. Pour tout dire, ça avait plutôt mal commencé. N’ayant rien contre elle, il avait tenté de l’aborder, mais ce fameux premier soir, elle lui avait tout simplement dit d’aller voir ailleurs, et depuis, la guerre était déclarée. Et à mesure qu’ils se voyaient, leu relation se détériorait un peu plus. Pourtant d’une façon ou d’une autre ils se retrouvaient toujours, et avec une obstination déconcertante ils passaient souvent de longues soirées ensemble à se lancer des piques et des regards noirs. Sweva et Phoenix, c’était ça. Incapables de s’entendre, mais incapables de rester loin l’un de l’autre trop longtemps. Voilà pourquoi il était venu la voir, ce soir-là. C’était devenu un jeu, et même s’il n’en avait pas l’air, il pouvait être très plaisant.

Il regardait toujours Sweva sans rien dire, et d’un geste spontané il attrapa le verre de la jeune fille et en but quelques gorgées. De la manzana. Il n’était pas surpris, c’était plutôt pas mal pour débuter une soirée sans être assommé tout de suite. Phoenix ne connaissait pas ça, à vrai dire, ce principe de "commencer par des alcools légers" lui, c’était tout ou rien, mais pas un peu. Il fit la grimace en reposant le verre de la jeune fille et commanda une vodka au barman. « Bon alors c'est quoi ton problème ? T'es tellement accro à moi que t'es obligé de me suivre partout comme un petit chien ? » Elle le dévisagea avec un certain mépris, et Phoenix ne put s’empêcher de sourire. Il la regarda quelques secondes avant de répondre. « Ca te plairait, hein ? Mais non, tu te trompes, en fait je suis juste venu pour te libérer de ces deux dindes qui te collaient au basques. Tu devrais me remercier, la soirée s’annonce beaucoup mieux maintenant que je suis là. » Un égo surdimensionné ? Pas du tout. Phoenix n’avait rien d’un vantard sûr de lui en réalité, il se plaisait juste à taquiner la demoiselle en critiquant ses connaissances. Phoenix s’attendait à ce qu’elle soupire, à ce qu’elle soit agaçée, et c’était tout à fait le but recherché. Il n’y avait rien de plus plaisant que de la faire enrager, et la soirée s’annonçait vraiment très bien.

« Trop attentionné de ta part, vraiment. Mais la prochaine fois ne te donne pas cette peine. Je préfère encore traîner avec des dindes plutôt qu'un boulet. » Phoenix ne se retint pas de ricaner. Elle avait toujours des remarques percutantes et il ne pouvait que l'admettre. Dire le contraire aurait été mentir. Sweva avait du répondant et c'était l'une des raisons pour lesquelles il aimait être avec elle. Elle ne se laissait pas faire, elle n'était pas une fille passive, une fille soumise ou quoi que ce soit. Et même si Phoenix ne voulait pas se l'avouer, il y avait quelque chose d'attirant là-dedans. Le jeune homme porta le verre de vodka à sa bouche et but deux gorgées rapides, puis une troisième plus longue. Reposant son verre, il posa ses yeux sur Sweva, s'égarant quelques secondes sur sa silhouette parfaitement dessinée, puis il releva les yeux très vite et fut rassuré en voyant qu'elle regardait ailleurs. Il n'avait aucune envie qu'elle se serve de ça contre lui. Phoenix avait beau toujours trouver de quoi la contredire, il ne pouvait pas nier que c'était une très belle femme et lorsqu'il sous-entendait le contraire,il se donnait du mal pour avoir l'air crédible. Dans cette guerre contre Sweva, tous les moyens étaient bons pour gagner. Quitte à mentir sur ce qu'il pensait réellement d'elle.

Il soupira après avoir détourné un court instant le regard de Sweva. Il fut distrait par la musique qui passait, par les gens qui dansaient, et il se sentit divaguer, emporté par une espèce d'adrénaline sûrement liée à l'alcool et à l'ambiance qui régnait. Il entendit alors la jolie brune fredonner l'air qui passait, et il se tourna vers elle, un sourire amusé. Elle se stoppa net, voyant qu'il l'avait remarquée, et elle termina son verre d'un trait. Il arqua un sourcil et se décolla du bar où il était accoudé jusqu'à lors pour s'approcher d'elle. « Qu'est ce que tu dirais de danser avec un boulet ? T'as l'air d'aimer cette musique … Bon, tu l'as un peu massacrée quand t'as essayé de chanter … Mais je te pardonne, c'est mon jour de bonté. » Il lui tendit la main, un sourire aux lèvres, et il secoua légèrement la tête au rythme de la musique. Il ne l'avait, jusqu'à lors, jamais invité à danser. Il ne savait pas trop ce qui lui avait pris, c'était sûrement l'adrénaline qui avait émergée en lui.

« Vraiment ? ...Mais ça sait danser un boulet ? » Phoenix sourit, puis se laissa entraîner par Sweva vers la piste de danse où une sacré dose de gens étaient en train de se trémousser comme jamais. Phoenix et Sweva trouvèrent un peu d’espace où danser et Phoe secoua la tête tandis que la brune s’approchait de lui pour lui parler de nouveau. Il tendit l’oreille, car avec la musique, il était difficile d’entendre « Allez danse, impressionne-moi. Ou roule je ne sais pas exactement ce que font les boulets » Sweva se mit à rire et Phoenix en fit de même. Il aimait cet humour même s’il s’acharnait à le rembarrer constamment. Ses yeux se perdirent sur la silhouette endiablée de Sweva qui se laissait aller au rythme de la musique. Pourquoi fallait-il qu’elle le regarde ainsi. Phoenix se sentait brûler de l’intérieur et il préféra user ses ardeurs pour bouger à son tour plutôt que de se jeter sur elle. Il ne fallait absolument pas qu’il se laisse aller, il fallait qu’il lui tienne tête, et qu’il lui montre de quoi il était capable. Alors il se mit à danser, d’une façon singulière qui n’appartenait qu’à lui. Phoenix n’était pas danseur professionnel mais il savait bouger, il avait le rythme dans la peau et il aimait se lâcher sur la piste, pas comme tous ces coincés qui faisait un pas sur le côté et agitaient les bras sans conviction. Lui bougeait vraiment, et il lança un large sourire à Sweva, tout en attrapant sa main droite. Il entremêla ses doigts aux siens et l’attira à lui en la faisant tourner sur elle-même. En quelques secondes elle se trouva à quelques millimètres de lui et il eût vraiment beaucoup de mal à ne pas céder à ses charmes. Il se répéta mille fois qu’elle était détéstable, puis en un mouvement rapide et contrôlé il l’attrapa par la taille sans lâcher son autre main, comme s’ils allaient danser un tango. Phoenix fut surpris de l’aisance qu’elle avait à suivre ses pas et il en fut aussi fatalement frustré. Il se pencha vers son oreille sans la lâcher et mumura.

