La conférence venait de finir et Cora avait encore plusieurs heures avant d’avoir à prendre son train retour pour Cambridge. C’était parfait ça, cela lui donnait juste le temps de faire un petit détour. La jeune femme ne venait pas souvent à New York, elle partageait son temps entre Albany et Cambridge et même quand son frère y vivait encore, c’était surtout lui qui venait la voir. Alors depuis qu’il avait disparu… Elle n’y mettait plus vraiment les pieds sauf si cela était vraiment nécessaire. Néanmoins à chaque fois qu’elle s’y rendait elle faisait toujours un arrêt au même endroit : les bureaux du FBI. Jeremy avait disparu depuis un an et Cora avait gardé contact avec l’agent en charge de l’enquête. Elle lui avait fait promettre de la tenir au courant de la moindre avancée, bonne ou mauvaise et lui avait même laissé son numéro de téléphone pour ça. Sauf qu’elle trouvait qu’il ne l’avait pas contactée énormément au cours de l’année et même si elle savait que ce n’était en rien de la faute de l’agent Bennett, elle ne pouvait pas s’empêcher d’aller directement le voir pour lui en demander toujours plus à chaque fois. Elle ne le faisait pas exprès elle était très proche de son frère et elle voulait à tout prix le retrouver en vie. Elle ne savait pas ce qu’elle deviendrait s’il s’avérait qu’il était mort… Si elle pouvait même elle participerait à l’enquête. Mais comme elle ne le pouvait pas, elle se contentait de regarder de loin et ça la tuait de ne rien pouvoir faire. Cora savait qu’elle était sans doute chiante et encombrante et que ces messieurs du FBI avaient mieux à faire que de lui et de la rassurer mais elle en avait besoin. Alors elle fit comme d’habitude et se rendit aux bureaux elle demanda à parler à l’agent Bennett. On la fit attendre dans le hall et pour patienter elle alla s’asseoir sur un banc. Elle ne se leva ensuite qu’en voyant l’agent arriver vers elle. « Agent Bennett. » commença-t-elle avec léger sourire. « Désolée de vous déranger… encore… J’espère que vous n’aviez rien d’important. »

Paul termina sa tasse de sa café. Il ne savait pas combien il avait pris de café depuis qu'il était arrivé ici ce matin mais une chose était certaine, il ne carburait plus qu'à ça. En même temps, la nuit avait été courte. Il était resté jusque tard au boulot la veille. Quelque chose comme trois heures du matin et il était revenu ici pour sept heures. Ca faisait peu de temps pour se reposer mais c'était déjà trop quand ils étaient sur une affaire aussi délicate que celle d'en ce moment. C'était à propos d'une disparition d'enfant. Plusieurs en fait et comme à chaque fois qu'ils avaient affaire à ça, tout le monde était à cran. Les parents surtout. Ils étaient toujours là, sur le dos et ils rendaient leur travail encore plus difficile. Soit. Il jeta son gobelet dans la corbeille et retourna voir son collègue un peu plus loin. Il épluchait le relevé des appels de leur principal suspect sans pour autant obtenir le moindre résultat. Rien ne donnait plus de résultat en fait, ça allait bientôt faire douze heures qu'ils piétinnaient totalement. Douze heures qui auraient pu être crucial.

