« Fais chier !!! » Morgana s’était levée en quatrième vitesse, se battant pour remettre sa montre en place comme s’il s’agissait de LA première chose à faire alors qu’elle était encore aussi nue qu’un nouveau né. Son amant de la veille –dont elle ne connaissait pas le nom, toute fidèle à ses habitudes qu’elle était– ouvrit un œil glauque pour lui demander pourquoi elle s’agitait de cette façon, et sa réponse fut aussi rapide que sans appel : « Quand j’aurais besoin d’une chaleureuse épaule, je te ferai signe… mais en attendant, tu as cinq minutes pour remettre tes fringues sur toi et faire comme si on ne s’était jamais vus ! » La jeune femme fila ensuite sous la douche, rapide et méthodique, avant d’enfiler une sorte de combinaison à la fois moulante et pratique afin de survivre à son premier jour de boulot. La mission ? Supporter Dillon Wolf, en pleine course politique, tâche où beaucoup s’étaient cassé les dents avant elle. Mais comme toujours, Morgana n’avait cure d’être une femme et de ses potentielles réflexions désobligeantes… celles-ci glisseraient comme de l’eau sur son corps divinement sculptée par ses heures ardues de sport de combat. En attendant, malgré son réveil en fanfare, la jolie demoiselle fut parfaitement à l’heure pour être présentée à ce fameux Monsieur Wolf, dont elle connaissait l’historique sur le bout des doigts, fidèle à sa précision et à son côté extrêmement pointu. Pas pour rien que Javier Del Toro l’avait embauchée dans son agence… « Enchantée, Monsieur, Morgana Rose » énonça-t-elle en lui serrant la main, son visage de porcelaine marqué par son impassibilité, et, malgré ses formes divines parfaitement mises en valeur avec sa tenue, elle portait une queue de cheval serrée afin d’accentuer le côté strict de sa nouvelle fonction. Les présentations furent rapidement faites, le pédigrée de Morgana donné sommairement avant qu’ils ne soient pour ainsi dire « livrés à eux-mêmes ». Dillon avait beau être accompagné par un cabinet monstrueusement impressionnant, il n’en demeure pas moins que la protection et l’accompagnement physique vers ses différents rendez-vous revenait à la demoiselle. « Suivant l’itinéraire qui m’a été transmis, votre premier rendez-vous est avec Monsieur Jompson, est-ce exact ? Plein centre ville, parking privé, possible d’accès avec votre limousine. Rien qui ne soit inenvisageable. Le rendez-vous suivant pourra être décortiqué au niveau de ses détails dans la limousine, puisqu’il implique votre soirée, Monsieur. » Professionnelle. Peut-être à l’excès, d’ailleurs… mais c’était ça ou ne jamais être considérée que comme une écervelée, une femme sans aucune valeur. Elle voulait croire qu’elle valait un peu plus que ça.

« Finement observé, Monsieur. » C’est drôle, mais Morgana n’était pas étonnée une seconde de la réaction de ce fameux Dillon Wolf. Cela prouvait à quel point son analyse était juste et qu’elle n’avait pas perdu le moindre de ses réflexes d’analyse. Javier n’avait pas manqué de la briefer également avant, ne portant manifestement pas ce client en très grande estime mais sans s’étaler sur la question : il restait un client, payait le prix dû et d’après ce que la jolie monégasque croyait comprendre vis-à-vis de son comportement, il n’avait pas nécessairement voix au chapitre sur la question de sa protection. Aussi, bien loin d’être vexée par la chose –après tout elle restait la reine pour séparer ce qu’elle pensait réellement de son comportement professionnel–, elle profita du fait que deux vigiles entrent justement dans la pièce et se moquent de sa carrure de crevette pour répondre au petit défi lancé par son nouveau patron. « Lequel de vous deux s’estime le plus à l’aise en matière de combat corps à corps ? » demanda-t-elle avec le plus grand sérieux. Le plus carré des deux s’avança, un sourire insolent donnant à Morgana d’autant plus de raisons de lui régler son compte vite fait, bien fait. Il roulait des mécaniques et empestait la suffisance, sans forcément que son efficacité au niveau de son job ne soit avéré. En d’autres termes… aucun intérêt. Mais la jeune femme n’était pas là pour établir un jugement de