« J’espère que tu te débrouilles mieux en danse qu’en chant … » Une lueur de défi illumina ses yeux lorsqu’il s’éloigna d’elle pour plonger son regard dans le sien. Alors il lâcha sa taille et la fit tourner dans l’autre sens, comme pour tester ses capacités de danseuse. Il la fit tourner une fois, deux fois, puis une troisième ; et confronté à un déhanchement irréprochable il fut forcé de se mordre la lèvre inférieure. Elle dansait beaucoup mieux qu’elle chantait, et pour une fois Phoenix fut incapable de trouver quoi que ce soit à redire. Ils continuèrent de danser, c’était la première fois et pourtant ils avaient l’air d’avoir fait ça depuis toujours, ils étaient en une espèce d’osmose, d’harmonie difficile à qualifier. L’air de Maroon 5 laissa place à une autre musique que Phoenix ne connaissait pas, et qu’il n’appréciait pas trop à vrai dire, mais il ne cessa pas de danser. Il se rapprocha un peu de Sweva pour lui lançer « Alors ? Pas si mal pour un boulet, non ? Et puis, c’est pas trop mon genre de musique, tu devrais voir ce que ça donne sur de la VRAIE musique. » De nouveau, un ton de défi dans sa voix. Il s’empara de la main gauche de Sweva et attira la jeune fille vers lui au rythme de la musique, puis la fit s’éloigner, et il recommenca. Il y avait un frisson très effrayant qui le parcourait chaque fois qu’elle s’approchait, et Phoenix se persuada que c’était un frisson de haine, et pas d’autre chose.

« C'est vrai... tu danses plutôt bien. Mais bon ce n'est pas comme si danser n'était pas à la portée de n'importe quel enfant de deux ans... » Jamais contente celle-là ! Phoenix leva les yeux au ciel. C'était déjà une victoire en soi, d'avoir réussi à lui faire admettre qu'il était plutôt doué en danse. Et même si Phoenix avait préféré ne rien ajouter, il pensait la même chose d'elle, et il n'y avait rien qu'il puisse lui reprocher sur ce plan là. Elle avait beaucoup d'aisance et de sensualité dans ses mouvements, de l'énergie et de l'audace, ce qui conduisit Phoenix à regrette de l'avoir tirée sur la piste. Maintenant, il avait du mal à la voir comme une ennemie potentielle, car il était impressionné, et dans le bon sens du terme ... Ce qui n'était vraiment, vraiment pas bon. Il se redonna du courage en repoussant les bras de Sweva au rythme de la musique, puis finalement elle revint vers lui « Et puis c'est quoi...de la vraie musique... pour un boulet ? » Phoenix fit un large sourire, et décida cette fois de rester près d'elle, sans s'arrêter de danser. Il s'approcha de son oreille pour se faire entendre « Tout sauf des boom boom avec les mêmes paroles pendant trois minutes. Tout sauf … ça, quoi. » Il s'éloigna légèrement de son visage, la regarda un instant en lui faisant une espèce de grimace accompagnée d'un sourire rieur. Puis il ajouta « Eh ouais, les boulets, ça a du goût. Contrairement au filles comme toi et leur musique commerciale » Nouveau sourire, encore plus arrogant, encore plus haïssable de la part de Phoenix. Il se sentit subitement rassuré. Ses dernières remarques avaient remis une distance entre eux, même s'il craignait que cette distance disparaisse aussi vite qu'elle était venue. La musique ne cessa pas et ils dansèrent encore, et Phoenix sentit tout à coup la température monter. Il avait cessé de parler et il savait que c'était dangereux, car lorsqu'il ne balançait pas les pires vacheries à Sweva, il ne pouvait pas s'empêcher de la regarder, d'observer chaque détail de son visage, de sa peau, avec une curiosité incontrôlable. Phoenix et Sweva en arrivèrent à exécuter un énième pas de danse dans une synchronisation parfaite, puis Sweva lâcha subitement ses mains, mais Phoenix ne cessa pas de danser, alors que Sweva s'était stoppée un peu brutalement juste en face de lui. McDaniels la dévisagea avec interrogation, jusqu'à ce qu'elle se tourne et reprenne ses mouvements. Un petit haussement de sourcils vint exprimer l'état d'esprit du jeune homme, et celui-ci se sentit tout à coup ses pensées divaguer entre agaçement, satisfaction et frénésie. « Tu dois être du genre à écouter du rap... Ou non. Mieux encore. De la country ! C'est forcément une musique de boulet. » Phoenix fit un sourire tandis qu'elle tournait la tête vers lui, et répondit immédiatement « J'écoute tout ce qui inclut une mélodie cool, ou des paroles qui ont un minimum de sens. Donc la palette est très large, et tu sais quoi ? Je pense que tu serais douée en danse country, tu as déjà le mouvement là ! »


