Depuis son accident, Pablo avait l’impression de se retrouver terriblement seul. Pourtant, il recevait assez régulièrement des visites, notamment celles de Zeppelin qu’il voyait tous les jours ou presque. Mais rien n’était comme avant et même lorsque les gens passaient le voir, le latino avait tendance à prendre cela pour de la pitié plus qu’autre chose. Sa vie d’avant lui manquait, tant au niveau sportif qu’au niveau social qui allait avec. Désormais, il se retrouvait isolé, seul dans son appartement dont il ne pouvait pas bouger tant le moindre déplacement devenait compliqué pour lui. Vivre en fauteuil roulant sans aucun espoir de pouvoir en sortir un jour, c’était définitivement la pire chose qui ait pu lui arriver. Et malgré les efforts évidents de son entourage pour l’aider à aller mieux, le moral de Pablo était toujours au plus bas.

Même si gens qu’il aimait étaient toujours présents autour de lui, il avait bizarrement l’impression de les avoir perdu. Leur comportement n’était plus le même à ses yeux, et leur regard avait clairement changé. Désormais, son handicap parlait pour lui et dictait la moindre de ses activités. Finies les sorties entre amis en boîte de nuit, ou même autour d’un verre. Finies les soirées d’après courses  durant lesquelles le latino faisait à coup sûr tout un tas de rencontres pour le moins « intéressantes ». Et pire : finis les Grands Prix, les victoires, les honneurs, et tout ce qui allait avec la carrière qu’il avait atteint ces derniers mois. Jusqu’à présent tout lui avait sourit ou presque, mais la roue semblait avoir brusquement tourné. A longueur de journées, Pablo ressassait ses souvenirs et les projets qu’il avait faits avant la catastrophe qui lui avait ôté l’usage de ses jambes. Cloué dans son fauteuil, en face de la télévision, il avait les traits tirés, et une barbe de quelques jours prenait même naissance sur ses joues. Il aurait pu passer son temps à se lamenter sur son propre sort mais au lieu de ça, il préférait tout intérioriser, et garder toute sa souffrance pour lui. Alors, comme à chaque fois qu’il entendait quelqu’un frapper à sa porte, le latino s’efforça de prendre une expression un tant soit peu enthousiaste (qui se traduisait en fait par un sourire à peine visible). Pensant qu’un peu d’animation ne pouvait pas lui faire de mal, il se dirigea vers la porte d’entrée dans son fauteuil et après avoir essuyé quelques difficultés, l’ouvrit, découvrant quelqu’un qu’il ne s’attendait pas le moins du monde à voir : Bonnie. Il avait regretté de ne pas l’avoir vue durant son séjour à l’hôpital, mais avait tout de même apprécié les chocolats qu’elle lui avait fait parvenir, comprenant qu’elle était bien trop débordée pour venir le voir. Au fond, il commençait à la languir et à se demander si elle ne l’avait pas tout simplement oublié. Mais sa présence ici lui réchauffa immédiatement le cœur, élargissant légèrement son sourire. « Hey ! Pour une surprise…. » lâcha-t-il tout de même sans pouvoir s’en empêcher, avant de reculer pour la laisser passer en déclarant : « Entre… »

Bonnie s’était enfin décidée à rendre visite à Pablo. Elle avait appris son accident comme la plupart des gens en regardant les nouvelles à la télévision. Pas en direct cela dit mais cela avait été tout aussi impressionnant… Etant une femme très occupée et d’autant plus depuis qu’elle avait obtenu sa promotion, elle n’avait pas trouvé le temps d’aller lui rendre visite à l’hôpital. Elle lui avait cependant fait envoyer une boite de chocolats tout en sachant que cela n’excuserait pas son absence. Elle n’était pas tellement sensible mais… Elle avait eu peur de l’état dans lequel elle allait le retrouver, l’accident avait quand même été violent… Elle n’était pas tellement sensible mais elle tenait quand même beaucoup à lui donc elle avait eu le sentiment que ce serait difficile. Enfin aujourd’hui, elle était prête. La jeune femme avait fait de la place dans son emploi du temps pour aller rendre une visite surprise à son ami. On lui avait appris qu’il était rentré chez lui et elle se rendit donc à son appartement pour la première fois depuis longtemps. Elle ne savait pas trop comment il allait l’accueillir. Elle avait plus brillé par son absence qu’autre chose au moment où il en avait sans doute le plus besoin, seul dans une chambre d’hôpital froide et inconfortable. Elle doutait en plus que son travail soit vraiment une excuse pour lui-même s’il savait combien de temps elle y consacrait. Bonnie ne tarda pas à arriver à Meatpacking District et donc à l’appartement du latino. Elle frappa à la porte avec assurance elle dut attendre un court instant avant que la porte ne s’ouvre devant elle, lui laissant découvrir un Pablo plutôt mal en point. Elle s’efforça de sourire et le jeune homme le lui rendit bien. « Hey ! Pour une surprise…. » Bonnie se baissa pour le serrer dans ses bras et se releva le sourire toujours aux lèvres. « Entre… » Elle le suivit à l’intérieur de l’appartement et se rendit jusqu’au salon comme un réflexe, ne perdant pas les habitudes qu’elle avait eu autrefois. « Je suis contente de te voir. » Elle était sincere. « Je ne savais pas trop si je pouvais venir mais je suis dit, comme je ne suis pas venue à l’hôpital que ça ne te dérangerait pas… Enfin, j’espère. » Elle lui fit un petit sourire désolé. « Désolée de ne pas être venue plus tôt d’ailleurs. » Elle pinça les lèvres et se tut quelques instants. « Comment ça va ? Tu récupères bien ? »

