Une feuille blanche, Bonny soupira, le crayon légèrement surélevé de son dessin qu’elle n’avait toujours pas touché, elle avait levé et baissé plusieurs fois son crayon rouge avant de finalement le laisser rouler sur la table laissant sa feuille intacte, elle savait exactement quoi dessiner, elle n’en avait juste pas envie. Elle coucha sa tête sur la table, elle n’avait pas bien dormi hier, Amy avait passé une soirée agitée et comme elles dormaient ensemble depuis… toujours, Bonny ne pouvait s’empêcher de bailler toutes les 5 minutes par manque de sommeil.

Finalement, la stagiaire de son cours s’approcha en lui caressant les cheveux, Bonny se redressa aussi tôt éloignant cette main charitable de sa tête, la jeune fille de 9 ans fronçait fortement les sourcils et ses yeux fuyaient le regard de la jeune étudiante, elle n’était pas habituée aux caresses des adultes et elle ne savait pas quoi faire lorsqu’elle bénéficiait d’un peu de tendresse. Elle ne le serait sans doute jamais. Sur la défensive, elle ne savait pas quoi dire à cette jeune femme au sourire avenant. « Et bien, tu ne dessines rien pour la fête des pères Bonny… c’est bien Bonny hein ? Tu ne sais pas quoi faire ? Ou tu as peur que ton père n’aime pas ton dessin ? Tu sais, c’est l’intention qui compte surtout, il sera heureux peu importe ce que tu vas lui faire ! Et… » s’arrêterait-elle de parler un jour ? Bonny venait de déconnecter de cette conversion sans intérêt, cette femme faisait les questions et les réponses. Du coin de l’œil, elle observait les autres de sa classe. Elle n’avait pas l’impression d’être comme eux, elle avait ce sentiment d’être à la marge de ces enfants aux sourires rayonnants et aux habits classes et nouveaux, ils parlaient de dessin animé dont elle ignorait complètement l’existence. Le fait qu’on ait coupé le câble de leur maison il y a deux ans par manque de payement ne l’aidait pas à s’intégrer aux conversations en tout genre. Quoiqu’il en soit, elle n’avait rien à leur dire, quand on n’a pas la télé, que vos grandes sœurs sont toujours dehors afin de bosser, et qu’on se retrouve avec la responsabilité de la plus jeune, on peut comprendre qu’elle n’ait rien en commun avec ceux-là, elle les trouvait irresponsable, à s’intéresser à des conneries, à être très fade… en tournant les yeux vers la stagiaire, elle la trouvait toujours à parler et à faire tourner le crayons entre ses doigts, si elle continuait ainsi à s’extasier devant ses propres conseils, Bonny mettait sa main à couper qu’elle allait terminer le dessin à sa place. Tant mieux, elle ne pouvait pas dessiner ce que son père voulait.