Quelle audace ! Elle se laissa lentement glisser et Phoenix eut une terrible envie de la fusiller sur place, car elle devait sûrement savoir qu'elle jouait avec les nerfs du jeune homme à se déhancher de la sorte. Et elle continuait. Sans vraiment le vouloir Phoe posa ses mains sur les hanches de Sweva tandis qu'elle remontait, et s'attarda trop longtemps à la regarder tandis qu'elle lui lançait un sourire innocent. Phoenix s'approcha de Sweva toujours un peu inconsciemment, et à présent il pouvait sentir son parfum pleinement. Il avança son visage de quelques centimètres seulement, et il adressa quelques murmures dans son cou « Tu sais que tu ne devrais pas danser comme ça, tu vas attirer tous les mecs en chaleur du coin. Et compte pas sur moi pour te sortir de là après. » La musique touchait à sa fin, et tandis qu'il éloignait son visage d'elle, Phoenix attrapa la main de Sweva avec rapidité, et la fit tourner pour qu'elle se retrouve en face de lui. Et puis, sans lui demander son avis, il quitta la piste de danse et la tira derrière lui, se dirigeant vers le bar. Arrivé là il commanda deux vodkas, régla, et se tourna vers Sweva. « Fini la manzana, on passe aux choses sérieuses. Dépêche toi d'engloutir ça et on sort prendre l'air. » Leurs verres arrivèrent, Phoenix remercia le barman, avant de prononçer quelques mots « Ca m'a donné chaud tout ça ! » Puis il releva la tête vers Sweva et la gratifia d'un sourire peut être un peu exagéré pour être honnête. Il but quelques gorgées rapides, et on aurait cru qu'il était en train de se désaltérer après un marathon, plutôt qu'en train de boire un verre.

La danse avait vraiment épuisé Phoenix. A vrai dire, il ne savait plus vraiment si c'était la danse, ou bien ces sensations contraires et inaproppriées qui l'avaient envahi lorsqu'ils s'étaient déhanchés au milieu de la piste. Phoenix ne savait pas et il n'avait pas envie de savoir. Il préférait largement leur petit rituel qui était de profiter de chaque opportunité pour se lancer des remarques cinglantes. Et à vrai dire, ils étaient plutôt doués pour cela, que ce soit sur la piste ou même ailleurs. Après avoir dénigré son statut de boulet, Sweva lanca « Cool j'ai toujours rêvé d'être un cow-boy dans une autre vie et toi tu serais une vache, bien sûr. » Phoenix leva les yeux au ciel en songeant qu'il n'était plus à ça près. Sweva avait un humour toujours très … élaboré. « Un cow-boy ? Eh ben, j'aimerais bien voir ça … » Il pouffa, puis haussa les sourcils pour illustrer son scepticisme et ajouta « Et honnêtement …Je préfère encore le boulet à la vache ! » avant de se laisser à nouveau guider par le rythme de la musique. Puis vint l'épisode de la Sweva déchaînée, Sweva que Phoenix ne fut pas en mesure d'ignorer. Il eut beau se persuader par divers arguments que tout cela était ridicule, que c'était juste une fille idiote qu'il méprisait; il n'avait pas vraiment pu contrôler ce cocktail de sensations très intenses ressenties lorsqu'elle s'était approchée un peu trop près de lui. Alors, égal à lui-même, il lui avait balancé une sale remarque à propos d'éventuelles mauvaises fréquentations qu'elle pourrait attirer si elle continuait à se tortiller de la sorte. « Jaloux ? » Evidemment que non. Pourquoi aurait-il été jaloux, après tout ? « Mais ne t'inquiète pas je sais me débrouiller toute seule, je suis une grande fille... Puis ils seraient sûrement de bien meilleure compagnie que toi. » Phoenix réfléchit un instant avant de répondre « Oh ça, j'en doute. Supporter un cas comme toi c'est pas donné à tout le monde ! On devrait me décerner un prix nobel pour avoir tenu tout ce temps avec toi ! Estime toi heureuse que je n'ai pas encore essayé de te tuer.»

Arrivé au bar, Phoenix termina son verre en moins de deux secondes, et Sweva sembla en faire de même, visiblement assoiffée elle aussi. C'était du sport, de danser en boîte de nuit ! Phoenix commençait à sentir les effets de l'alcool, et il fut soudain prit d'un engouement indescriptible. Après la proposition de McDaniels d'aller prendre l'air, la péruvienne répondit « Et pourquoi je viendrais avec toi au juste ? » Phoenix fit semblant de réfléchir, avant de finalement déclarer. « Tu poses trop de question, tu le sais ça ? Mais tu sais quoi, comme je suis quelqu'un de bienveillant et d'extrêmement gentil, je vais te répondre.» Il marqua un temps de pause avant de s'approcher tout près de Sweva et de poser sa main sur son épaule « La pure et simple raison c'est que, tu vas venir avec moi parce que sinon tu vas finir la soirée seule à t'ennuyer, à boire comme un trou sans personne à énerver. » Il fit une grimace qui eut pour but de montrer à quel point la soirée serait nulle dans lui, puis ajouta, cette fois sans aucun sérieux et promptement « Non sérieux, j'ai juste besoin de fumer, alors ramène tes fesses, cow-boy. » Il ne sut pas vraiment pourquoi il posa sa main dans le dos de Sweva à ce moment précis. Elle n'avait pas besoin qu'on la pousse pour sortir, elle pouvait très bien le faire toute seule, mais depuis qu'ils avaient eu ce contact sur la piste de danse, Phoenix ne maîtrisait plus tellement ses gestes. L'adrénaline sûrement. Et la vodka. Evidemment.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, les arguments employés par Phoenix semblèrent convaincrent Sweva, si bien qu'ils atteignirent la sortie assez rapidement. L'air froid vint faire frémir le jeune homme, et il fourra les mains dans ses poches alors que Sweva lançait « Je connaissais la sortie. » Bien sûr elle faisait référence au geste de Phoenix, qui s'était permis de lui presser le dos pour qu'elle se dirige vers la sortie. Il leva les yeux au ciel, visiblement agacé. Il faisait ce qu'il voulait, après tout ! « Oh tu sais, avec toi, tout est possible … Alors je préfère m'assurer que tu prends le bon chemin et que tu ne te retrouves pas coincée dans un placard … » ils s'éloignèrent un peu de l'entrée, et Phoenix fut surpris par le calme de la rue qui d'ordinaire, était si fréquentée. Surtout à cette heure. Il faisait quand même très froid, si bien que son souffle était visible et il s'amusa durant quelques secondes à souffler, comme si cela servait à quelque chose. L'alcool lui faisait souvent faire des choses complètement dénuées d'intérêt, et puériles. « Puis il gèle dehors. La dernière chose dont j'ai envie c'est de mourir de froid à côté d'un boulet, ça serait affreusement pathétique. » Phoenix ne prêta pas attention à ce qu'elle venait de dire, il se contenta de tirer un paquet de cigarettes de sa poche et d'en porter une à ses lèvres. La brise légère effleura ses joues et il trouva cela plutôt agréable. Il se tourna vers Sweva, lui lança un regard dépassé et répondit « Mourir avec moi, c'est un privilège. Et beaucoup de gens en rêvent, cow-boy. Tu devrais savourer ce moment. » Il fit un signe de tête qui accentua son air arrogant et supérieur, puis lui tendit le paquet de cigarettes. Sa générosité si surprenante s'expliquait par le fait qu'il avait obtenu ce paquet gratuitement; mais aussi parce qu'il n'aimait pas fumer seul et passer pour un toxico de première. Il luttait déjà pour se contenter de ces quelques clopes car il savait qu'il était déconseillé de s'allumer un joint dans ce coin là de Soho : les flics grouillaient à cette heure avancée de la nuit. Et puis, il fallait dire que pour Phoenix, alcool et drogue faisait parfois un mauvais ménage : il lui arrivait de devenir très agressif ou bien d'adopter des tendances cannibales. Risqué. Il alluma sa clope et une fumée épaisse s'éleva dans la nuit noire.

