Abraham & Nana ❝ highway to... a nightmare !! ❞

Soirée mouvementée pour Anastasia. Dans sa grande inconscience, elle avait fait un plongeon vertigineux en rappelant Abraham et en lui proposant carrément une virée à Vegas. Cela faisait quelques semaines maintenant qu’ils s’appelaient régulièrement, buvaient des verres de temps à autre, et ce dans la plus grande discrétion. Il faut dire que Nana se faisait rikiki dans les cours en amphithéâtre, et avait eu l’extraordinaire bonne idée de ne pas s’inscrire aux travaux dirigés qu’il donnait… elle privilégiait ses collègues le temps de faire le point et quelque part, elle aurait bien aimé que ce soit le cas durant ladite virée. La soirée fut délicieuse, à la fois folle et inattendue tandis qu’ils avaient sillonné de nombreux pubs, casinos et autres clubs jusqu’au petit matin, sans oublier bien évidemment de s’alcooliser joyeusement. A la fin de la nuit, alors qu’ils revenaient à peine à la suite qu’ils avaient réservée ensemble, c’est à peine s’ils tenaient debout. Cela ne les empêcha certes pas de se donner furieusement l’un à l’autre, comme si leur existence toute entière ne dépendait plus que de cet instant précis… hélas. Ils étaient tellement anesthésiés par tout l’alcool qu’ils avaient ingéré grignotait peu à peu chaque moment qu’ils avaient partagé au cours de cette soirée, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien d’autre qu’un énorme trou béant à l’intérieur de leurs mémoires respectives. C’est donc particulièrement épuisés qu’ils s’endormirent dans les bras l’un de l’autre, s’adonnant désormais au sommeil du juste après une soirée et une nuit des plus formidablement mouvementée. Le réveil fut malheureusement aussi douloureux que leur instant avait été délectable : Nana ouvrit péniblement les yeux à quinze heures tapantes, sentant ses paupières devenir aussi sableuses qu’un lendemain de beuverie. En l’occurrence, alors qu’elle peinait à raccrocher les wagons ensemble, elle dû bien admettre qu’elle n’avait sûrement pas abusé d’Evian fruité la veille.

Premier constat : elle se trouvait nue, dans un environnement inconnu. Probablement une chambre d’hôtel d’après la qualité des draps et le décorum. Deuxième constat, elle n’était pas seule : une chevelure bouclée blonde se heurta à son regard d’un bleu puissant alors qu’elle se redressait péniblement, lui faisant très clairement comprendre qu’elle n’avait pas passé la nuit en solo, dans le plus grand des désespoirs. Il lui fallut hélas un moment avant d’additionner a+b et de comprendre qu’il s’agissait d’Abraham, malgré le mal de tête lui sciant littéralement le crâne et n’ayant de cesse de tonner contre ses tempes, comme si un pivert l’avait pris sournoisement pour cible. Elle se massa d’ailleurs les deux côtés du crâne tout en inspirant et expirant profondément, persuadée que sa cuite monumentale n’allait pas prêter à conséquence et que bientôt, tout ceci ne serait rien de plus qu’un souvenir… le mal de tête en moins. « Hey, on se réveille la belle au bois dormant, à mon avis on va devoir rendre rapidement la chambre… » énonça-t-elle tout en le secouant très légèrement, histoire de ne pas le brusquer comme s’il n’était rien d’autre qu’un vulgaire prunier. A ceci près qu’elle finit par poser ses yeux contre sa main gauche, et précisément son annulaire, portant une alliance qu’elle ne connaissait pas et dont la vision la pétrifia d’emblée. Nan, nan, nan !! Nana n’était pas mariée, elle n’avait pas bu au point de ne se souvenir de rien et surtout n’avait épousé personne ! Elle se saisit pourtant de la main gauche d’Abraham à portée pour s’en assurer, et poussa un cri qu’elle ne put retenir en voyant qu’il portait la même bague… oh nom de dieu. « Bordel de merde mais réveille-toi !! ALLEZ DEBOUT !! » Finalement, la douceur venait d’être reléguée au placard. Là, il y avait urgence et Nana ne put s’empêcher de le secouer comme un prunier jusqu’à ce qu’il ne soit en mesure d’ouvrir un œil glauque et de constater qu’ils portaient tous les deux la même alliance.