Paul était en train de prêter main forte comme il le pouvait quand un autre de ses collègues vint à sa rencontre. « Y'a une femme qui veut te parler. Elle t'attend dans le hall. » Le jeune homme hocha la tête et après s'être assuré qu'il ne pouvait rien faire d'autres maintenant, il prit la direction du hall. Il n'eut pas à cherché longtemps avant de trouver qui pouvait bien vouloir lui parler. Il y avait beau y avoir du monde, il avait reconnu tout de suite la silhouette de Cora Douglas et ne s'était pas posé plus de questions. Il se dirigea donc droit vers elle. « Agent Bennett. » dit-elle lorsqu'il arriva à sa hauteur. Paul lui fit un petit signe de tête. « Mademoiselle Douglas. » Il aurait pu enchaîner en lui demandant quel bon vent l'amenait mais le fait était qu'il savait parfaitement ce qu'elle faisait là. Elle venait en effet toujours pour la même raison. Son frère avait disparu un an plus tôt et Paul avait été celui qui s'était chargé de cette enquête. Malheureusement, elle n'avait abouti à rien à ce moment-là. Ils avaient trop peu d'éléments et les pistes qu'ils avaient suivis n'avaient rien donner de probant. Le jeune homme avait quand même pu établir de manière presque certaine que la disparition devait être lié au boulot de l'autre mais il était flic et ça laissait quand même bien trop d'hypothèses et de suspects valides. Le dossier avait donc été peu à peu mis de côté. Ils avaient d'autres personnes disparues, d'autres enquêtes à suivre et Paul ne serait pas étonné que la plupart de ses collègues ait oublié ce dossier. Ce n'était pas son cas à lui et en grande partie parce qu'il recevait régulièrement des visites de Cora. Alors, il se donnait encore la peine de parcourir le dossier mais finissait toujours frustré en ne trouvant rien. Il leur aurait fallut de nouveaux éléments or ils n'en avaient plus longtemps. « Désolée de vous déranger… encore… J’espère que vous n’aviez rien d’important. » Paul lui fit un sourire poli. « Ce n'est rien. J'ai un peu de temps devant moi. » Pas beaucoup à vrai dire mais assez pour lui faire le même discours que d'habitude. « Je suis désolé de ne pas avoir donné trop de nouvelles. Mais on n'en a pas trop eu en fait. » fit-il alors. Parce que la jeune femme lui avait demandé de la tenir au courant des avancées. Il avait son numéro mais ne s'en servait jamais faute de réelles avancées.

Cora s’en voulait toujours lorsqu’elle venait ici. On lui avait promis qu’on la tiendrait au courant de chaque avancée alors si on ne le faisait pas c’était bien pour une raison, parce qu’il n’y avait rien de nouveau justement. Du coup elle avait la sensation de perdre son temps et surtout de faire perdre du temps aux agents qui s’occupaient de l’enquête de son frère et notamment celui de l’agent Bennett qui était le seul avec qui elle avait vraiment gardé contact. En fait ce n’était même pas une sensation, c’était un fait avéré et c’était principalement pour ça qu’elle s’en voulait. A chaque fois elle hésitait à repartir avant qu’il n’arrive pour leur éviter un moment pénible à tous les deux parce qu’il n’aurait rien de nouveau à lui dire. Sinon il aurait appelé. C’était le même refrain à chaque fois… La jeune femme ne pouvait pas s’empêcher d’avoir de l’espoir quand même bien elle ne savait pas trop ce qu’elle espérait… Peut-être qu’ils soient trop occupés à suivre une piste importante pour avoir le temps de l’appeler. Mais la réalité en était toujours autre et elle rentrait chez elle en ayant un peu plus mal à chaque fois. Surtout qu’elle détestait se sentir inutile comme ça quand bien même elle savait qu’elle ne pouvait rien faire. Elle aurait peut-être dû suivre son frère dans la police finalement, ça lui aurait été plus utile et elle aurait eu des nouvelles à donner à ses parents au moins. Ils étaient encore plus dévastés qu’elle à chaque fois, c’était aussi pour eux qu’elle s’entêtait comme ça. « Mademoiselle Douglas. » Gênée, la jeune femme baissa rapidement la tête avant de s’excuser de l’avoir une fois de plus dérangé. Elle s’assura également qu’il n’avait rien de prévu. « Ce n'est rien. J'ai un peu de temps devant moi. » Cora n’était pas tellement convaincue, il lui disait sans doute ça pour lui faire plaisir. « Je suis désolé de ne pas avoir donné trop de nouvelles. Mais on n'en a pas trop eu en fait. » Il fallut un peu de temps à la jeune femme pour digérer cette nouvelle déception. « Oui, je m’en étais un peu doutée. » expliqua-t-elle un peu penaude en fixant ses mains qu’elle avait commencé à triturer. « Vous n’avez absolument rien de nouveau donc ? » lui demanda-t-elle à nouveau. Elle devait s’en assurer, il devait le lui répéter pour qu’elle imprime bien. Ou peut-être parce qu’elle aimait se faire du mal aussi. De toute façon elle avait déjà envie de pleurer alors un peu plus ou un peu moins ça ne faisait aucune différence. « Vous m’appellerez alors, quand il y aura du nouveau ? » Le même refrain, encore et toujours. Et elle allait revenir avant qu’il l’appelle, elle en était certaine aussi mais elle ne pourrait encore pas s’en empêcher. Elle ne voulait juste pas partir tout de suite, se retrouver à attendre seule à la gare, prendre le train seule… Elle ne connaissait personne à New York à part lui – connaitre était un bien grand mot – alors elle insistait.

