"Dancing bears, painted wings..." Rien de tel qu'une grosse crise matinale pour bien commencer la journée. Anastasia était dans l'un de ses mauvais jours, c'était certain. La petite d'ordinaire si calme ne cessait de brailler depuis une bonne dizaine de minutes, réveillant ainsi Ambre a une heure presque indécente. Cinq heures et demi du matin, c'était l'heure à laquelle elle se couchait dans son autre vie. Autre vie s'était terminée grâce à Ana. "Things I almost remember..." Ambre berçait sa fille doucement, essayant de la calmer du mieux qu'elle pouvait, avant qu'elle ne réveille le reste de la famille. Elle avait tellement de tendresse dans le regard... Sa fille était tout pour elle, et elle était capable de tout pour ce petit bout. Vous imaginez donc bien qu'une crise du genre, ce n'était rien comparé à ce qu'elle était capable de faire. "And a song someone sings..." Anastasia avait en quelque sorte sauvé sa mère. En tout cas, elle l'avait remis dans le droit chemin. Avant de tomber enceinte, Ambre était le genre de fille pas tout à fait fréquentable, irresponsable, pas capable de rester plus d'une semaine avec un garçon. Elle était instable. Difficile à croire hein? Quand elle y repense aujourd'hui, elle en a presque honte. Et elle est toujours aussi surprise de constater à quel point elle a changé en l'espace d'une année. Une toute petite année, qui pourtant fut pleine de rebondissements. Une année passée à la vitesse de l'éclair. "Once upon a December." Ana se calma enfin, aidée par la voix de sa mère. Cette chanson, c'était SA berceuse. Ambre et Fee lui chantaient alors qu'elle n'était encore qu'un fœtus. Et c'est grâce à ça qu'elle se calmait toujours. Ambre la reposa dans son lit et essaya de se rendormir. Le soleil n'était même pas encore levé, il était trop tôt pour qu'elle fasse de même.

Ambre se réveilla doucement et dans un silence presque total vers huit heures. Sa fille était déjà réveillée et, étonnamment, elle souriait. La jeune française ne put s'empêcher de lui rendre son sourire. Elle ne pouvait pas lui résister, elle était tellement adorable... Elle la laissa dans son berceau le temps d'aller se doucher et s'habiller, puis descendit avec elle au salon. Elle la posa dans son parc et alla préparer son petit-déjeuner. Comme elle ne travaillait plus depuis la naissance de la petite, et même avant, elle avait tout le temps pour elle. Trop de temps même, elle commençait de plus en plus à tourner en rond. Ces derniers temps, elle s'était redécouvert de nouvelles passions : tantôt le ménage, tantôt les jeux sur internet, tout y était passé ou presque. Elle s'était mise à tricoter. Elle craignait déjà le temps de la retraite. Parce que oui, il faudrait qu'elle retrouve un travail. Ou qu'elle reprenne ses études, au choix. Elle ne comptait pas tourner en rond toute sa vie, elle se voyait mal mère au foyer à prendre soin de la maison - elle, prendre soin d'une maison?! Comique. La deuxième qui la poussait à vouloir reprendre le travail, c'était le fait qu'elle ne voulait pas laisser Luke assumer tout seul les besoins pour trois. Elle avait beau avoir une bonne situation financière, ses ressources n'étaient pas inépuisables. Et elle était loin d'être aussi riche que sa sœur. Si elle pouvait encore se payer de jolies choses et avoir le meilleur du meilleur en tout, c'était bien grâce à Fee. Elle avait cela dit bien pris soin de placer ce que lui avait légué son père pour pouvoir s'en servir plus tard. Pas avant que ça ne soit nécessaire. Elle regarda pensivement le biberon de sa fille griffé Tiffany's. Un luxe que peu de mères pouvaient s'offrir. Elle aimait son mode de vie, c'était certain, et la chute serait certes un peu dure. Mais du moment qu'elle serait avec ceux qu'elle aime, l'argent importait peu finalement.