Comment des adultes pouvaient comprendre que son père ne vivait que pour et par l’alcool ? La dernière fois qu’Amy avait fait un dessin jugé « bizarre », elles avaient été placées dans une maison d’accueil, depuis, les filles se méfiaient de ce que pouvait dire ou voir les adultes de leur mode de vie. Après tout, eux ne voyaient que les mauvais côtés, sur le dessin qu’avait retranscrit Amy, il y avait leur mère qui pleurait en boule dans sa chambre, leur père couché à terre dans sa propre urine dégrisant de la veille, les adultes n’avaient vu que ça du dessin de la benjamine, Bonny avait vu les 4 sœurs dans la cuisine, mangeant à table, souriant, solidaire. Oui, leur vie était bizarre, leurs parents absents ce qui leur avait inculqué un sens des responsabilités très tôt, mais… ils ne pouvaient pas comprendre que ce dont elles avaient besoin, ce n’était ni leur père, ni leur mère, c’était « elles » leur clan, leur famille. C’était pour cette raison qu’elles ne restaient jamais longtemps en maison d’accueil, c’était pour cette raison que Mary & Key se battaient depuis qu’elles avaient respectivement 10 et 12 ans pour ramener de l’argent afin de payer leur électricité et leur eaux, afin de mettre de la nourriture sur la table. C’était aussi pour cette raison que Bonny cherchait un moyen de se rendre utile. Tout le monde félicitait son intelligence… mais ce n’était pas l’intelligence qui ramenait de l’argent, Key distribuait les journaux en vélo à partir de 5 heure du matin, Mary avait réussi à trafiquer sa carte d’identité pour paraître plus vieille et travailler dans un magasin assez lugubre où des gens peu recommandables se retrouvaient… et elle, à 9 ans ne faisait rien, elle se sentait tellement coupable de ça. « … tu sais, si tu n’as vraiment pas d’idées, tu peux demander de l’aide à tes camarades des conseils. J’ai vu que tu étais la meilleure de ta classe, si tu vas vers eux dans un premier temps, peut-être qu’ils oseront te demander des conseils à leur tour. » le regard délavé de Bonny se tourna vers la bonne femme, le regard soudain à l’affût. « Comme un genre de tutorat ? » « Oui en quelque sorte, enfin, si tu veux exposer la chose ainsi… au fait, je t’ai fait un petit quelque chose qui devrait plaire à ton père ! » les yeux de Bonny se fixèrent sur le dessin, une fille qui tenait la main de son père, avec un grand sourire sur leur visage. La brune releva le visage et sourit, naïve petite femme qui pensait que comme sa vie était facile et simple, celles des enfants à qui elle enseignait aussi. La sonnerie se déclancha, Bonny fut la première à tout ranger dans son cartable, en constatant que l’autre femme était toujours là, elle lui parla une dernière fois « J’espère que vous êtes une meilleure prof que vous ne dessinez, bonne journée mademoiselle. » Bonny avait toujours été franche et sincère et elle n’avait pas eu l’habitude d’avoir des pinces avec les adultes. Une fois dehors, elle vit que de nombreux parents attendaient fièrement leur progéniture qu’ils accueillaient les bras ouverts. La petite fille détourna le regard et aperçut Amy arriver, elle avait des habits trop larges pour elle, la main de Bonny se tendit et elle sourit pleinement quand elle sentit les doigts de sa petite sœur se refermer sur les siens. Elles se mirent aussi tôt en marche, personne ne venait jamais les chercher elles. Elles discutèrent tout le chemin, Bonny s’intéressant aux notes de la benjamine, à ses quelques amis et aussi à sa vie parfois plus intéressante que celle de la solitaire Bonny. Au moins, Amy était belle et souriante, elle attirait de la sympathie dès le premier regard, Bonny était froide et distante, peu de personnes osaient s’adresser à elle de bon cœur, tous craignait une remarque acerbe de sa part.

Les deux jeunes sœurs arrivèrent finalement chez elle, Bonny alluma les lumières et leva les stores, elles étaient toujours les premières à arriver, quand Key & Mary revenaient, elles étaient la plupart du temps éreintées et mangeaient du bout des lèvres avant de partir se coucher. Amy s’installa sur la table de la cuisine et sortit ses cahiers pour faire ses devoirs, sa grande sœur la regarda avec fierté avant de se mettre aux fourneaux, c’était la fin du mois, elles n’avaient plus vraiment grand chose… Bonny farfouilla les placards avant de tomber sur une boîte de boulettes, la date était légèrement expirée… elle haussa les épaules et prit plusieurs sachets de riz différent avant de se lancer dans une concoction qui allait à tous les coups être fade puisqu’elles n’avaient plus d’épices. Alors qu’une odeur de nourriture enveloppait la pièce lui donnant faim, elle entendit la porte d’entrée être poussée, elle s’éloigna des fourneaux tout en les coupant afin de vérifier qui rentrait, la dernière fois que Mary était rentrée tôt, c’était parce qu’elle s’était ouverte le main et qu’elle pissait du sang.