valeur, plutôt pour faire démonstration sur ses compétences à Dillon Wolf. Elle s’avança donc sur celui s’étant lui-même désigné comme son adversaire, le saluant à la manière des plus grands combattants en arts martiaux –dont elle faisait partie, du reste– avant de n’être surprise par le fait qu’il n’attaque bille en tête avec un coup puissant qu’elle esquiva pourtant avec une facilité déconcertante. Chacun des coups qu’il lui asséna fut évité avant que la phase de contre attaque ne soit engagée : Morgana désorienta le vigile de deux claques contre les oreilles, lui asséna une rétorque vive et puissante dans le thorax avant de paralyser l’homme de trois coups extrêmement précis contre sa poitrine. « Que m’avez-vous fait ? » articula-t-il avec une extrême difficulté. « J’ai simplement bloqué votre système nerveux. Les points centraux du corps sont extrêmement utiles lorsqu’on les connait, car cela évite de se blesser pour rien… vous devriez étudier la chose au lieu de rouler des mécaniques et de ne penser qu’à votre simple force musculaire… car en attendant, vous avez été mis à mal par une simple crevette, pour reprendre vos termes. » D’un nouveau geste vif, elle défit ce qu’elle avait fait, le laissant à moitié sans souffle pour mieux le saluer respectueusement, fidèle à ses propres règles en matière de combat. Oh bien sûr, elle s’attendait à ce que son orgueil ne le pousse à faire quelque chose de stupide, l’attaquant par derrière alors qu’elle s’était déjà retournée vers Dillon pour obtenir une sorte d’approbation quant à leur future collaboration, mais eut tôt fait de se retourner pour lui asséner un double coup de pied en pleine poire qui l’étala à même le sol, inconscient. « Manquer de fairplay, mauvais calcul » énonça-t-elle sans sentiment, incitant son collègue à le soulever pour l’emmener ailleurs. « Je pense que la démonstration était éloquente, mais si vous souhaitez connaître mon pedigree, il vous suffit d’appeler l’agence de Monsieur Del Toro. Lorsque vous serez fixé, je vous serais gré de répondre à mes deux questions de départ afin que je puisse organiser au mieux votre protection, Monsieur Wolf. »

Morgana ne laissa pas échapper un son, se contentant d’écouter avant de ne se retrouver nez-à-nez avec une certaine Janice, proprement charmante au demeurant. Celle-ci lui donna absolument tous les détails manquants et, en bonne professionnelle, la jolie monégasque enregistra le tout sur son Smartphone pour avoir tout à portée de main. Ce n’est qu’une heure plus tard qu’elle se rendit dans le couloir de la comptabilité, sans signaler pour autant sa présence à ce bon Monsieur Wolf. Morgana s’était armée de son livre de poche, dont elle lut un certain nombre de pages avant de n’être aperçue par Dillon en personne, se désespérant manifestement de son professionnalisme plus qu’évident. Loin d’elle l’envie de jouer les intruses, mais elle suivait des ordres extrêmement clairs : ne pas le perdre de vue ni risquer qu’un tiers mal intentionné ne lui mette une balle en pleine tête. Si le futur sénateur n’avait pas conscience du danger lié à sa candidature, autant dire que la jeune femme l’aurait pour deux. « Il n’y a aucun ‘coup’ qui tienne, je fais mon travail Monsieur. Je dois sécuriser chaque périmètre que vous emprunter et ce jusqu’au moment où vous rentrez chez vous et qu’une relève est prise. Ce sont les termes de mon contrat et les ordres sont les ordres, Monsieur. » Morgana n’avait aucun sourire, aucune marque de folie ou même de fantaisie alors qu’elle était capable du pire comme du meilleur en dehors de son travail. Autant dire que Wolf fils était à des lieues de savoir à qui il avait à faire justement. « Je crois me souvenir que vous êtes attendu ce soir, aussi me dois-je de vous proposer de vous conduire à la limousine. » De toute manière, pour ses soirées, lorsqu’il ne s’agissait pas de galas, elle supposait que Dillon était maître de son propre emploi du temps. Mais cela ne l’empêcherait pas de le suivre et de vérifier chaque pièce avant même qu’il n’ait posé un doigt de pied à l’intérieur. Haute conscience professionnelle peut-être, mais au moins, il n’avait pas grand-chose à craindre en sa présence… « Nous y allons ? » se permit-elle de lui demander, attendant qu’il ne donne le top départ pour bouger. Les ordres, toujours les ordres…