A peine eut-il ouvert la porte que Bonnie se baissa pour prendre le latino dans ses bras, chose qui ne lui était pas arrivé depuis une éternité. Touché, Pablo lui rendit son étreinte comme il le put, avant de s’écarter pour la laisser entrer et de refermer la porte derrière eux. Il constata avec un certain amusement que Bonnie n’avait pas perdu ses vieilles habitudes, et il l’observa se diriger vers le salon en affichant une bribe de sourire. Agrippant les roues de son fauteuil il entreprit de la suivre tout en l’écoutant parler. En fait, même sa voix lui avait manqué et le fait de l’entendre de nouveau suffisait à le réconforter un peu. Ces dernières semaines n’avait pas été spécialement faciles, et il avait souvent pensé à l’appeler. Mais, bien trop fier pour en être réduit à cela, il avait toujours changé d’avis au dernier moment, préférant se terrer dans sa solitude en attendant que Bonnie daigne faire le premier pas. Et finalement, alors qu’il commençait sérieusement à perdre espoir, elle était arrivée. « Je ne savais pas trop si je pouvais venir mais je suis dit, comme je ne suis pas venue à l’hôpital que ça ne te dérangerait pas… Enfin, j’espère. » déclara-t-elle alors que Pablo arrivait enfin à sa hauteur. Bien sûr, il ne pouvait pas nier la déception qu’il avait ressentie en recevant ses chocolats. Il aurait de loin préféré la voir en vrai, même si elle était venue sans aucun cadeau. Mais Bonnie restait Bonnie, et il la connaissait parfaitement bien. Assez bien d’ailleurs pour ne pas être capable de vraiment lui en vouloir. Aussi, pour répondre à sa question, le latino se contenta de secouer la tête d’un air qui se voulait rassurant. Evidemment qu’elle ne le dérangeait pas… Ce n’était pas comme s’il avait des tonnes de choses à faire en ce moment de toute façon !

Aussi incroyable que cela puisse paraître lorsque l’on connaissait Bonnie, elle s’excusa de ne pas être venue plus tôt. A vrai dire, son comportement avait réellement changé et Pablo s’en trouvait ravi. La Bonnie d’aujourd’hui n’avait rien à voir ou presque avec celle dont il était tombé amoureux durant leur toute première relation, et elle avait évidemment évolué en bien. Au final, il ne savait pas si elle adoptait cette attitude seulement avec lui, mais il s’en fichait pas mal. L’important, c’était sa présence et cette relation d’amitié qu’ils avaient noué depuis la fin de leur histoire de cœur. Pablo avait donc l’impression de se sentir de mieux en mieux depuis que la jeune femme avait passé le pas de la porte. Pourtant, une seule phrase, une seule malheureuse question qu’elle osa poser vint rapidement tout remettre en question. « Comment ça va ? Tu récupères bien ? » demanda-t-elle l’air de rien. Evidemment, Pablo aurait pu lui répondre que oui, tout allait bien et qu’il se remettait parfaitement de son accident. Seulement, la vérité était ailleurs et elle était particulièrement douloureuse. Le jeune homme baissa les yeux sans forcément savoir comment aborder le sujet. Il aurait préféré ne pas avoir à parler de tout ça avec Bonnie, il avait compté sur elle pour lui changer les idées et lui remonter le moral mais apparemment, elle avait les mêmes sujets de conversation que tout le monde. Alors, après avoir prit une profonde inspiration, le latino se lança : « Je… je ne récupèrerai jamais, en fait. » Même s’il commençait doucement à se faire à cette idée, la vérité était particulièrement dure à avouer. « Les médecins ont été clairs et… je ne remarcherai jamais. » lâcha-t-il difficilement, le regard perdu dans le vide. « Je dois faire une croix sur ma carrière et… et sur tout le reste. Pour toujours. Donc… ça pourrait aller mieux, j’imagine. »

Bonnie avait eu peur en allant voir Pablo qu’il lui en veuille de ne pas être passé le voir plus tôt. Elle avait de bonnes excuses en plus, selon elle, mais ce ne serait certainement pas facile à accepter pour le jeune homme qui avait dû trouver le temps horriblement long tout seul dans sa chambre d’hôpital… Elle n’avait pas essayé de se placer de son point de vue parce que ça n’en aurait été que plus difficile pour elle de faire un pas vers lui. Mais maintenant qu’elle était là, elle était vraiment contente parce qu’il ne semblait pas lui en vouloir. Elle prit tout de même la peine de s’excuser parce que le contraire lui était impensable. Elle avait vraiment changé au contact de Lynch en fait… Elle était plus humaine. Avant, jamais elle ne se serait excusée comme ça ou jamais elle n’aurait culpabilisé pour ne pas avoir pris le temps d’aller voir son ami. Elle se rendait compte plus que jamais à quel point elle pouvait être horrible parfois… Elle l’était toujours hein, on ne chassait pas le naturel aussi facilement mais après tout ce qu’ils avaient vécu ensemble, elle plaçait Pablo parmi les personnes avec lesquelles elle était adorable. Les personnes qui comptaient le plus pour elle en somme. La jeune femme avait eu du mal à le voir au début. Il lui rappelait trop, sans le vouloir, la fille qu’ils avaient abandonnée. Bonnie avait eu du mal à s’en remettre de ça d’ailleurs, mais cela allait bientôt faire un an aujourd’hui et elle arrivait à sourire en y repensant. Après s’être excusée, la jeune femme commit une bourde monumentale. Elle s’en rendit compte tout de suite en voyant l’expression de son ami.« Je… je ne récupèrerai jamais, en fait. » Réalisant son erreur, elle sentit son cour tambouriner contre sa poitrine. Elle ne savait plus tellement où se mettre… C’était comment qu’il fallait faire pour mettre sur pause et rembobiner ? « Les médecins ont été clairs et… je ne remarcherai jamais. » Le Karma était en train de la punir, elle aurait su tout ça si elle était venue le voir à l’hôpital. C’était bien fait pour elle elle supposait. « Je dois faire une croix sur ma carrière et… et sur tout le reste. Pour toujours. Donc… ça pourrait aller mieux, j’imagine. » Bonnie regarda son ami un long moment en silence, les lèvres pincées. Elle ne savait pas tellement quoi dire, elle n’était encore pas assez empathique pour se douter d’à quel point il devait être mal en cet instant. « Oh non Pablo… Je suis désolée. » Elle se pencha pour lui prendre la main et la lui serrer assez fort. « Tu dois… Tu dois te dire que rien n’est définitif et qu’il y a un espoir. Je suis sûre qu’ils se trompent moi, tu ne peux pas tout abandonner comme ça… Peut-être un moment mais… Pas pour toujours. J’en suis convaincue. » Elle n’était pas tellement douée en discours d’encouragement en fait. « Tu sais quoi » Elle se releva d’un seul coup avec énormément d’assurance. « Tu vas te changer les idées, se morfondre n’est pas bon. » Elle ne savait pas encore ce qu’ils allaient faire mais ils n’allaient pas rester ici en tout cas. « On devrait sortir, voir du monde, tout ça. On pourrait aller promener Walter. » C’était un peu leur chien à eux deux vu que c’était lui que le lui avait offert pour son anniversaire l’année dernière. « Puis on va aller raser cette barbe aussi, je t’ai toujours préféré sans. »