En voyant la nouvelle arrivée, Bonny cligna des yeux. « Bonny ? » l’appela Amy depuis sa place, en voyant le manque de répondant de sa sœur, elle se leva pour tomber nez à nez avec leur mère qui était dans une période de crise. Dépressive, Jane était plus souvent sujette à des crises de paranoïa extrême ce qui faisait que depuis deux ans, elle faisait des allers et venue dans un centre spécialisé. Ça faisait un mois que Bonny n’avait plus vu sa mère… sauf que là, elle semblait passablement folle, ses yeux ressortaient, ses cheveux étaient en bataille, Amy voulu aller vers leur mère pour la serrer mais Bonny attrapa la main d’Amy et les fit se coller contre le mur. Jane tourna lentement le regard vers elles deux, et Bonny se sentit toute petite, inférieur par rapport à la taille de sa mère… elle semblait vouloir les tuer ou quelque chose du genre. Bonny trembla de la tête au pied et elle claqua des dents, effrayée. « VOUS » vociféra alors Jane en attrapant Amy par les épaules. Bonny repoussa avec des difficultés les mains de sa mère de sa petite sœur. Jane lança un regard meurtrier à sa troisième fille. « C’est de votre faute ! John et moi, on était heureux sans vous toutes ! Vous avez gâché ma vie, tout le monde me prend pour une folle ! Mais je ne suis pas folle ! C’est vous… John ne m’a plus aimé par votre faute ! Je suis devenue grosse… je vous déteste ! Je vous… » Jane donna une baffle à Bonny qui pleura sous la force du coup et tomba à la renverse avant que leur mère ne monte se réfugier dans sa chambre pour pleurer. Ce qui venait de provoquer cette crise de nerf de leur mère devait être… dur à encaisser pour la trop émotive et faible Jane Halesmess. « Bonny » pleura alors Amy sans oser toucher sa sœur. Bonny se redressa et serra fort sa sœur contre elle. « ça va, pleure pas bébé, je suis là » souffla alors Bonny en berçant la benjamine.

« Bah vous foutez quoi ? » rigola John en rentrant dans la pièce une canette de bière à la main, il la vida en une grosse gorgée et lança la vidange à côté de la poubelle ouverte. « Papa ? » s’étonna Amy en voyant son père relativement sobre… d’habitude, il ne revenait que quand la police le ramenait vers 3 heures du matin, complètement inerte par les effets et dommage de l’alcool. « Bah ouais ! » sourit John en faisant un signe à des gens que Bonny ne pouvait pas voir, mais en lisant le visage d’Amy, elle vit s’y inscrire la surprise. « Je nous ramène des cousines ! De mon côté de la famille ! Leur mère est morte, c’te pauvre femme, et soit, je dois m’occuper de ses gosses ! Enfin, si j’ai bien compris, j’aurais du pognon pour ça donc voilà. Bonny, Amy, voilà vos cousines, elles sont jumelles… une c’est Kendra et l’autre Andromeda. » Bonny inspira et se retourna finalement… son père n’avait pas fait… ça ? Elles avaient déjà tellement de mal entre elles pour se gérer, comment pouvait-il penser que Mary & Key pourraient gérer deux nouvelles bouches à nourrir, John ne pensait quand même pas que Mary du haut de ses 15 ans et Key à 13 ans allaient pouvoir le faire ? Un sentiment d’injustice se répandit en Bonny, elle lui en voulait tellement d’être si… inconscient, de ne penser qu’à lui, d’être égoïste et de continuer à sourire comme si la vie était parfaite alors que tous les soirs, Bonny voulait pleurer. En regardant les deux filles, à peine plus jeunes qu’elle, leur désarrois, leur main lié et leur visage effrayé, un sentiment de sympathie se développa chez Bonny, Andromeda & Kendra n’étaient en rien coupable à ce qui leur arrivait… elles venaient de perdre leur mère après tout… et elles venaient d’atterrir dans un foyer difficile. « Enchanté » dit-elle finalement, elles répondirent du bout des lèvres, John était déjà dans la cuisine entrain d’engloutir la nourriture que Bonny avait fait. « Il faut en laisser pour Mary & Key ! » John fronça les sourcils et s’approcha de sa fille tout en secouant sa fourchette en faisant tomber des grains de riz. « Elles n’ont qu’à être à l’heure ! Puis c’est pas comme si c’était elles qui payaient ce qu’il y a dans les placards ! C’est ma nourriture, je la mange dans la quantité que je veux dans la maison que je paye ! Puis c’est ma fête, vous avez quoi pour moi ? » demanda John en regardant Bonny & Amy en attendant qu’elles lui offrent quelque chose. « J’ai fait le repas pour toi… » finit par mentir Bonny. « Et j’ai ça aussi pour toi » la petite fille alla chercher le dessin que la stagiaire avait dessiné pour elle. Quand elle le tendit John eut une sorte de sourire fier dévoilant ses dents jaunes. « C’est trop nous deux ! J’vais aller le montrer aux potes ! » et sans plus de cérémonie, il partit de cette maison où il faisait plus l’effet d’être un colocataire qu’un réel habitant, parfois Bonny se demandait si ses potes c’était les personnes avec qui ils buvaient ou les verres qu’il enfilait.

