Juliette sortit de la salle et poussa un long, long soupir. Cet examen de psychologie cognitive l’avait totalement lessivée. Elle était plutôt contente d’elle cependant car elle pensait l’avoir réussi. Mais elle ne devait pas s’endormir sur ses lauriers, car le lendemain, l’attendait un autre examen, celui de psychophysiologie. Après, elle pourrait souffler, car celui-ci était le dernier d’une longue série. En attendant, elle allait passer l’après-midi et une partie de la soirée à étudier à la bibliothèque. Toutefois, avant tout ça, elle se dirigea vers la cafétéria car elle avait l’estomac dans les talons. Le remplir un peu ne lui ferait pas de mal. Devant les plats présentés, Juliette grimaça. Rien n’était appétissant, tout donnait envie de partir en courant. Mais la faim la tenaillait, et courageusement, elle attrapa une assiette de spaghettis bolognaise, un yaourt et une bouteille d’eau. Une fois le ventre rempli – la jeune femme préférait ne pas trop savoir de quoi – elle vida son plateau et s’orienta de nouveau vers le comptoir, mais pour chercher un café. Si elle devait travailler pendant des heures, il fallait qu’elle soit bien réveillée. Le visage de Juliette s’éclaira quand elle vit le vendeur. C’était Mi-Nam.
Mi-Nam était discret et ne parlait pas beaucoup – à vrai dire, Juliette ne connaissait rien de lui – mais au fil des semaines, depuis qu’elle était rentrée à Columbia quelques mois plus tôt, ils avaient appris à discuter ensemble. Juliette aimait bien sa compagnie, malgré une certaine distance qu’ils y avaient entre eux. Mais comme elle-même était assez réservée, cela ne la gênait pas, finalement. Elle lui sourit tandis qu’elle sortait son porte-monnaie de son sac. « Bonjour ! Un café, s’il te plaît. Avec un sucre. » Elle déposa quelques pièces devant elle et s’accouda au comptoir pendant que Mi-Nam préparait sa commande. « Aaaah… Je serai bien contente quand cette semaine sera finie. » Elle posa son menton dans ses mains. « Et toi ? Tu as prévu quelque chose pour ce week-end ? » Juliette décida que les révisions pouvaient bien attendre quelques minutes ; elle pouvait bien rester papoter avec Mi-Nam un instant.
La journée battait son plein, comme d’habitude. Il fallait dire qu’ici, à Columbia on ne chaumait pas, c’était impossible de réellement se reposer. Car même pendant les heures de cours, d’autre eux n’avaient pas cours, ou bien certains préféraient ne pas aller en classe pour finir des travaux, et ils choisissaient la cafeteria pour se caler et finir leurs devoirs. Enfin, dans un sens ce n’était pas plus mal, je me voyais mal, rester ici pendant quelques heures sans rien faire… C’était pire que tout, travailler sans avoir rien à faire, le temps passait beaucoup plus lentement… Et je préférais ne pas voir mes journées passer… Soupirant longuement, j’attrapais l’éponge pour nettoyer les tables et le torchon, avant d’aller faire la tournée des tables vides, pour passer un coup dessus. Ce que les gens pouvaient être sales franchement… Je n’avais jamais vu pareil porc, sérieux… Finissant de nettoyer, je passais un petit coup de balais avant de bailler franchement. Je m’étais couchée tard… J’avais aidé Mi-Cha à faire ses devoirs et c’était loin d’être de tout repos. Me frottant les yeux, je m’étirais longuement avant de prendre ma pause pour manger un peu. Filant derrière dans la réserve, je pris mon sac avant de prendre mon casse-croute, typiquement coréen et m’installer derrière le comptoir. Je mangeais tranquillement, pendant que d’autre bossaient. M’enfin, je savais que j’allais aider quand même. Même prendre ma pause n’avait pas de signification, puisque je restais derrière le comptoir… Trifouillant ma nourriture avec mes baguettes, je souris doucement à une fille qui se faisait service par Julian avant de manger. Depuis que je vivais comme un homme, je me sentais mieux… Les filles étaient si différente, quand elles voyaient un « homme. » Moins critique, moins, casse pied… Je préférais amplement