"On va se promener?" Sitôt ces mots prononcés, Ana se mit à couiner, comme pour approuver, et Elvis, l'homme de la maison, s'approcha en remuant la queue, tout excité à l'idée de prendre l'air. Ambre avait délaissé son premier bébé ces derniers temps, et elle s'en voulait un peu. Elle mit sa fille dans la poussette en prenant soin de bien lui attacher son blouson, et attacha le chien à sa laisse. Ils étaient parés. Le temps était clément : le soleil avait recommencé à montrer le bout de son nez. On était à mi-avril et le froid avait commencé a disparaitre. C'était bien plus agréable. Ambre prit le chemin de promenade habituel, passant devant chez Tiffany's et les nombreux autres magasins de la 5th avenue. Elle alla jusqu'à Central Park, et s'arrêta chez Starbucks prendre un cookie et un café. Enfin, elle arriva devant chez elle vers onze heures. C'était parfait : elle allait changer Ana, la faire manger, la coucher, et mangerai après.

"Nick?!" S'il y avait bien une personne qu'elle ne s'attendait pas à voir, c'était lui. Nicholas. Elle n'aurait jamais pensé le revoir. Pour elle, quand il était parti l'été passé, c'était pour de bon. C'était sorti tout seul, avant même qu'elle n'ait eu le temps de réfléchir à la bonne attitude à adopter. Ambre n'avait jamais pensé à ce qu'elle ferait quand elle reverrait Nicholas. Nick, c'était le petit ami qui était parti sans prévenir, la laissant seule et enceinte. Si avant elle l'aurait envoyé balader sans ménagement, là elle était prête à lui parler et à l'écouter. Elle n'avait plus toute la colère qu'elle avait pu avoir à son égard. Elle avait réussi à remonter la pente. Et c'était mauvais de toute façon de garder trop de rancœur. Bon elle était peut-être prête à le pardonner, mais pas à oublier. Ambre avança doucement vers lui, regardant sa fille qui ne comprenait pas ce qui se passait. Ana n'avait jamais vu Nick, elle ne le connaissait pas. Son père, c'était Luke. Ils n'avaient peut-être aucun lien de sang, mais les liens qu'ils avaient tissés en six mois étaient également très forts. Et si Ambre voulait que sa fille puisse connaitre son père - sa relation avec son propre avait été exceptionnelle, et elle ne voulait pas que son enfant ne connaisse pas le bonheur qu'elle avait connu - elle ne voulait pas non plus qu'il évince totalement Luke. C'était hors de question. Elle releva son regard protecteur pour le tourner vers Nicholas. Son regard était à présent légèrement méfiant. "Qu'est ce que tu fais là?"

C'était une idée folle & il le savait. Il s'amusait comme cela à fuir puis à réapparaitre sans prévenir comme si tout le monde était à sa disposition. Il était perdu, complètement perdu & cela faisait un peu plus d'un an que ça durait. Lui qui était obnubilé par sa quête incessante de pouvoir, le désir suprême de reprendre le flambeau de son père, n'avait jamais réfléchi à avoir une vie personnelle développée voire même une vie de famille avant d'avoir atteint la trentaine bien tassée & d'avoir fait ses preuves sur le terrain.
Seulement, le destin en avait décidé autrement & son monde s'écroula subitement quand une jeune femme lui appris qu'elle était enceinte. De lui bien évidemment.

Que pouvait-il faire ? Comment pouvait-il réagir ? Des centaines, des milliers de questions envahirent alors son esprit. Du point de vue financier, il n'aurait aucun mal à gérer la situation, son poste à responsabilités & la fortune de sa famille lui permettaient amplement d'assumer un enfant à charge mais après ? Désirait-il vraiment cet enfant ? Serait-il capable de lui apporter tout ce qu'il mérite ? Après de longs mois de tergiversation, il prit finalement une décision : celle de fuir. Il ne suffit que d'un coup de fil de son père basé à Los Angeles pour qu'il s'empresse de le rejoindre, préférant oublier momentanément tous les soucis que New York lui avait apporté. Il disparut donc comme il était arrivé, du jour au lendemain & ne redonna pas signe de vie depuis. Il s'arrêta donc de réfléchir, préférant ne pas penser à la jeune femme qu'il abandonnait & avec qui il avait tissé des liens forts durant ses derniers mois. Il se contentait simplement d'ignorer la situation, trop lâche pour assumer ses erreurs.