« Au risque d’enfoncer une porte ouverte, vous vous êtes vous-mêmes imposé la chose en tentant une candidature de sénateur, Monsieur » rétorqua Morgana sans l’ombre d’une douceur, n’étant payée que pour veiller à la protection de Dillon Wolf et non pour lui cirer les pompes. Il possédait déjà tout un personnel prêt à être au bord du suicide à toute heure du jour comme de la nuit mais ce n’était aucunement l’intention de la jolie monégasque… elle n’avait pas la moindre intention de jouer les paillassons afin qu’il ne l’écrase, elle qui avait déjà une carrière de combattante à son actif et qui donc n’avait plus grand-chose à prouver en soi. Mais loin d’elle l’envie de prendre la grosse tête… ou de casser le groove de Monsieur Wolf en personne ! « Alors nous allons procéder de la façon suivante : l’agence Del Toro va mettre à votre disposition un garde du corps de sexe masculin pour plus de discrétion et je vous retrouverai demain matin suivant vos instructions d’emploi du temps. Je pense que c’est une bonne façon de procéder. Loin de moi l’envie de vous empêcher de vous trémousser sur le dance-floor… quant à me faciliter la tâche ou non, laissez-moi vous dire que si j’ai suffisamment de détails vous concernant pour anticiper les choses, l’inverse n’est absolument pas vrai. Bonne soirée, Monsieur Wolf. » L’ascenseur avait à peine ouvert ses portes que déjà, Morgana appelait l’agence de gardes du corps l’ayant embauchée pour suivre le plan précédemment cité au futur sénateur. Elle attendit consciencieusement que le fameux spécimen ne soit en compagnie de son patron pour disparaître de son côté, mission soirée avec ses deux acolytes préférés… les jumeaux Louise et Nicolas. Ces deux gais lurons attendirent patiemment leur « leader » au club le plus branché de la ville, toujours autant impressionné par les tenues provocatrices qu’elle mettait : cette fois, ils avaient droit à un classique du genre avec une robe aussi courte que possible, d’un rouge pétant, accompagnée de bottes en cuir noir. Cheveux détachés, bien évidemment. Ce soir, elle allait faire fureur et encore les plumer de cent bons dollars, fidèle à leurs petites pratiques de paris en tout genre… « J’ai envie de jouer à frotti-frotta avec ma meilleure pote… MARGARITA !! » Les trois compères étaient des habitués de ce club et se virent offrir leur première tournée avant que tout leur groove ne soit gâché par un seul mot : Wolf. Par tous les enfers, le jeune garde du corps que l’agence avait envoyé pour protéger Dillon avait réussi à se faire semer en l’espace d’une heure à peine… forçant de fait la jeune femme à laisser malheureusement ses deux amis de côté pour se rendre à la poursuite de l’homme d’affaires capricieux… une chance qu’elle ait réussi à placer un traceur dans sa veste ET qu’il n’ait pas changé de veste de costard entretemps, car cela lui permit justement de se rendre jusqu’à l’appartement de l’une de ses maîtresses sans doute, bien qu’elle n’ait pas eu le temps elle-même de mettre une tenue plus appropriée… « Monsieur Wolf, vous avez peut-être semé mon collègue mais j’ai oublié d’être complètement gourde et votre veste était munie d’un traceur ! Ouvrez tout de suite ou la porte risque de ne pas s’en remettre ! »

Morgana savait bien que son comportement n’était pas protocolaire mais après tout, ce foutu couillon l’avait bien cherché. Il mériterait une fessée cul nul devant toute une assemblée pour faire bon exemple mais, rattrapée par son professionnalisme, la demoiselle se contenta d’arquer un sourcil à ses attaques. Il pouvait toujours brailler comme un nouveau né, elle n’en n’avait que faire : la jeune femme savait depuis longtemps mettre de côté le comportement insupportable des grands de ce monde. « A nouveau, très finement observé Monsieur Wolf ! Ce que vous faites de vos dix doigts ne m’intéresse pas tant que vous êtes en sécurité… or, vous avez semé exprès mon collègue et ça, en plus d’être considérablement