JAVIER&AYHALINA - I CAME BACK FOR YOU ► “Sometimes we fail at relationships because we don’t have a good relationship with ourselves "

Cela faisait maintenant quelques jours que j’étais de retour à New-York. En quête d’un appartement depuis plusieurs semaines, j’avais finalement réussi à en louer un assez rapidement. Situé dans l’Upper East Side, le logement était relativement spacieux et très lumineux –ce qui n’était pas du luxe aux vues des sommes faramineuses que j’allais dépenser chaque mois pour régler le loyer. N’ayant jamais été très friande des fastes et des paillettes, j’avais d’abord envisagé d’aller m’installer dans un quartier plus modeste, mais mon agent m’avait formellement déconseillé de le faire. Selon lui, mon statut de superstar m’obligeait dorénavant à cohabiter avec les gens de mon « espèce ». Comme il se plaisait souvent à me le répéter : on ne mélangeait pas les torchons et les serviettes. Ce type de réaction me faisait toujours beaucoup rire et même si j’avais finalement consenti à m’installer dans les beaux quartiers, ça ne m’empêcherait pas de continuer à vivre en toute simplicité –comme je l’avais toujours fait. En tout cas, j’espérais bien pouvoir faire mon petit bout de chemin tranquillement, mais c’était sans compter sur les caprices de mes fans et des paparazzis qui ne tarderaient surement pas à retrouver ma trace. Quelque part, j’en arrivais presque à regretter le temps où je n’étais pas encore connue dans ce pays. Lorsque j’avais débarqué ici en 2O1O, la plupart des américains ignoraient jusqu’à mon existence, mais les choses avaient beaucoup changé depuis. Les productions dans lesquelles j’avais joué l’an passé n’avaient laissé personne indifférent et j’allais surement avoir du mal à passer inaperçue.

« Allô, Raul ? Bonjour, c’est Ayhalina. J’aimerais que vous me conduisiez quelque part. John ? Non, il n’a pas besoin d’être mis au courant. Je vous le demande comme une faveur, ne lui dite rien. Je vous attends en bas de chez moi. A tout à l’heure » dis-je en enfilant un chapeau à bords larges. Je n’étais pas paranoïaque au point de croire qu’on allait me prendre en chasse, mais je préférais tout de même prendre mes précautions. Mon retour aux Etats-Unis avait été motivé par une raison bien précise et je comptais bien atteindre mon but. Il fallait absolument que je parle à Javier et rien ni personne ne pourrait m’en empêcher.

UN PEU PLUS TARD DANS LA MATINEE. AGENCE DE JAVIER.
« Dois-je vous attendre, madame ? » me demanda mon nouveau garde du corps. « Ça ne sera pas nécessaire, je vous remercie. Je vous téléphonerai quand j’aurais terminé. Vous pouvez y aller. Je vous donne quartier libre » répliquai-je en sortant du véhicule, sous le regard inquiet de ce cher Raul. Le jeune espagnol était à mon service depuis quelques mois et il avait toujours fait un travail remarquable. Ce que j’appréciais chez lui, en plus de son amitié et de ses qualités d’écoute, était sa capacité à savoir se retirer quand cela était nécessaire. Contrairement à mon agent ou aux autres personnes auxquelles j’avais normalement à faire, Raul ne s’était jamais montré intrusif. Il ne posait pas de questions et respectait mon intimité. Ça ne l’empêchait pas de garder un œil sur moi, mais je savais que je pouvais lui faire confiance.

« Come on Ayhalina, you can do this » me répétai-je en guise de leitmotiv. Après m’être assurée que Raul était loin, je me décidai à pousser la porte de l’agence. J’eus à peine le temps d’ouvrir la bouche que mon regard croisa celui de Javier. Mon cœur manqua un battement. « Salut… » fut le seul mot que je parvins à prononcer. Dépassée par mes émotions, j’étais incapable d’en faire ou d’en dire davantage.