Cependant, il paraît que les miracles se produisent, parfois... C'est ainsi que Nicholas, vêtu d'une chemise blanche au prix indécent, d'un pantalon de costume noir & de derbies, avait refait son apparition, attendant nerveusement sa " famille " dans le hall de leur immeuble sur la 5e Avenue. Les mains dans les poches, il faisait des allers-retours, tournant & piétinant impatiemment, ne sachant quelle attitude adopter. Il avait tenté une tenue qu'il considérait comme décontractée & s'entraînait à sourire avec détachement mais n'arrivait qu'à obtenir un rictus forcé.
C'était en se réveillant qu'un matin, las de dissimuler sa culpabilité sous des heures de travail & de paperasse, qu'il embarqua pour le premier vol, direction la City. Quelle mouche l'avait piqué ? Même lui était incapable de répondre. Il avait passé deux, trois coups de fil & s'était arrangé pour récupérer son ancien appartement sur la Cinquième, non loin de celui de la mère de sa fille, Ambre. Il appréciait cet appartement qui côtoyait de si près le bruit & l'agitation de l'une des avenues les plus célèbres au monde mais qui, pourtant, ressemblait à un cocon relaxant & silencieux.

Avant qu'il ait pu s'en rendre compte, une voix l'interpella. Il avait attendu ce moment durant des heures, voire même des mois. Il se l'était imaginé longuement dans sa tête, essayant de prévoir toutes les issues possibles mais il n'avait jamais réussi à trouver une réponse. Surpris, il fit volte-face &, de ses yeux ébahis, contempla la jeune maman & leur fille dans son landau. Elle était si mignonne avec ses grands yeux émerveillés & déjà son air coquin. Ce serait une blondinette du tonnerre, il n'y avait pas à douter. Malgré qu'il soit tiré à quatre épingles, comme toujours, sa tignasse blonde hirsute & ses traits tirés le trahissaient & montraient une grande fatigue & une angoisse bien palpable.

<< Salut Ambre... >>

Nick laissa une pause, incapable d'enchaîner avec une phrase intelligible & compréhensible. Il s'était pourtant entraîné durant le vol & avait mille raisons à faire valoir, seulement aucune n'était décidée à sortir de ses lèvres entrouvertes.

<< Je, euh... Je m'en veux. & puis, je suis revenu pour voir la petite, enfin tu vois quoi... J'ai repris l'ancien appart, je vais bosser d'ici maintenant. >>

Pitoyable. S'il avait la possibilité d'aller se cacher sous terre, de se mettre la tête dans le sable comme les autruches, il l'aurait fait depuis longtemps. Lui pourtant si assuré, incroyable orateur, était réduit à ne pouvoir articuler que des brides de phrases sans sens. L'émotion l'empêchait d'agir raisonnablement & il se contenta de fixer la petite fille aux joues roses d'un air curieux. Alors c'était elle ? La raison de son retour. Cette petite chose fragile qui semblait intriguée par la situation. C'est sûr, elle devait se demander ce que ce monsieur bizarre voulait à sa maman.

<< Écoute, je me doute bien que tu n'es pas enchantée de me revoir, surtout aussi tard... Mais je pense que ce serait mieux pour la petite si elle avait un père. >>

Enfin. Il avait réussi à retrouver un peu de contenance & s'était redressé pour prononcer ces mots. C'était son meilleur argument après tout, autant ne pas le gâcher. Les Lefebvre s'étaient montrés, jusqu'à présent, des pères lamentables, peut-être pourrait-il rattraper le coup ? Il n'était peut-être pas trop tard. L'idée que la demoiselle ait déjà trouvé un père de substitution, ait refait sa vie, ne lui avait jamais effleuré l'esprit & il n'était pas encore prêt à essuyer le choc d'un échec aussi cuisant.