La musique était encore audible dehors, et Phoenix soupira, se tournant vers Sweva qui avait l'air de mourir de froid. Une force déconcertante l'attirait vers elle, et il tenta de l'oublier en se gavant de nicotine. Mais cela se révéla inefficace. Il parvint à se convaincre que cette force n'était autre que du profond mépris « Moi qui pensait échapper à cette musique naze ! Putain mais je suis sûr qu'on l'entend même au bout de la rue ! » Sweva ne pouvait qu'approuver cette remarque, car en plus d'être excessivement forte, la musique s'était détériorée, laissant place à des fiascos musicaux de très mauvais goûts. Phoenix pouvait encore supporter les tubes populaires des boîtes de nuits en général, mais dans le cas présent le DJ avait complètement pété les plombs. La musique qui passait n'avait rien de musical. Et c'était quand même le comble, pour une musique. Un éclair de génie passa dans le regard du jeune homme et il sortir son portable de sa poche, l'air triomphant. Après quelques secondes il trouva enfin ce qu'il cherchait, poussa le volume au maximum même si cela était ridicule sur sa vieille relique de portable. Les premières notes s'élevèrent et Phoenix s'approcha de Sweva tout en jetant sa cigarette consumée sur le côté « Allez,voyons si tu as vraiment du talent. Je te défie de danser sur une musique … indansable. » Passons pour le vocabulaire. Phoenix posa son portable sur le trottoir sans s'en soucier et attrapa Sweva, puis ils firent un pas sur le côté si bien qu'ils eurent l'air de tituber. Le reggae avait le don de mettre Phoenix dans une espèce de transe indescriptible, si bien qu'il se colla à Sweva en fermant les yeux, tandis que sa silhouette mouvait au rythme de la musique, accordée à celle de Sweva. « We're jammin', jammin'... » murmura-t-il sans se soucier de ce qu'elle en penserait. Phoenix n'était pas Céline Dion mais il ne chantait pas faux non plus, ce qui était déjà une bonne chose. Le jeune homme était conscient que leur mouvement ne devait pas tellement ressembler à une danse, car il bougeait si lentement que le monde semblait avoir ralenti. La musique s'emballa et Phoenix aussi. Il se laissa aller un peu plus, glissant sa bouche jusqu'à l'oreille de Sweva et murmurant, en parfaite coordination avec le son grésillant qui s'élevait de son portable « I wanna jam it with you … » Puis leurs doigts s'entremêlèrent et Phoenix se détacha un peu, toujours chuchotant tout près d'elle « C'est cool hein ? On bouge mieux que Jagger, là. » En un sens c'était vrai. Ils avaient peut être l'air ridicule ainsi, c'était juste parfait, et à cette idée Phoenix eut envie d'envoyer balader son portable dans la bouche d'égout, agacer de penser une telle chose alors qu'il aurait du être en train de réfléchir à une nouvelle vanne pour rembarrer la jolie brune.

Phœnix commençait à regretter d’avoir accepté d’être un boulet. Surtout après qu’elle lui ait révélé que ceux-ci mourraient seuls, et qu’ils se devaient d’idolâtrer les filles comme elles. Non vraiment, il n’avait plus aucune envie d’être un boulet, et après mûre réflexion, il en parvint à conclure que même le titre de vache était plus valorisant pour lui. Mais il était trop tard pour faire son choix. Sweva avait décidé qu’il était un boulet, et elle n’était pas prête de changer d’avis. Heureusement pour lui, toute cette histoire de boulet et de vache se volatilisa de son esprit alors qu’ils dansaient. Si l’on pouvait appeler cela une danse. La musique animait de plus en plus intensément le corps de Phœnix, et Sweva semblait avoir été faite pour l’accompagner. Leur déambulement n’avait en soi rien d’exceptionnel, et il était même plutôt ridicule. Et pourtant Phœnix ne se sentait pas boulet du tout, il avait juste l’impression d’être entré dans une espèce de transe où leurs deux corps étaient inséparables, et durant de longues secondes, il oublia à quel point il détestait Sweva, à quel point il haïssait tout d’elle, son arrogance, son air supérieur, sa façon de le regarder. Il était envoûté par son parfum, enivré par l’alcool, par la nuit et par la musique. Après avoir glissé sa main dans la sienne, Phœnix se rendit compte qu’il se laissait trop aller, et qu’il fallait qu’il reprenne les choses en main. Après s’être détaché légèrement pour plonger son regard dans le sien, Phœnix avait commenté leur danse. Sweva répondit, d’un air qu’il ne lui connaissait pas. Comme s’il venait de la tirer d’un rêve. Il sourit « Danser avec un boulet ça n'a jamais été cool, et ça ne le sera jamais. »