stupide, c’est dangereux ! Je vais inspecter la chambre et je vous laisserai avec mademoiselle, ce que vous faites de votre temps libre ne m’intéresse pas. » Sans vraiment de douceur, Morgana écarta Dillon pour inspecter les coins de l’appartement, sous les regards presque apeurés de la future amante de son patron. Celle-ci avait sûrement envie de beugler avec hystérie mais tout ce que récolta au contraire la jolie monégasque fut une réaction à propos de sa tenue. « C’est une robe de couturier ? Elle est ma-gni-fi-que ! En plus elle vous met en valeeeeur ! Vous devez faire un malheur, vous revenez de soirée ? » « Chanel ! Je vous que vous avez l’œil… malheureusement ladite soirée a été reportée mais je tiens toujours mes promesses et ma meilleure pote Margarita ne sera pas sans avoir de mes nouvelles. » La jeune femme salua son interlocutrice d’un grand sourire avant de repasser devant Dillon en reprenant son masque d’impassibilité. « L’environnement est clean, je vous attends donc dans le couloir. Au moins je suis certaine que vous ne sèmerez personne. » Et la jeune femme ferma la porte sans autre forme de procès pour mieux reprendre son bouquin, ayant en prévision de poursuivre sa lecture au moment même où son portable sonna. « Je sais Nico, je suis partierapido… rhaaaa le petit brun au cul extraordinaire ? Putain ça me déglingue… mouaaais je lui aurais bien fait son affaire ! Plus qu’à espérer qu’il soit là à une prochaine. Si Louise peut obtenir son numéro, je suis carrément preneuse ! Je te laisse je suis en mission. Moi aussi, j’te bisoute partout ! » Plus qu’à espérer que ladite mission serait expéditive et qu’elle n’aurait pas à poireauter des heures avec des talons aiguilles sans possibilité de s’asseoir…

Morgana n’était justement pas connue pour ses méthodes orthodoxes. Elle agissait de façon radicale et entendait bien continuer la chose justement, car elle avait toujours obtenu d’excellents résultats. Comme toujours, le client se plaignait au début et finissait par s’y faire, la qualité de service qu’elle offrait lui permettant de mettre en avant les résultats malgré ses méthodes. Ce fut sans doute la raison pour laquelle Dillon ne l’impressionna en aucune manière en poussant sa gueulante dans l’ascenseur, lui donnant davantage l’impression d’être face à un pauvre petit bichon pourri gâté qu’à un futur sénateur dont la vie était manifestement transformé. « Vous voulez que je vous dise ? En n’importe quelle autre circonstance j’aurais simplement hoché la tête et me serais confondue en excuse mais vous ne méritez aucun égard de ma part étant donné que vous avez pourri ma soirée. Loin de moi l’envie de me venger de vous, même si j’aurais pu et croyez-moi j’en aurais été tout à fait capable, mais ne comptez pas sur moi pour vous plaindre étant donné que VOUS êtes le premier responsable de ce qui s’est passé. Vous avez joué au gamin capricieux en semant quelqu’un de parfaitement taillé pour vous protéger et de fait, vous m’avez poussée à faire du zèle. Le seul à blâmer est donc vous, Monsieur, sauf votre respect. » Après tout, au départ, il lui avait donné sa soirée et Morgana avait pensé dans sa grande naïveté qu’il n’irait pas jusqu’à semer l’homme supposé le protéger. Mais une fois encore, il fallait être fou pour penser que ce futur homme politique serait faire preuve de raison. « Quant à mes méthodes, elles sont ce qu’elles sont et j’ose espérer que vous n’attendrez pas d’être attaqué pour vous en rendre compte. Vous avez décidé d’être un personnage publique, il est donc normal d’agir en prenant des précautions… non pas en vue de faire de la paranoïa comme vous l’avez si bien précisé plus tôt dans la journée mais afin de s’assurer que vous ne finirez pas le corps dans plusieurs sacs après avoir été longuement dépecé. Maintenant, si votre crise de vieille fille frustrée est enfin redescendue, peut-être puis-je vous raccompagner chez vous. » Hélas… contrairement à ce que Morgana prévoyait, l’ascenseur finit par se mettre en panne au bout de quelques minutes à peine, les bloquant entre le sixième et le cinquième étage. Diable… ça n’arrivait vraiment qu’à elle !