Tout l’enthousiasme (néanmoins relatif) que Pablo avait éprouvé en voyant Bonnie chez lui semblait être retombé en un clin d’œil. Sans le vouloir, elle avait remis sur le tapis tout ce qu’il cherchait à oublier depuis des semaines, et cela avait suffit à effacer le micro sourire qui était pourtant apparu sur ses lèvres quelques secondes plus tôt. Quoi qu’il fasse, Pablo avait l’impression que cette fatalité lui retombait toujours dessus, qu’il y avait toujours quelque chose pour venir lui rappeler qu’il était désormais bon à rien, et que ça ne changerait plus. Le latino vit tout de suite le malaise que Bonnie ressentait, mais il ne pouvait clairement plus faire autrement : il devait lui dire, la mettre elle aussi au courant qu’il en était réduit à vivre en fauteuil roulant pour le restant de ses jours. Et comme il aurait habilement pu le prévoir, cette révélation jeta un froid dans la pièce, provoquant un énième silence gêné dont Pablo avait malheureusement prit l’habitude.

Elle était désolée… Evidemment, comme tous les autres. Comme tous ceux qui avaient croisé son chemin après l’accident et qui avaient eu pitié de lui. Au début, leurs petits mots gentils rendaient une sorte d’espoir au jeune pilote. Ils lui réchauffaient le cœur en lui démontrant qu’il était soutenu quoi qu’il arrive. Mais avec le temps, ce genre de phrases ne lui faisaient plus rien. Et même si elle venait d’être prononcée par Bonnie, elle était devenue bien trop banale pour provoquer une quelconque réaction chez le latino qui resta immobile et le regard indéniablement rivé vers le sol. « Tu dois… Tu dois te dire que rien n’est définitif et qu’il y a un espoir. Je suis sûre qu’ils se trompent moi, tu ne peux pas tout abandonner comme ça… Peut-être un moment mais… Pas pour toujours. J’en suis convaincue. » continua-t-elle, reprenant presque mot pour mot les paroles de Zeppelin qui avait elle aussi tenté de le convaincre que tout pouvait s’arranger. Mais plus le temps passait, plus les séances de rééducation avançaient, et plus Pablo perdait espoir. Il ne voyait absolument aucun progrès dans les exercices qu’on lui faisait faire, et l’envie de tout abandonner grandissait en lui de jour en jour.

Puis, tout à coup Bonnie sembla être prise d’un regain d’enthousiasme qui força la curiosité du latino. Intrigué, il releva finalement les yeux vers elle en fronçant les sourcils, et écouta son discours avec le plus d’attention possible. « On devrait sortir, voir du monde, tout ça. On pourrait aller promener Walter. » proposa la jeune femme en faisant référence au chien qu’il lui avait offert, et qu’il n’avait effectivement pas vu depuis une éternité. Cependant, Pablo savait combien se déplacer avec son fauteuil était une contrainte, et il secoua la tête en grimaçant. « Je… je crois pas que ce soit une très bonne idée… Enfin tu sais, c’est compliqué… » Mais, ne le laissant pas s’expliquer avec plus de détails, Bonnie le coupa en ajoutant : « Puis on va aller raser cette barbe aussi, je t’ai toujours préféré sans. » Cette fois, le regard du latino croisa celui de la jeune femme et il ne put s’empêcher de sourire en haussant les épaules. Il devait bien avouer qu’il s’était laissé aller sur ce point-là, et que son visage tendait désormais à ressembler à celui d’un homme des bois. « Oh ça… pourquoi pas… » concéda-t-il en replongeant son regard dans celui de Bonnie. « Ca me va vraiment si mal que ça ? » ajouta-t-il tout en passant sa mains sur ses joues râpeuses, et en se détendant un peu sans même s’en rendre compte.

