Lorsque le réveil de Lulani s’était mis à sonner ce matin-là, la philippine était déjà réveillée depuis bien longtemps. La tête posée sur l’oreiller, elle s’était contentée d’observer les minutes défiler jusqu’à ce que la voix du présentateur d’une radio locale ne l’informe sur la météo du jour. Lorsqu’il mentionna la date d’aujourd’hui, Lulani ne put s’empêcher de lâcher un petit grommèlement et s’empressa d’écraser son radioréveil pour le faire taire. Le temps était une notion devenue si précieuse que le constat lui paru d’autant plus effrayant ; en ce mercredi ensoleillé, son fils allait fêter ses 7 ans. Comme tout parent qui se respecte, Lulani eut l’impression de prendre un coup de vieux malgré son jeune âge et, bien qu’aucune volonté ne l’animait, elle parvint tout de même – par un effort surhumain – à s’asseoir au bord de son lit pour glisser ses pieds gelés dans une paire de pantoufles confortables et chaleureuses. S’en suivit par la suite son rituel quotidien qui dura un peu plus longtemps que prévu étant donné que Lulani – en plus de s’être éternisée sous la douche – s’était pliée en quatre pour préparer le petit-déjeuner de ses enfants. A son réveil, Mason était radieux ; il fut rapidement accueilli par des joyeux anniversaires de la part des deux femmes du foyer ainsi que d’une pluie de baisers qui le fit aussitôt rire aux éclats, réchauffant un peu plus le cœur de sa mère. « Joyeux anniversaire mon Petit Prince, je t’aime. » susurra-t-elle avant de l’embrasser une dernière fois. Lulani leur servit ensuite le petit-déjeuner, les aida à se préparer et les accompagna à l’école avant de rejoindre le café où elle travaillait depuis quelques semaines. La philippine s’était levée ce matin-là avec la sensation que le temps filait comme du sable entre ses doigts, alors forcément, la matinée passa beaucoup trop vite à ses yeux et il fut bientôt l’heure de récupérer les enfants à l’école, de préparer le repas du midi et les préparatifs pour l’anniversaire de Mason. Ils profitèrent du bon temps pour se promener un peu dans Central Park et regagnèrent tranquillement l’appartement de Greenwich Village où Lulani s’affaira aussitôt en cuisine pendant que ses enfants terminaient leurs devoirs. Il était presque quatre heures de l’après-midi lorsque la sonnerie de l’entrée coupa la jeune femme dans son élan ; elle n’attendait personne aujourd’hui. Sceptique, elle essuya ses mains avec le torchon et s’élança vers la porte d’entrée en dépassant Mason au passage qui s’était rué pour aller ouvrir. Se voulant chaleureuse, Lulani afficha son plus beau sourire, mais celui-ci laissa place à une toute autre expression lorsqu’elle se trouva nez-à-nez avec son ex-mari. Visiblement, l’un de ses enfants – elle devinait lequel – avait informé son père qu’ils étaient de retour à New York, ce qu’elle n’avait pas pris la peine de faire par manque de temps et aussi (surtout) par rancœur. Loan était déjà venue lui rendre visite. Toutes deux avaient eu une discussion animée avant que la jeune femme ne soit victime de violentes contractions qui avaient presque failli la faire accoucher sur place avec la philippine comme sage-femme. A cette pensée, son cœur se serra : Elian Lulani Duke-Vryzakis avait à peine ouvert les yeux sur le monde qu’on la privait de sa moitié, sa sœur jumelle et qu'on lui infligeait un sale type comme père. Lulani avait même cru, l'espace d'un instant, que le père en question n'était autre que celui qui se trouvait face à elle, la laissant sans voix. « Matt ? » lâcha-t-elle, hébétée. Elle fut frappée par l’état dans lequel il se trouvait : amaigri, le visage las et fatigué, l’air encore plus négligé que lorsqu’elle était venue s’installer à New York pour la première fois, Matthew faisait peine à voir et Lulani ne put s’empêcher de se sentir concernée. Sa petite famille, en revanche, se portait comme un charme grâce à leur petit séjour aux Philippines. Qu’allaient dire ses enfants en le voyant dans un tel état ? Lulani, quant à elle, était complètement prise au dépourvue ; Mason avait visiblement omis de lui dire que son père avait été invité à manger une part de gâteau, mais elle aurait dû le voir venir avec les petits indices qu’il avait laissé. Et puis, c’était de bonne guerre : elle n’avait pas non plus cherché à le prévenir de son retour aux USA. « Hm… J’aurais dû deviner que tu viendrais au détail de la dernière facture de téléphone et au choix du gâteau de ton fils. ». Mason n’avait pas commandé n’importe lequel, mais le préféré de son invité d’honneur. En guise d’invitation, Lulani s’écarta légèrement de la porte.

