Marcher m’avait toujours fait du bien et aujourd’hui, c’était devenu limite une nécessité car je venais d’annoncer que j’attendais un bébé à William Slayers et la réponse n’avait pas tardé à fuser : interdiction de continuer à être videuse. Franchement, cela me tuait sur place car je savais que je pouvais me prendre un mauvais coup de la part d’un client mécontent mais merde, je n’étais pas une chose fragile à mettre sous verre. Du coup, je m’étais retrouvée directement en congé maternité alors que je venais à peine de me savoir enceinte. Ce type était un taré mais comme j’étais payé, je n’allais pas m’en plaindre surtout que cela me laissait plus de temps pour reprendre mes marques dans mon couple. D’ailleurs, j’avais pris pour habitude de passer de plus en plus de temps au garage pour voir Phoenix avant que mon cher et tendre me vire car j’empêchais son employé de bosser. Je le soupçonnais d’être jaloux mais avec lui, ça pouvait être tout aussi bien la véritable raison. Le problème, c’est que je m’ennuyais grave ! Ok je pouvais prendre de l’avance dans mes cours mais je tournais rapidement en rond. Je voulais de l’action, n’importe quoi qui me sorte de ma routine mais autant parler à une bande de sourds surtout depuis ma tentative de suicide. Ok, j’avais promis de plus recommencer alors pourquoi on continuait à me voir comme une chose fragile ? Cela me rendait folle ! Du coup, en ce jeudi soir –et parce que Jayden avait une course de voiture dont j’étais interdite de séjour car trop dangereux pour une femme enceinte, je venais trouver refuge vers la seule personne vers laquelle, je pouvais me tourner. Phoenix. Nous étions devenues au fil du temps et des rencontres de véritables amies et je prenais réellement plaisir à la côtoyer si bien que je crois que je l’avais définitivement adopté. J’étais ainsi : longue au démarrage mais une fois ferrée, impossible de me décrocher. J’espérais sincèrement qu’elle ne serait pas indisposée par ma venue imprévue ni même qu’elle serait occupée. C’est juste que j’allais péter un câble si on continuait de me couver comme si j’étais une bombe à retardement car je risquais réellement de le devenir mais lors de l’explosion, il faudrait mieux se mettre à l’abri. « Salut ! » m’exclamais-je avec un grand sourire lorsqu’elle vint m’ouvrir à sa porte. « Tu as de la place pour une pauvre âme esseulée qui te ramène un menu italien ? » lui demandais-je en grimaçant « Jay m’a encore jeté de sa voiture sous prétexte que je suis une pauvre chose fragile, je vais lui botter le cul sérieusement un de ces quatre ! »

J’ignorais qu’être enceinte serait aussi perturbant non pas pour moi mais pour mon entourage. Les totally spies m’empêchaient presque de respirer de peur que je ne perde le bébé et je ne parlais même pas de Summer qui me couvait comme une poule couverait son œuf. Le seul à se conduire à peu près normalement était Jayden mais ce soir, il m’avait pour le moins éjectée comme si j’allais risquer la mort. Non mais sérieusement, je n’étais pas en sucre, j’étais simplement enceinte ! Il fallait que je fasse quoi pour qu’on me traite normalement ? Je commençais à en avoir véritablement marre et la seule personne vers qui je pourrais me tourner : Phoenix. Au moins avec elle, j’allais pouvoir redevenir Blodwyn, la gentille mais puncheuse de Blodwyn ! Alors lorsque je me rendis chez elle avec un sac provenant d’un traiteur italien, je ne pouvais m’empêcher d’espérer qu’elle m’accorde l’asile politique dont j’avais cruellement besoin sous peine d’exploser. Heureusement un quelconque dieu dû entendre ma prière car mon amie m’ouvrit la porte et me fit signe d’entrer alors que je lui expliquais la raison de ma venue. « Je ne comprendrais jamais votre relation... Entre, je t'en prie ! » Rigola-t-elle alors que l’on se dirigeait vers son jardin. « Te marre pas, ce n’est pas drôle, j’ai l’impression d’être en mode, je suis en sucre et faut surtout pas me mouiller. Si ça continue, ils vont tous m’enrouler dans un matelas pour être sûrs que je ne me fasse pas de mal » râlais-je sans pour autant perdre mon sourire. « Je t'avoue que j'étais en train de mourir de faim dans mon canapé donc, tu tombes vraiment bien en fait... » M’avoua-t-elle alors tandis