Phœnix leva les yeux au ciel tout en restant face à elle. Leurs visages étaient vraiment très proches. Si proches qu’il pouvait sentir son souffle. Il lança « Sauf que je ne suis plus un boulet, tu vois… » Il marqua une pause, l’air très sérieux, avant de reprendre en baissant le ton de sa voix, murmurant presque « Je suis un danseur hyper talentueux et sûrement le meilleur du quartier … ! » Il leva les sourcils avec fierté, puis sitôt qu’il eut terminé de parler il fit un pas hasardeux sur le côté ce qui lui valut d’écraser le pied de Sweva et de manquer de tomber. Il se rattrapa in extrémis et se mit à rire, conscient d’avoir perdu toute crédibilité. Son regard rieur croisa celui de Sweva qui riait aussi, et l’espace qui les séparait devint brutalement trop grand, si bien que Phœnix s’empara des lèvres de la jeune femme avec une étonnante tendresse qu’il ne se connaissait pas. A cet instant il se fichait bien du pied qu’il venait d’écraser, il se fichait bien d’haïr Sweva, il sentait juste qu’il n’avait plus aucune remarque cinglante à lancer, qu’il était démuni et dépourvu de toute volonté, emporté par une ivresse dont il n’était pas certain que l’origine soit l’alcool. Il sentit la chaleur l’envahir et il fit un pas en avant, attrapant au passage le visage de Sweva dans le creux de sa main, et prolongeant leur baiser avec fougue. Et puis Phœnix stoppa brutalement ce moment inattendu et se recula « Merde ! » Il regarda au sol, les sourcils froncés, et leva le pied qu’il venait d’écraser sur son portable. Décidément il écrasait tout ce soir ! Il se détacha complètement de Sweva et porta son attention sur le portable qui avait, sans surprise, cessé de diffuser de la musique, et faisait à présent un bruit inquiétant. Il attrapa le vieux Nokia et le secoua comme si cela allait changer quelque chose, un peu sonné par ce qui venait d’arriver, et déstabilisé par ce dur retour à la réalité.

Après avoir secoué l'appareil dans tous les sens, Phoenix décida d'éteindre son portable puis de le rallumer. Une fois cela fait, il constata que de magnifiques traits colorés avaient fait leur apparition en plein milieu de son écran. Il jura de nouveau, tenta d'appuyer dessus mais c'était trop tard, il était bon à jeter. Cela faisait le deuxième portable qu'il cassait en à peine trois mois. Il sentait qu'il allait piquer une crise de nerf, et il se retint de balancer son portable par terre. Sweva l'attrapa alors par le poignet pour lui parler, et c'est quand il croisa son regard qu'il repensa à ce qui venait de passer. Elle, et lui. Il la regardait et se disait qu'il la haïssait profondément et pourtant c'était bien avec elle qu'il venait de partager un baiser, il n'en doutait pas. Il fronça les sourcils alors qu'elle se mettait à bafouiller, avant de parvenir enfin à formuler une phrase correcte. Il se sentait rassuré, car elle avait l'air aussi paumée que lui « Qu'est ce qu'il t'as pris ? Et arrête avec ton portable à la noix il est foutu. » Phoenix se sentit brûler de rage. Comment osait-elle dire ça ? Il s'approcha et répondit sur un ton qui n'avait rien d'amical « Ah ben ca c'est sûr qu'il est foutu ! Et quoi qu'est ce qui m'a pris ? C'est pas de ma faute si t'es nulle en danse et qu'à cause de toi j'ai écrasé ce foutu portable ! » Bon il s'était peut être un peu emporté. A vrai dire, ce n'était pas tant le fait que son portable soit inutilisable qui le dérangeait, c'était plutôt ce qui venait de se passer entre eux, et aussi le fait qu'elle lui reproche d'avoir fait cela alors qu'elle n'avait même pas pris la peine de le repousser. Et il n'avait pas rêvé, elle avait même prolongé leur baiser. D'ailleurs, s'il n'avait pas marché sur sa vieille relique de téléphone, qui sait si elle l'aurait arrêté ? Il garda les sourcils froncés un long moment, jetant un regard noir à Sweva, puis contemplant son portable complètement cassé.

Il avait envie de hurler, de taper dans quelque chose, tellement cette frustration le dévorait de l'intérieur. Il approcha son visage de celui de Sweva et lança « Je sais pas pourquoi j'ai eu cette foutue idée de venir te voir, c'était vraiment une grosse erreur. Regarde le résultat ! » Impulsif, lui ? Absolument pas. L'alcool aidant, Phoenix était du genre à s'énerver pour rien, et c'était sa plus profonde nature, impossible à changer. Il s'était souvent fait larguer ou bien ignorer à cause de cette partie de lui, mais il ne pouvait pas lutter contre cela. Phoenix savait au fond de lui, même s'il ne se l'avouait pas, qu'une grande partie de cette rage et de cette frustration venait du fait qu'il avait apprécié leur baiser, sûrement plus qu'il n'aurait du, et qu'il mourrait d'envie de recommencer. Cette pensée ne fit qu'accentuer son irritement, et il serra les poings de toutes ses forces pour s'empêcher de faire un truc qu'il pourrait regretter. Il plongea son regard dans celui de Sweva, espérant lui montrer tout le ressentiment qu'il avait contre elle et toute l'arrogance qu'elle lui inspirait.