Les 4 filles se retrouvèrent alors ensemble et firent connaissance, elles mangèrent un tout petit peu pour en garder pour Key & Mary. L’aînée accepta son sort avec fatalité alors que Key monta aussi tôt sans manger pour juste pleurer. Key ne pleurait jamais devant ses sœurs, enfin, juste Mary. En passant devant leur chambre, Bonny rentra sans toquer, elle s’avança dans la pièce, Key s’essayait gauchement les yeux et Mary la regardait le regard complètement éteint, une main frottant encore le dos de Keira. « Je vais bosser, je vais donner des cours à des gens pour gagner un peu d’argent, je vais aussi tenter de voir si je peux pas garder des enfants le week-end… je peux aider, je suis assez grande maintenant. » Mary se leva et entoura sa sœur de ses bras protecteurs, Bonny s’accrocha à sa grande sœur. « Pardon Bonny, pardon, j’aurais tellement voulu être capable de m’occuper de vous toutes… pardon, je voulais tellement pas te faire travailler aussi. » et là, Mary craqua dans ses bras, après tout, elle était encore une enfant. Key se mit aussi tôt sur ses pieds pour les entourer à son tour. Amy fut la suivante à les rejoindre et c’est Key qui invita Andromeda et Kendra à se joindre à ce câlin collectif. « Bienvenue dans la famille Halesmess, ce ne sera pas facile, on va en chier, mais surtout, on sera toujours là les unes pour les autres ! » finit par dire Mary en continuant de pleurer et en parlant à leur deux cousines.

L’honneur et la morale sont des choses qu’on ne peut pas avoir quand on est une Halesmess, et du haut de ses 16 ans, Bonny en est consciente plus que jamais pendant qu’un garçon plus jeune lui tâte le sein droit dans un placard de l’école. Il était brusque, il était clair que c’était la première fois qu’il le faisait, si ça continuait comme ça, Bonny allait avoir le sein en charpie avant la fin de cette séance. « Je peux t’embrasser ? » demanda alors le garçon en la regardant les yeux grand ouverts, son excitation était claire même à vue d’œil. « ça coûte plus cher » fut la seule réponse de Bonny. Il hocha frénétiquement la tête de bas en haut avant de poser gauchement ses lèvres sur celles de Bonny.

Elle avait commencé par donner des cours de tutorat, elle avait vendu son savoir avant de vendre son corps . Corps qu’elle savait avantageux depuis qu’elle avait 13 ans, son côté froid et mystérieux avaient surtout intrigué les plus vieux dans un premier temps qui regardait ses seins avant de regarder ses yeux. Alors… elle avait fait la chose la plus naturelle, elle avait offert ce corps désiré. Enfin, « offrir » quelques caresses, quelques baisers. Rien non plus d’exceptionnel. On toqua finalement à la porte du placard, Bonny s’éloigna aussi tôt de ce nouveau « client » et elle remit convenablement sa chemise, de l’autre côté du placard se tenait Andromeda qui arborait son sourire le plus ironique du monde. « Agréable ? » demanda sa cousine en jetant un regard à… ce garçon dont elle ignorait parfaitement le nom, Bonny roula des yeux, évidemment, elle lui demandait alors qu’il était encore là. Typique d’Andromeda. Bonny ignora sa remarque et se tourna tout sourire vers le garçon, elle tendit immanquablement la main et il sortit les 25$ de sa poche avant de partir sans demander son reste. « Il reviendra, il avait déjà la trique avant de rentrer dans le placard, un nouveau client. » se moqua la jeune brune. Bonny lui ébouriffa les cheveux sous les plaintes de sa cousine qui finit par s’éloigner de quelques pas. « Alors, toi ? ça a marché ou pas ? » « Évidemment ! J’ai dû vendre facilement pour 60$, tes plans sous la douche ont été les premiers à partir. Ceux d’Amy qui se changent aussi. » A cette remarque, Bonny grimaça, on parlait quand même de sa petite sœur !