Tout c’était fait dans la précipitation : mon départ, mon emménagement et cette visite impromptue. Pourtant, j’aurais tout aussi bien pu attendre un peu avant de le confronter, au moins laisser passer quelques jours pour réfléchir à ce que j’allais lui dire ou imaginer tous les scénarios de retrouvailles possibles et imaginables ; mais j’avais finalement choisi de lui rendre visite avant de me dégonfler. Je n’en étais pas très fière, mais c’était malheureusement quelque chose de très courant chez moi. Je prenais de grandes décisions, me promettais de m’y tenir, mais finissais toujours pas rebrousser chemin au dernier moment. Je n’avais jamais été quelqu’un de très courageux, mais lorsqu’il s’agissait de Javier, autant dire que je battais tous les records. « Salut. » Un sourire un peu niais vint se loger au creux de mes lèvres. Cela faisait si longtemps que nous ne nous étions pas parlé que j’en avais presque oublié le son de sa voix. Une tonalité forte et douce à la fois. Un timbre qui m’avait toujours rassuré. Un petit détail qui, malgré tout, m’avait affreusement manqué. « Ouaw... Je m'attendais pas à ta visite » lâcha-t-il, encore sous le choc, avant de reprendre ses esprits et me serrer dans ses bras. J’accueillis son étreinte avec un naturel qui me laissa perplexe. L’espace d’un instant, j’eus presque l’impression qu’on ne s’était jamais quitté, que ses mois de séparation n’avaient pas existé. Sentir ses bras m’enserrer provoqua en moi une sensation étrange, un soulagement qui manqua de me faire fondre en larmes. Oui, j’étais heureuse de le revoir, mais l’annonce de son cancer avait été si brutale que je ne savais plus comment réagir. Devais-je me réjouir qu’il fût heureux de me revoir ou au contraire, m’inquiéter pour sa santé et son moral ? Qu’était-il le plus adéquat : entrer dans le vif du sujet ou l’amener en douceur ? Je ne savais plus sur quel pied danser avec lui ; d’ailleurs ne l’avais-je jamais su ? Le latino comptait parmi les rares personnes qui avaient marqué ma vie. Il s’était emparé de mon cœur sans crier gare et la surprise avait été si intense que je n’avais pas su comment la gérer. Manquant alors cruellement de courage, j’avais sauté sur la solution de facilité. J’avais fui à l’autre bout du monde en espérant que la distance suffirait à faire taire ce capharnaüm insoutenable, cette débâcle de sentiments qui, à force de m’embrumer l’esprit, avait fini par me rendre chèvre. Une fois n’était pas coutume, je m’étais trompée sur toute la ligne. « Bon sang, j’ai l’impression que ça faisait une éternité que je ne t’avais pas vu. » Gênée, je passai une main derrière ma nuque. Était-ce réellement judicieux de parler des raisons qui avaient précipité mon départ ? Était-ce le moment ? Je n’en étais pas convaincue. Pour l’heure, tout ce qui m’importait était son état de santé, la date de son opération et la promesse qu’il n’allait pas me quitter. Le voir heureux au bras d’une autre femme était une souffrance que je saurais m’infliger, mais jamais je ne supporterais qu’on le rappelle. Pas encore. Pas si tôt. Je n’étais pas prête. « J’ai été très occupée, je suis vraiment désolée » me contentai-je de répondre, relativement mal à l’aise. « Mais je suis vraiment contente de te revoir, tu m’as manqué… » Sentant les larmes me monter aux yeux, je me mordis les lèvres. Connaissant Javier, il allait tout de suite comprendre que quelque chose me perturbait, aussi je décidai de prendre les devants. « Je sais tout. A propos du cancer, je veux dire...» soufflai-je en essuyant les larmes qui perlaient mes joues. « Ton amie m’a contactée. »