« Excuse-moi, c'est MOI qui danse mal ? Dois-je te rappeler que c'est TOI qui m'a marché sur le pied ! Non de toute évidence t'es pas seulement un boulet, t'as la mémoire d'un poisson rouge et t'es pas capable de danser sans broyer les pieds des gens ! » Phoenix leva les yeux au ciel. Là vraiment, c’en était trop. Phoenix admettait être celui qui avait écrasé le portable, mais c’était entièrement la faute de Sweva qui, peu importe pourquoi et comment, l’avait distrait, à tel point qu’il en avait réduit en miettes son seul moyen de communication. Il lui en voulait à un point fou, pas tellement pour son portable en fin de compte, mais surtout parce qu’il avait cédé, par-dessus tout il lui avait cédé, à elle, Sweva, l’objet de ses plus profondes méprises. Il était tellement frustré de s’être laissé aller qu’il fulminait, se giflant intérieurement. Il tenta de contenir son irritement mais c’était tout bonnement impossible « Eh ben t’avais qu’à le pousser ton pied ! Tu sais ça suffit pas de secouer les hanches comme une cruche pour attirer les mecs, il faut bouger les pieds aussi hein ! J’aurais du m’y attendre, t’as aucun sens du rythme, t'es une véritable humiliation pour Bob Marley ! » Il soupira bruyamment, presque violemment, envoyant valser ses bras dans les airs pour exprimer son mécontentement. A cet instant précis il ne ressentait que de la haine pure et simple pour elle, et absolument rien d’autre. Vraiment rien d’autre. Sweva semblait énervée elle aussi. D’ailleurs ça faisait peur à voir. Phoenix la regarda et sentit son cœur se serrer, et son ventre le brûler. Etait-ce la rage qui lui faisait aussi mal ? « Et bien pars qu'est ce que t'attends, je me porterais bien mieux sans toi dans les parages pour me marcher sur les pieds ! » Elle était froide, brutale, mais efficace dans ses propos. Phoenix ne répondit absolument rien, car elle avait raison. S’il avait suivi ses convictions, il serait parti et l’aurait laissée là. Mais il n’en fit rien.

A vrai dire il n’aurait pas eu le temps de partir, même s’il l’avait voulu. Ils s’étaient défiés du regard, chacun donnant à l’autre un peu plus de sa haine grandissante. Ils avaient l’air de deux bêtes enragées sur le point de se sauter dessus. Et c’est un peu ce qui arriva ensuite. Phoenix serrait les poings avec de plus en plus de force, hésitant entre lui répondre avec cruauté, ou bien partir, très vite, sans se retourner. Seulement Sweva lui agrippa le bras avec force et s’accrocha à ses lèvres avec animosité, si bien que Phoenix, dans sa stupéfaction, recula de quelques pas tout en attrapant la jeune femme par les hanches avec force. Dans la précipitation il avait déserré les poings et lâché son Nokia qui était brutalement tombé par terre. Décidement, le pauvre téléphone n’allait pas survivre à la soirée … Mais Phoenix s’en fichait bien, car à cet instant précis il ne pensait plus à grand-chose, il se contentait de répondre à ce baiser en y déversant toute sa frustration et sa rage. C’était comme si leurs bouches étaient destinées l’une à l’autre, et c’est au bout d’un long moment que Phoenix se détacha de ses lèvres avec déception, car il était forcé de reprendre son souffle, haletant. Il croisa son regard, puis ferma de nouveau les yeux tout en prenant posession de ses lèvres avec frénésie. Phoenix la forca à faire quelques pas en arrière, la plaquant contre le mur et y posa sa main pour garder l’équilibre. Avec l’alcool et l’agitation, il sentait ses jambes vaciller. Et il ne savait plus trop ce qu’il faisait, il savait juste qu’il ne contrôlait plus rien, il tentait désespérement de satisfaire une soif insatiable sans quitter ses lèvres.

Phoenix ne contrôlait plus les battements de son coeur, ni sa respiration, si bien qu’ils se sentit vaciller lorsque leur second baiser atteignit son paroxysme. Il se détacha de ses lèvres à contrecoeur, par nécessité. Partager un baiser aussi ardent n’était pas de tout repos. Il était haletant, et il ouvrit les yeux progressivement, tentant désespérément de reprendre le contrôle de son corps. Lorsqu’il croisa le regard de Sweva, il sentit sa silhouette trembler contre la sienne, et il appuya un peu plus sa main contre le mur car il se rendit compte qu’il l’écrasait de tout son poids en étant si collé à elle. Leur proximité fit frémir Phoenix, et Sweva dut être effrayée elle aussi, car elle ôta sa main des cheveux du jeune homme pour la glisser sur son épaule. Tout était allé si vite. A présent, Phoenix avait la sensation de découvrir une scène dans laquelle il ne se rappelait pas avoir eu de rôle central. Et pourtant il y était. Il était là, indéniablement, plaqué contre Sweva. Sa respiration devint moins saccadée, et il sentit une plénitude l’envahir, comme le calme après la tempête. Il se sentait mieux. Toujours aussi brûlant, mais mieux. La nuit était calme, et tous les bruits auparavant si importunant s’étaient envolés. En réalité, ils étaient peut être toujours là, mais ce qui venait de se passer avait anesthésié presque tous les sens de Phoenix. Il était persuadé de voir trouble, et il songea que ça devait être l’alcool. Et puis, Sweva brisa ce doux silence d’une voix frêle et apaisée « Je crois... qu'il vaut mieux qu'on arrête là. »