"Tu as l'air fatigué..." Plus elle l'observait, plus Ambre les souvenirs revenaient. Il n'avait pas vraiment changé. Toujours ces mêmes cheveux blonds ébouriffés, ces mêmes yeux bleus océans dans lesquels elle aimait autrefois se plonger pendant de longs moments, et ce même air déterminé et courageux qui le caractérisaient. C'était son Nick. Celui qu'elle avait aimé. Bon le possessif n'était plus vraiment approprié là, mais elle avait l'impression que rien n'avait changé, en le voyant devant sa porte, comme ça. Comme si ces six derniers mois n'avaient jamais existé. Bam, balayés en trente secondes. Mais rien n'était plus comme avant et malheureusement, la douleur avait bel et bien été là, elle pouvait le sentir encore, quelquefois. Elle avait été tellement forte, au départ, que tout le temps qui était passé n'avait pas vraiment réussi à la faire disparaitre. Oh non, elle ne lui en voulait plus. Mais il y aura toujours ce petit sentiment dont elle ne saurait expliquer la teneur... Elle allait toujours avoir une certaine appréhension à ses côtés. Peut-être qu'elle avait tout simplement peur que la simple évocation de son nom, une simple pensée pour lui raviverait sa peine. On a l'impression que c'est exagéré, comme ça, mais vraiment, Ambre était restée au stade loque-qui-ne-veut-plus-sortir-de-son-lit pendant quelques semaines. Le départ du jeune homme l'avait affecté plus qu'il n'aurait fallut, elle s'en rend compte aujourd'hui. Mais à l'époque, elle était beaucoup plus vulnérable que maintenant, et pas aussi forte. C'est d'ailleurs cette 'épreuve' qui lui a donné la force qu'elle a à présent. Ses proches avaient beau lui dire qu'elle allait s'en remettre, qu'elle méritait mieux, non, pour elle, c'était Nick qu'il lui fallait, c'était avec lui qu'elle voulait élever leur fille, et rien ne pourrait la faire changer d'avis. Jusqu'à ce que Luke n'arrive. Elle s'autorisa à s'approcher un peu plus du père de sa fille, tout en restant à quelques centimètres de lui tout de même. Gardant une distance de sécurité, si on peut dire. De là, elle put encore plus nettement déceler la fatigue sur ses traits. Elle vit également quelque chose d'autre. Quelque chose de nouveau, une nouvelle expression différente à celles qu'elle lui connaissait déjà par cœur. Non là, il émanait de lui une réelle sincérité, et beaucoup, beaucoup de remords. Ah. Après son départ, elle s'était longtemps demandée, torturée même, si Nicholas avait ressenti du remords. Si, ne serait ce qu'une toute petite partie de lui-même regrettait et voulait faire machine arrière. Elle avait attendu son retour, croyant dur comme fer que ce n'était qu'une passade et qu'il allait revenir. Mais rien. Rien avant aujourd'hui. Elle s'était faite à l'idée qu'elle ne le reverrait plus. Oh, Nick ou l'art de faire douter.