Tous les moyens étaient bon pour se faire de l’argent, elle l’avait toujours su. Et elles avaient chacune leur moyen. Mary bossait comme une dingue, Keira quoiqu’elle fasse réellement ramenait le plus d’argent, Bonny ne savait pas dire exactement quoi, mais elle doutait de honnêteté de l’acte en soit, mais que pouvait-elle dire quand elle savait qu’elle était celle qui ramenait le plus ? Elle, bah, elle vendait tout ce que Dame Nature lui avait offert. Andromeda venait d’être prise pour bosser dans une usine peu recommandée. Kendra était la baby-sitter de la ville. Et Amy aidait par-ci et par-là. Enfin, en tout cas, Andromeda était venue la voir pour un plan à la fois osé et immanquablement attirant : revendre des photos des filles de la famille sans leur accord. Il y avait toujours des pervers dans la ville, et même si les sœurs Halesmess n’étaient pas les filles que papa et maman recommandait à leurs enfants. Ceux-ci fantasmaient clairement sur le physique avantageux des sœurs. Du coup, Bonny avait approuvé, elles n’en avaient pas parlé aux sœurs, pour la bonne et simple raison que les photo auraient sans aucun doute manqué de naturel, pour Bonny & Andromeda. Et bien Andromeda passait son temps dévêtue, elle n’avait pas honte de son corps, et Bonny savait placer les besoins des siens avant tout.

« C’est pas si mal pour une première fois ! » sourit alors Bonny en combinant l’argent. Ce soir, elles allaient pouvoir faire un bon repas. Comme chaque fin de mois, tout devenait dur, mais bon, maintenant qu’elles étaient toutes en âge de se débrouiller ! De retour à la maison, Kendra préparait le repas d’Harry, le dernier de la famille, le fils de Jane et un parfait inconnu aux origines noirs. Les sœurs n’en parlaient pas, John faisait comme s’il ne voyait pas le teint basané de son fils. Dans le fond, elle s’en foutait, au final, Harry restait son petit frère. La jeune adolescente lui embrassa le front avant de passer sa main dans ses cheveux à la texture si particulière, elle sourit en le voyant gigoter, elle frotta tendrement son nez contre la joue de bébé de son little Monkey, depuis tout bébé, c’était le surnom affectueux que lui donnait ses sœurs. Ses sœurs et mères. Chacune d’entre elles faisaient attention à l’éducation d’Harry, parce qu’elles étaient toutes plus ou moins conscientes que c’était le seul qui allait pouvoir réussir, dans les études, dans le boulot, dans la vie… Keira & Mary avaient arrêté l’école dès qu’elles avaient pu le faire. Elle… aimait ça, vraiment, et c’était dur pour elle de se sentir coupable de continuer ses études alors que chaque septembre, la facture de son lycée augmentait, mais elle bossait d’arrache-pied l’été afin de facilité le boulot à ses sœurs aînées. « ça a été aujourd’hui Little Monkey ? » demanda alors Bonny en allant se chercher une bière dans le frigo. Quand on ne vivait qu’avec ça en guise de principale boisson, on ne ressentait plus le dégoût du début, les sœurs Halesmess avaient commencé à boire trop tôt, mais jamais pour se mettre dans les mêmes états que leur père… juste pour boire, parce que c’était ça ou l’eau infecte du robinet. Bonny lança une canette à Andromeda et une autre à Kendra avant de prendre une bouteille de jus d’orange pour Harry.