lulani & matthew

❝ happy birthday mason ❞

Même aux premières heures de la matinée, l'aéroport de JFK semblait fonctionner à plein régime. Dès lors qu'il était sorti de l'avion qui le ramenait de la côte est de la Chine, il avait pu remarquer que le proverbe concernant la ville qui ne dormait jamais était avéré ; un peu comme lui, en fait. Se pressant pour passer au travers des différents contrôles, profitant de son statut d'agent du gouvernement, il se bénit de voyager si léger qu'il n'avait finalement qu'un bagage cabine, un sac où il avait entassé quelques affaires. Il dut jouer des coudes pour atteindre l'extérieur de l'aéroport, et ne tarda pas à reconnaître la silhouette de son coéquipier adossé à sa voiture, les bras croisés, à l'attendre. « Six heures, Matt ! J'arrive pas à croire que tu me fasses venir ici à six heures ! » se plaignit Leroy dès qu'il vit son ami, avant de le serrer brièvement dans ses bras. Matthew le savait, il n'avait suffi que d'un regard pour que son coéquipier ne se rende compte à quel point Matt était déphasé. D'ailleurs, il ne se gêna pas pour faire un commentaire. « C'est quoi cette barbe, t'étais sur une île déserte ? Ça arrange pas ton visage, en tout cas. » Secouant la tête de dépit, Matthew ne put s'empêcher de sourire en montant du côté conducteur de la voiture de Leroy. « Moi aussi je suis content de te revoir, Lee. » déclara-t-il, refermant la porte au nez de Leroy qui n'avait pu que le regarder faire. « Et évidemment, il ne me laisse pas conduire ma PROPRE voiture ! Pourquoi j'ai cru que quelque chose serait différent ? » maugréa-t-il avant de rejoindre le côté passager, rendant les armes, sachant parfaitement que si Matthew jouait le jeu, il n'était pas en condition pour tenir leurs piques constantes tout le long du trajet. Ils se dirigèrent donc vers Battery Park City, où la CIA avait mis à disposition de Matthew un appartement après l'enlèvement de Toyiah, quelques mois auparavant. « Alors ? Je suppose que tu m'as pas appelé pour conduire mon taxi. » demanda Leroy lorsqu'ils furent lancés vers Manhattan. Un léger sourire prit place sur les lèvres de Matt ; décidément, il le connaissait vraiment trop bien. « J'ai besoin que tu localises mon frère. » déclara-t-il. Il craignait que Francis ne soit plus près de trouver sa mère que lui et, même si il savait qu'il lui restait une once d'humanité puisqu'il l'avait finalement aidé à sauver Toyiah des griffes de leur père, il avait tout de même peur de ce qu'il pourrait lui faire dans la mesure où il demeurait dans le camp de Nikolas. « Et que tu me trouves tout ce que tu pourras sur ce nom. » continua-t-il en sortant un papier de sa poche qu'il lui tendit ; les informations lui arrivaient au compte-goutte mais au moins, il pouvait être content d'avoir le support de la CIA pour ses recherches. Leroy opina, non sans maugréer que c'était clairement de l'exploitation, et Matt avait finalement laissé le volant à son coéquipier lorsqu'ils arrivèrent chez l'américano-grec. Lorsqu'il s'était retrouvé chez lui, devant son miroir, il n'avait pu que constater que le voyage en avion n'avait pas aidé sa mine à reprendre une couleur à peu près normale. Il était pâle, les joues et les orbites creusés, et il renonça bien vite à se raser lorsqu'il passa une main sur son menton dont les os étaient tellement apparents que ça en était effrayant – au moins, il cacherait ça. Il prit tout de même une douche et se changea, sortit de son sac un paquet – un téléphone portable dernier cri dont il avait déjà réglé l'abonnement – et ressortit en regardant l'heure. Il avait un peu honte du cadeau qu'il offrait à son fils, et il se rendait compte qu'une nouvelle fois, comme après son divorce, il s'était éloigné de lui... Il ne voulait pas ça. Lulani pouvait bien lui demander de sortir de sa vie, elle ne pouvait pas espérer que ses enfants, leurs enfants ne cherchent pas à voir ou même à contacter leur père. Ce téléphone n'était pas grand chose, mais au moins, Mason pourrait le joindre quand il le voudrait et, il l'espérait, l'appeler dès qu'il en aurait besoin. Pas le temps de manger, de toute façon il n'avait jamais faim, Matthew avait grimpé dans sa voiture qui l'attendait sagement dans le parking souterrain de l'immeuble avant de se diriger vers l'appartement de Lulani. Dire qu'il était « stressé » était peu dire, il angoissait totalement de revoir son ex-femme après des mois de silence radio, surtout qu'il se doutait qu'elle ne voulait sûrement pas entendre parler de lui. Mason lui avait-il mentionné le fait qu'il l'avait appelé ? Il en doutait, même si dans un sens, il l'espérait, pour qu'elle n'ai pas la mauvaise surprise de le trouver sur son porche le jour de l'anniversaire de son fils. Il se gara donc dans sa rue, descendit et rentra dans son immeuble en montant les escaliers quatre à quatre, peu désireux de faire durer la torture. Et quelques instants après qu'il ai sonné et entendu un bref brouhaha se dirigeant vers lui, il s'était retrouvé face à Lulani, qui avait apparemment gagné la course jusqu'à la porte. « Matt ? » demanda-t-elle immédiatement, ne cachant pas sa surprise ; apparemment, Mason ne lui avait pas dit qu'il allait venir... « Salut... » souffla-t-il, ne sachant pas où se mettre. « Hm… J’aurais dû deviner que tu viendrais au détail de la dernière facture de téléphone et au choix du gâteau de ton fils. » Fronçant les sourcils, Matthew s'apprêta à lui demander de quel gâteau elle parlait – espérant quand même secrètement qu'il y ai de l'ananas impliqué – lorsqu'une tornade brune vint se coller contre lui. Matthew souleva son fils, sentant ses muscles affaiblis trembler. « Arh, t'as drôlement grossi ! Bon anniversaire mon grand. » plaisanta-t-il avant d'embrasser sa joue et de le serrer dans ses bras. Il resta ainsi un petit instant, les paupières closes, à serrer son fils contre lui, avant de soupirer profondément ; voilà, c'était ça, son oxygène. Il déglutit en laissant son fils retrouver le sol et celui-ci courut immédiatement en direction de la cuisine, ayant peut-être peur que sa mère lui retombe dessus pour l'avoir appelé. « J'aurais dû t'appeler avant de venir, je pensais que Mason t'avais prévenue qu'il m'avait demandé de passer... Je peux juste... déposer le cadeau et repasser plus tard, si tu préfères. » reprit-il, la voix légèrement cassée par la fatigue alors qu'il la regardait sans vraiment vouloir la voir ; il avait l'air d'un zombie, prêt à tout accepter tant que ça lui éviterait un nouveau conflit.

