Un soleil radieux réchauffe la rue lorsque je quitte mon hôtel, mes affaires harnachées sur mes épaules. Il va falloir que je songe à gagner un peu d’argent si je ne veux pas me retrouver à sec. C’est fou ce que les nuits d’hôtel coûtent cher ici. Il doit me rester à peine de quoi tenir jusqu’à la fin de la semaine et l’idée de dormir dehors dans une ville inconnue ne m’enchante qu’à moitié.
C’est avec cette pensée que je m’aventure dans les allées du célèbre Central Park. J’erre quelques temps dans les allées appréciant le calme et la profusion de verdure après le vacarme de la ville. Beaucoup de New Yorkais sont venu profiter du beau temps de ce week-end à en juger par le monde sur les pelouses. C’est peut-être comme ça que me vient l’idée…
Je finis par m’arrêter dans une allée et je pose mon sac de voyage par terre pour m’assoir dessus. Je retire alors mon étui de guitare de mon autre épaule pour l’ouvre précautionneusement et en sortir mon bébé. Je n’ai pas besoin de l’accorder, c’est presque la première chose que j’ai faite à mon arrivée pour compenser le séjour dans l’avion. Je l’installe simplement sur mes genoux pour commencer à jouer, ne tardant pas à pousser la chansonnette en même temps.
J’ai laissé mon étui de guitare ouvert à mes pieds et très vite, quelques passants y déposent une pièce ou deux, voire même un billet. C’est au bout d’une vingtaine de minutes que l’un d’eux retient mon attention en déposant toute une liasse avant de s’éloigner. Surprise d’un tel geste, je m’arrête de jouer et je me penche pour ramasser les billets. Mon étonnement ne fait qu’augmenter lorsqu’au milieu des dollars, je reconnais ces billets si familiers. Des wons ? Je lève alors les yeux pour chercher le passant du regard en espérant qu’il n’ait pas déjà disparu. Je finis par le repérer assis sur un banc de l’autre côté de l’allée, en train de m’observer. Mais au lieu de me lever pour aller le remercier de m’avoir donné une telle somme, je me contente de le dévisager sans pouvoir cacher ma surprise.
Il lève un sourcil avec un air à la fois interrogatif et amusé à en juger par son petit sourire. Je fronce légèrement les sourcils, j’ai l’intuition de l’avoir déjà vu quelque part… je finis par me ressaisir et lui adresser un signe de tête poli avant de ranger soigneusement l’argent dans ma poche et de me remettre à jouer. Mais je ne suis plus aussi concentrée et je ne peux m’empêcher de lever de temps à autre le regard vers l’homme qui n’a pas bougé de son banc et garde les yeux fixés sur moi.
Au bout d’un moment, je remarque que son regard a changé de direction tandis qu’il observe distraitement le paysage. Je le vois même sortir un livre, sans doute un guide touristique d’après ce que je peux voir de la couverture. Je me sens plus détendue à présent qu’il ne m’observe plus et bientôt, j’oublie même sa présence pour ne plus du tout lever les yeux.
Je joue ainsi environ une heure durant tandis que les passants continuent de remplir mon étui. C’est lorsque je commence à avoir faim que je m’arrête pour rassembler mes gains. Je mets en vrac pièces et billets dans mes poches pour pouvoir remettre mon bébé dans son étui que je referme avec soin. Alors que je m’apprête à me redresser, je vois deux pieds stopper devant moi tandis qu’une voix d’homme s’adresse à moi dans ma langue maternelle.
- Je crois que si tu chantais en anglais, tu aurais plus de succès ici.
Lentement mon regard remonte le long de ces jambes et de ce corps pour croiser celui de l’homme de tout à l’heure. Je marque un temps d’arrêt avant de me redresser tout aussi lentement en remettant ma guitare sur mon épaule. Lorsque je suis à sa hauteur, je finis par répondre.
Je la considère d'un regard intrigué. Effectivement, sans parler anglais, chanter anglais n'est pas évident. Mais avec la phonétique et un peu d'entrainement, on y arrive. Il suffit d'un coup de pouce. Il est vrai que j'ai eu des cours de langues, d'anglais et de japonais avec des bases de chinois dans ma formation. J'ai bien été obligé même si je ne suis pas très scolaire, afin de pouvoir satisfaire mes fans et les comprendre au mieux.