Pour éviter de ne se lancer dans une diatribe sans fin et risquer de l’assommer d’un coup de poing qu’il aurait pourtant diablement mérité, Morgana se contenta de respirer à fond tout en évitant soigneusement de le regarder. C’était plus pratique que de se souvenir de ses longues séances de yoga quotidiennes si elle n’avait pas constamment la raison de sa colère sous les yeux… mais de toute évidence, elle allait devoir tout de même se le coltiner pour un temps indéterminé puisque l’ascenseur décida à ce moment précis de les lâcher. Bien sûr, pas de réseau non plus, et pour ne rien arranger, Dillon semblait être en prise à une sorte de crise d’angoisse que la jolie monégasque était tentée de considérer comme une crise de claustrophobie. Morgana n’était hélas pas dotée de supers-pouvoirs, elle ne pouvait donc pas faire remarcher une machine en panne d’un claquement de doigts mais pouvoir continuer à appeler le gardien en charge de la maintenance était dans ses cordes… bien que cela implique que Wolf fils ne lui claque pas dans les pattes entre temps. « Asseyez-vous pour commencer et fermez les yeux » énonça-t-elle avec son habituel sérieux, le forçant à moitié à accéder à sa requête afin qu’il oublie l’endroit où il se trouvait et qu’il ne soit donc plus en proie à une telle panique. Cela ne servirait à rien de tout tenter pour le sortir de là si elle n’avait pas la possibilité d’obtenir la plus petite aide de sa part… « Vous allez respirer à fond et ne vous concentrer que sur ma voix, d’accord ? Oubliez l’endroit où vous êtes. Pensez à quelque chose d’agréable, qui évoque en vous une sensation de plaisir… ou à une personne que vous souhaiteriez voir à cet instant précis. » Tendant les mains vers Dillon, elle commença délicatement à lui masser les tempes, avec une habileté presque étonnante pour quelqu’un dont la vie avait surtout été faite de combats et autres plans d’action pour survivre. Mais la douceur faisait également partie de son existence, d’une certaine façon, et ce bien que d’une moindre mesure… elle savait en faire preuve, contre toute attente. « On m’a souvent fait ça quand j’avais peur des endroits restreints et bizarrement, ça marche à tous les coups. Respirez doucement, profondément, et tentez de vous dire que bientôt, vous aurez la capacité d’être un emmerdeur fini avec qui vous voulez. J’ai dépassé ma place tout à l’heure et je vous présente mes excuses. Je vais trouver une solution pour nous sortir d’ici mais d’abord, il faut que je sois sûre que vous soyez calmé. Nous ne sommes plus à cinq minutes, n’est-ce pas ? » Inutile de lui mentir ou de le baratiner durant des plombes, lui annoncer ce qu’elle comptait faire serait plus rapide et efficace. Cela ne dérangeait pas Morgana de rester à le masser des heures durant, car suivant les personnes, le temps de détente peut-être plus ou moins long…

Morgana n’était personne pour juger. Certes, elle n’avait pas fait le moindre séjour en prison, n’était pas en soi considérée comme quelqu’un de malfaisant mais elle possédait tout de même un caractère particulier. Lorsqu’elle se trouvait dans son environnement professionnel, elle muselait ce même tempérament mais dès qu’elle se retrouvait face à des hommes ne pensant qu’à la mettre dans leur lit… la jolie monégasque était sans pitié. D’ordinaire, sans doute aurait-elle été moins brutale face à son patron mais il ne fallait pas oublier qu’ils se retrouvaient dans une situation spéciale et que l’on ne savait plus vraiment si elle était censée se considérer comme garde du corps ou bien… femme sortant un homme de la panade. « Vous n’avez rien à craindre avec moi je suis une tombe. Et puis… ce n’est pas mon genre de diffuser de la publicité mensongère, alors vous n’avez doublement rien à craindre quant à votre prétendue gentillesse. » Loin d’elle l’idée de le casser en deux mais elle n’avait pas tort : sa gentillesse présumée n’était aucunement dirigée vers quelqu’un d’autre que lui et bien que la jeune femme s’en foute comme de sa première paire de chaussures à talons, elle n’avait pas pu s’empêcher de le faire remarquer. Puisqu’ils ne reparleraient sûrement jamais de cet épisode, autant éviter de se museler, n’est-ce pas ? « On va passer un deal vous et moi. J’accepte