S’amuser, prend du temps pour lui, c’était quelque chose qu’Abraham n’avait pas fait depuis bien longtemps. Cependant, en recevant les appels d’Anastasia et en l’appelant également, il avait passé des moments très mémorables. Ca l’avait beaucoup amusé et également détendu. La jeune femme était d’une très agréable compagnie. Mais cette fois-ci, ça risquait d’être encore plus mémorable. En effet, lui qui aimait passer du temps avec la jeune femme, ça l’amusait toujours de voir son nom s’afficher sur son portable quand elle l’appelait. Visiblement, elle semblait tout aussi ravie de passer du temps avec lui. C’était toujours plaisant. Enchainant donc les moments plaisants et finalement les sorties, il se retrouva vite alcoolisés. En temps normal, il essayait de ne pas l’être, il avait des cours à donner. Mais là, pas de cours à donner le lendemain, donc il comptait bien en profiter. Ca faisait des années qu’il ne s’était pas saoulé à ce point. Ca faisait du bien d’être insouciant et de ne penser à rien d’autres qu’à sa partenaire. Après ces moments complètement en dehors du temps, il se retrouva à dormir comme une masse. L’alcool aidait dans le processus forcément. Il pouvait y avoir un orchestre et un train qui passait dans la chambre qu’il ne les aurait pas entendus. Le sommeil était là et le philippin dormait profondément. Seulement, il finit par entendre une voix au long, mais il n’y fit pas attention. C’est qu’on le poussa un peu qu’il se mit à grogner, reprenant pied avec la réalité. Non, il fallait qu’il dorme encore. Continuant de grogner jusqu’à ce qu’on arrête de le pousser, il finit par soupirer, voulant se rendormir, mais il n’en eut pas la possibilité. Entendant la jeune femme crier, il fronça les sourcils, n’appréciant d’être réveillé de la sorte. Ouvrant un œil, il y alla doucement pour ne pas être embêté par la lumière. Ca allait de ce côté-là. Seulement, il sentit que son bras n’était pas à sa place. En tout cas, qu’il n’aurait pas dû être prit par la jeune femme. Alors, il ouvrit l’autre œil et regarda sa partenaire, avant de voir les bagues.

Sympa les bagues.

Fermant les yeux, il soupira, près à retrouver le sommeil, quand il ouvrit grand les yeux. Avec un air grave sur le visage, il regarda les fameuses bagues. Passant de la main de la jeune femme à la sienne.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

Avançant sa main vers son visage, il eut un regard horrifié. Levant les yeux vers la jeune femme, il était vraiment panique sur ce coup là.

Dis-moi que je dors encore et que cette bague n’est pas une alliance qui prouve qu’on s’est marié hier.

Même s’il savait qu’elle ne pourrait pas lui dire le contraire, il tentait de faire en sorte de retenir le moment de vérité le plus loin possible, en tout cas, pour quelques minutes encore.

Abraham & Nana ❝ highway to... a nightmare !! ❞

Finalement, Abraham finit par ouvrir un œil et l’écouter réellement, prenant manifestement conscience des choses en même temps qu’elle. Il lui posa aussitôt une question à laquelle elle s’attendait, mais dont elle n’avait pas la réponse… encore faudrait-il qu’elle se souvienne de la nuit de la veille ! Nana avait beau farfouiller dans sa mémoire, elle ne trouvait pas la moindre trace des évènements de la veille. Avaient-ils simplement acheté ces bagues parce qu’elles étaient jolies et assorties ou s’étaient-ils effectivement dit « oui » devant l’autel ? Oh diable, Nana en frissonnait d’horreur rien qu’à cette pensée. Avec les récents évènements, elle n’aurait jamais imaginé se marier de sitôt. Elle aurait bien aimé le rassurer sur ce point, mais les mots lui manquaient cruellement. « Si j’avais pas la mémoire en mode gruyère… je pourrais te répondre, mais là tu m’en demandes beaucoup ! » Il fallait se rendre à l’évidence : soit ils restaient dans le flou le plus artistique au risque de créer une catastrophe nationale, soit ils partaient à la pêche aux indices et reconstituaient l’intégralité de leur nuit, au risque de choper une crise cardiaque en bonne et due forme au passage. « Tu as peut-être besoin de pioncer mais moi perso j’ai envie de savoir !! »