Bonnie avait visiblement fait une énorme gaffe en demandant à Pablo comment il allait. C’était sa punition pour ne pas être allée le voir à l’hôpital, elle aurait su tout si elle avait pris la peine de le faire. En plus elle détestait ce sentiment de culpabilité, elle ne se serait jamais sentie coupable avant… C’était tellement mieux de vivre la conscience tranquille, beaucoup plus reposant… Mais elle et Pablo avaient une histoire, et une histoire très mouvementée en plus elle ne pouvait juste plus être indifférente face à lui, ce genre de choses venait avec. Qu’elle le veuille ou non donc, la jeune femme se sentait mal et ne trouvait pas quoi dire ou faire pour rattraper ça. Avant elle aurait su tout ça parce qu’elle ne se serait pas souciée du jeune homme plus que ça. C’était horrible d’être humaine et d’avoir un cœur en fait, elle préférait nettement être la reine des enfers… Sauf qu’elle e le contrôlait pas, elle ne pouvait pas s’empêcher de réagir comme ça et tout ça était de la faute de Lynch. De Pablo aussi, et de la fille qu’ils avaient eu. L’américaine, après avoir réfléchi quelques instants, commença par lui dire qu’elle était désolée. Désolée pour ce qui était en train de lui arriver. C’était sans doute ce que tout le monde lui avait dit aussi et elle se trouvait stupide de ne pas trouver autre chose de plus original à lui dire parce qu’entendre les mêmes choses à longueur de journées devait bien faire peter un câble. Elle tenta donc ensuite un discours d’encouragement, bourré d’optimisme… Ça devrait faire l’affaire ça, hein ? Parce qu’elle n’était pas vraiment habituée à ce genre de choses donc elle se sentait vraiment maladroite. Le silence qu’elle obtint en guise de réponse lui indiqua que cette option était également un échec. Que faire alors ? Elle ne pouvait pas le secouer comme un cocotier pour espérer que ce qu’elle venait lui rentre dans le crâne et fasse son effet. Si c’était aussi simple que ça ils n’en seraient pas là aujourd’hui. La jeune femme tenta donc le tout pour le tout en lui proposant une sortie. C’était une bonne idée ça, elle en était sûre. Parce qu’elle était à peu près sure aussi qu’il ne sortait pas très souvent d’ici, voire pas du tout et ça lui était inacceptable. « Je… je crois pas que ce soit une très bonne idée… Enfin tu sais, c’est compliqué… » Bonnie se planta devant Pablo en fronçant les sourcils. « Compliqué ? Je ne vois pas ce qu’il y a de compliqué dans le fait de pousser un fauteuil. » Elle n’était pas stupide, il était évident que c’était à ça qu’il faisait allusion. « Même un singe pourrait le faire. » Elle hocha la tête d’un air convaincu pour appuyer ses dires. « Et je suis plus costaud que j’en ai l’air, je vais à la salle de sport plusieurs fois par semaine. » Plaisanter un peu ne pourrait pas faire de mal non plus. Le latino avait besoin de joie et de sourire et c’était exactement ce qu’elle comptait lui apporter. « Je ne suis pas venue ici pour que tu me dises non Pablo, on va sortir un point c’est tout. » Il n’était pas tellement en position de discuter-là, c’était elle qui avait le dessus. Surtout qu’elle ne l’imaginait pas faire un caprice de bébé pour empêcher la jeune femme de le sortir. Elle lui proposa ensuite de lui raser sa barbe parce qu’il serait beaucoup mieux sans. « Oh ça… pourquoi pas… » Bonnie hocha la tête avec un sourire satisfait, il ne refusait pas tout au moins, c’était déjà ça. « Ça me va vraiment si mal que ça ? » La jeune femme afficha une moue désolée. « Ça pourrait être sexy si tu n’avais pas cet air de chien battu en même temps… » Ce n’était pas parce qu’elle s’était trouvée un cœur qu’elle prenait des gants maintenant. Elle poussa ensuite le fauteuil et Pablo jusqu’à sa salle de bain où elle se mit à la recherche de ses produits de rasage.

Pablo appréciait vraiment tous les efforts que Bonnie mettait en œuvre pour lui. Malgré leur passé quelque peur douloureux, qui s’était encore obscurcit le jour où ils avaient fait adopter leur fille, les deux jeunes gens parvenaient tout de même à rester très proches. Mieux, le latino savait que Bonnie était aujourd’hui l’une des personnes sur lesquelles il pouvait le plus compter et sa présence à ses côtés dans ce moment particulier était d’ailleurs là pour le lui confirmer. A vrai dire, le jeune homme préférait presque la relation qu’ils entretenaient maintenant, même si elle était totalement différente de celle qu’ils avaient pu avoir par le passé. Lorsqu’ils étaient en couple, Bonnie lui en avait fait voir de toutes les couleurs et c’est d’ailleurs cela qui l’avait fait fuir une première fois. Or, l’attitude qu’elle adoptait à présent à son égard était toute autre, et le jeune homme ne s’en plaignait pas, bien au contraire. La nouvelle Bonnie était quelqu’un de bien et en somme, ce changement venait confirmer l’idée qu’il s’était toujours faite d’elle malgré les mauvais coups.

« Compliqué ? Je ne vois pas ce qu’il y a de compliqué dans le fait de pousser un fauteuil. Même un singe pourrait le faire. Et je suis plus costaud que j’en ai l’air, je vais à la salle de sport plusieurs fois par semaine. » Un peu surpris par tant de détermination, Pablo baissa les yeux, sans pouvoir s’empêcher de sourire une nouvelle fois lorsqu’elle évoqua la salle de sport qu’elle fréquentait. S’il avait été dans son état normal, cette réplique aurait certainement valu à Bonnie de bonnes moqueries. Mais le latino n’était définitivement pas de cette humeur-là, et il se contenta de relever un regard de chien battu vers elle. En revanche, la seconde proposition de Bonnie l’enchanta un peu plus et tout en lui signalant que sa barbe aurait pu être sexy, elle ne tarda pas à l’embarquer vers la salle de bain. Se saisissant du nécessaire grâce à l’aide de la jeune femme, Pablo entreprit alors de se badigeonner de mousse à raser. Avec le temps, il en était presque venu à oublier ces gestes auxquels il portait pourtant tant d’attention auparavant. Son apparence, c’était quelque chose ! Surtout pour ramener un maximum de filles dans son lit. Mais cette époque semblait avoir prit fin au moment même où Pablo s’était réveillé de son coma. Cet évènement malheureux lui avait ouvert les yeux, et l’avait fait grandir bien malgré lui. « Désolé pour le regard de chien battu… » reprit-il finalement en commençant à se raser. « Je vais essayer de faire mieux, je te promet… » L’enthousiasme et la conviction n’étaient pas vraiment au rendez-vous, mais le latino tentait quand même quelques efforts. Il ne lui fallut que quelques minutes pour retrouver ses vieux réflexes et venir à bout de cette barbe tant décriée par Bonnie. « C’est mieux comme ça ? » questionna-t-il en se regardant dans la glace en face de lui, avant de lâcher un nouveau soupir en baissant les yeux. « Tu… t’es sûre que tu veux qu’on sorte ? Je veux dire… j’ai l’impression d’être un boulet avec… tout ça. » Pablo désigna son fauteuil d’un vague geste de la main, et entreprit ensuite de rallier le salon. « Et puis j’ai pas spécialement envie de me montrer comme ça… »