d’être un peu plus souple dans mes méthodes en vous attendant dans la voiture mais cela implique que vous ayez toujours un biper sur vous au cas où, vous m’indiquez si vous êtes en situation de crise. C’est à prendre ou à laisser. Et comme vous allez sûrement être tenté de déroger quand même à ma proposition, sachez que si vous vous amusez à ça… deal’s off. Je reprends ma place première et des deux, je crois que c’est moi qui vous pourrirai la vie. » Morgana n’avait aucune intention d’être douce et gentille, elle appliquait le contrat à la lettre et c’était uniquement par égard pour son patron qu’elle lui proposait cette sorte d’avenant au contrat… pour rien d’autre. Qu’il n’aille pas croire qu’elle faisait cela par grande bonté d’âme et que cela pouvait être complètement considéré pour acquis. « Puisque vous semblez plus détendu, je vais tenter de nous sortir de là… mais ça implique que vous gardiez les yeux fermés. » En effet, la jeune femme ne pouvait pas grimper dans le faux plafond avec une robe Chanel ou même ses talons aiguilles… elle ôta donc les deux, se retrouvant en magnifique lingerie pour se hisser dans ledit faux plafond dont elle avait dézingué l’entrée d’un coup de poing vif. Une chance que l’ascenseur ne soit pas immense en hauteur… « Je crois que j’ai trouvé une façon de revenir à l’étage ! Il va falloir que vous preniez ma robe et que vous me donniez vos mains pour que je puisse vous hisser jusqu’à moi. »

« Je ne pense pas que risquer d’attraper quelque chose soit une excellente idée alors oui, je vais remettre ma robe. Je ne tiens seulement pas à la salir » expliqua Morgana avec un sérieux teinté d’une légère malice. Elle était encore censée se trouver sur son temps libre, moucher Monsieur Wolf lui était donc permis, n’est-ce pas ? D’autant qu’elle ne faisait pas preuve de cruauté ou même de méchanceté… si elle avait voulu le mettre à terre, avec ce qu’elle savait déjà de lui, rien n’aurait été plus facile. Mais la jolie monégasque n’était pas de ce genre là. « Je connais très bien Miss Sprüngli-Schwarz, c’est une ancienne patineuse d’un talent hors pair pour qui j’ai énormément de respect. Je la connaissais bien avant qu’elle ne rencontre le prince Renaldi. Une sorte de respect mutuel entre anciens sportifs… quoi qu’il en soit, m’arranger avec le système de sécurité de sa majesté ne sera aucunement un problème pour moi. » Morgana avait déjà arrangé la chose dans les grandes lignes, pour la simple et bonne raison qu’elle en avait parlé longuement avec Javier Del Toro. La jeune femme avait oublié d’être quelqu’un d’idiot et par conséquent, puisque Monsieur Wolf serait amené à voir régulièrement cette charmante Elvia… prévoir la chose ne pouvait qu’être un gain de temps, n’est-ce pas ? « Puisque vous avez réussi à vous hisser je vous suggère de me suivre, et si vous avez une difficulté dites-le moi surtout. » L’endroit où ils se dirigeaient maintenant étaient plus restreint encore que l’ascenseur, et pourtant, il fallait passer par cette espèce de mini couloir affreusement poussiéreux pour arriver jusqu’à une trappe menant au cinquième étage. Par une chance incroyable, aucune encombre ne fut à signaler, tant et si bien qu’elle fut en mesure de défaire le faux plafond afin de se laisser souplement tomber sur le sol du cinquième étage, heureusement désert. « La voie est libre, laissez-vous tomber » lui demanda-t-elle sans attendre, n’ayant que peu envie de rester en sous vêtements, pieds nus, à la merci des éventuels regards indiscrets pouvant se pointer dans ce fameux couloir. Pourtant, Morgana attendit patiemment que Dillon ne se laisse tomber jusqu’à elle, tendant les bras pour le stabiliser en faisant fi de leur proximité pour mieux lui poser LA question fatidique une fois qu’ils furent à nouveau sur la terre ferme dans un endroit bien moins restreint : « auriez-vous l’extrême obligeance de me rendre ma robe, Monsieur ? »