Aujourd'hui, comme toutes les fois précédentes, Paul aurait bien aimé être en mesure d'apporter une bonne nouvelle à Cora. C'était la partie qu'il détestait dans son boulot, celle où il devait apprendre des mauvaises nouvelles aux familles ou ne pas leur en apprendre du tout (autant dire qu'après une disparition de plus d'un an, les deux revenaient au même). Après avoir salué la brune et l'avoir assuré qu'il avait un peu de temps devant lui, le jeune homme s'excusa pour ne pas avoir appelé mais expliqua pourquoi aussitôt. « Oui, je m’en étais un peu doutée. » Oui, il s'imaginait bien. Elle n'avait pas l'air stupide. Elle espérait juste. C'était bien en un sens mais au bout d'un moment. « Vous n’avez absolument rien de nouveau donc ? » Paul secoua la tête. « Rien du tout. Je vous assure que je vous l'aurez dis sinon. » Elle aurait été une des premières au courant. Enfin, une des premières dès qu'il aurait été certain d'avoir le droit d'en parler pas avant. « Vous m’appellerez alors, quand il y aura du nouveau ? » Le jeune homme hocha la tête. « Mais vous savez... » commença-t-il avant de s'interrompre. Il ne pouvait juste pas lui balancer comme ça de but en blanc que les choses avaient peu de chances d'évoluer maintenant. Que depuis un an, son frère était probablement mort quelque part. Il valait mieux qu'il le soit en fait parce que Paul ne voulait pas imaginer quel sort il aurait pu connaître. Il aurait voulut lui dire ça vraiment mais il ne pouvait pas. Elle lui faisait déjà vraiment pitié, il avait peut que ça la détruise. « Je crois que j'ai du perdre votre numéro de téléphone. » reprit-il alors. Plutôt content de sa parade pour le coup. Il jeta ensuite un regard hésitant au bureau derrière lui. « Je vous paie un café ? » Ce n'était pas très réglementaire mais comme presque tout le monde avait déjà tout oublié de cette affaire hein. « Vous aurez le temps de me redonner votre numéro comme ça. »

Sans grande surprise l’agent Bennett venait d’apprendre à Cora qu’il n’avait aucune nouvelle sur la disparition de son frère. Elle s’en était doutée et savait que ce qu’elle faisait était ridicule. Ce qui l’était encore plus était qu’elle lui fasse répéter ce qu’il venait de dire. Comme si sa réponse pouvait changer en dix secondes. Mais bon, elle en avait besoin pour que ça lui rentre dans le crâne. « Rien du tout. Je vous assure que je vous l'aurez dis sinon. » Et voilà, sa réponse était restée la même. Un sourire sans joie se dessina sur ses lèvres et elle hocha la tête tout en continuant de regarder ses mains. Elle insista ensuite à nouveau sur le fait qu’il devrait l’appeler dès qu’il aura du nouveau. Des fois qu’il ait besoin de se faire répéter les choses sans cesse pour qu’il imprime bien les informations… Elle savait pourtant qu’il l’avait promis et qu’il le promettait à chaque fois et que c’était parfaitement inutile. « Mais vous savez... » Cora releva la tête pour le regarder, attendant qu’il continue. Est-ce que c’était mauvais signe s’il s’était interrompu comme ça ? Elle ne savait pas tellement dire et ne savait pas à quoi s’attendre du coup… Elle avait presque envie qu’il n’ajoute rien même, si jamais il s’était décidé à lui dire la vérité, une vérité qui lui ferait sans doute mal. « Je crois que j'ai dû perdre votre numéro de téléphone. » Oh… La jeune fronça les sourcils en le regardant avec insistance. « Vraiment ? »  fit-elle alors. Ça aurait pu expliquer le fait qu’il ne l’ait pas appelée s’il ne lui avait pas dit qu’il n’y avait aucune