me faire draguer que de souffrir comme j’avais souffert en Corée. Je savais que faire d’un cas une généralité n’était pas bien, mais je n’avais juste pas confiance, et je n’avais juste pas envie de subir la même chose… Et puis je me sentais bien dans la peau d’un homme. Soupirant longuement, je finissais de manger avant de tout ranger et revenir à mon poste pour voir au loin Juliette, si mes souvenirs sont bons s’approcher du comptoir. « Bonjour ! Un café, s’il te plaît. Avec un sucre. » « Bonjour, tout de suite, ma belle. » soufflai-je avant de me mettre en action. « Aaaah… Je serai bien contente quand cette semaine sera finie. » Souriant doucement, je me tournais vers elle avant de la regarder longuement. Le week-end approchait à grand pas, soit ce soir. « Et toi ? Tu as prévu quelque chose pour ce week-end ? » Prenant la tasse de café, je la posais devant elle, avant d’y glisser un sucre et lui mettre une touillette dedans en remuant faiblement avant de lui donner une serviette. « Eh bien, je n’ai rien de prévu, peut-être faire le ménage ? Ce n’est ni mon frère, ni ma sœur qui vont le faire… » soufflai-je en riant faiblement. Mi-Nyu et le ménage c’était hors de question… Et Mi-Cha, préférait me parlait en me regardant faire le ménage… Normal. Souriant, je m’adossais contre le comptoir avant de croiser les bras et tourner un vague regard vers elle. « Et toi ? Qu’as-tu prévu pendant ce petit week-end ? Tu n’as pas trop de devoir ? »
Décidément, Mi-Nam était vraiment adorable, pensa Juliette tandis qu’il commençait à préparer sa commande assortie d’un : « Bonjour, tout de suite, ma belle. » Elle ne cherchait pas les compliments, mais c'était toujours agréable d'en recevoir un. Juliette sourit et le regarda s’occuper de son café. Elle remarqua ses longs doigts fins et la précision qu’il mettait dans ses gestes. Il y avait quelque chose de féminin chez lui, songea la jeune femme ; ce n’était pas la première fois qu’elle pensait ça, d’ailleurs. Mi-Nam posa la tasse devant elle, mit un sucre dedans et une touillette. « Merci », lui dit Juliette qui prit son café et commença à le siroter. Ah, un peu de caféine, c’était ce qu’il lui fallait. Elle lui demanda s’il avait quelque chose de prévu ce week-end et il eut un petit rire. « Eh bien, je n’ai rien de prévu, peut-être faire le ménage ? Ce n’est ni mon frère, ni ma sœur qui vont le faire… » Juliette était étonnée. C’était la première fois qu’il lui racontait quelque chose d’un peu privé sur lui. Ainsi donc, il avait un frère et une sœur qui vivaient apparemment avec lui. Intéressant. « Et toi ? Qu’as-tu prévu pendant ce petit week-end ? Tu n’as pas trop de devoir ? » Elle lui sourit. « Oh, j’ai un dernier examen et ensuite, je pense que je vais m’accorder un peu de repos pendant quelques jours. » Elle reposa la tasse sur le comptoir. « Par contre, ce week-end, je n’ai rien prévu de spécial. Je vais peut-être suivre ton exemple et faire du ménage. Moi aussi, je vis avec mon frère, et ce n’est pas lui qui peut faire le faire depuis que… » Juliette s’arrêta soudain. Est-ce qu’elle pouvait confier à Mi-Nam que Lawrence était en fauteuil roulant ? Après tout, elle ne le connaissait pas beaucoup et elle savait que son frère n’aurait pas forcément apprécié qu’elle étale sa vie comme ça, même si Mi-Nam semblait trop discret pour aller le crier sur tous les toits. Elle eut donc un geste de la main comme pour effacer ses précédents propos. « Bref. Pour répondre à ta question : non, je n’ai rien prévu de spécial ce week-end et je n’ai pas trop de devoirs. Bien sûr, il va falloir que je ne prenne pas trop de retard, donc je vais sûrement bûcher, comme d’habitude. » Elle poussa un long soupir. Non pas qu’elle n’aimait pas étudier, mais parfois, elle aurait aimé faire autre chose, tellement elle avait l’impression de ne vivre que dans ses livres. Finalement, cette petite discussion avec Mi-Nam était la bienvenue, elle lui permettait de penser à autre chose pendant quelques minutes.