Spoiler:

Matthew était profondément mal à l'aise et il ne doutait pas qu'il ne devait pas être difficile de le deviner. Son dos déjà tendu par le manque de sommeil était courbé, comme s'il portait le poids du monde sur ses épaules, mais il tentait d'avoir le plus de présence possible, même s'il se doutait qu'il ne faisait pas vraiment illusion. Surtout, même si il s'en était douté, il était déstabilisé par le fait que Lulani ne s'attendait pas du tout à le voir débarquer, et qu'il se sentait encore moins à sa place dans cette maison où il avait pourtant vécu pendant un temps. Alors oui, il était prêt à partir, à déposer son cadeau et à proposer à ses enfants de le retrouver dans son propre appartement, sans toutes les tensions liées à leur mère. « Ne dis pas n’importe quoi. Mason t’as contacté parce qu’il voulait que tu sois là, je serais vraiment une mère indigne de lui refuser ta présence, surtout après avoir emménagé à New York spécialement pour ça. » lui répondit pourtant son ex-femme lorsqu'il lui proposa de revenir plus tard. Aussitôt, Mason sourit de toutes ses dents à son père, avant de fuir en direction du salon. « … Mais la prochaine fois, j’aimerais tout de même être prévenue un peu à l’avance. » tempéra tout de même Lulani assez fort pour que Mason l'entende. « Bien sûr. » assura pour sa part Matthew ; la dernière chose qu'il voulait était bien de provoquer un nouveau conflit avec la philippine. « Tu m’en veux, maman ? » demanda le petit garçon en passant sa tête par l'encadrement de la porte. « De vouloir fêter ton anniversaire avec les personnes qui te sont chères ? Absolument pas. C’est tout l’intérêt d’un anniversaire. » répondit Lulani en déposant un baiser sur son front. Matthew sentit son cœur se serrer brièvement ; il avait fallu que son fils imagine ce stratagème pour qu'il puisse ramener son père pour son anniversaire, un point qui semblait particulièrement important pour lui, sans quoi... Matthew serait sûrement toujours en Chine à l'heure qu'il est, peut-être en Russie. « PAPA !? » entendit-il subitement en haut des escaliers. Entendre la voix de sa fille fit de nouveau louper un battement au cœur de l'agent dont le cœur semblait vraiment être mis à l'épreuve ce matin, et il se tourna juste à temps pour voir sa fille débouler sur lui et il l'attrapa tout naturellement par la taille pour la serrer contre lui. « Tu m'as manqué. » Une nouvelle fois, lorsqu'il ferma les paupières, il sentit des larmes monter jusqu'à ses yeux. Il se retint cependant mais, lorsqu'il se redressa pour voir Lulani lui indiquer de s'asseoir, un large sourire avait pris place sur ses lèvres & ne les quitta pas alors que ses enfants revenaient à la charge pour prendre place sur ses genoux. « Je te sers quelque chose ? » demanda Lulani. Matthew réfléchit brièvement ; il avait beau jouer les braves, quelques vitamines ne pourraient pas lui faire de mal. « Hm, un jus de fruits, si t'as, s'il te plaît. » déclara-t-il avant que son fils ne revienne à la charge pendant que sa fille jouait avec ses cheveux en bataille. « Tu m’as dit que tu étais dans un autre pays au téléphone, tu as trouvé un trésor ? » Un trésor... sa mère. Aussitôt, son regard se releva en direction de Lulani & il remarqua son intérêt pour la question ; ils pensaient à la même chose. Mal à l'aise, Matthew sentit son sourire se faner légèrement mais il tenta de conserver bonne figure pour ses enfants. « Malheureusement, je le cherche toujours... » annonça-t-il de but en blanc en posant son regard sur son fils. « Mais je vais le trouver, et je te le ramènerais. » assura-t-il cependant à son fils en lui adressant un clin d'oeil complice. « Et vous, qu'est-ce que vous racontez de beau ? Tout va bien à l'école ? » enchaîna-t-il avant de se tourner vers sa fille. « Toyiah, toujours pas trop proche de Daniel, hein ? » demanda-t-il, tout de même avec cette légère pointe d'inquiétude que tous les pères devaient ressentir.