- Alors le temps que tu apprennes, je peux peut-être t'aider en t'apprenant en phonétique la version anglaise d'une chanson coréenne que tu dois connaitre ?
Elle fronce les sourcils, ce que je comprends. La méfiance est mère de sureté et elle ne me connait ni d'Eve, ni d'Adam.
- Pourquoi tu ferais ça ?
Un haussement soulève mes épaules alors que ma bouche adopte une moue indécise se transformant en un léger sourire. A vrai dire, je n'en sais rien moi même...
- Peut-être par solidarité parce que tu as l'air de tout juste arriver ici... Peut-être parce que j'ai bien aimé ta façon de jouer et de chanter... Peut-être parce que je détesterai te voir crever la dalle sous prétexte que tu ne parles pas anglais et que tu puisses passer à côté du fait de toucher tes spectateurs par les paroles de tes chansons. Au choix ! Moi, je ne l'ai pas encore fait !
Nouveau froncement de sourcils qui cette fois me fait sourire franchement.
- Tu crois que je ne suis pas capable de me débrouiller toute seule ?
Je secoue la tête pour la détromper.
- Je suis certain que tu peux te débrouiller toute seule ! Loin de moi l'idée de t'offenser. Peut-être est-ce juste de la solidarité parce que je viens d'arriver aussi... ou parce que je suis musicien aussi. Tu préfères ça ?
Elle me considère un instant, comme réfléchissant sur oui ou non elle accepterait cette raison. Finalement, elle se penche pour ramasser son sac de voyage avant de me tendre la main.
- Koo Eun Byeol.
Ma main englobe la sienne dans une poignée de main exemplaire qui aurait rendu rose de fierté mon manager si je l'avais adressé à des producteurs bien juteux.
- Mister Y... Il va falloir que je passe cherche ma guitare alors pour te montrer... Soit tu viens avec moi et on se pose dans endroit tranquille pour jouer un peu, soit on se retrouve quelque part ! A toi de choisir Miss Star !
Sujet: Re: Pièces rapportées... [pv Mister Y] Dim 8 Mai - 23:32
Mister Y ? Quel drôle de nom ! Ça me fait penser à une chanson. Bah en même temps il ne serait pas le premier musicien à prendre un pseudonyme. Même si je dois avouer que ça me vexe un peu. Je lui ai donné mon vrai nom moi, il aurait au moins pu en faire autant. Enfin passons… D’un signe de tête, je lui indique d’ouvrir la marche.
- Je te suis.
Après y avoir jeté un coup d’œil, il remet son guide dans sa poche avant de me demander.
- Tu as un ticket de métro ?
Je secoue la tête en guise de réponse. À part le taxi depuis l’aéroport, je n’ai plus pris un seul transport depuis mon arrivée. Il plonge alors la main dans sa poche et en sort deux tickets dont un qu’il me tend tout en poursuivant la conversation.
- Tu composes ?
Je me saisis du ticket avec un signe de tête en guise de remerciement.
- Oui. J’aime pas trop reprendre les chansons des autres. Je préfère avoir les miennes. - Alors je t'offre le métro et un café avant d'attaquer et tu me joues une chanson de ta composition en échange. Ça te parait honnête ?
Je penche légèrement la tête sur le côté, avançant les lèvres en travers dans une moue que j’ai l’habitude de prendre lorsque je réfléchis. Un ticket de métro et un café en échange d’une chanson ? Mouais… On va dire que ça le fait. Je hoche alors la tête pour lui signifier mon accord.
- Marché conclu. - Alors c'est parti pour Soho Miss Star !
Il se dirige vers la sortie de Central Park pour rejoindre la station de métro la plus proche. Je lui emboite le pas, mon sac et mon étui de guitare sur les épaules, comme à mon habitude. Tout en marchant, je demande à la fois pour satisfaire ma curiosité et pour faire la conversation.
- C’est là que tu vis ? - Depuis peu oui. Et toi, où vis-tu ?
Il regarde en direction de mon sac de voyage en ajoutant ces derniers mots et je hausse les épaules avec indifférence.
- Nulle part et partout à la fois. - New York est à la fois partout et nulle part à la fois si on en croit les guides. Tu es au bon endroit !
Je souris, haussant les épaules à nouveau.
- J’en sais rien, j’ai lu aucun guide. Je suis juste venue ici pour changer d’air, parce que j’avais envie.