Phoenix sentit son ventre se serrer et il se décolla un peu d’elle avec hésitation. Elle fit une tête plutôt étrange, qui illustrait bien ses sensations. Ca avait l’air d’un sourire, mais en même temps, ça traduisait aussi son égarement. Phoenix ne répondit rien, se concentrant sur sa propre respiration qui s’accordait étonnement et parfaitement à celle de Sweva. Finalement, il baissa les yeux et entreprit de se détacher complètement d’elle, et de le faire vite, mais il s’attarda bien trop à ôter sa main de la hanche de la jeune femme. Quand il y parvint totalement, il se stoppa à une distance qu’il jugea suffisante et la contempla avec embarras. Il fallait qu’il dise quelque chose. Il ne pouvait pas rester là avec son air con, à la regarder. Définitivement pas. « Je crois aussi. Ca vaut mieux comme ça. » Il tenta de se distraire l'esprit pour oublier à quel point ce qu’il venait de dire était douloureux et faux. Il n’avait aucune envie d’arrêter là. Et sa gorge se serrait tellement qu’il fallait qu’il trouve autre chose à dire, autre chose, pour oublier tout cela. Il ajouta aussitôt « Je ne peux pas croire que tu aies envoyé Bob Marley se faire foutre. T’as un sacré culot. » Il soupira, balayant le sol du regard avant de tomber sur la carcasse de son portable. Il s’en empara, faisant la moue, puis récupéra la puce avant de jeter le portable de toute ses forces de l’autre côté de la rue. L’objet passa par dessus l’immeuble et s’écrasa dans un bruit sourd et lointain. Malheureusement pour Phoe, cette occupation alternative ne dura que très peu de temps, si bien qu’il fut forcé de se confronter de nouveau au regard de Sweva. Il ne pouvait pas rester là, il savait qu’il était susceptible de se jeter sur elle à tout moment, car maintenant qu’il avait goûté à ses lèvres il savait qu’il ne désirait rien de plus que ça sur terre. Il songea à s’enfuir, évitant le regard clair et perçant de la jeune femme. Le silence était trop lourd. « Tu me dois un portable. » Parler était le seul moyen qu’il avait trouvé pour combler l’espace, et même si ce n’était pas suffisant, cela permettait de gagner un peu de temps.

« Je pense pas qu'il viendra se plaindre.... Puis tu n'avais qu'à pas critiquer mon sens du rythme qui, comme tout le monde sait, est absolument impeccable. » Le point positif, c’était que Sweva n’avait pas perdu son sens de la répartie. Ni son arrogance. Phoenix ne put s’empêcher de sourire, soulagé qu’elle soit toujours la même. Cependant, la réalité revint vite à l’esprit du jeune homme aussi vite qu’elle avait disparu. Même si tout avait l’air d’être comme avant, ce n’était qu’une apparence. Il ne pouvait pas se sortir de la tête ce qu’ils venaient de faire, ce qu’ils venaient de partager. Il la regardait en se forçant à penser à autre chose, mais c’était tout bonnement impossible. Phoenix détailla son visage du regard, s’arrêtant un instant sur ses lèvres et tentant de s’en rappeler le goût. Il frissonna. C’était vraiment une épreuve de rester si loin d’elle, et il se demanda comment il parvenait à tenir. L’épisode du lancer de portable terminé, Sweva lança « Je te dois rien du tout, c'est toi qui a marché dessus et qui l'a achevé en le balançant. » Phoenix leva les yeux au ciel, sentant une certaine irritation l’envahir de nouveau. Il voulut répondre méchamment, mais se contenta de marmonner quelque chose, de façon quasi inaudible, comme s’il se parlait pour lui-même « On se demande à cause de qui … » Puis vint un long silence, silence durant lequel Sweva sembla s’étrangler en tentant de parler.Phoenix sentit qu’elle n’était pas sur le point de lui faire une remarque cinglante ou dérisoire. Elle avait l’air sérieuse. Trop, peut être. Phoenix sentit sa silhouette se crisper, et il tira nerveusement sur le bout de son t-shirt. Que se serait-il passé s’il n’avait pas été lui parler ? S’il n’avait pas dansé avec elle ? S’il ne l’avait pas emmenée dehors ?

Sweva fit un pas en avant, et le jeune homme tenta d’enfoncer ses pieds dans le sol, pour s’empêcher de bouger. Il savait que s’il s’avançait aussi, c’en était fini pour lui. Il regarda Sweva, mourant d’envie qu’elle dise quelque chose, et paradoxalement espérant qu’elle se débarrasse de cet air grave et recommence à le traiter de boulet. Mais elle n’en fit rien. Elle parvint finalement à dire quelques mots « Bon écoute, je... je sais pas ce qu'il m'a pris... » Phoenix sentit sa gorge se serrer. Il savait qu’il n’était plus questions de vannes et de blagues enfantines. Il n’avait jamais vu Sweva aussi … embarrassée et sérieuse à la fois. « On aurait pas, enfin je n'aurais sûrement pas du... » Phoenix prit une inspiration tout en levant les yeux vers elle. Il croisa son regard, et son cœur s’emballa aussitôt. Il était terrifié à l’idée de ce qu’elle allait dire ensuite. Elle allait clairement lui dire qu’il n’était plus question qu’ils se voient, qu’il fallait mettre fin à leur jeu puéril. Et puis elle partirait. Voilà, fin de l’histoire. Phoenix n’avait aucune envie que ça se passe ainsi, mais il demeura immobile et silencieux, suspendu à ses lèvres. « Bon merde j'avoue, ça m'a plu. » Il avala difficilement sa salive, puis osa un sourire un peu hésitant, tandis que ses pensées s’emmêlaient à une vitesse folle. Il sentit une vague de satisfaction l’envahir, une sorte de délivrance, et pourtant il ne parvint pas à se détendre davantage. Il tenta de parler, mais la fluidité de ses mots laissait à désirer « Vraiment ? C’est pour ça que tu t’es jetée sur moi comme un hyène ? Je suis désolé … personne ne résiste à mes charmes de danseur. » Il regretta aussitôt ses propos, se rendant compte de la nullité de sa répartie. Il aurait pu trouver des milliers de choses à dire, à commencer par être honnête et dire que ça lui avait plu à lui aussi. Mais il fallait toujours qu’il mette tout au second degré. C’était plus fort que lui, et surtout face à Sweva, il ne pouvait pas se laisser aller à ses sentiments et devenir vulnérable à ses yeux. Il était incapable de mettre fin à leur jeu, et d’avouer ce que ce baiser avait réveillé en lui. Phoenix songea qu’il ne pouvait pas s’arrêter sur ces propos puérils. Il se sentait idiot et il tenta désespérément de briser le silence, réduisant l’espace qui les séparait en faisant un pas en avant. De là il sentait son parfum, ce qui lui fit perdre un peu plus ses moyens « Je … Je pourrais dire un truc … Du genre, que finalement t’embrasses pas si mal et que c’était plutôt cool mais … » Il marqua une pause tout en approchant son visage du sien, si bien qu’il se mit à murmurer tout près de ses lèvres « Mais, je crois que tu as encore des choses à apprendre, cow-boy. » Phoenix la gratifia d’un sourire amusé, et il crut mourir de désir, le regard posé sur elle. Il ne savait pas ce qui le retenait de s'emparer de ces lèvres à cet instant.

