Je ne devrais pas y retourner. Déjà qu'y avoir été une fois était risquée alors y retourner plusieurs fois ... Mais j'en ai marre de jouer à ce petit jeu pour préserver la carrière politique de ma mère. Je l'adore mais j'ai l'impression d'être un monstre caché dans un placard. Oh je ne lui reproche rien vu qu'elle n'est au courant de rien mais c'est l'idée dans ce genre de carrière, d'avoir une famille qui fait le moins de bruits possibles et qui soit aussi lisse que sur les photos des magazines. C'est compliqué. Autant, toute cette histoire et cette hypocrisie me font chier, autant si les gens apprennent que je suis bi ... Y a des risques que j'en prenne plein à la gueule de la part de certaines personnes, en tant que fils de politique. Une part de moi pense y être préparée, l'autre doute de ce fait car parfois, la violence des mots marque à jamais. Nous verrons, j'imagine.

Tout ça pour dire que je suis retourné dans ce bar gay où je suis allé pour la première fois il y a quelques semaines. Normalement ce n'est pas mon type d'endroit, c'est trop facile de trouver un mec là-bas, c'est beaucoup plus drôle quand on doit découvrir un peu ... Mmm, ça m'est déjà arrivé de "dépuceler" un hétéro, surtout en Croatie et une ou deux fois depuis mon retour. C'est assez drôle. Mais parfois, quand j'ai vraiment envie d'un mec, urgemment, je vais dans ce genre d'endroit parce que je sais d'avance comment la nuit se terminera. En entrant, j'attire le regard de deux trois types qui dansent sur la piste sans y prêter attention. Ouais, non merci. Et puis danser n'est pas vraiment mon truc. Ce soir, j'ai pourtant vraiment envie de me changer les idées, surtout après ce qui s'est passé avec Mason. On se parle plus vraiment, voire plus du tout depuis notre altercation dans les toilettes. Cette fois j'ai l'impression que c'est vraiment la fin, et cette idée me soulage autant qu'elle me révulse. Donc ouais, j'ai vraiment besoin de me changer les idées. Si je pouvais croiser Aksebian du coup, ça m'arrangerait. Il devrait bosser ce soir de toute façon. Je m'installe au bar au seul tabouret libre qu'il reste tellement il y a de monde ce soir. Après tout on est samedi. Du coup comme j'ai tout mon temps, j'attends tranquillement qu'on vienne demander ce que je veux.

C'est vrai que je devrais m'abstenir d'aller dans  ce genre d'endroit si je veux continuer à garder ma bisexualité secrète ... Mais bon, à un moment j'en ai un peu marre aussi de vivre comme ça. J'aime ce genre de soirée en plus, celle où vous en avez marre de tout et le seul réconfort, c'est de savoir que s'amuser un maximum va pouvoir aider à oublier. L'idée qu'on va pouvoir faire ce qu'on veut pendant toute une soirée sans se soucier des conséquences du lendemain ... C'est ça la liberté et c'est exactement l'humeur dans laquelle je suis actuellement. Parce que j'en ai marre de Mason et surtout, j'en ai marre de moi. Ce mec qui est maintenant marié et qui empoisonne mon esprit depuis trop longtemps et moi qui ai beaucoup de mal à lâcher prise, à le lâcher lui. On dirait que continuer à souffrir me plaît, c'est affligeant. Mais bref, ce soir en venant au bar, j'ai vraiment dans l'idée de m'amuser et de tout oublier. Peut-être avec Akse, ou alors avec un autre, ça dépend si le premier est occupé. Le premier mec mignon qui croisera mon regard fera l'affaire je pense.

Je file m'installer au bar, pas encore totalement dans l'ambiance de l'endroit.  En plus c'est pas comme si on était en plein dans la période de la Saint-Valentin ... Du genre Mason qui doit sûrement la fêter avec sa ... femme. Aaargh, ta gueule Connor. Pas question de penser à tout ça ce soir ou sinon on va pas s'en sortir. J'attends patiemment qu'on vienne me voir pour prendre ma commande en espérant que ce soit Aksebian qui vienne. En attendant, j'essaie de tout oublier, Mason, ma mère, la politique, les cours et tout ça. Et c'est là que comme par magie, Aksebian se matérialise sous mes yeux. « Alors beau gosse, je te sers quoi ce soir ? » lance-t-il avec les coudes posés sur le bar. Un sourire en coin apparaît aussi sur mes lèvres. Non vraiment, faut que je me lâche ce soir ou je vais exploser. « Ca sera un Long Island pour commencer s'il te plaît. » ai-je fait en gardant un sourire en coin. Je veux lui faire comprendre que la soirée est encore très longue et que je compte bien la faire durer le plus loin possible. « A quelle heure tu termines ? » ai-je demandé faussement non-intéressé.