« Oh, j’ai un dernier examen et ensuite, je pense que je vais m’accorder un peu de repos pendant quelques jours. » Ah les examens, c’était loin d’être facile… Enfin, je ne vivais plus ce stress là depuis que j’avais mon bac. Je ne voulais plus aller à l’école de ma vie. Même si dans un sens j’y étais là. Mais c’était juste pour garder un œil sur ma sœur. « Par contre, ce week-end, je n’ai rien prévu de spécial. Je vais peut-être suivre ton exemple et faire du ménage. Moi aussi, je vis avec mon frère, et ce n’est pas lui qui peut faire le faire depuis que… » Depuis que ? Relevant un regard vers elle, je la scrutais longuement. Je pouvais voir un anxiété sur son visage, comme si elle hésitait à parler, ou à dire quelque chose. Son frère était quoi ? Avait quoi ? Je pouvais comprendre qu’elle s’arrête de parler. La vie privée, devait juste rester privée, et parfois dans un engouement de paroles, on en débite trop… Souriant en coin je fis comme si de rien en lui lançant un regard compatissant. « Bref. Pour répondre à ta question : non, je n’ai rien prévu de spécial ce week-end et je n’ai pas trop de devoirs. Bien sûr, il va falloir que je ne prenne pas trop de retard, donc je vais sûrement bûcher, comme d’habitude. » Dévoilant mes dents dans un petit sourire, je baissais la tête avant de croiser les bras sur mon torse, m’accoudant un peu plus contre le comptoir. « C’est pas trop dur les cours ? Tu fais quelle option ? Il y a tellement de spécialité ici, que j’en perds la tête ! » soufflai-je avant de me redresser pour servir un garçon qui voulait un coca-cola en fontaine. Prenant un gobelet en plastique, je le remplis de glaçon avant de le poser et faire couler le coca dedans. Le fermant et y mettant une paille dedans, je le troquais contre la monnaie avant de lui rendre son dû et revenir ers Juliette. « D’ailleurs, tu es du coin ? Ou tu es venue sur New-York pour étudier ? Ton accent n’est pas du coin, je me trompe ? » Demandai-je en me demandant d’où elle pouvait bien venir. Soit, je n’étais pas d’ici moi non plus. J’avais plus l’accent de Los Angeles qu’autre chose. Après tout j’avais grandi là-bas, je ne vivais ici que depuis trois ans. Los Angeles me manquait… Le soleil, la plage, tout ça me manquaient atrocement… ici, à part le froid, la pluie et la neige, je ne voyais pas ce qu’il y avait de bien intéressant…
En parlant de son frère, lorsqu’elle hésita à continuer, Mi-Nam n’insista pas et fit même comme si de rien n’était. Juliette appréciait décidément sa discrétion et sa retenue. Il lui sourit tandis qu’elle lui faisait part de son attention de travailler tout le week-end, comme d’habitude. « C’est pas trop dur les cours ? Tu fais quelle option ? Il y a tellement de spécialité ici, que j’en perds la tête ! » Juliette reposa sa tasse désormais vide. « J’étudie la psychologie. » Elle eut un petit rire. « C’est vrai que quand j’ai dû choisir, je ne savais pas où donner de la tête ! » Juliette se demande soudain si Mi-Nam étudiait en dehors de son travail à la cafétéria. Elle l’avait toujours vu derrière le comptoir à chaque fois qu’elle y venait, mais ça ne voulait rien dire. Beaucoup d’étudiants travaillaient en dehors de leurs cours pour subvenir à leurs besoins. Les cours de Juliette étaient payées par son frère, mais elle savait que tout le monde n’avait pas cette chance. « Ça peut aller, en tout cas. Au début, j’avais un peu de mal, mais je m’en sors. Pour le moment. » Mi-Nam, qui s’était adossé au comptoir, se releva pour servir un garçon. Il lui donna son Coca-Cola tandis que Juliette se demandait si elle n’allait pas reprendre un café. Elle avait un long après-midi devant elle. Mi-Nam rendit l’argent de son client et se retourna vers la jeune femme qui avait décidé, que finalement, un seul café, ça suffisait. « D’ailleurs, tu es du coin ? Ou tu es venue sur New-York pour étudier ? Ton accent n’est pas du coin, je me trompe ? » Juliette secoua la tête. « Non, tu ne trompes pas. Je viens de l’Île Maurice. » À l’évocation de son pays natal, la brunette ressentit un pincement au cœur. Elle avait beau l’avoir quitté presqu’un an auparavant, le mal du pays la taraudait – même si elle parlait beaucoup avec sa mère sur Skype. « Ça fait maintenant dix mois que je suis ici. Quand mon père est mort, mon frère, celui avec qui je vis, est revenu à Port-Louis, mais il est ensuite reparti à New York et j’ai décidé de suivre Lawrence. » Elle s’arrêta. Elle avait l’impression de s’étaler un peu trop et peut-être qu’elle ennuyait Mi-Nam plus qu’autre chose avec son blabla, même s’il ne montrait pas de signe de contrariété ou autre. Elle décida de reporter son attention sur lui. « Je ne suis pas la seule à avoir un accent », le taquina-t-elle. « Et toi, tu viens d’où ? Tu as un accent américain, ça s'est sûr. Mais tu es de quelle origine ? » C’est ce qu’elle aimait ici. Bien que l’Île Maurice et le reste de sa famille lui manquent, elle était éblouie par le nombre de nationalités qu’on rencontrait à New York. Elle avait l’impression de voyager simplement en discutant avec les différentes personnes qu’elle croisait. Finalement, elle ne regrettait pas d’avoir suivi Lawrence.