Bonnie était motivée et bien déterminée à faire sortir Pablo de sa torpeur, mais surtout de son appartement. Elle allait se rattraper comme il se doit pour se faire pardonner de ne pas être allée voir son ami à l’hôpital. Elle était convaincue qu’il n’était pas trop tard pour ça. Sortir ferait le plus grand bien au latino. Il avait une mine affreuse et il faisait presque peur là. La mode homme des cavernes était passée depuis bien longtemps et la jeune femme n’hésita pas à lui faire comprendre qu’il se laissait trop aller. C’était Bonnie, elle ne prenait jamais de gants et n’avait jamais peur de blesser quand elle parlait. Pablo y était surement habitué et n’était pas surpris. Elle bousculait toujours le monde mais le jeune homme n’avait pas l’air très motivé, peu importe ce qu’elle pouvait bien lui dire. Ouais, ce n’était sans doute pas comme ça qu’elle allait se faire pardonner… Tant pis ! Le fait que Pablo retrouve le gout à la vie était bien plus important à son sens et elle allait s’y acharner peu importe qu’il ne veuille plus lui parler après. Pour commencer, il fallait qu’il rase cette barbe qui lui bouffait la moitié du visage. Elle n’avait rien contre les barbes, elle trouvait même cela très sexy dans certaines circonstances mais ce n’était pas l’effet que lui produisait celle de son ami. Surtout qu’elle était accompagnée d’un regard de chien battu plutôt… repoussant. « Désolé pour le regard de chien battu… » s’excusa-t-il après qu’elle l’ait conduit à la salle de bain. « Je vais essayer de faire mieux, je te promet… » ajouta-t-il tandis qu’il commençait à se raser. Bonnie soupira. « Avec un peu plus de conviction ce serait mieux. » Ce n’était pas vraiment un reproche. Elle avait conscience de lui en demander beaucoup mais elle n’avait pas vraiment envie de le ménager. Ça avait assez duré à son sens… Elle faisait ça pour lui, parce qu’elle tenait à lui et qu’il fallait bien qu’il se remette sur les rails. Elle ne voulait pas le voir malheureux et encore moins dépérir. « C’est mieux comme ça ? » Bonnie se recula pour avoir une meilleure vision d’ensemble. « Beaucoup mieux, oui. » répondit-elle avec un grand sourire. « Je reconnais un peu mieux le Pablo qui fait tourner la tête des filles . » ajouta-t-elle d’un air malicieux, désirant ajouter un peu plus de légèreté à la situation. La première étape était à présent franchie mais tout était loin d’être réglé. Surtout que Pablo n’était plus si docile à présent. « Tu… t’es sûre que tu veux qu’on sorte ? Je veux dire… j’ai l’impression d’être un boulet avec… tout ça. » L’américaine fronça les sourcils. « Bien sûr que oui on va sortir. » Son ton était autoritaire et n’appelait aucune résistance. « Ca ne peut que te faire du bien Pablo, tu en as besoin. Fais-moi confiance. » Son ton s’était adoucit à présent. Elle n’était pas là pour le martyriser non plus. « Et puis j’ai pas spécialement envie de me montrer comme ça… » La jeune femme le suivit alors qu’il retournait au salon. « Ce n’est pas une honte tu sais. Il te suffit d’avoir un peu confiance en toi et de sourire… Avec de l’assurance les gens ne remarqueront même pas ton fauteuil, ils te verront toi en premier. Parce que tu dégageras quelque chose qui impose le respect. » Elle se pencha ensuite vers lui pour lui dire sur le ton de la confidence : « Le secret c’est de te dire que tu es mieux que tout le monde, que les autres sont inférieurs à toi. Et je t’assure que personne ne se moquera de toi ou peu importe ce que tu crains. » C’était ce qu’elle faisait, elle, et ça fonctionnait très bien.

Le simple fait d’aller se raser était une grande première pour Pablo et en voyant son visage débarrassé de cette énorme barbe qui l’avait envahi, il se sentit bizarrement un peu plus léger. Comme libéré d’un poids alors que rien n’avait changé en dehors de cette nouvelle tête. D’ailleurs, lorsque Bonnie lui assura qu’elle reconnaissait enfin le « Pablo qui faisait tourner la tête des filles », le latino ne put s’empêcher d’esquisser un petit sourire. En effet, lorsqu’il repensait à cette époque durant laquelle il volait de conquête en conquête à la manière d’un véritable coureur de jupon, Pablo se trouvait d’autant plus ridicule et inutile. Cloué dans son fauteuil roulant, plus aucune fille n’allait le regarder, c’était certain. Et si certaines d’entre elles le faisaient, ce serait probablement pour s’apitoyer sur son sort et pour le plaindre, chose dont il avait une sainte horreur. Cet accident avait définitivement changé quelque chose en lui, et modifié sa façon de voir les choses. Ce qui, en soi, n’était pas forcément une si mauvaise chose que cela.