Cette conversation nous mettait tous les deux mal à l’aise pour diverses raisons. Outre le fait que je ne sois pas la mieux placée pour lui donner des conseils en matière de relations amoureuses ; nous étions sur le point de démarrer une romance lorsque j’avais subitement décidé de prendre la fuite. Le temps et la distance, censés faire disparaître les sentiments que je ressentais pour lui, n’avaient malheureusement pas fait leur affaire et c’était en partie pour cette raison que j’étais aussi curieuse de savoir où il en était. Alors oui, j’avais beau jouer l’amie fidèle et compréhensive, une partie de moi n’en demeurait pas moins soulagée de savoir qu’il était à nouveau célibataire. C’était peut-être égoïste de ma part considérant la manière dont j’avais coupé les ponts, mais au fond, j’espérais toujours, sans doute un peu naïvement, que quelque chose était encore possible entre nous. Qu’on l’ait voulu ou non, un lien fort nous unissait et bien que nos chemins se soient séparés, rien ne semblait avoir changé. Était-ce là le véritable amour ? Longtemps, je m’étais cru incapable d’aimer quelqu’un d’autre que Christopher. Longtemps, j’avais voulu être fidèle à celui que je considérais comme mon seul et unique amour. Mais le destin avait mis Javier sur mon chemin et cet événement avait bouleversé tous mes plans. Aujourd’hui, je me retrouvais en face de lui, la peur au ventre. Mon cœur, rendu faible lorsque mon regard avait croisé le sien, s’était enflammé lorsqu’il m’avait serré dans ses bras et désormais, il battait à tout rompre. Telle une gamine amoureuse pour la toute première fois, je frissonnais à son simple contact. « Outre le fait qu’elle était une voleuse et qu’elle me mentait, elle n’a pas supporté que je sois malade je crois bien à moins que ce soit définitivement moi le problème » lança-t-il sous le ton de la plaisanterie, ce qui ne manqua pas de me faire sourire. Une voleuse ? Ses goûts en matière de femme avaient-ils évolué à ce point ? Il faisait dans les repris de justice maintenant, songeai-je, amusée. « Je crois que ce n’était peut-être tout simplement pas la bonne personne même si je me sens enfin prêt à tourner la page de mon mariage. » Un sourire gêné en guise de réponse, je choisis de changer de sujet. Grace resterait toujours un sujet délicat à mes yeux et même si j’étais ravie qu’il se soit pour ainsi dire libéré de ses chaînes, je n’avais pas très envie de parler de tout ça.

A défaut d’agrémenter la conversation, je m’étais à nouveau excusée d’avoir été aussi distante. Mon discours était bien maigre en comparaison de la déception qu’il avait dû ressentir sur le moment, mais je ne sentais pas encore prête à évoquer les véritables raisons de mon départ. Et puis de toute manière, ce n’était pas le bon moment. « Tu avais peut-être besoin de prendre du recul, je te connais Ayhalina, si tu es partie, c’est que tu avais une bonne raison mais je suis simplement heureux que tu sois revenue… » Était-ce seulement possible d’être aussi parfait ? Beaucoup à sa place m’auraient balancé un tas de reproches, mais Javier avait préféré jouer la carte de la compréhension. Je ne méritais pas un homme tel que lui, mais j’allais tout faire pour me montrer digne de son amitié. S’il fallait mettre ma carrière entre parenthèses le temps qu’il se remette d’aplomb, j’étais prête à le faire. La vie m’offrait une seconde chance et je ne comptais pas la laisser passer. Je voulais passer un maximum de temps en sa compagnie, l’aider, le soutenir, être là pour lui. Je ne lui laissai pas le choix, mais ça ne semblait pas le déranger plus que ça. « Je crois que je pourrais survivre à ça » dit-il avant de déposer un baiser sur mon front. « Mon opération est dans quinze jours, d’ici là, je compte bien profiter de ta présence et rattraper tout ce temps perdu ! Qu’est-ce que tu crois, je ne vais pas te lâcher non plus, tu peux en être assuré ! Fais-moi penser à offrir un bouquet de fleur à Manuela car sans elle, je ne t’aurais peut-être pas revu de sitôt » s’exclama-t-il. « Je n’y manquerai pas ! » répliquai-je du tac-au-tac, consciente que sans elle, rien de tout ça n’aurait été possible.