Pour Matthew, c'était un échec de devoir dire à ses enfants – et à Lulani par la même occasion – qu'il n'avait pas encore retrouvé sa mère, lui qui mettait toute son énergie à ça. Si seulement son père voulait bien parler ! Et pourtant, celui-ci restait résolument muet et l'avait bien nargué avec ce silence que Matt trouvait insupportable. En plus de ça, il ne pouvait pas non plus mettre la main sur son petit frère, alors que pour le coup il était à un tel stade de désespoir qu'il aurait même accepté d'allier ses forces avec son cadet qui, il le savait, avait un bon fond & voulait retrouver leur mère tout autant que lui. « D’accord, mais n’oublies pas de prendre des vacances... » lui répondit Mason, prouvant à Matthew que lui aussi avait remarqué sa mine affreuse et fatiguée. « Et un passage chez le coiffeur. » répliqua Toyiah, alors que Matt levait les yeux au ciel devant l'accusation de sa fille. Bon, il n'avait pas vraiment eu le temps de prendre soin de lui ces derniers temps, c'était vrai... mais pour sa défense, ça importait peu là où il était la plupart du temps. Alors, le jeune homme enchaîna sur le neveu de la baby-sitter de ses enfants dont sa fille se trouvait être très proche. « Papaaaaaaaaa ! Tu m’embarrasse ! » Devant la mine gênée de sa fille, Matthew ne put s'empêcher d'esquisser un sourire béat – comme à chaque fois qu'il trouvait sa fille adorable – mais tout de même, il ne pouvait pas s'empêcher de se poser des questions sur le petit couple qu'elle formait avec Daniel. « Et pourtant, il faudra bien avoir cette conversation un jour jeune fille. Quant à toi, Mumbly*, arrête de te moquer parce que tu y passeras aussi dans quelques années. » tempéra Lulani, prenant le contrôle de la situation en calmant Mason et en avertissant Toyiah. De toute façon, son père serait toujours sur son dos, même s'il se trouvait à des milliers de kilomètres de là, Toyiah pouvait en être sûre. « Enfin, si tu as des informations, tu peux me tenir au courant... » murmura Matthew avec complicité dans l'oreille de son fils, apparemment trop fort puisque sa fille cria un bref « Mamaaaaan ! » d'aide, ce qui ne dissuada pas les hommes de s'adresser un clin d'oeil. « Dis, papa… Tu es revenu à New York rien que pour moi ou tu comptes rester un peu ? On pourra faire nos chambres ensemble, comme pour l’autre appartement, c’était génial ! » Le regard de Matthew s'assombrit légèrement et il lança un regard à son ex-femme avant qu'il n'aille se perdre dans le vide. Matt n'avait à vrai dire pas pensé que son fils voudrait qu'il soit là plus souvent, ou du moins pas qu'il le lui demande ainsi, en face de Lulani ! En même temps, c'était une bonne façon de savoir où il s'en tenait avec la jeune femme, qui semblait toujours avoir une grande rancune envers lui. « Et comme je fais beaucoup d’heures au Musée, ça m’évitera de solliciter l’aide de Mia trop souvent. » répondit la philippine, apparemment consciente que tout ça ne dépendait finalement que d'elle. Matthew reposa son regard sur son fils, qui le regardait avec supplication, et il soupira finalement en détournant les yeux. « Je... je serais pas toujours là. Il y a toujours... le trésor. » dit-il en adressant un bref regard à son ex-femme. Il était clair que tant qu'il ne retrouverait pas sa mère, il ne serait pas tranquille, et il ne cesserait de retourner la terre de tous les continents tant qu'il ne l'aurait pas sauvée des griffes de son père. « Mais j'ai un nouvel appartement ici... Si vous m'avertissez avant, je serais là, et on fera vos chambres comme dans l'ancien appartement. » assura-t-il, bien trop content de se revoir gratifié le droit de voir ses enfants pour se préoccuper du fait qu'il avait toujours une mission à accomplir. Lulani fit volte-face à cet instant avec le gâteau allumé de son fils dans les mains et, comme un signal, Toyiah se mit à chanter la chanson traditionnelle, suivie par ses parents. Mason avait des étoiles dans les yeux et, lorsqu'il souffla ses bougies, il fut suivi des applaudissements de toute sa petite famille. « Bon, maintenant les cadeaux ! » s'exclama Mason en se frottant les mains et en se tournant immédiatement vers son père. Celui-ci secoua la tête, souriant d'amusement, et tendit finalement au jeune homme le paquet cadeau qu'il lui avait préparé. Pendant que Mason & Toyiah descendaient de ses jambes pour être plus à l'aise, Matthew se leva et s'approcha finalement de son ex-femme pour observer ses enfants, tout aussi excités l'un que l'autre par les cadeaux. « Beaucoup de travail en ce moment ? » demanda-t-il sur le ton de la conversation, reprenant l'une des seules informations qu'elle avait laissé échapper depuis qu'il était chez elle.