Mais au moment de sortir, le jeune homme déchanta et regagna son salon, complètement terrorisé à l’idée de se retrouver en fauteuil au milieu de la population New-yorkaise. Le latino se sentait d’ores et déjà honteux, certain que son handicap allait lui attirer autant de moqueries que de pitié. Pourtant, Bonnie ne semblait clairement pas partager son point de vue, et tenta de lui démontrer par A + B qu’une sortir ne pourrait que lui faire le plus grand bien. « Ce n’est pas une honte tu sais. Il te suffit d’avoir un peu confiance en toi et de sourire… Avec de l’assurance les gens ne remarqueront même pas ton fauteuil, ils te verront toi en premier. Parce que tu dégageras quelque chose qui impose le respect.  » Plus sceptique que jamais, Pablo commença par se renfrogner en trouvant les arguments de la jeune femme un peu trop osés. A vrai dire, il ne croyait pas un mot de ce qu’elle venait d’avancer, et était bien conscient qu’elle tentait simplement de tout mettre en œuvre pour le faire sortir même s’il n’en avait pas envie. Puis, comme pour enfoncer le clou, elle utilisa sa propre expérience pour convaincre le latino. Selon elle, le meilleur moyen d’éviter les moqueries était de se considérer supérieur aux autres. Et d’ailleurs, il ne doutait pas un seul instant que cette technique ait fonctionné pour elle. Toujours aussi résolu à rester chez lui, Pablo baissa la tête en s’efforçant de ne pas croiser le regard de la jeune femme. Mais voyant que cette dernière ne bougeait pas d’un pouce, il comprit qu’elle était elle aussi déterminée à le faire sortir. Et au moment même où il osa relever les yeux vers elle, il comprit qu’il était inutile de lutter. Il s’agissait de Bonnie, et Bonnie obtenait toujours ce qu’elle voulait.

Tant bien que mal, le latino se prépara non sans ronchonner un peu, pour la forme. Et quelques dizaines de minutes plus tard, Pablo faisait glisser son fauteuil roulant sur le bitume du trottoir en bas de chez lui. Lançant un regard à demi apeuré en direction de Bonnie, il s’empressa de déclarer : « Emmène-moi où tu veux, mais je te préviens, on ne reste pas longtemps. »

Bonnie commençait un peu à désespérer. Pablo ne semblait prêt à faire aucun effort pourtant la jeune femme en fournissait énormément. Malheureusement pour lui, elle n’était pas du genre à abandonner facilement. Ou à abandonner tout court en fait et il était bien placé pour le savoir. Il était une des personnes qui la connaissaient le mieux et s’il aurait pu avoir un espoir qu’on s’apitoie sur son sort avec lui plutôt que de continuer à le bousculer, c’était tout à fait exclu avec Bonnie. Celle-ci regagna espoir lorsque le latino accepta de se raser la barbe. Mais en soit ce n’était pas grand-chose : un tout petit pas en avant. Seulement, cela ne continua pas sur cette voix et il en fit rapidement deux en arrière. Il ne voulait pas sortir à présent et bien que Bonnie s’escrimait à le convaincre que ce n’était pas si horrible, qu’il avait tort de s’enfermer comme ça comme si cela pouvait arranger son état, il ne voulait pas l’écouter. La jeune femme n’avait pas dit son dernier mot et en fait elle ne se laisserait pas dire non plus d’une fois. Peu importe l’énergie que fournirait Pablo à refuser et à essayer de lui faire changer d’avis, elle ne faiblirait pas. Parce qu’elle ne voulait pas le laisser dépérir. Elle tenait à lui et elle estimait qu’il méritait mieux que ça.

Finalement, après qu’elle lui ait prouvé par A+B qu’il pouvait sortir sans se faire de soucis, Pablo se bougea. Il avait visiblement compris que cela ne servirait à rien de lutter contre Bonnie. Une fois de plus elle avait obtenu ce qu’elle voulait et un sourire victorieux vint étirer ses lèvres. Elle ne fit même pas attention aux plaintes du jeune homme, bien trop contente d’avoir obtenu gain de cause. Les deux anciens amants prirent la direction de la sortie et se retrouvèrent dans la rue quelques minutes plus tard. « Emmène-moi où tu veux, mais je te préviens, on ne reste pas longtemps. » Voyant son air apeuré, la jeune femme tenta de prendre l’air le plus doux et le plus rassurant possible quand bien même elle avait très envie de soupirer. « Inspire, expire, souris. Tout ira bien. Et si qui que ce soit ose faire la moindre réflexion ou te regarder de travers, je le bouffe. » Son air angélique était trompeur, c’était sa plus grande arme. Elle était féroce et n’avait peur de rien ni personne. « Et ouais, c’est ça on ne reste pas longtemps. » fit-elle ensuite sur un ton vaguement moqueur. Ils resteraient autant de temps qu’elle l’avait décidé et Pablo n’y pourrait rien.

Il faisait un temps magnifique et il aurait été dommage de ne pas en profiter. Bien qu’elle n’était pas du genre à s’extasier devant les merveilles de la nature et les petits bonheurs simples que la vie offraient, elle devait reconnaitre que c’était agréable et qu’elle pouvait bien se poser quelques instants pour en profiter. Et c’était ce qu’elle allait faire avec le brun. « Regarde comme il fait beau ! Tu es nettement mieux ici que chez toi, non ? » Ils avancèrent encore un peu jusqu’à un parc. « Tout va bien ? Si tu as besoin de quoi que ce soit tu me dis, hein. »

Pablo avait finalement craqué… Comme souvent, il n’avait pu que plier devant la détermination et l’entêtement de Bonnie. Lui qui croyait pouvoir tirer profit de sa situation et de son handicap (et ainsi d’y voir le tout premier point positif), constatait qu’il avait rêvé. Bonnie restait Bonnie, et même si elle avait énormément changé ces derniers temps, elle n’en restait pas moins têtue et opiniâtre, quelles que soient les circonstances. Tant pis pour lui, il était donc contraint de suivre la marche et de se plier aux désirs de son ex-petite amie. Elle voulait le faire sortir, chose qu’il n’avait pas faite une seule fois depuis le jour où il avait quitté l’hôpital, et bien il n’avait pas le choix. Le général Fitzgerald avait encore frappé, et Pablo savait qu’il était totalement inutile d’essayer de lui résister plus longtemps. Tant bien que mal, il avait donc quitté son appartement à bord de son fauteuil roulant, emprunté l’ascenseur à peine assez grand pour eux deux, et se retrouvait désormais dans la rue.