Nana déglutit avec difficulté tout en massant ses tempes douloureuses, tentant vainement d’oublier la présence de cette maudite alliance à son annulaire gauche alors que tout la rappelait vers elle. Abraham était potentiellement dans le même état qu’elle, même s’il se trouvait légèrement plus endormi qu’elle ne l’était sûrement. Ils n’avaient pas intérêt à traîner, surtout s’ils avaient laissé des ardoises imposantes… vraiment, Nana s’attendait au pire et ce milieu d’après-midi ne laissait strictement rien présager de bon. Elle était prête à tout encaisser, à tout entendre et à tout voir après avoir bloqué longuement sur cette foutue bague qu’elle ne pouvait pas se sortir de la tête malgré des efforts considérables. « Pas trop mal au crâne, sinon ? »

Marié, ça il ne l’aurait jamais imaginé, enfin pas de la sorte. Que s’était-il passé la veille ? Visiblement, ils n’étaient pas capables de retrouver la mémoire. S’allongeant sur le dos, il soupira et ferma les yeux. Seulement réfléchir lui faisait mal au crâne. Ca n’était pas agréable du tout. Grimaçant, il ouvrit les yeux et soupira. Il ne trouvait vraiment pas ce qui s’était passé la veille. Il se souvenait de leur arrivée, d’avoir rigolé. Mais le reste était complètement perdu. A la question de la jeune femme, il tourna la tête vers elle.

Si. Réfléchir sur ce qui s’est passé la veille me fait mal au crâne. Je n’arrive pas à me souvenir.

Se passant les mains sur le visage, il soupira et regarda à nouveau la jeune femme.

D’accord, alors. On est venu ici, pour s’amuser, prendre du bon temps. On a été jouer au casino, on a été boire. On a beaucoup rigolés. Mais à part ça, je ne me souviens de rien du tout.

Il tenta à nouveau de réfléchir, mais son crâne lui faisait toujours aussi mal. Grognant, il regarda alors autour d’eux, pour essayer de trouver des indices.

A part des bouteilles et nos vêtements, je ne vois pas ce qui pourrait nous aider.

S’asseyant au bord du lit, il chercha à nouveau ce qui pourrait les aider et vit un bout de papier dépasser de sous un vêtement. Fronçant les sourcils, action qu’il regretta sur le champ, il se leva, attrapant le morceau de papier et se rassit sur le lit. Seulement, il eut un regard horrifié.

Je crois que ça répond à ma question de tout à l’heure.

Se tournant, il donna la feuille de papier à la jeune femme. Ca avait été fait par un certain Elvis, sa signature était en bas. Seulement sur la même ligne, de l’autre côté de la feuille, il y avait la signature d’Abraham et il se doutait que celle à côté était celle de la jeune femme. Soupirant, ils s’étaient mariés la veille et Elvis les avaient mariés en plus.

Il faut qu’on change tout ça. On ne peut pas rester mariés, ça n’est pas possible.

Panique à bord ! Se levant trop vite du lit, il dû se retenir au mur et il inspira et expira longuement, avant de regarder la jeune femme.

Je vais prendre une douche et je rentre à New-York.

Fuir la jeune femme était la seule possibilité envisageable pour lui. Il ne se voyait pas du tout rester ici une minute de plus. Il avait besoin de réfléchir, sans avoir mal au crâne.