« J’étudie la psychologie. C’est vrai que quand j’ai dû choisir, je ne savais pas où donner de la tête ! » Psychologie ? Haussant un sourcil, bizarrement, ça me fit faiblement grimacer. Je détestais ce mot. Ça me rappelait les fois où j’allais voir mon psychologue, pour parler de ma tentative de suicide… Et je détestais le regard qu’il avait, ou quand il parlait, le fait de toujours vouloir me tirer les vers du nez et tout ça… « Ça peut aller, en tout cas. Au début, j’avais un peu de mal, mais je m’en sors. Pour le moment. » Souriant en coin, je croisais faiblement les bras sur ma poitrine avant de soupirer. « La psychologie c’est un domaine assez large, je trouve, enfin, ça demande surement beaucoup de boulot, tu veux faire quoi plus tard avec ça ? Psychologue ? » Demandai-je en me disant qu’il y avait tout de même d’autres possibilités que de finir psychologue. Par la suite, je ne pus m’empêcher de lui demander d’où elle venait, car au vu de son accent elle n’était clairement pas du coin. « Non, tu ne trompes pas. Je viens de l’Île Maurice. » L’île Maurice ? Je voyais à peu près ou c’était, et franchement ça devait être une belle petite île. Fin, mieux que Los Angeles je présume niveau météo, ça donnait presque envie d’y aller d’ailleurs. Le sable chaud, la mer, les cocotiers, la piscine, bref, bronzer et tout ça, c’était bien, c’était la belle vie je présume. « Ça fait maintenant dix mois que je suis ici. Quand mon père est mort, mon frère, celui avec qui je vis, est revenu à Port-Louis, mais il est ensuite reparti à New York et j’ai décidé de suivre Lawrence. » Dix mois ? C’était tout de même récent. J’étais tout de même désolée pour son père, ça ne devait pas être facile. Et la mère dans tout ça ? Enfin, ce n’était pas mon affaire, et je ne voulais pas la mettre à l’aise avec mes questions. « Je vois. L’ile Maurice quand même ça doit faire rêver. Ça ne te manque pas trop ? Non parce que vu le temps pourris de New-York franchement… » Non parce qu’il n’y avait pas photo entre les deux météo, personnellement moi Los Angeles me manquait niveau météo, alors je présume que c’était pareil pour elle. Enfin, nous étions tous différent ceci dit. « Je ne suis pas la seule à avoir un accent. Et toi, tu viens d’où ? Tu as un accent américain, ça s'est sûr. Mais tu es de quelle origine ? » Souriant faiblement amusée, je lui lançais un regard un peu brillant avant de pose mon avant-bras sur le comptoir posant alors mes fesses sur le tabouret derrière pour histoire de mieux me caler, il n’y avait qu’elle pour le moment au comptoir, alors autant prendre mon aise. « Tu as raison, je viens de Los Angeles, alors j’ai l’accent Californien, mais je suis Américano-Coréen. On ne dirait pas comme ça que je suis métisse. J’ai dû prendre toutes les gênes de ma mère. » soufflai-je faiblement amusé. Ce n’était pas plus mal d’ailleurs, je trouvais que ça faisait bizarre les enfants métisse, enfin ça dépendait des gens. Il y en avait des très beau, et il y avait des pur coréen, qui faisaient occidentaux. C’était les gênes quoi. « Corée du sud, je précise. » Non parce qu’on m’avait déjà demandé si je venais de la Corée du nord, à croire que les gens n’écoutaient pas les informations… Ce genre de gens ne valait pas un clou.
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