Dis donc on a beaucoup de minute culture ! Deviendrait-on intelligentes ? Hamdoulah !

Dès l'instant où Matthew s'était approché de Lulani, il avait senti la jeune femme se crisper. Extérieurement, l'américano-grec n'avait absolument rien laissé paraître mais au fond, il avait l'impression que toute la confiance qu'il avait de nouveau réussi à gagner chez Lulani avait disparu, et qu'elle était redevenue cette femme méfiante et fermée qu'elle avait été après leur divorce. Et pour quoi ? Une nuit, qui ne voulait absolument rien dire, qu'il effacerait bien volontiers si il le pouvait. Certes, Matthew & Lulani étaient séparés à l'époque, mais si c'était pour que ça lui retombe dessus de cette façon, alors oui, définitivement, il l'effacerait. Il effacerait tout... C'était ce qu'il avait le plus envie de faire, en ce moment. Effacer. Effacer celle qui avait rendu de nouveau leur couple là où il en était, celui qui avait enfermé sa mère loin de lui et refusait de dévoiler où... Oui, depuis les répercussions de la discussion entre Lulani et Loan, la vie du jeune homme avait pris un tournant qu'il n'avait ni imaginé, ni souhaité. Son apparence physique et l'état de son mental le prouvaient bien, cette nouvelle rupture de contact l'avait affaibli, et il s'était tellement plongé dans ses recherches pour retrouver sa mère qu'il en avait perdu tout sens de la réalité. Là, dans cette cuisine tout à fait normale dans laquelle il avait pris son petit-déjeuner tous les jours pendant un temps l'année précédente, il avait l'impression d'être en territoire hostile, autant parce qu'il ne parlait plus à personne en général que parce qu'il remarquait bien que son ex-femme n'était pas à l'aise. Pourtant, il ne se découragea pas, et se raccrocha aux paroles de la jeune femme pour tenter d'engager une conversation des plus banales possibles. « Pas autant que toi, j’imagine. » déclara-t-elle d'un ton neutre, faisant cependant détourner le regard de Matthew. Et quel travail... C'était épuisant, autant sur le plan physique que psychologique, et la frustration qui en résultait était particulièrement difficile à gérer. « Mais oui, j’ai une collection privée à restaurer, un vrai travail de fourmi. Et toi, ça avance tes recherches ? Et comment va Leroy ? LJ a dû accoucher de leur petit garçon, depuis... » expliqua-t-elle, ramenant brièvement Matthew aux temps reculés où, mariés, heureux et loin des affaires gouvernementales, ils discutaient de leurs emplois respectifs qui se ressemblaient tant. L'archéologie n'était plus qu'un rêve, un vague souvenir pour l'agent. « Pas vraiment, non... » avoua-t-il en se grattant brièvement la nuque. « J'ai des contacts, des pistes, mais rien de concret. Pour le moment. » crut-il bon d'ajouter, montrant ainsi sa détermination toujours aussi forte, malgré son état, de poursuivre ses recherches. « Pour ce qui est de Lee... Ou de LJ, je t'avoue que... j'ai pas été très présent, ces derniers temps. » déclara-t-il en observant son fils découvrir avec bonheur son iPad et lancer un regard brillant à son père avant de passer au cadeau suivant. « Mais j'ai brièvement vu Lee ce matin, à l'aéroport... Il avait l'air bien. » souffla-t-il finalement. C'était honteux ; il n'était plus là pour ses enfants, pour ses amis... Seul dans sa chambre d'hôtel ou à chercher sa mère, il n'y pensait pas, mais confronté à son ancienne vie... C'était plus difficile à gérer. « Ça te dérange vraiment pas, que... les enfants reviennent chez moi ? »

Du coup je pensais à ce que je t'ai dit sur skype so j'ai foiré cette réponse x) IT HAPPENS '-'

Pendant un an, à force d’être au contact de Matthew, la carapace qui entourait le cœur blessé de Lula avait fondu comme de la neige au soleil et avait fait remonter à la surface tous les sentiments qu’elle éprouvait encore et qu’elle avait tenté vainement d’enfouir sous sa colère et sa rancœur pendant les trois années de rupture qu’ils avaient connu. En prenant conscience de ce qui l’entourait, Lula esquissa une légère grimace qui ne resta sur son visage que l’espace d’une microseconde comme à chaque fois qu’elle repensait à ce qui s’était passé dans cette cuisine le fameux soir où les deux ex-époux avaient été à deux doigts de coucher ensemble. Et aujourd’hui, à cause d’une découverte que Lula n’avait pas acceptée, ils étaient de nouveau aussi tendus, gênés et frustrés qu’au cours de leurs retrouvailles à l’aéroport de JFK un an plus tôt. La philippine était venue s’installer à New York pour que ses enfants puissent profiter de leur père et s’était finalement aperçue que le rapprochement n’était pas seulement géographique pour sa part. C’était pour cette raison