- New York est à la fois partout et nulle part à la fois si on en croit les guides. Tu es au bon endroit ! - J’en sais rien, j’ai lu aucun guide. Je suis juste venue ici pour changer d’air, parce que j’avais envie.
Le temps de discuter, les pas se sont enchainés, l'entrée du métro est apparu, nous voilà dans l'attente du mythique subway. Visiblement, malgré le beau temps et le week end, cela n'arrête pas les usagers qui se pressent nombreux sur le quai. Je suis mal à l'aise dans cette foule, question d'habitude. Quand on risque d'être assailli de horde de fans, on évite les lieux trop peuplés comme ici, sans service de sécurité. Je suis conscient que ce n'est pas ici que mon visage risque d'attirer l'attention, encore moins avec mes lunettes sur le nez et mes cheveux recolorés de leur teinte naturelle mais... c'est plus fort que moi. Je tiraille légèrement le col de ma chemise, sentant la chaleur devenir petit à petit suffocante alors que je l'ai trouvée agréable au dehors.
- C'est ... agréable... de faire ... ce dont on a envie...
Elle hausse les épaules.
- Pourquoi s'en priver ?
J'envie sa désinvolture. A vrai dire, j'ai rarement réellement fait ce dont j'avais envie depuis que je suis entré dans la compagnie en tant que trainee. C'était un choix que je pensais judicieux à l'époque, qui a aboutit à une amère constatation aujourd'hui. Ce doit être cette amertume qui me rend la bouche si sèche et la chaleur qui fait couler cette sueur froide le long de mon dos. Pourtant, je ne suis pas persuadé de rougir de la chaleur, au contraire, mes sensations m'indiquent le contraire. Ne pas penser à la foule. Ne pas penser à ça, ni aux regards. Quand je donnais un concert, il y en avait bien plus après tout ?
- On a pas... toujours le choix... Il faut parfois ... lutter pour l'avoir...
Alors que je tente de fixer mon attention sur le mur derrière elle, sans voir les gens dans mon champ de vision, je la vois jeter un coup d'oeil dans ma direction et marquer un temps d'arrêt, sourcils froncés.
- Est-ce que ça va ? - Il fait... affreusement chaud ici... C'est étouffant... avec ce monde.
Elle soupire je crois, avant de m'attraper le bras pour m'entrainer d'un pas énergique vers la sortie. Je ne suis pas très sûr de l'avoir suivi d'un pas aussi bon, de ne pas avoir trébuché une fois ou deux. Tout ce que je sais, c'est qu'une fois la concentration humaine au mètre carré plus acceptable et le ciel en vu pour augmenter l'espace, j'ai l'impression que ma poitrine va exploser tant l'inspiration que je prends est précipitée, presque vitale. Je me laisse tomber assez sur un plot de béton sur le trottoir, peu sûr de mes jambes. Autant dire que je n'ose pas vraiment lever les yeux vers ma "sauveuse". Autant pour mon orgueil de mâle.. ou mon orgueil tout court.
Il manque de perdre l’équilibre en se laissant tomber sur le plot de béton le plus proche à la sortie du métro. Si je n’avais pas été là pour le retenir, il aurait sans doute fini au sol en plein milieu du trottoir. Je dois avouer qu’il m’a fait peur à un moment alors que toute couleur avait déserté son visage pour ressembler à celui d’un cadavre sur les quais. J’ai bien cru qu’il allait me tomber dans les pommes là tout de suite maintenant. Mais on dirait que ça va déjà mieux puisqu’il commence à retrouver une teinte à peu près normale. Je laisse tomber mon sac par terre à côté du plot pour m’y assoir le temps de le laisser récupérer. Au bout de quelques minutes, je finis par demander.
- Ça va mieux ?
Il hoche la tête alors que sa respiration se fait plus régulière.
- Je crois que je ne suis très habitué aux transports comme le métro... - Dans ce cas on a qu’à marcher. C’est loin d’ici chez toi ? - Presque de l'autre côté de Manhattan ...
Ah ouais quand même… je ne me repère pas encore très bien, mais j’ai une image du plan de la ville assez précise en tête pour savoir qu’on en a quand même pour une trotte. Enfin ça ne m’a jamais fait peur de marcher. Je me relève pour remettre mon sac sur mon épaule, prête à partir.
- Alors allons y. ça va aller toi ?
Il se relève à son tour et tend la main vers moi.
- Ça va aller. Mon orgueil mettra plus de temps à s'en remettre. Tu me laisserais t'aider avec ton sac histoire de l'aider à se réparer ?
