La nuit avait été longue. Pas éprouvante, juste longue. Aucune véritable urgence, mais elle n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Ce n'était pas seulement parce qu'elle voulait être éveillée si un cas grave arrivait. C'était aussi et surtout parce qu'elle s'était inquiété pour son fils. Elle avait du appeler la baby-sitter... Comme tant de fois, comme bien trop souvent. Mais quel autre choix avait-elle ? Merwan travaillait aussi. Elle l'avait croisé dans l'hôpital. Alors elle était resté à son poste, près des enfants, pour ne pas avoir à lui faire face. Lyla avait honte d'avoir si peu de temps pour son fils. Quand elle ne travaillait pas elle était toujours avec lui... Mais elle travaillait souvent. Trop, peut-être. Anton et ses études de médecine, c'était les deux seules choses qui comptaient. Les deux seules choses qu'elle avait réussi et les deux seules choses dont elle était fière. Parfois elle rêvait de se mettre dans la tête de son fils. De savoir ce dont il rêvait, ce qu'il voulait d'elle, ce qu'elle ne faisait pas comme il fallait. Elle voyait bien à l'hôpital comment les enfants de familles déchirés étaient malheureux. Les espoirs qu'ils fondaient dans la reformation du couple qu'avait été leur parent. Mais c'était la seule chose qu'elle ne pouvait pas lui offrir. Merwan s'était moqué d'elle. Elle l'avait cru, au début. Jusqu'à ce que son père lui avoue tout. Le fils qu'ils avaient eu ensemble était l'unique raison pour laquelle Merwan s'était intéressé à elle. Il était revenu parce qu'il l'avait mise enceinte. Sinon il serait rester elle ne pouvait dire où. Caché. Elle avait cru trouver l'homme de sa vie en le rencontrant mais elle s'était trompé. Parfois les choses sont à sens unique, Lyla en avait fait les frais.

Elle passe dans la chambre de son petit patient préféré. Un garçon plein de vie, mais condamné. Victime d'un terrible cancer. Personne ne pouvait plus rien pour lui. Il subissait de lourd traitement, pour adoucir ses jours, pour se sentir mieux. Il se savait presque mort mais il gardait une foi incroyable en la vie. C'était pour ça que Lyla l'adorait. Elle l'admirait. Elle aurait aimé avoir son courage. Il dormait. Son visage reflétait un apaisement total. Aucune douleur. Surement grâce aux doses de morphine qu'il avait dans le sang. Elle regarda l'heure. Il fallait qu'elle rentre. Depuis qu'elle avait découvert que Merwan travaillait cette nuit, Lyla n'était pas sorti du service de pédiatrie. Elle n'avait pas la force de lui faire face, pas la force de supporter une énième bataille. Pas cette nuit. Mais il fallait qu'elle rentre, qu'elle retrouve Anton un instant, avant qu'il ne parte à l'école. Elle avait besoin de son sourire d'enfant pour s'endormir paisiblement jusqu'à l'heure de manger. Elle se décida, direction le vestiaire. Lyla devait encore récupérer ses affaires et déposer sa blouse. Personne dans le vestiaire. Elle ouvrit son casier et se laissa aller un moment sur le banc qui lui faisait face. Merwan avait le casier voisin. Autrefois elle aurait été ravie. Maintenant ça l'effrayait. Elle avait peur de le croiser, de supporter le regard dur qu'il avait toujours pour elle. Ce regard qui lui disait combien il la détestait quand elle l'avait tant aimé. Il y avait eu des hommes de passage depuis, mais pas un seul auquel elle avait pu s'ouvrir comme elle l'avait fait avec lui. Lyla attrapa sa veste et poussa la porte de son casier. Un soupir. Elle allait retrouver son fils et dormir. Une journée comme les autres, son petit train train quotidien. Rien ne venait jamais le perturber. Elle s'était fermée au monde extérieur.