Ambre l'écouta parler, attentivement. Alors la raison de son départ, c'était donc ça? Il voulait revenir en arrière? Être là pour Anastasia? Il y a six mois - soit quelques jours après qu'il soit parti - elle aurait pleuré de joie, lui aurait sauté au coup, et l'aurait embrassé pour manifester son bonheur. Quatre mois auparavant - peu après la naissance de leur fille - elle lui aurait demandé s'il se fichait d'elle et l'aurait méchamment envoyé balader. Comment osait-il espérer qu'elle pouvait tout oublier, enfermer Luke aux oubliettes, après ce qu'il avait fait? Aujourd'hui, c'était encore différent. Elle était... eh bien... indifférente n'était peut-être pas le mot, disons plutôt qu'elle était à mi-chemin entre la joie et le dédain. Non, elle n'allait pas le virer, mais elle n'allait pas non plus l'accueillir à bras ouverts et faire table rase du passé, faire comme si rien n'était arrivé. En tout cas, elle croyait sincère. Lui d'habitude si bon orateur avait du mal à trouver ses mots. Si ça c'était pas une preuve de sincérité et de vulnérabilité. "Wow." souffla-t'elle, sans savoir quoi dire, Elle jeta alors un regard à sa fille éveillée. La petite n'avait aucune idée de ce qui se tramait tout près d'elle. "J'ai longtemps attendu ce moment, tu sais. Ça doit faire... plus de six mois maintenant." Elle le regarda à nouveau, et lui sourit. Le sourire qu'elle lui offrit était doux et simple. "Mieux vaut tard que jamais." Sa remarque n'était en rien méchante, c'était peut-être plus pour détendre l'atmosphère. Il y avait une certaine tension qui déjà s'était quelque peu atténuée au fur et à mesure qu'Ambre s'approchait du père de sa fille. En le voyant si vulnérable, elle avait du mal à comprendre comment elle avait pu tant lui en vouloir, comment elle avait pu t'en s'acharner sur lui. Elle avait toujours pensé qu'il n'avait jamais eu mal, que lui était heureux et qu'il se foutait bien de la douleur qu'il avait causé. Mais lui aussi en avait apparemment souffert. "C'est bien... Je voulais qu'Ana connaisse son père, son vrai père. Une relation père/fille, c'est spécial, peut-être même plus que celle avec la mère." Ca, elle avait pu le vérifier elle-même. Elle avait toujours été proche de son père, c'était fusionnel, il était son héros. Alors que sa mère... il n'y avait pas grand chose à dire dessus. Juste que les choses s'étaient arrangées depuis la naissance d'Ana. "Est ce que tu veux entrer? On sera mieux pour parler à l'intérieur.." Et pendant qu'elle ouvrait la porte, Ambre avança la poussette vers Nicholas de façon à ce qu'il puisse vraiment la voir. "Elle s'appelle Anastasia au fait."

Ambre baissa la tête et se sentit légèrement rougir suite au compliment de son ex. Elle qui avait tellement douté sur ses capacités à être une bonne mère ne s'en sortait évidemment pas trop mal. Bien sûr il y avait des jours où c'était plus difficile que d'autres ; mais c'était le quotidien de toutes les mères. Elle n'était pas plus nulle qu'une autre. En tout cas, elle était toujours aussi gênée face à un compliment, et bien qu'elle reconnaisse quelquefois que ledit compliment était fondé, elle ne pouvait s'empêcher de virer rouge tomate et de remercier la personne du bout des lèvres. Elle ne répondit rien à Nicholas, mais elle n'en pensait pas moins. Parce que ces paroles avaient d'autant plus d'impact que c'était lui qui les prononçait.

"Ce serait mal me connaitre que de penser que je t'aurais laissé dehors... Certes je t'en ai voulu, énormément même..." Elle marqua une pause en repensant à ces derniers mois. Elle ne cherchait pas à le culpabiliser encore plus. "Mais je me suis rendu compte que ça ne servait à rien de t'en vouloir. C'était presque néfaste." Ambre avait arrêté de lui en vouloir en partie pour sa fille ; elle ne voulait pas qu'en grandissant, Anastasia s’imprègne de la rancœur de sa mère vis à vis de son père, qu'elle lui en veuille à son tour alors qu'elle ne l'a jamais connu, ou encore qu'elle évolue dans un environnement rempli de haine. Ce n'était pas sain pour un enfant. Et puis comme la française avait eu une excellente relation avec son père - euphémisme! - elle voulait que sa fille, même sans jamais le voir, puisse également l'admirer. Ça pouvait paraitre paradoxal comme pensées après tout ce qu'elle avait traversé, mais ces pensées étaient bien réelles.