Abraham & Nana ❝ highway to... a nightmare !! ❞

Anastasia avait l’impression qu’un pivert s’était emparé de l’intégralité de son crâne et pourtant, elle tentait de garder fièrement les yeux ouverts sans détour. Il valait mieux qu’elle assure pendant les prochaines minutes car elle n’était sûrement pas la plus paniquée des deux… ou peut-être se trouvait-elle simplement beaucoup plus habituée aux galères et aux merdes en tout genre pour ne pas se formaliser ou avoir l’impression que le ciel allait lui tomber sur la tête pour un rien. Néanmoins, face au contrat de mariage rédigé par nul autre qu’Elvis en personne, elle se mit à loucher violemment, sentant la panique s’emparer peu à peu de son être. Pour être inattendu, c’était inattendu ! Mais au bout du compte cela constituait une première preuve de leur soirée et il valait mieux continuer à se la jouer Sherlock plutôt que d’abandonner illico presto… ce que fit Abraham superbement, il faut le dire. Face aux yeux écarquillés de Nana, il manqua de prendre la poudre d’escampette en énonçant son départ prochain pour New York. Il allait la laisser en plan comme ça ?! « Minute papillon ! » beugla-t-elle un peu trop fort face à son mal de tête indicible. « T’es du genre à te marier et à te barrer direct ? Je peux pas l’avaler celle là ! »

Nana s’était relevée à la même vitesse que le professeur universitaire, avant de lui choper le poignet pour l’obliger à la regarder. « Hey si tu veux me fuir désolée mais ce n’est pas le genre de la maison alors tu vas rester et affronter la situation avec moi, vu ? Je ne suis peut-être pas le parti du siècle mais moi au moins j’en ai dans le pantalon et je n’ai pas l’intention de simplement faire l’autruche en prétendant que ce n’est jamais arrivé ! » Une fois lancée, elle ne se contrôlait plus. Un incroyable défaut qui la poursuivait depuis des lustres, hélas… « Et pour ta gouverne : moi au moins je ne mens pas sur mon identité ou mon vrai métier ! » Trop tard, c’était sorti. Son excès de franchise la fit lâcher le poignet d’Abraham tandis qu’elle déglutissait avec difficulté. Comment elle allait s’en sortir maintenant ?

Rester ici était trop dur pour Abraham. Il avait besoin de prendre du recul et surtout de rentrer chez lui. Seulement, quand la jeune femme haussa le ton, il ferma les yeux et grogna. Ca n’était pas un son agréable à entendre, surtout avec son mal de crâne. Soupirant à ses paroles, il ne savait même pas quoi lui dire. Elle avait raison, il fuyait, mais c’était la seule solution qu’il avait trouvé sur l’instant. Sentant la main de la jeune femme sur son poignet, il se retrouva face à elle, mais silencieux. Il ne dit que l’écouter.

Je ne compte pas faire l’autruche, je veux juste …

Il n’avait pas pû finir sa phrase, parce que la jeune femme avait continué sur sa lancée et il fronça les sourcils à ses paroles. Restant la fixer, il ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. De quoi parlait-elle ?

Attends, de quoi tu parles là ?

Son mal de crâne le faisait toujours souffrir, mais pour l’instant, il s’en fichait royalement. Elle abordait un sujet qui n’allait clairement pas lui plaire et sur ce point là, il avait besoin de tout savoir et surtout, de ne pas fuir.

Je n’ai jamais mentis à ce propos.

Bon d’accord, encore une fois c’était un mensonge, mais il ne pouvait pas se permettre de le lui dire. Il devait garder tout ça pour lui, personne n’avait besoin de le savoir.

Qu’est-ce que tu en sais de toute façon ? Maintenant qu’on est marié, tu veux qu’on habite ensemble et qu’on soit un couple unit et tout ce qui est dit dans les contes de fées ? Très peu pour moi. Je ne crois pas au conte de fées, je n’y ai jamais cru. C’est bien trop beau pour être vrai, surtout quand la vie ne vous fait pas de cadeau.

Il savait de quoi il parlait, mais pas besoin d’en rajouter une couche. Seulement, cette fois-ci, il avait besoin de savoir ce qu’elle voulait dire.

Que veux-tu ? Moi j’ai besoin de réfléchir à ce qui s’est passé. J’ai besoin de réfléchir là-dessus.

Il leva la main pour montrer l’alliance. Il n’avait jamais pensé épouser qui que ce soit, alors ça n’était pas ce mariage à Las Vegas qui allait lui faire changer d’avis.