Je soupire avant de laisser glisser de mon épaule la bandoulière de mon sac et de le lui tendre.
- C’est bien pour ton orgueil, hein !
Il laisse échapper une exclamation de surprise tandis que je lui laisse le poids du sac mais le mets malgré tout sur son épaule. De toute évidence, il ne s’attendait pas à ce qu’il soit si lourd.
- Dis-moi, t'as des briques dans ton paquetage ? - Non, pourquoi ? - Rien... mais en tout cas je plains celui qui voudrait te le voler ou t'agresser avec une telle arme d'auto défense entre les mains !
Je souris en haussant les épaules. Ça fait si longtemps que je trimballe ce sac que j’en ai vécu des choses avec lui. Celui qui voudrait me le voler aurait bien plus à craindre que de se prendre un simple coup. Ce serait presque comme si on touchait à mon bébé.
- C’est juste ma maison. - Tu n'es pas une étoile mais un escargot !
Il sourit largement en posant sur moi un regard pétillant, son visage ayant retrouvé toutes ses couleurs. Je lui réponds sur le même ton de plaisanterie.
- Ça veut dire que tu viens de faire de moi une limace ? Beurk ! Rends-moi mon sac tout de suite !
- Ça veut dire que tu viens de faire de moi une limace ? Beurk ! Rends-moi mon sac tout de suite !
A la vision sur la route de l'approche d'une voiture jaune bien reconnaissable, je fais un pas sur le côté, comme pour éviter toute tentative de reprise et lève le bras pour héler le taxi.
- Et à ton avis, un escargot, sans sa maison, et sur roues, ça fait une limace à roulettes ?
Elle m'envoie un coup de poing amicale, une bourrade dans l'épaule alors que le véhicule ralentit devant nous. Pour être honnête, je suis venu jusqu'à Central Park. Mais là, après l'épisode du quai du métro, je ne me sens pas vraiment de faire le trajet inverse par le même biais ! Alors autant opter pour la facilité. J'ouvre la portière et adresse un signe à la jeune femme à mes côtés afin de la faire monter en premier.
- Après vous, Mademoiselle l'étoile à bave !
Un rire me traverse alors qu'elle me tire la langue mais je reprends mon sérieux à la voir faire preuve d'une attention toute particulière à sa guitare dans la montée. Je la suis pour m'installer à ses côtés sur la banquette et donne mon adresse au chauffeur. Visiblement, lorsque le professeur d'anglais mandaté par la boite me disait que j'avais un bon accent, on dirait qu'il ne mentait pas puisque le chauffeur reste sans réaction à part un hochement de tête et prend la route. Ou alors en a-t-il vu d'autres ... ? Le trajet est plus court en voiture, il s'agit pour ainsi dire, de descendre l'avenue. J'avoue me concentrer sur le paysage, observer autour de moi plutôt que de centrer mon attention sur ma voisine. Le véhicule ralentit devant ce que je reconnais comme le bâtiment abritant en son dernier étage mon appartement. Déjà, je tends au chauffeur le montant indiqué sur le compteur.
- C'est juste là !
Elle me suit hors du taxi et lève le nez en l'air, vers le haut de l'immeuble que je viens de lui désigner, imitant mon geste. Dans l'ascenseur, au moment de descendre, je marque un arrêt, légèrement ennuyé.
- Désolé, c'est un peu le bazar, je n'ai déballé que le minimum vital...
Effectivement, je n'ai encore déballer que de quoi m'habiller, et encore, au jour le jour, de quoi me laver, de quoi me restaurer - c'est à dire un téléphone et un annuaire des services de livraisons à domicile, un verre, un bol, une assiette et un set de couverts avec baguettes. Ce qui a eu toute mon attention ces derniers jours et m'a maintenu enfermé jusque là ? Mes grattes, mes trésors, guitares, basses, classique, folks, électriques, hybrides... Les acquisitions faites depuis ma première guitare à dix ans ! Quelques partitions grattées, raturées, réécrites trainent ici et là... mon minimum de bazar vital, mes premières notes new yorkaises ...
Je suis presque angoissé en ouvrant la porte, de m'apercevoir que ce que j'ai mis le plus de précaution à préparer au voyage, à emballer, ai pu disparaitre, comme ça, dans un claquement de doigts. Mais non, tout est là, les amplis avec et ... les cartons, tellement de cartons !
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