Tandis qu'elle tenait la porte ouverte pour que Nick puisse entrer et que la poussette puisse passer, elle regarda avec émerveillement le père de sa fille agenouillé tout près de la petite. Elle pouvait voir tellement d'émotions en lui... Tellement d'amour aussi... Ambre s'en aperçut tout de suite ; il n'allait pas tout faire foirer cette fois. Pas après le moment qu'il venait de vivre. En tout cas elle l'espérait du plus fort de son être. Elle se surprit à imaginer un instant ce qui se serait passé s'il n'était pas parti. Les imaginer tous les trois, partageant des moments simples de la ville quotidiennes, dans une grande maison en banlieue... C'était le rêve qu'elle avait à peine eu le temps d’effleurer avant que tout ne disparaisse. Enfin, l'image était peut-être un peu forte, elle n'avait pas à se plaindre de sa vie à présent. Quand il releva la tête, Ambre le regarda dans les yeux, plongeant tête la première avec lui dans l'océan de bonheur qui était apparu. Il se comportait déjà comme un père. "Je sais." Elle se recula ensuite pour les laisser entrer, et referma la porte derrière lui. Elle ne quitta pas sa fille des yeux un seul instant, remarquant que la petite était elle émerveillée, se demandant qui pouvait être ce grand homme blond qui venait de lui caressait la joue. Ambre n'en était pas sûre, mais sa fille devait savoir qu'un lien fort les unissait tous les trois. Autrement, elle n'aurait pas réagi comme ça. "Je trouve qu'elle te ressemble."

La remarque sur le prénom la fit sourire. "J'ai toujours aimé ce dessin-animé... Mon préféré." Elle le conduit ensuite au salon après avoir pris Ana dans ses bras. "Assieds toi." Elle tendit alors la petite au jeune homme. "Tu peux la prendre? Le temps que j'aille chercher à boire. Enfin si tu as soif." Sans attendre de réponse, comme souvent, elle alla à la cuisine chercher à boire, laissant seuls le père la fille un petit moment. Quand elle revint, elle alla droit au but, après avoir posé les verres sur la table. "Pourquoi t'es parti?." Cette question lui avait tellement torturé l'esprit, et ça la démangeait tellement de la poser depuis qu'il était arrivé - elle s'était retenue, tant bien que mal - qu'elle ne put faire autrement que de la poser.

"Elle en a déjà pas mal tu sais." Véritable petite graine de star, Anastasia faisait fondre tous ceux qu'elle croisait en un rien de temps. Yeux brillants, air malicieux et grands sourires, il n'en fallait pas plus pour que son interlocuteur craque. Remarquez, il n'était pas rare qu'un bébé fasse craquer un adulte, mais cette petite là avait un pouvoir de séduction encore plus fort. Ses grands bleus et ses cheveux blonds clairs jouaient pas mal en sa faveur également. Elle avait la même expression qu'Ambre le même visage. Mais ses yeux, c'était de Nick qu'elle les tenait. "Ce sont tes yeux." dit-elle, pensive. Elle regardait sa fille, sans vraiment la voir, comme si elle regardait dans le vide. La beauté de sa fille l'émerveillerait décidément toujours.

Ambre se trouva étrangement calme. Elle qui n'était pas à l'aise dans ce genre de situations aurait pu-être sur la défensive ou agressive, ou encore presque effrayée à l'idée de parler. Elle ne cherchait pas ses mots, respirait calmement. Encore un exemple qui appuyait sa nouvelle maturité.