avancée. Mais le problème ne se posait pas. « Je vous paie un café ? » Son air perplexe n’avait pas encore quitté son visage. « D'accord mais... Vous avez le droit de faire ça ? » Enfin, ce n’était qu’un café mais elle était à peu près certaine qu’il n’avait pas le droit quand même. « Vous aurez le temps de me redonner votre numéro comme ça. » Cora hocha la tête et ils sortirent ensuite du bâtiment. Ils trouvèrent un café non loin et se mirent dans la queue pour commander. Cora en profita pour se remettre à parler : « Merci, au fait. Pour tout ce que vous faites, pour continuer à me supporter sans perdre patience… » Parce qu’elle était certaine qu’elle aurait usé plus d’un agent avec moins de patience que lui. « Et vous voulez bien être encore honnête avec moi et me dire si vous enquêtez encore vraiment sur la disparition de mon frère ou s’il s’agit d’une de ces affaires dont les dossiers prennent la poussière et qu’on ne ressort que quand la famille pose des questions ? » Elle devait savoir, elle saurait le supporter.

L'espace de quelques secondes, Paul avait faillit dire à la jeune femme la vérité au sujet de l'affaire sur son frère. A savoir qu'il y avait très peu de chances que celui-ci soit toujours en vie et qu'elle ferait sûrement bien de faire son deuil à ce propos et cesser d'espérer. Mais en fin de compte, il n'avait juste pas pu lui enlever ça. Il n'était pas doué pour annoncer de mauvaises nouvelles. La plupart du temps, il se débrouillait pour refiler la tâche à un de ses collègues. Il prétexta donc finalement avoir perdu le numéro de la jeune femme. « Vraiment ? » Le jeune homme hocha la tête. « Je suis désolé. » fit-il en prenant un air honteux. « Je vous assure que je l'avais pourtant garder précieusement mais... » Il haussa les épaules. Il s'était perdu quand même. Même si en vrai il l'avait encore en fait. Il hésita plusieurs secondes avant de finalement lui proposé de lui payer un café. Elle lui faisait pitié un peu, il ne voulait pas la laisser repartir comme ça. Et puis, il avait vraiment besoin d'un café de plus pour ne pas tomber de fatigue maintenant. Celle-ci eut l'air surprise et arbora alors un air perplexe. « D'accord mais... Vous avez le droit de faire ça ? » Il secoua la tête. « Peu importe. » Il se moquait bien de ça. Et c'était le cas de tout le monde en fait alors bon. Et puis, il prétexta que ce serait l'occasion pour qu'elle lui redonne son numéro comme ça. Cette explication sembla convenir à la jeune femme qui quitta le bâtiment avec lui. Ils ne mirent ensuite pas longtemps à trouver un café. Ils n'avaient plus parlés depuis qu'ils étaient sortis mais dans la file pour commander, la brune reprit la parole. « Merci, au fait. Pour tout ce que vous faites, pour continuer à me supporter sans perdre patience… » Paul haussa les épaules. « J'aimerais bien faire plus. » Comme retrouver son frère. Là, il aurait vraiment mérité ses remerciements mais en attendant franchement, il ne s'en sentait pas digne.  « Et vous voulez bien être encore honnête avec moi et me dire si vous enquêtez encore vraiment sur la disparition de mon frère ou s’il s’agit d’une de ces affaires dont les dossiers prennent la poussière et qu’on ne ressort que quand la famille pose des questions ? » Le jeune homme pencha la tête. Il allait lui répondre honnêtement. C'est ce qu'elle voulait après tout. « J'ouvre le dossier régulièrement. » C'était la vérité après tout. « Mais non, il n'y a plus vraiment d'enquêtes faute d'éléments. » avoua-t-il tout de même.