« Au fait félicitation pour ta carrière, on te voit dans plus en plus de films ! » J’hochai les épaules. « Merci, mais tu sais, je n’ai aucun mérite… » lâchai-je avec modestie. Malgré le faste et la notoriété, j’étais toujours restée quelqu’un de très simple. Certains prenaient ça pour de la fausse modestie, de la comédie, mais ils avaient tout faux. Le fait d’être à l’affiche de grandes productions cinématographiques ou de côtoyer du beau monde n’avait rien changé à ma nature profonde. J’étais une femme avant tout. Une femme avec des besoins et des envies similaires à toutes les autres. « Ce sont plutôt les scénaristes, techniciens et réalisateurs qu’il faudrait féliciter ! Ces gars font tout le boulot ! Moi, je me contente de réciter mon texte… » J’étais passionnée par mon métier, cela ne faisait aucun doute - mais je n’avais pas l’impression de mériter tous les compliments qu’on me faisait. Chacun des rôles que je choisissais faisait toujours écho à une période bien spécifique de mon existence et je puisais dans mes souvenirs pour les interpréter. Ce n’était ni plus ni moins que du vécu. « Et toi ? Comment marchent les affaires ? Ta petite entreprise semble en avoir fait du chemin depuis la dernière qu’on s’est vu ! »

« Peut-être mais ce n’est pas donné à tout le monde de donner vie à ses personnages comme tu le fais. » Pour toute réponse, je me contentai d’hausser les épaules. Exercer ce métier ne m’avait jamais demandé aucun effort. J’avais toujours adoré ça, en plus d’avoir un don certain pour jouer la comédie. Bien plus qu’un moyen de gagner ma vie, c’était avant tout une passion. Tout le monde n’avait pas cette chance. La plupart de nos concitoyens se tuaient à la tâche. Ils passaient leur vie à exercer une profession qu’ils détestaient dans l’unique but de subvenir à leurs besoins ou bien d’offrir un meilleur avenir à leur progéniture. Non, vraiment, je n’étais pas à plaindre et je ne voyais pas l’intérêt de tergiverser davantage sur la question. Si les spectateurs aimaient mes prestations et si les films auxquels je participais leur permettaient d’échapper, ne serait-ce que provisoirement, à leurs soucis, alors cela suffisait à me combler de bonheur. Je n’avais pas besoin qu’on me couvre de fleurs.

« Et bien j’essaie ! En fait, Peter a connu des difficultés financières qui ont fait qu’il a fermé l’antenne de New York et je dois dire que retourner en Australie ne me tentait pas le moins du monde alors j’ai ouvert ma propre agence » m’expliqua-t-il en réponse à ma question. L’espace de quelques secondes, je ne pus m’empêcher d’imaginer à quoi aurait ressemblé ma vie s’il avait finalement décidé de revenir aux sources. Aurait-il essayé de renouer le contact ? Ou bien l’endroit, chargé de souvenirs en tous genre, aurait-il été un nouveau frein à notre histoire ? « Les affaires marchent bien et j’ai pu embaucher si bien que je ne vais pratiquement plus sur le terrain bien que cela me manque. J’ai reçu des propositions d’anciens clients qui aimeraient que je devienne garde du corps à demeure mais je ne veux pas me fixer. J’aime être libre dans mon travail et puis, Katniss a besoin de stabilité… » Même si j’avais encore un peu de mal à l’imaginer en père de famille sans histoire, j’étais heureuse que la fillette ait débarquée dans sa vie. De toute évidence, elle lui avait beaucoup apporté, tout en lui permettant de mûrir et je trouvais cela absolument fantastique. Katniss était une gamine attachante et lorsque j’étais loin de Javier, cela me rassurait de savoir qu’elle était là pour veiller sur lui. « Qui aurait pu croire que je deviendrais en quelque sorte un homme d’affaires ? » Nous nous mîmes tous deux à rire. « Il faut croire que rien n’est écrit dans la vie et qu’il faut simplement prendre en main son destin… » Je recouvrais subitement mon sérieux, heurtée de plein fouet par son discours. « Tu as sans doute raison… » répondis-je, pensive. « Et je suis vraiment ravie que tout fonctionne comme tu l’entends sur le plan professionnel ! Je ne te cache pas être un peu déçue que tu n’ailles plus sur le terrain, car ça m’aurait plu que tu assures mes arrières, comme au bon vieux temps » lançais-je, dans un clin d’œil. « Mais on ne peut pas tout faire ! Quoi qu’il en soit, ça me fait vraiment plaisir de te revoir ! Comment va Katniss ? J’imagine qu’elle a beaucoup grandi ? »