« Oh c'est vrai je n'ai pas pu résister à ton charme irrésistible et à tes talents de danseur ou devrais-je plutôt dire, de broyeur de pied. Puis dois-je te rappeler que c'est toi qui m'a sauté dessus en premier ? C'était à cause de mes hanches que je bougeais, comment est ce que tu as dis déjà comme... Une cruche... ?» Phoenix laissa échapper un petit rire amusé. Sweva avait un sacré talent pour le rembarrer quand elle le voulait ! Il aurait pu tenter de trouver une excuse, du genre, dire qu’il avait malencontreusement trébuché et s’était retrouvé par hasard à échanger un baiser passionné avec elle. Mais ce n’était pas vraiment crédible. « C’était un test. Et tu as perdu ! Tu ne m’as pas repoussé je te signale, ce qui prouve bien que tu es une cruche sans conviction. » Il lui lança un sourire satisfait. Il était plutôt content de retrouver cette espèce de relation frivole et puérile. Il y avait quelque chose de rassurant là dedans, qui les éloigna un instant de ce qui s’était passé un peu plus tôt, et qui n’avait rien de futile. C’était même plutôt … intense. L’atmosphère s’était détendue, mais pas suffisamment pour que la tension qui régnait entre eux se dissipe. Elle demeurait présente, et s’accentuait à chaque fois que Phoenix croisait le regard de Sweva. Des bribes de souvenirs et de sensations lui revenaient constamment à l’esprit, et il brûlait d’envie de posséder ses lèvres à nouveaux, comme un fruit défendu. Il fit l’erreur de se rapprocher d’elle, commentant leur baiser avec ironie. Bien sûr qu’il l’avait apprécié, et il n’était pas sûr qu’elle ait quoi que ce soit à apprendre dans cette discipline, car elle lui avait fait sentir des choses qu’il n’avait jamais vécues avant lors d’un baiser, entre le goût de ses lèvres et surtout ce truc fabuleux qu’elle faisait avec sa langue … Phoenix se gifla intérieurement à cette idée. Il ne pouvait absolument pas avoir de telles songeries alors qu’il avait son visage à quelques centimètres du sien ! Mais ce ne fut même pas lui qui céda, car Sweva l’embrassa furtivement sans même qu’il ait le temps de comprendre ce qui se passait. Cet échange avait été diablement trop court. Phoenix sentit ses lèvres s’enflammer.

« Et c'est sûrement pas avec un boulet dans ton genre que je vais les apprendre.» Elle lui tapota la joue et s’écarta. Comment faisait-elle ça, par quelle force avait-elle pu reculer d’un pas ? Phoenix eut du mal à revenir sur terre après ce qui venait de se passer. Un silence s’installa et de longues secondes s’écoulèrent sans que le jeune homme ne dise quoi que ce soit. Il était si confus, et son cœur semblait vouloir sortir de sa poitrine. Il mourrait de chaud, ce qui était un comble à cette heure avancée de la nuit, et surtout en plein hiver. « Tu ne devrais pas en être si sûre. J’écrase peut être les pieds mais … je pense m’y connaître en matière de baiser. Et le premier truc que tu devrais savoir, c’est que ce que tu viens de faire était vraiment nul. Beaucoup trop court. » Si elle voulait du défi, alors elle avait gagné. Il avait beau se persuader de la détester, étonnamment cela ne le dérangeait pas du tout de lui donner des leçons de ce type. Il s’approcha de nouveau d’elle, réduisant l’espace qui les séparait à tel point qu’il sentit le souffle de la jeune femme effleurer son cou. Il dut prendre sur lui pour ne pas se jeter sur elle comme il l’avait fait un peu plus tôt. A la place, il attrapa son menton entre ses doigts et lui releva la tête, si bien que leurs bouches se retrouvèrent face à face. Il ne la quitta pas des yeux, avant de faire glisser sa main jusqu’à sa joue, puis une partie de son cou, et dans un mouvement doux et harmonieux, il pressa ses lèvres contre les siennes. La tendresse de son baiser contrastait totalement avec sa fougue passée, et il dut faire preuve d’une parfaite maîtrise de lui-même pour ne pas la dévorer sur le champ. Phoenix était naturellement très impulsif et il ne lui arrivait quasiment jamais d’être tendre, ses gestes étaient toujours poussés à l’extrême, rapides et efficaces. Mais cette fois là il s’efforça d’y mettre toute la douceur qui sommeillait au fond de lui, contenant du mieux qu’il le pouvait la sauvagerie qui envahissait sa poitrine. Sentant son cœur s’emballer il mit fin à ce délicat mais intense baiser, et plongea son regard dans celui de la jeune femme « C’était quand même mieux, non ? »