Bizarrement, alors qu’il sortait ainsi au milieu de la foule tous les jours avant son accident sans ressentir la moindre émotion, Pablo était soudain envahi par une sorte de panique. Voir le monde d’en bas, cloué sur son fauteuil roulant au centre de quelques regard qui se posaient d’ores et déjà sur lui… ça changeait tout. Du Pablo fier et tellement sûr de lui en toutes circonstances, il se retrouvait brusquement dans le rôle du faible, de celui dont on se moque et duquel on a pitié. Pour toute défense, le latino se contenta d’indiquer à Bonnie qu’il ne resterait pas longtemps dehors, volonté qu’elle ignora totalement, s’autorisant même à se moquer de lui après lui avoir rappelé qu’elle était là pour le protéger. D’ailleurs, cet ordre des choses dérangeait un peu le latino. D’ordinaire, et même s’il s’agissait là de Bonnie, c’était plutôt lui qui avait ce rôle de protecteur et de personne rassurante… Et autant dire que cette inversion des rôles ne lui convenait pas vraiment. Mais que pouvait-il bien y faire après tout ? Se contentant d’avancer sans un mot, Pablo suivit la jeune femme jusqu’à l’entrée d’un petit parc en écoutant ses théories à propos du beau temps et du fait qu’il soit bien mieux ici que dans son appartement. Pour toute réponse, le jeune homme grogna en haussant les épaules, et s’avança un peu plus dans ledit parc. « Tout va bien ? Si tu as besoin de quoi que ce soit tu me dis, hein. » s’enquit alors Bonnie, qui était décidément bien prévoyante malgré le fait qu’elle l’ait un peu bousculé pour le traîner jusqu’ici. « Ca va, je te remercie. Ca va… » balbutia-t-il alors que son regard sondait les environs tout autour de lui d’un air peu assuré. « Est-ce que… est-ce qu’on pourrait se mettre à un endroit plus… à l’abri des regards ? J’ai l’impression que tout le monde me regarde, j’aime pas ça… » ajouta-t-il, penaud, avant de relever les yeux vers la jeune femme et de reprendre sans lui laisser le temps de protester d’une quelconque manière que ce soit : « S’il-te-plait… j’ai pas envie de me retrouver à la Une des journaux en fauteuil… »

Une fois n’est pas coutume, Bonnie avait obtenu ce qu’elle voulait. Elle avait d’abord obtenu de Pablo qu’il se rase et redevienne l’homme attirant qu’elle avait toujours connu puis il avait finalement accepté de sortir un peu avec elle. Bon elle avait vraiment dû multiplier les efforts et les arguments pour ça mais elle avait réussi. Elle se doutait bien qu’elle l’avait plus eu à l’usure que parce qu’une sortie l’enchantait vraiment mais c’était toujours ça et ça suffisait à la jeune femme. Ils avançaient tranquillement dans la rue et Bonnie était contente. Elle ne voyait pas quel mal cela pourrait-il faire au jeune homme. Elle comprenait son appréhension quelque part mais il était hors de question qu’elle le laisse se morfondre et se faire « bouffer » comme ça. Elle voulait qu’il puisse contrôler tout ça et non plus subir. Elle l’avait connu plus de volonté et ça l’attristai vraiment de le voir dans un tel état. Il ne manquait plus que Walter, le chien qu’il lui avait offert pour son anniversaire voilà plus d’un an et demi et qu’elle considérait comme étant son chien à lui au fond pour parfaire le tableau. Elle était sure que l’animal lui aurait redonné un peu de baume au cœur. Elle l’espérait en tout cas, les animaux avaient ce don pour amadouer les gens.

Pablo ne semblait toujours pas à l’aise malgré les efforts de la jeune femme. Elle tenta bien de le rassurer sur le fait que personne ne lui dirait rien ou ne le regarderait pas de travers mais elle avait l’impression de parler à un mur, comme si ses paroles rentraient par une des oreilles du latino et ressortaient par l’autre. Elle continua tout de même à se montrer optimiste même si la mauvaise foi du brun était agaçante. Heureusement qu’il lui en fallait plus pour baisser les bras. Elle l’emmena dans un petit par cet finit par lui demander s’il avait besoin de quoi que ce soit. « Ca va, je te remercie. Ca va… » Mouais… Il semblait toujours aussi mal à l’aise et l’espace d’un instant Bonnie culpabilisa et se demanda si elle avait bien fait de le bousculer comme ça. A quoi bon faire des efforts s’il n’y mettait pas du sien aussi ? Cela ne servait à rien et ils n’avanceraient jamais. « Est-ce que… est-ce qu’on pourrait se mettre à un endroit plus… à l’abri des regards ? J’ai l’impression que tout le monde me regarde, j’aime pas ça… » La jeune femme regarda à son tour autour d’elle et ouvrit la bouche pour répliquer mais fut interrompue dans son élan : « S’il-te-plait… j’ai pas envie de me retrouver à la Une des journaux en fauteuil… » Bonnie se plaça devant Pablo et se pencha, posa ses mains sur les roues du fauteuil. « Je peux t’assurer que personne ne te regarde. Tu connais les gens… Tout le monde est égoiste et chacun ne pense qu’à ses propres problèmes. Ils ont mieux à faire que te regarder et détailler le moindre truc qui cloche chez toi. » Elle fronça les sourcils en réalisant ce qu’elle venait de dire. « Et il n’y absolument rien qui cloche chez toi. » Elle le regarda encore un instant, essayant de le persuader du regard que tout irait bien mais abandonna bien vite après avoir soupiré. « Tu veux rentrer ? Tu t’en fiches absolument que je sois en train d’essayer de t’aider c’est ça, tu penses juste au moment où tu seras enfin à l’abri ? »