qu’elle n’avait pas voulu quitter Palapag et, finalement, Toyiah l’avait convaincu. Lula avait l’impression d’avoir été victime d’un saut dans le temps, retrouvant ainsi son attitude distante envers Matthew malgré son attachement certain pour ce dernier. L’air de Palapag ainsi que sa récente conversation avec Loan lui avait donné matière à réfléchir et elle en avait conclu que sa réaction avait peut-être été un peu exagérée parce qu’à l’époque, Matthew et Lulani étaient divorcés. La philippine avait simplement été blessée d’apprendre la nouvelle au moment précis où elle s’apprêtait à lui céder son cœur une seconde fois, c’était s’il l’avait trompé une seconde fois. Lula ne l’avait pas supporté et la confiance qu’il avait réussie à rétablir s’était envolée dans un claquement de doigt. Cependant, elle n’avait pas totalement disparue et il y avait encore certains domaines pour lesquels la jeune femme ne doutait pas de Matthew, notamment en ce qui concernait l’amour qu’il portait à leurs enfants ainsi que sa capacité à les protéger du danger. Elle en avait eu la preuve lorsqu’il avait sauvé Toyiah des griffes de son grand-père, l’envoyant ainsi pourrir en prison pour de nombreuses années. Il y avait cependant certaines choses que Lula préférait garder pour elle comme la perte de son emploi, elle ne voulait plus de son aide parce qu’elle craignait qu’il n’en profite de nouveau pour la manipuler et lui briser le cœur. La philippine lui balança alors un énorme bobard lorsqu’il l’interrogea sur son travail et changea immédiatement de conversation en lui retournant la question. Lula était à la fois curieuse et concernée étant donné qu’elle avait toujours considérée la mère de Matthew comme la sienne. « Pas vraiment, non… J’ai des contacts, des pistes, mais rien de concret. Pour le moment. ». Elle n’eut pas besoin de le regarder pour sentir la détermination qui perçait dans la voix de son ex-mari. Tout comme lui, Lula trouva un intérêt soudain pour la scène du déballage de cadeau et constata – comme pour chaque anniversaire – que l’espion avait placé la barre très haute cette année. « J’espère que tu vas la retrouver avant de finir sur les rotules. » dit-elle, ne pouvant s’empêcher de le mettre implicitement en garde contre son état de santé plutôt préoccupant. « Pour ce qui est de Lee... Ou de LJ, je t'avoue que... j'ai pas été très présent, ces derniers temps. Mais j'ai brièvement vu Lee ce matin, à l'aéroport... Il avait l'air bien. » avoua-t-il. Sans le savoir, Matthew venait de confirmer ce qu’elle pensait ; il était tellement pris par ses recherches pour trouver sa mère qu’il s’était totalement coupé du reste. Elle craignait que cela ne le conduise à l’autodestruction ; de ce qu’elle voyait aujourd’hui, le processus était déjà en marche et il fallait qu’elle le freine. Lula clôt les paupières quelques instants en se mordillant la lèvre inférieure, mais ne put se contenir plus longtemps et fit volte-face vers Matthew. « Je sais que l’année a été éprouvante, mais tu ne devrais pas être aussi exigent envers toi-même. On compte peut-être sur toi pour retrouver… le trésor, mais pas au détriment de ta santé ; ce serait mieux que tu puisses apprécier le fruit de tes efforts quand le moment sera venu. Donc, tu ferais bien de suivre le conseil avisé de ton fils et t’accorder une pause, personne ne t'en voudra. ». Lula avait beau lui en vouloir, elle s’inquiétait pour lui au même titre que ses enfants et se sentait un peu coupable de ce qu’il était devenu. La philippine pensait que si elle avait pris la peine de manifester son intérêt plus tôt, Matthew ne se serait pas autant plongé à corps perdu dans son travail en négligeant son entourage. « Tu l’as encore beaucoup trop gâté… » souffla-t-elle lorsque Mason montra fièrement un iPad flambant neuf. « Ça te dérange vraiment pas, que… les enfants reviennent chez moi ? ». Honnêtement, ce qui la dérangeait c’était de tenir de nouveau une telle proximité avec lui et de se sentir aussi faible à son contact, mais pour ce qui était des enfants, la présence de Matthew ne pouvait que leur faire du bien et pendant ce temps, Lula pourrait enchaîner les petits boulots sans craindre d’être percée à jour. La philippine secoua alors la tête de gauche à droite. « A vrai dire, je préfère qu’ils soient avec toi… » souffla-t-elle à son tour. Nikolas avait beau être en prison, le traumatisme de l’enlèvement de sa fille et du bain de sang dans l’appartement de Civic Center était toujours présent chez Lula et elle se sentirait plus rassurer de les savoir en compagnie d'une personne capable de les protéger même s'il n'y avait pas de menace planant sur eux dans l'immédiat.