Quand la française revint de la cuisine, elle découvrit un portrait magnifique d'un père et de sa fille. Blottis l'un contre l'autre, on ne pouvait pas soupçonner un seul instant que c'était la première fois que les deux se voyaient. C'était presque un portrait de famille. Elle se stoppa un instant, regardant le tableau qui se présentait à elle. Elle ne s'en rendit pas compte, mais un sourire béat s'était emparé de son visage. Quand elle s'en rendit compte, elle eut vite fait de le transformer en sourire un peu plus atténué. Et elle se remit à imaginer ce qu'aurait été leur vie tous les trois. Nick aurait été un père parfait, lui aussi. Il avait ça dans le sang, même si pensait ne pas être à la hauteur. Ambre connaissait son histoire, sa relation avec son père. Il avait peut-être peur de mal faire? Elle ne savait pas très bien. Mais si c'était ça, elle comprenait ses doutes. Elle avait eu les même. Sa plus grande peur, en apprenant qu'elle était enceinte, avait été de tout foirer et de se comporter comme sa mère. En ne se souciant pas de sa fille, en déléguant son devoir maternel sur le père, ou sur des nourrices... Devenir sa mère en somme. En un sens, le départ du PDG lui a fait se rendre compte qu'elle ne deviendrait pas sa plus grande peur : une mauvaise mère. Elle ne pouvait plus s'appuyer sur quelqu'un d'autre (bon, il y avait sa sœur, Pedro, et tout le monde, mais ce n'était pas réellement pareil...). Mais finalement, le simple fait de tenir sa fille dans ses bras pour la première fois a fait s'envoler tous ses doutes. Ambre avait ça dans le sang, tout simplement. Et il en était de même pour Nicholas. De toute façon, s'il comptait rester dans la vie de leur fille, elle comptait bien l'aider et le rassurer.

La question qu'elle posa ensuite eut un effet plutôt surprenant. Enfin, peut-être logique quand on y pense, mais Ambre ne put s'empêcher de sursauter. Sa fille fit de même, se mettant à pleurer à cause des 'secousses' que lui apportaient son père. Cependant, Ambre ne bougea pas, attendant de voir ce que ferait l’intéressé pour calmer le bébé. "Est ce que ça va?" Un air légèrement inquiet était tout de même apparu sur son visage. Sa fille n'avait pas l'air d'apprécier. Elle se força à rester à sa place, et se colla encore plus au fond de son siège. Elle devait laisser Nicholas se débrouiller. Alors, elle se concentra sur ses mots. Ah ça oui qu'ils étaient jeune! Elle venait à peine de fêter ses dix-neuf ans lorsque sa grossesse s'est déclarée. Le problème était que si elle avait voulu fuir, elle, elle ne pouvait pas. Bien sûr toutes ces idées d'abandonner son enfant étaient parties aussi vite qu'elles étaient arrivées. "Et tu n'as jamais songé à me faire part des tes doutes? On en aurait pu s'en sortir à deux, faire face. Ou tu aurais pu me dire que tu ne t'en sentais pas capable, que tu avais besoin de prendre de la distance..." Elle l'aurait laissé partir, évidemment. Non sans essayer de le convaincre que certes ça n'allait pas être facile au départ, mais que la vie à trois n'allait être pratiquement que du bonheur. Ou qu'ils étaient capables de faire face à deux. Et si, là encore, il se sentait toujours... étouffé, elle l'aurait s'en allait. "Je t'aimais trop pour te retenir contre ton gré... J'aurais voulu que tu sois heureux, et si t'en aller était le seul moyen..." Elle baissa la tête, regardant ses posées sur ses genoux. C'était un peu dur pour elle de se replonger dans cette étape de sa vie, étape de laquelle elle avait eut extrêmement de mal à sortir indemne. Une de ses paroles en particulier retint son attention. Elle releva la tête au même moment qu'il prononçait ses mots. "Je te pardonne." Elle avait parlé d'une voix étranglée, comme si ses mots étaient restés coincés dans sa gorge. "Je te pardonne." répéta t-elle plus fort. "Comme je l'ai déjà dit, je dois te pardonner. C'est mauvais de vivre dans la rancœur... Puis tu es là aujourd'hui, devant moi, et te voir comme ça, avec elle..." Elle stoppa sa phrase pour regarder avec douceur sa fille se faire bercer par son père et redevenir calme. "Je ne pouvais pas faire autrement." Ambre ne pouvait pas envoyer Nick balader. Elle ne pouvait plus, à présent. Pas après tout le chemin parcouru en dix minutes. "Tu vas être un excellent père. Le meilleur." dit-elle avec un sourire, comme pour accepter qu'il entre et reste dans la vie de sa fille. Mais ce n'était pas sans une petite réserve toutefois... Elle avait pardonné, mais pas oublié, et quand bien même il paraissait sincère, elle n'était pas à l'abri d'un nouvel abandon. Et là, pas sûr qu'elle le pardonne.