L’espace d’un instant, Pablo avait espéré pouvoir se sentir mieux après avoir franchi le pas, après s’être mêlé à cette foule qu’il redoutait tant depuis l’accident. Mais force était de constater que son mal-être était toujours aussi présent même après plusieurs minutes passées dehors. Pourtant, il n’était pas seul ! Bonnie était là pour l’épauler et il le savait. Mais le latino ne parvenait pas à s’expliquer cette crainte qu’il éprouvait désormais. Sa seule envie était de fuir, de se terrer dans la solitude qu’il s’imposait depuis qu’il avait quitté l’hôpital et de cacher à la face du monde ce déchet qu’il était devenu. Car Pablo était persuadé qu’il ne valait pas mieux que ça. Tout ce qu’il savait faire, et tout ce qu’il aimait faire dans la vie, c’était conduire. Participer à des courses, les gagner, s’attirer l’admiration de tous grâce à ses performances… tout cela était un peu comme une drogue pour lui. Une drogue dont il avait brusquement été privé sans rien demander à personne, et don il supportait extrêmement mal l’absence. Même sa deuxième passion qu’était la musique ne suffisait pas à le sortir de cette espèce de torpeur dans laquelle il se trouvait continuellement. Bien sûr, Bonnie avait déjà frappé très fort en le faisant sortir de chez lui, ou même en obtenant de lui qu’il rase enfin son affreuse barbe. Mais rien n’était simple avec Pablo, et il ne tarda d’ailleurs pas à demander à la jeune femme de les mettre à l’abri. Le regard des autres sur lui l’obsédait, et rester ainsi à la vue de tous devenait tout bonnement insupportable.

« Je peux t’assurer que personne ne te regarde. Tu connais les gens… Tout le monde est égoiste et chacun ne pense qu’à ses propres problèmes. Ils ont mieux à faire que te regarder et détailler le moindre truc qui cloche chez toi. » déclara-t-elle pour le rassurer, le piquant quelque peu au vif sans vraiment le vouloir en insinuant qu’effectivement, quelque chose clochait chez lui. Bonnie réalisa très vite son erreur et se reprit, sans pour autant réussir à recapter l’attention de Pablo. Puis, profitant du fait qu’elle se trouve toujours tout près de Pablo, les mains sur les roues de son fauteuil, Bonnie enchaina un peu plus sévèrement. « Tu veux rentrer ? Tu t’en fiches absolument que je sois en train d’essayer de t’aider c’est ça, tu penses juste au moment où tu seras enfin à l’abri ? » Le latino resta interdit quelques instants, puis baissa les yeux tant il se sentait honteux et coupable de lui faire penser qu’elle lui était inutile. « C’est pas ça Bonnie… » soupira-t-il en posant sa main sur celle de la jeune femme, toujours posée sur son fauteuil. Prenant ensuite son courage à deux mains, il releva les yeux vers elle, et continua : « Excuse-moi… Je vois bien que tu veux m’aider… je… ça me fait plaisir de voir que tu essayes de me sortir de là, mais… je suis juste pas certain d’être prêt. Bonnie, j’ai tout perdu… je sais même pas ce que je vais pouvoir faire de ma vie maintenant… Je crois que j’ai besoin de temps… »

Finalement, Bonnie se demandait si elle avait réellement bien fait d’insister à ce point. Enfin, elle savait qu’elle avait bien fait et elle n’en démordrait pas. Mais à quoi bon si Pablo n’y mettait pas du sien ? S’il n’essayait pas de sourire et de faire comme s’il allait bien, comme s’il voulait vraiment aller mieux ? Si Bonnie n’avait pas été Bonnie elle aurait été découragée tout de suite. Il en fallait beaucoup pour ça et voir l’attitude du jeune homme était en train de la décourager. Vraiment. Une telle chose étant normalement impossible, elle commençait à se demander quels pouvoirs possédait le latino. Elle était d’autant plus lassée qu’elle faisait rarement autant d’efforts pour quelqu’un. Elle ne le faisait que pour les personnes à qui elle tenait réellement et ces personnes se comptaient sur les doigts d’une seule main. Pablo la connaissait en plus, il aurait pu savoir ça et apprécier ce qu’elle faisait pour lui. Mais apparemment c’était également trop lui demander et elle voyait mal ce qu’elle pourrait bien faire de plus. « C’est pas ça Bonnie… » lui répondit Pablo lorsqu’elle le mit devant le fait accompli. La jeune femme fronça les sourcils et le regarda fixement, attendant qu’il lui explique ce qu’il était en train de faire alors. Parce que si ça ce n’était pas de la mauvaise volonté, elle ne voyait vraiment pas. Elle en était la spécialiste. « Excuse-moi… Je vois bien que tu veux m’aider… je… ça me fait plaisir de voir que tu essayes de me sortir de là, mais… je suis juste pas certain d’être prêt. Bonnie, j’ai tout perdu… je sais même pas ce que je vais pouvoir faire de ma vie maintenant… Je crois que j’ai besoin de temps… » Voilà, c’était ça. Enfin, elle avait compris que c’était ça son problème mais elle ne comprenait pas pourquoi il ne voulait que s’apitoyer sur son sort et pas essayer de relever la tête. Ce n’était et ce ne serait jamais sa vision des choses mais ils étaient différents, ce n’était pas un secret. « Tu n’as pas tout perdu. Tu as toujours tes proches qui sont là pour toi. Moi je suis là pour toi en tout cas et je suis sûre que je ne suis pas la seule. En tout cas je ne te lâcherai pas tant que tu ne te seras pas réellement relevé. » La jeune femme se releva ensuite, rompant le contact qu’ils avaient établis alors que la main du jeune homme était posée sur la sienne, puis alla se replacer derrière le fauteuil de son ami pour commencer à le pousser. « Je vais te ramener chez toi mais note-bien que je ne lâcherai pas l’affaire. » Bornée était son second prénom.

TERMINE