Finalement, Keira arriva en furie dans la cuisine avec des photo en main. Bonny se tendit, vu le regard peu avenant de sa sœur, ça s’annonçait corsée. « Laquelle d’entre vous a fait ça ? » siffla-t-elle le regard flamboyant de colère à peine contenue. Harry pleura dans sa chaise haute et Kendra alla le prendre afin de le bercer. Keira était particulièrement bien habillée et maquillée pour un après-midi de fin de mois… parfois, Bonny avait le sentiment dérangeant qu’elle pouvait vendre son corps de façon complète… pas qu’elle aurait honte si sa sœur était une pute… juste, elle ne voulait pas que ça sœur se tue au boulot pour elles, elle méritait autre chose. Bonny allait faire une remarque quand Aaron arriva à son tour et il fit un signe de main aux sœurs Halesmess « Faites comme si je n’étais pas là ! » sourit-il avant de s’asseoir sur le comptoir de la cuisine et de battre en rythme les jambes, comme un gosse. Keira lui lança un regard noir, c’était étrange, elle le détestait mais passait son temps à coucher avec, parfois, sa sœur était étrange, même pour Bonny. Kendra tendit les mains vers les photos et Keira lui passa, se calmant un peu, la présence d’Aaron aidait apparemment, tant mieux. Sa cousine la plus calme pâlit en voyant les photos d’elles, se changeant, sortant de la douche avec une serviette autour d’elle, des photo… pas osées, mais qui attirait le regard là où il fallait. « C’est de ma faute Key. » finit par dire Bonny en prenant sur elle la responsabilité de l’histoire, elle savait qu’elle pourrait calmer la sulfureuse Key Halesmess qui était connue pour avoir le sang le plus bouillonant du coin. « Arrêtes de déconner ! C’est mon idée, c’était mon plan ! Mais Key, on a gagné 60 $ ! Tu peux pas juste crier et pas voir ça merde ! » réagit aussi tôt Andromeda. Keira piqua la canette de Kendra et la bue d’une traite avant de s’asseoir à la table de la cuisine et de se passer la main dans les cheveux. Elle lança un regard à Aaron comme pour le tuer sur place, elle voulait clairement qu’il parte. Évidemment, il reste. « Je sais qu’on en bave beaucoup. Mais je refuse que mes petites sœurs fassent ça ! Je trouverais un autre boulot s’il le faut, mais arrêtez ça les filles. Je n’ai pas envie qu’on nous prenne pour des filles faciles. Tout le monde ici à déjà pitié de nous, j’ai envie… qu’on nous estime un minimum alors ne nous rabaissez pas à n’être que des corps, on vaut mieux. » finit par dire la brune en caressant quelques secondes la joue de Bonny, elle soupira et fit un signe à Aaron pour qu’ils partent. Bonny leva les yeux au plafond, le sentiment d’être coupable se gravant en elle. « C’était une bonne idée Andro… mais il faudra être plus discrète et vendre ça plus cher la prochaine fois ! » soupira Bonny avant de quitter la pièce, lessivé par cette journée. Une fois dans sa chambre qu’elle partageait avec Amy, elle se coucha dans le lit et se mit à pleurer doucement. Elle n’était déjà qu’un corps avec des seins, et si Key ou Mary l’apprenait… elle ferma les yeux afin de s’endormir. Oublier tout juste ce soir, c’était tout ce qu’elle voulait.

Bonny ne comprenait pas. Assisse dans la cuisine au centre de la pièce, toutes les autres la regardait, Keira & Mary semblaient particulièrement en colère. Et elle pour la première fois de sa vie était complètement dépassée. Lorsqu’elle avait reçu le SMS elle s’était attendue au pire, elle s’était attendue à un truc grave. A la place, elle retrouvait deux lions dans la cuisine qui tournait autour d’elle.

