.EWEN & NESSA..I'M GONNA RUN AWAY.
Je m’emmerde. Et je m’emmerde tellement que je n'ai pas trouvé de meilleure idée que de dessiner des moutons sur une pille de serviettes en papier trainant sur un coin du comptoir. Je savais que j'aurais dû m'orienter vers une carrière de grande dessinatrice. Alors je continue mes gribouillages digne d'une enfant de quatre ans et demi, jusqu'à ce qu'il n'y ait quasiment plus de place sur ma serviette et pousse un long soupire en m'affalant un peu plus sur la plaque en bois. On me tape sur l'épaule et je sursaute, me retournant brutalement. « Stresse pas comme ca darling. J'voudrais pas que tu nous fasses un arrêt cardiaque juste avant la fin de ton service. » Effectivement ce serait con puisque je suis cardiaque. Je fais une moue avec ma bouche avant de laisser échapper une rire. « T'es vraiment con Mathis . » Je lui dit sur un ton amusé, avant de lui donner une tape sur l'épaule. « Tu peux partir, je finirais à ta place. » M'affirme t-il. « T'es sûr ? Parce que je peux rester tu sais. » Mon collègue m'affirme que je peux partir et je le remercie. Je lui fait un signe de la main avant que ce dernier ne disparaisse dans les cuisines. Je tourne la clef dans la serrure de la caisse afin de la verrouiller, puis me dirige vers les vestiaires. La journée a été longue. Terriblement longue, et je n'ai qu'une seule envie : rentrer chez moi et me caler devant ma télévision en mangeant un paquet de céréales. J'envoie valser mon tablier dans mon casier - peu importe qu'il soit chiffonné – et enfile mon manteau, attrapant au passage mon sac à main afin de quitter le bar dans lequel je travail depuis quelques mois maintenant. Ce boulot de serveuse je l'aimais bien, malgré les horaires parfois contraignants et les clients un peu trop cons qui ne se gênaient pas pour me draguer ouvertement. Mais ce n'était que quelques petits détails ca. Ce job m'avais permit de boucler mes fins de mois et de payer mon loyer. Ouais, c'était jusqu'à ce que j'hérite des millions de mon père après que je sois partie d'Angleterre comme une voleuse. La vingtaine et déjà millionnaire. Plus d'un me prendrais très certainement pour une folle de rester bosser là-dedans, mais je ne me voyais pas glander du matin au soir comme tous les petits bourges de New York, à siroter des coupes de champagne dès neuf heures du matin. En fait, je vivais très mal ma soudaine fortune. Je n'avais jamais été habituée à avoir un compte en banque débordant de billets de banque. Alors oui je gardais mon petit boulot de serveuse histoire de garder ma vie d'avant, qui me plaisait parfaitement, et par la même occasion pour ne pas éveiller les soupçons. La seule chose bénéfique que me permettait cet héritage, était d'avoir pu quitter le taudis dans lequel j'avais vécut, pour emménager dans un sympathique appartement à Greenwich Village. Ouais, c'était le seul et unique investissement que j'avais fait.

Je fais un « au revoir » général à mes collègues et sort par la porte de derrière. A vrai dire je n'aime pas trop passer de ce côté là, mais nous n'avons pas vraiment le choix. La ruelle est sombre, poussiéreuse et pleine de poubelles et d'amas de détritus. Je farfouille dans mon sac à main à la recherche de mon paquet de cigarettes. C'est mon petit plaisir après le boulot ca. Quelques secondes s'écoulent et je mets enfin la main sur mon paquet. Je coince la cigarette entre mes lèvres et l'allume. Je tire une première latte dessus, faisant rougir le tabac qui se consume lentement. Je reste bien plantée deux minutes dans cette fichue ruelle mal éclairée avant d'en sortir et de m'engouffrer cette fois-ci, dans les grandes rues bondées de monde de la Grosse Pomme. Je n'aime pas trop sortir seule le soir comme ca. J'sais pas...Je ne me sens pas en sécurité. Enfin, je ne suis pas non plus terrorisée à l'idée de sortir seule lorsqu'il fait nuit, mais on va dire que je préfère être accompagnée. Je continue de déambuler, me glissant entre les passants, manquant parfois de peu de me faire bousculer par un type trop pressé qui ne regarde pas où il va. Mon ventre se met soudainement à gargouiller. Pas étonnant, je n'ai rien avalé depuis ce matin. Au loin je repère un homme d'une quarantaine d'années tenant un stand de hot dog. Je m'avance d'un pas assuré vers le stand et me commende de quoi me remplir l'estomac. Une fois que je l'ai payé, je fais demi tour et reprend ma route afin de rentrer le plus rapidement à mon appartement. En quelques minutes j'avais avalé mon hot dog. Mon téléphone se met à sonner, alors je commence à farfouiller dans mon sac – rempli de bordel – afin de trouver mon portable. Evidemment je ne regarde pas où je vais et je fonce dans quelque chose ou plutot quelqu'un au coin d'une rue. Maladroitement, mon sac s'écrase sur le sol bétonné et je m'abaisse aussitôt pour le ramasser. Toujours accroupie, je relève la tête en direction de la personne que je viens de malencontreusement percuter. « Excusez-moi je ne faisais... » Je m'arrête en plein milieux de ma phrase. Merde. Ca ne peut pas être lui.