« J’espère que tu vas la retrouver avant de finir sur les rotules. » avait répondu Lulani à Matthew alors que celui-ci lui expliquait brièvement où en étaient ses recherches. Il stagnait, et ça l'enrageait sans pour autant le démotiver, au contraire ; alors effectivement, il avait un peu arrêté de prendre soin de lui, mais pour le coup, il ne voyait pas de raison de s'en préoccuper plus que ça. Il réussissait à se lever tous les matins, à marcher, à chercher sa mère, et tant qu'il était en état de faire ça, il ne comptait pas s'arrêter. On pourrait dire qu'il était excessif, inconscient, ou même les deux, mais le jeune homme n'en avait que faire, pourquoi pas ? C'était son objectif, le seul qu'il pouvait réaliser, et il n'abandonnerait pas, il ne pouvait pas, et il n'en avait pas non plus le temps ; si sa mère n'était pas déjà morte, si l'arrestation de son père n'avait pas signé la dernière ligne d'un contrat entre lui & celui qui devait détenir sa mère, alors il ne savait pas combien de temps il lui restait. « Je sais que l’année a été éprouvante, mais tu ne devrais pas être aussi exigent envers toi-même. On compte peut-être sur toi pour retrouver… le trésor, mais pas au détriment de ta santé ; ce serait mieux que tu puisses apprécier le fruit de tes efforts quand le moment sera venu. Donc, tu ferais bien de suivre le conseil avisé de ton fils et t’accorder une pause, personne ne t'en voudra. » Lorsqu'il releva les yeux et capta le regard de son ex-femme, Matthew comprit instantanément ce que Lulani voulait dire par là ; comparé à l'homme qu'elle avait retrouvé un peu plus d'un an auparavant, Matthew était un déchet et même s'il nierait si elle le lui demandait, il était clair que le nouveau rejet de la jeune femme n'avait rien fait pour arranger les choses. Mais sa santé ? A cet instant, c'était la dernière chose qui pouvait bien compter pour lui. Ses enfants... Il les aimait, profondément, il donnerait sa vie pour lui, comme Jenny avait dû donner la sienne pour que Matthew & sa fratrie soient épargnés par la cruauté de leur père – qu'elle avait elle aussi dans un sens provoqué en le trahissant. Seulement, avec Lulani qui lui avait demandé de s'éloigner et son esprit qui ne serait pas calmé tant qu'il n'aurait pas retrouvé sa mère, il sentait qu'il loupait encore leur enfance, qu'il ne les voyait pas grandir. Il s'inquiétait pour l'avenir amoureux de Toyiah, mais ignorait si elle avait déjà vécu son premier baiser, si c'était même digne d'une fille de son âge ; il offrait un iPad à son fils, espérant qu'il y trouve une quelconque utilité alors que lui-même n'utilisait le sien que pour ses opérations. Il ne savait pas ce qu'il faisait, il était totalement décalé, mais malgré les conseils de Lulani – et à travers eux, de Mason – Matthew ne semblait pas vouloir changer quoique ce soit à son nouveau quotidien. « Je ne sais pas... combien de temps elle a, Lula. » souffla-t-il en murmurant, réalisant que ses enfants pouvaient toujours tendre l'oreille d'où ils étaient, expliquant en quelques mots que le temps était contre eux. « Tu l’as encore beaucoup trop gâté… » déclara finalement la jeune femme, détournant brièvement la conversation. Matthew en profita ; il avait compris, il ne brillait pas de tous ses éclats, pas besoin de s'éterniser sur le sujet. Il continua donc la conversation en retournant sur ses enfants ; après tout, c'était pour eux qu'il était là... officiellement. « A vrai dire, je préfère qu’ils soient avec toi… » lui répondit finalement Lulani. Étrangement, Matthew ne comprit pas vraiment ce qu'elle voulait dire par là, pensant justement au contraire que c'était sa proximité avec lui qui avait mis ses enfants en danger en premier lieu. « Pourquoi ? Tout va bien ? » s'inquiéta-t-il aussitôt. Il n'eut cependant pas le temps d'en dire plus puisqu'un instant plus tard, son téléphone portable retentit dans sa poche ; surpris mais rapide, Matthew le sortit pour en observer l'écran et, aussitôt, posa un regard entendu sur Lulani. « Je dois le prendre. » déclara-t-il simplement avant de faire volte-face pour rejoindre aussi rapidement que possible l'entrée, où il prit enfin l'appel. « Vryzakis. » dit-il simplement, pas sûr que son collègue l'appelle pour des informations ou pour une mission officielle. « Oui, Matthew... Hm, je viens de recevoir quelque chose. » Aussitôt, Brennan eut toute l'attention de l'américano-grec. « C'est... un corps, qui a été repêché au large des Philippines il y a environ quatre heures. L'empreinte partielle correspond à deux anciens agents de la CIA... dont Jenny Bishop-Vryzakis. » Silence ; Matthew n'y croyait tout simplement pas. Non... impossible. Et pourtant.... Au large des Philippines. Étais-ce un message, une dernière preuve que son père avait perdu tout ce qui lui restait d'humanité pour tuer la mère de ses enfants ? « Matt ? » L'intéressé déglutit & leva les yeux au ciel ; des larmes menaçaient ses yeux alors que son cœur se pressait comme jamais dans sa poitrine. « Je suis là. » dit-il simplement, la voix rauque à cause de sa gorge soudainement nouée. « Je peux t'avoir des photos du corps en une heure, j'ai un agent sur l'île de - » Matthew l'interrompit subitement. « Non. Si c'est ma mère, je... je veux y aller, voir par moi-même. » déclara-t-il. « Envoie moi une adresse, je prends le prochain vol que je peux attraper. » souffla-t-il avant de raccrocher, ne prenant même pas la peine de remercier son collègue.