Ambre laissa Nick lui prendre la main. Il se mettait complètement à nu, devant elle. Il ne l'avait jamais fait avant. Pas à ce point. Elle ne l'avait jamais vu au bord des larmes, comme il l'était maintenat. Elle détourna la tête pour ne pas se mettre à pleurer elle aussi. Elle était trop émotive, et en temps normal se mettait à pleurer dès que quelqu'un pleurait devant elle. Mais là c'était différent. Ca la touchait personnellement. Elle avait longtemps attendu ces retrouvailles. Au fond d'elle, une toute petite part le savait, l'espèrait. Et ça y était. Nicholas venait de lui faire la promesse qu'il ne fuierait plus. Elle se retourna, face à lui, le regardant dans les yeux. Elle lui offrit alors un regard plein de bienveillance, de reconnaissance, ainsi qu'un sourire. « Je t'aiderais à être le meilleur père possible. Tu te débrouilles pas trop mal. » Elle l'avait vu emmener leur fille dans son berceau. Il avait été attentioné, doux, certes un peu tremblant, mais c'était la première fois qu'il faisait ça. Il allait s'améliorer comme elle s'était améliorée. Ca venait tout seul, tous les parents avaient ça dans le sang, qu'ils le croient ou non. « Je suis sûre que tu n'auras pas besoin de mon aide bien longtemps. » Elle croyait vraiment en lui. Elle l'avait toujours fait. Quand ils sortaient encore ensemble, elle n'arrêtait pas de lui dire que son père ne pouvait pas faire autrement qu'être fier de lui. Elle savait qu'il finirait par obtenir le poste qu'il désirait tant parce qu'il était talentueux. « Tu sais, j'ai toujours beaucoup cru en toi Nick. »

Il ne pouvait pas avoir l'air plus sincère en tout cas. Pas après tout ça. Pas vu tous les signes qui lui prouvaient qu'il l'était. La lueur dans ses yeux, ses tremblements, sa maladresse soudaine... Il respirait la sincérité, la culpabilité et surtout la volonté de se rattraper. C'était tant mieux. De toute façon il savait à quoi s'en tenir si jamais il faisait un seul faux pas. Elle ne pardonnerait pas une seconde fois.

C'est alors qu'il fit une allusion au couple qu'ils avaient autrefois formé. Une allusion sur eux deux, son désir de recoller les morceaux entre eux. Enfin c'est comme ça qu'Ambre l'interpreta sur le coup. Il y avait Luke... Elle n'avait pas trouvé judicieux de parler de lui jusqu'ici. Et elle n'était pas sûre de vouloir le faire. Ils venaient juste de se retrouver, elle venait à peine de lui pardonner... Ils étaient bien là, toutes rancoeurs avaient été mises de côté. Il aurait été bête de gâcher ça. Elle connaissait parfaitement le côté bagarreur, impulsif et jaloux de Nick. Et elle avait peur des conséquences que pourrait amener le simple fait de prononcer le nom de son actuel petit-ami. Elle n'était pas dans sa tête, mais vu comme les choses semblaient tourner, il y avait fort à parier qu'il se mettrait en colère. Elle ne voulait pas jouer avec le feu. Elle ne sut pas quoi dire sur le moment... Elle le regarda donc incrédule, essayant de contourner cette remarque. « Tu n'as rien à me prouver Nick, j'ai confiance en toi... »