Il y a des jours comme aujourd'hui, où on enchaine les merdes. Par exemple, cet après-midi j'avais presque faillit faire exploser la machine à expresso avant de casser trois verres. Je ne sais pas du tout comment ca se fait, mais je crois que ce n'est pas ma journée. Ou bien je suis maudite. Ouais, ca doit être ca, parce que quand on voit la vie à la con que je me tape depuis ma naissance, je commence à me poser des questions. Peut-être que c'est l'âme de mon défunt paternel – que je déteste, mais ce n'est qu'un détail – qui me hante et qui a décidé de me pourrir la vie, - comme si il ne me l'avait deja pas assez pourrie d'ailleurs - comme moi j'ai pu la lui pourrir lorsque j'étais en Angleterre. Tout ca pour vous dire qu'il y a des jours comme ca, on l'on fait vraiment tout de travers. Il ne manquait plus que je retrouve une araignée dans mon salon et c'était le jackpot de la soirée. D'ailleurs, comme si je n'en avais deja pas assez bavé comme ca, voilà que je percute quelqu'un. Je dois surement être la fille la plus étourdie de toute la planète pour enchainer les bourdes à ce point. Depuis que j'étais gamine j'étais "un peu" maladroite dirons-nous. Tellement maladroite que j'avais aspiré par accident le hamster qu'on avait en classe. Il s'appelait Arthur, et chaque semaine l'animal un nouvel élève avait le droit de le garder. Jusqu'au jour où ce fut mon tour d'avoir la bête pleine de poils sous ma responsabilité. Mon Dieu, si vous saviez à quel point je m'en étais voulu d'avoir aspiré Arthur ! J'avais dix ans et je n'arrêtais pas de me considérer comme une meurtrière. J'ai tellement pleuré que j'aurais pu rehausser le niveau des nappes phréatiques. Depuis ce jour j'évite les animaux. Tout du moins les petits. Car j'ai un Doberman et je suis certaine qu'il ne passera pas dans le tuyau de l'aspirateur celui là.

En y réfléchissant bien, j'aurais surement préféré tomber sur une araignée en passant le seuil de ma porte, plutot que de tomber sur la personne qui se trouve juste en face de moi. Il me faut bien quelques secondes avant de vraiment réaliser qu'il s'agit bien d'Ewen. D'ailleurs, lui aussi a l'air surpris de me voir ici. Il y a de quoi en même temps ! Il y a de cela presque un an et demi, j'avais quitté précipitamment l'Angleterre, faisant comme si cette vie n'avait jamais existé pour moi, afin de retourner dans mon pays natal, les Etats-Unis. Ewen était l'une de mes aventures anglaises. On s'était croisés par hasard et on s'était plus. Je ne sais pas si je pourrais dire que j'étais amoureuse de lui, mais il y avait tout de même quelque chose de spécial entre nous. Une attraction. Quelque chose d'assez intense. Alors oui, je suis plutôt surprise de le croiser ici. En plein coeur de Manhattan, comme si on ne s'était finalement jamais quittés. C'est vrai, j'aurais très bien pu devenir blonde, avoir pris quinze kilos, et il ne m'aurait pas reconnu. Je range tout le bordel qui est tombé par-terre à cause du choc dans mon sac, et me redresse rapidement. Ce genre de situation était particulièrement gênante pour ma part. Je sens une grande montée de stresse monter dans mon organisme. Bien sur j'avais deja connu des situations embarrassantes avec des hommes. Surtout après une rupture, lorsque l'on se retrouve à un même endroit alors que l'on fait tout pour s'éviter. Le plus incroyable dans tout ca, c'est que l'on se retrouve ici. Moi qui pensais qu'il resterait pour toujours en Angleterre. Je n'avais jamais aimé ce pays d'ailleurs. Ce taux d'humidité relativement élevé et la rareté des rayons de soleil. C'était une horreur pour la californienne que je suis. Moi qui avait toujours eu l'habitude de vivre sous le soleil et la chaleur. Bonjour le choc climatique lorsque j'ai posé les pieds là-bas pour la première fois.

Je passe une main dans ma chevelure, l'air un peu gênée et fait une moue avec ma bouche. Je ne sais même pas par où commencer. Après tout, qu'est-ce que je suis censée faire là ? Me barrer en courant ou bien faire comme si de rien n'était et lui engager la conversation. « Quelle coïncidence... » Je finis par lâcher en me mordant la lèvre inférieure. Oui je suis embarrassée et plutôt nerveuse à cet instant même. « Qu'est-ce que tu fais à New York ? » Je l'interroge. « J'pensais pas que tu aurais quitté l'Angleterre pour venir ici. » Je lui affirme en faisait un léger mouvement de côté avec ma tête. « Laisse tomber...Ca ne me regarde pas de toute façon. » J'affirme en me grattant le coin du sourcil. C'est peut-être moi qui suit totalement paranoïaque mais, j'ai la vague impression que l'atmosphère se fait de plus en plus lourde. Pour être honnête, je voudrais être une petite souris et aller me cacher dans un trou.