De temps en temps, elle tentait de lancer des regards à Amy mais celle-ci gardait obstinément le regard braqué ailleurs. Bonny réfléchit à ce qu’elle pouvait bien avoir fait de si grave ! Elle repassa ses derniers mois en tête, elle n’avait rien fait de très… immoral. Elle avait arrêté ses conneries d’adolescente, elle était du genre sérieuse et elle avait un boulot fixe qui la payait bien… elle déglutit ne sachant pas quoi dire ou quoi faire, alors elle se ratatinait sur sa chaise, en regardant ses pieds, attendant qu’une des aînées de la famille énonce son crime afin qu’elle puisse se défendre comme il se doit. Finalement, Mary sortit une enveloppe qu’elle tendit à Bonny. En découvrant le cachet, le brune poussa un soupir de soulagement. « Ce n’est que ça ? » La brune se détendit enfin, ses sœurs avaient dû croire qu’elle allait partir pour New York sans prévenir. I-M-P-O-S-S-I-B-L-E. Sa famille était bien trop importante pour qu’elle les quitte, pour qu’elle se sépare de son cocon familiale, pour qu’elle échappe à cette vie difficile… mais Bonny s’en fichait, après tout, c’était sa vie, c’était avec elles et elles seules qu’elle voulait rester, elle n’avait pas besoin d’étudier dans une Université pour continuer de se développer, elle pouvait juste… lire des livres, elle n’avait pas besoin de plus. « Je ne vais pas y aller, donc pas besoin de… » « Tu vas y aller ! » aboya alors Keira en laissant Bonny à sa stupeur, la brune écarquilla les yeux, ouvrit et ferma plusieurs fois la bouche incapable de se décider à la façon dont elle devait répondre. « Je ne vois pas pourquoi ! » finit-elle par dire de façon butée. Mary déposa sa main sur l’épaule de Key avant qu’elle ne puisse en rajouter plus. « Bonny, toute notre vie, on a voulu vous offrir le meilleur avec Key, on a voulu vous offrir des opportunités ! Et ça, NYU Bonny, c’est plus que n’importe quoi ! Tu peux faire des études, être une étudiante boursière en plus, on n’offre pas cela à n’importe qui ! Tu es intelligente, tu mérites mieux que de vivre ta vie à vendre des frites dans un fast-food » la brune se mit à pleurer, elle était juste incapable de partir. « Je ne veux pas vous quitter. Je ne veux juste pas… être loin de vous ! J’ai besoin de vous, j’ai besoin de cette ville ! Je peux pas… New York c’est loin, ça n’a jamais été mon rêve ! Vous êtes ma vie, vous êtes mon rêve, ma famille, je n’ai jamais voulu être intelligente, tout ce que je veux c’est rester avec vous ! Me battre avec vous pour cette famille qui est aussi la mienne, ne me chassez pas. Mary ! Mary je veux rester ! Key, s’il te plait, ne me demandez pas de partir pour ça ! Andromeda, ne les laisse pas… Kendra… AMY ! Amy regarde-moi ! Dis-leur que je ne peux pas partir, dis-leur que je dois rester avec toi ! Amy… » Bonny avait le visage ravagé par la peine et la douleur, elle avait besoin d’Amy. « Amy, mon bébé, mon Amy, s’il te plait, je t’aime, ne m’éloigne pas de toi… j’ai besoin d’être avec vous. » Au point où elles étaient toutes les sœurs pleuraient, incapable de supporter l’événement. Incapable d’imaginer une vie sans une de ses membres. Keira s’approcha alors de Bonny et lui embrassa tendrement le front. « Tu restes notre sœur, si tu veux revenir, tu reviendras, c’est ta maison, ton foyer, nous on t’y attendra. Mais ne gâche pas tes chances pour nous, vas faire des études, vas faire ce que tu rêves de faire et ensuite tu pourras faire un métier intéressant, tu gagneras plus que nous toutes réunies ! » Bonny secoua négativement la tête, elle ne voulait pas, elle ne pouvait pas, son cœur était trop lourd, sa gorge trop nouée, elles ne pouvaient pas décider de son avenir alors que cette vie lui plaisait ! Alors qu’elle n’avait rien demandé. « Amy ! » appela-t-elle encore une fois. Finalement, sa sœur la regarda, elles partageaient tout depuis toujours, elles n’avaient jamais passé une journée sans l’autre, elles n’avaient jamais su se mentir, elles avaient tout donné à l’autre. Amy se rapprocha et la serra dans ses bras. « Je t’aime » « Je t’aime encore plus » « Tu ne dois pas m’oublier ! » « Amy, non, je ne peux… » « Si tu peux, tu en as les capacités, tu peux partir, tu peux… juste… ne m’oublie pas, je t’attendrais. Reviens pour les fêtes, ne… gâche pas tes chances, ne tombe pas enceinte et ce genre de conneries. Reviens avec un diplôme et n’aies pas honte de nous ! » « Jamais » elles se serrèrent, Bonny s’acrochait à sa cadette, elle avait le cœur brisé, elle ne voulait pas partir, elle ne voulait pas être loin d’elles… elle ne voulait pas de New York… et pourtant, avait-elle le choix. Ses sœurs et cousines vinrent la serrer dans ses bras, elle ferma les yeux, peut-être qu’elle arriverait à les convaincre, peut-être qu’elle pourrait rester.