L’espace d’une demie seconde, Morgana fut tentée de demander à Dillon s’il ne se sentait pas seul au point de vouloir accéder à un chenil en pleine nuit… mais d’un geste vif, et ce fut de loin le plus important, la jolie monégasque reprit sa robe en main afin de l’enfiler pour mieux se diriger de concert en compagnie du futur sénateur à l’extérieur. A vrai dire, s’il voulait avoir accès à un chenil voire même avoir l’impression de ne pas être poursuivi, autant qu’elle renvoie le chauffeur pour que la manœuvre n’en soit que plus efficace. Elle se dirigea vers la limousine sans même lui adresser un mot, déclarant au chauffeur, qu’elle connaissait, qu’elle prenait la relève à partir de là et qu’il n’aurait qu’à se rendre devant les appartements de Monsieur Wolf demain à la première heure. Si Morgana savait distribuer des bourre-pif à tout va, elle avait également une conduite irréprochable. Voilà pourquoi elle incita Dillon à se rendre dans sa voiture personnelle, n’ayant cure qu’il soit le genre macho à vouloir à tout prix être le conducteur… déjà qu’elle le déchargeait de son chauffeur, il n’allait pas en plus lui chercher des poux ! « Je vais vous conduire moi-même au chenil, je pense en connaître un qui ne ferme qu’au petit matin. Votre chauffeur passera vous prendre une heure et demie avant votre premier rendez-vous de la journée comme convenu, aucune crainte à se faire. » Avec habileté et non sans appuyer vivement sur le champignon, Morgana démarra vivement pour se rendre au travers des grandes artères de New York, délicieusement éclairées et ce bien que le fait d’avoir dû abandonner ses chaussures dans l’ascenseur commençait légèrement à se sentir : elle allait finir par avoir les pieds écorchés et complètement gelés par cette fraîche nuit ! « Si Elvia est votre meilleure amie, pourquoi ne pas passer davantage de temps avec elle ? D’après certaines personnes, l’être humain est de meilleure compagnie qu’un animal… mais d’un autre côté, un chien ne vous abandonnera jamais c’est sûr ! Je ne peux pas vous jeter la pierre j’en ai trois. » Mais à vrai dire, sous ses airs presque intéressés, Morgana n’était pas certaine que le fait de voir Dillon Wolf acheter un chien sur un coup de tête la regarde… c’était même tout l’inverse. « Pourquoi vous m’appelez « mon petit scarabée » au juste ? Je peux savoir d’où vous vient cette lubie ? »

« C’est étrange car la Elvia que j’ai connue était une vraie tigresse, elle s’est bien assagie ! » ironisa Morgana non sans démontrer une certaine dose d’hilarité, ne doutant pas une seconde de la raison pour laquelle le prince Renaldi ne portait pas Mister Wolf dans son cœur. Il devait être probablement ce qu’il détestait le plus et pourtant, il fallait être culotté dans la vie. Ne jamais accepter de courber l’échine pour de mauvaises raisons et défendre sa liberté bec et ongle. Certes, la monégasque ployait facilement face à son patron mais il n’en n’était rien dès lors qu’elle cessait d’être garde du corps. Personne ne pouvait la contrôler ne serait-ce qu’une seconde en dehors de son cadre professionnel, et c’était bien ce qui plaisait tant à la gent masculine… Morgana ne laissait jamais d’adresse ou de numéro, craignait plus que tout la répétition et ne souhaitait certainement pas avoir la plus petite corde s’accrochant à son cou. Hors de question ! « Ca vous fait triper d’être un p’tit con, si je traduis bien ? Désolée, mais je prends pas de gants avec vous ce soir, pas alors que je suis censée être en mode chasse et peinarde loin de vous. Sinon, mes chiens s’appellent Plume, Flocon et Nemo. Je n’ai jamais aimé Alexandre Dumas. » La brunette haussa les épaules d’un air insolent avant de ne se garer devant un chenil certes, mais bordé par une boutique pour animaux. Elle incita Dillon à la suivre à l’intérieur afin qu’il puisse être conseillé par le gérant, sans compter sur le fait que ledit gérant la connaissait disons… très bien. Celui-ci ouvrit grand les bras pour qu’elle lui saute littéralement le cou en une étreinte des plus véridiques. Morgana adorait cette espèce de sale type qui lui reluquait pourtant le derrière à chacune de leurs rencontres mais qui s’était avéré être d’excellent conseil pour ses chiens. « Je sais mon cul est exceptionnel mais ce soir tu ne vas pas m’avoir comme cliente, sorry ! Il va falloir que tu conseilles le monsieur derrière, moins sexy mais tout à fait sympa ! Allez, fais pas ton rabat joie et fait voir tes talents. » La jeune femme lui mit une petite tape sur le séant avant de se diriger vers les chiens et particulièrement l’enclos où certains étaient en liberté après avoir glissé un « je vous attends là bas » à l’oreille de Dillon de façon presque sensuelle comme si elle voulait le provoquer. Peut-être cela avait-il été un brin de la manœuvre ! Après tout, Morgana était censée s’amuser, elle se rattrapait avec ce qu’elle pouvait, dans sa robe de soirée trop magnifique pour être portée en environnement pro…