que je bombais le torse, fiérote d’être passée chez le traiteur du coin pour amener à manger. Autant dire que je venais moi-même de m’auto donner asile car rien ne valait un peu de bouffe pour amadouer une amie. « Je peux te proposer quelque chose à boire ? De l'eau ou... de l'eau ? » Me demanda-t-elle et je grimaçais « Humm dur choix ! Je crois quand même que je vais prendre un verre d’eau ! De tout de manière, je n’ai plus le droit à de l’alcool, monde cruel, adieu mes mojitos et autres tequilas » répondis-je avec un soupire à vous fendre l’âme avant de grogner face à sa réplique suivante. « Pitié, pas toi !! Je vais finir dingue, on m’avait pas prévenu que tomber enceinte lobotomiserait le cerveau de mon entourage ! Tu te rends compte que l’un de mes patrons m’a carrément mis en congé maternité alors que genre, ça fait seulement six semaines que je suis enceinte. C’est une conspiration pour que je craque nerveusement hein ?! Je le savais que je n’aurais pas dû passer devant cet adorateur de l’apocalypse sans lui donner une pièce, ça se trouve, c’était Dieu déguisé en crétin taré et il me punit de mon manque de générosité ! »

« Oh, je m'engage à boire tout ton quota de mojitos pour toute ta grossesse ! » s’exclama mon amie et j’éclatais de rire. « Comme c’est trop gentil de ta part, franchement un tel dévouement, c’est touchant » plaisantais-je. Et oui, il allait falloir que je commence à intégrer le fait qu’être enceinte apportait son lot de sacrifice même si Lyanna ma supérieure à la morgue m’avait assuré que je pourrais continuer mes études. D’ailleurs, elle m’avait conseillé de me concentrer durant les mois à risque, à travailler sur ma thèse afin d’avancer le travail pour mieux reprendre ensuite, les examens médico-légal. Son conseil était avisé et je devais reconnaitre que je m’en sentais que soulagée de me dire que je n’avais pas à abandonner mes études. J’avais travaillé trop dur pour renoncer maintenant même pour un bébé. Certes, c’était peut-être égoïste de penser cela mais je devais aussi assurer son avenir et il passait justement par mes études. Néanmoins, ça ne résolvait pas mon problème principal : celui d’être traité comme une chose fragile alors que je me sentais bien. C’était les autres qui allaient finir par me donner des complexes ou encore me faire perdre la raison. « Mais... c'est pas contre toi ! Et puis, sincèrement, je dirais même pas que c'est POUR toi... c'est pour lui ! Ou elle ! » me répondit-il non sans désigner mon ventre ce qui me fit soupirer tandis qu’elle poursuivait « C'est vrai que t'es pas en sucre, et que tu sais parfaitement te protéger et te défendre, et que sincèrement, ton patron a fait un peu fort quand même, mais... enfin, n'importe quoi pourrait arriver, surtout quand on fait un boulot dont l'un des principes est de gérer les personnes turbulentes ou même dangereuses. Si ça n'était que toi, je t'enverrais dans une cage remplie de lions en pariant sur toi, mais je prendrais pas le risque parce qu'il est pas question seulement de toi, mais du gamin qui va un jour détruire ta pelouse & critiquer tous tes repas. » M’expliqua-t-elle et je méditais ses paroles alors qu’elle attaquait le repas. « Bon appétit ! » lui souhaitais-je en parfait français avant d’attaquer également ayant une faim de loup. « Tu sais, je ne dis pas que ça me plait pas d’être chouchoutée mais je n’ai pas l’habitude. Dans ma famille, même si j’avais de l’amour à revendre, il n’y en avait que pour mes sœurs. Elles étaient toujours le centre de l’univers et j’ai dû apprendre à me démerder toute seule. Je crois qu’en fait, je suis plus gênée par toute cette attention qu’autre chose. Je veux dire, c’est peut-être très con mais j’aurais aimé recevoir ça quand je n’étais pas enceinte. Là, j’ai l’impression d’être juste un support à junior. Gosh, je suis une future mère affreuse de penser ainsi mais j’ai vraiment du mal avec ma grossesse. Je la vis pas super bien mais devant Jayden, je fais style que oui. Il est heureux, même complétement gaga et moi, je suis là à râler. Je crois que je n’étais tout simplement pas prête mais maintenant c’est fait et je sais que j’aimerai junior mais pour l’heure, j’aimerai juste que les choses redeviennent normales »