Morgana avait longuement visité le chenil en long, en large et en travers, s’amusant avec ces amis poilus non sans un immense plaisir. Ses propres sacs à puces lui manquaient. La monégasque avait grande hâte de rentrer chez elle afin de pouvoir les chouchouter comme des rois mais aussi leur faire goûter à son sempiternel jogging nocturne, effectué dans un parc tout près de son immeuble où il n’y avait jamais personne à l’heure où elle rentrait. En l’occurrence, puisqu’elle n’avait pas l’intention de border Dillon Wolf ni même de passer la nuit à lui tenir la chandelle, il y aurait probablement encore des âmes qui vivent dans ce fameux parc et qui sait… peut-être ferait-elle une rencontre intéressante qui l’empêcherait de passer une nuit un peu trop solitaire. Voilà bien toute la complexité de la belle brune, elle ne supportait pas qu’on lui colle au train plus de quatre heures max d’à filée, mais la solitude n’était pas davantage son dada. Il n’y avait aucun véritable juste milieu avec elle, et c’était hélas bien dommage… « Pô ? » demanda-t-elle, légèrement incrédule en voyant Dillon se ramener avec un chien tout à fait adorable, en laisse, un bon moment plus tard. D’ordinaire, Morgana se serait probablement contrôlée mais là, c’était bien trop tentant : elle éclata vivement de rire, surtout que le chien ne manqua pas de se rapprocher d’elle pour lui faire la fête comme s’il sentait une odeur canine intéressante sur elle. « Vous avez trop vu Kung-Fu Panda !! Je ne savais pas que vous aviez des bonnes références cinématographiques, Monsieur Wolf ! » Sauf que voilà… manifestement, le futur sénateur était bien décidé à ce qu’elle lui fasse un cours détaillé sur comment s’occuper d’un chien, comme s’il n’avait pas pu demander au gérant du chenil ou qu’il prenait un malin plaisir à retarder le plus possible l’heure de son départ. « J’ai un tête à vouloir vous tenir la main ? Je ne suis pas payée pour ça au risque d’enfoncer une porte ouverte… puis c’est vous qui l’avez voulu ce pépère ! Hein mon Pô ! Mais ouiiii t’es adouraaaable !! »

Morgana laissa un sourire énigmatique peupler son visage quelques secondes alors qu’elle redémarrait la voiture, le chien sur la banquette arrière et Dillon en train de lui demander si elle souffrait de dédoublement de la personnalité. Aussi incroyable que cela puisse paraître… il n’était pas le premier à s’interroger sur la question ! « Je plaide pour ma défense ! Je ne vous connaissais pas jusqu’ici. Vous étiez un milliardaire d’accord mais rien à taper puisque vous n’étiez pas mon patron. Je ne peux pas me permettre d’être délurée devant n’importe qui et à plus forte raison quand je suis au travail. On peine déjà à me prendre au sérieux alors si je me lâche comme je le fais en face de mes deux meilleurs potes… je devrais casser beaucoup de nez pour rétablir ma petite réputation, vous voyez. Donc non pas de dédoublement de personnalité, juste une conscience professionnelle. J’vous demande pas de comprendre, car sans vouloir vous offenser, vous avez l’air d’être un éteignoir ! » Ce n’était jamais dit de façon méchante mais Morgana était franche du collier, il fallait s’y faire. Bien sûr, elle aurait tôt fait de reprendre ses réactions raisonnables et contrôlées une fois qu’elle se serait remise dans la peau du garde du corps, mais jusque là, elle estimait ne pas avoir à prendre plus de gants que cela… pas sur ses heures de repos ! « Ne pleurnichez pas je vais vous filer un coup de main, je suis une amie des bêtes. Je vais vous trouver un bon magasin et avant de vous repartir je vais vous donner deux ou trois tuyaux. Après… vous êtes un grand garçon non ? Donnez-moi plutôt les détails de votre rendez-vous en toute discrétion, que je m’organise, car il va sans dire que si je sais faire le plus d’une fanfare, je sais aussi être aussi silencieuse qu’une pleine enneigée en Sibérie. »