Et puis, le monde s'écroula tout autour de lui et il passa une main tremblante d'émotion sur son visage. Jenny était morte ; sa mère était morte. Son père avait tué sa mère. La grand-mère de Toyiah & Mason ne verrait jamais à quel point ils avaient grandi. Ses recherches... ses recherches n'avaient servi à rien. Il venait de perdre toute foi en sa famille, tout foi... en tout. Sa mère était morte. Celle qui l'avait bercée, nourrie, qui l'avait chérie durant ses plus jeunes années, qui s'était vendue à son mari pour le protéger, qui avait été une mère autant pour lui que pour Lulani... Lula. Il allait devoir le lui dire. Les paupières du jeune homme se fermèrent doucement et, dans une tentative vaine pour aller le poids sur sa poitrine, il soupira profondément, laissant échapper une larme ; lorsque celle-ci toucha sa joue, ce fut comme un électrochoc qui lui fit se racler la gorge et essuyer la larme. Il grimaça, tenta de se refaire un masque, mais c'était sans espoir. Se résignant, il se tourna donc de nouveau vers la cuisine et s'arrêta dans l'encadrement de la porte avant de tourner la tête vers ses enfants. « Les enfants, vous voulez pas aller jouer en haut juste un peu ? S'il vous plaît ? » demanda-t-il en remarquant que ses enfants semblaient d'abord peu enclins à lui obéir. Seulement, dès lors qu'ils furent seuls, Matthew s'approcha de Lulani et posa sans cérémonie ses mains sur ses bras pour l'inciter à s'asseoir, avant de prendre place à côté d'elle, la mine aussi fermée que possible mais tout de même abattue. « Je... Lula, je dois te dire quelque chose, mais... je refuse d'y croire avant de l'avoir... vu de mes propres yeux. » souffla-t-il avant de relever les yeux vers elle et de délutir, fronçant les sourcils pour s'empêcher de pleurer ; sa mère était morte. « Un corps a été repêché aux Philippines et... la CIA pense que c'est ma mère. » souffla-t-il avant de fermer les yeux, accablé.

Matthew ne voulait tout simplement pas y croire ; sa mère ne pouvait pas être morte. Les paupières closes, l'agent ne tarda pas à enfouir sa tête dans ses mains, les coudes posés sur la table devant lui. Il ne voulait pas pleurer, se laisser aller à la tristesse, au deuil... pas tant qu'il n'aurait pas vu le corps. Et pourtant, déjà, des images commençaient à arriver dans son esprit, des souvenirs de sa mère lorsqu'elle s'occupait de lui. Il se souvenait parfaitement de la bonne odeur qui régnait dans la maison lorsque lui, Kina ou Francis étaient malades, et que leur mère leur faisait son bouillon magique ; lorsqu'elle lui avait appris à surfer, alors qu'il n'était qu'un enfant ; sa façon de le regarder lorsqu'elle voyait que Matthew éprouvait quelque chose pour la jeune Lulani et qu'il se retenait de laisser son regard trop dériver à chaque fois qu'elle venait rendre visite à Kina ou à elle-même. Matthew avait toujours été un garçon indépendant, à prendre le rôle d'homme de la famille lorsqu'ils étaient venus habiter aux Philippines, sans Nikolas. Il avait souvent pris le relais, pris soin de Kina, ou de son frère cadet, et du coup, une complicité plus forte s'était liée entre sa mère & lui, parce que depuis la mort de ses meilleurs amis – qui s'avéraient justement être les Kaleko, parents de Lula – elle prenait elle aussi son fils pour l'adulte qu'il semblait avoir toujours été. Et elle serait morte ? Impossible. Non, non, il ne voulait pas y croire, pas encore. Il avait mis trop d'énergie à essayer de la trouver pour qu'elle soit repêchée près des côtes philippines, où elle avait auparavant tant aimé plonger à la recherche de trésors espagnols enfouis sous la vase. Il se doutait que Lula devait autant avoir besoin de soutien que lui et pourtant, il était incapable de bouger, trop occupé à se battre contre les larmes qui menaçaient de s'échapper de ses yeux pour couler sur ses joues qui n'en avaient pas vu depuis bien longtemps. Ce ne fut que lorsqu'il sentit les bras de la jeune femme l'entourer et son corps se presser contre le sien qu'il rouvrit les yeux, d'abord surpris par le geste de son ex-femme. Cependant, ça lui parut bien vite naturel : ils n'étaient plus ex mari et femme, parents en conflit, ils étaient deux enfants qui venaient d'apprendre la mort de leur figure maternelle. Encore une fois cependant, Matthew se refusa à laisser ses larmes sortir, et ses yeux restèrent donc simplement humidifiés alors qu'il fermait de nouveau les yeux, appréciant l'étreinte réconfortante de la philippine. « Dis-moi ce que je peux faire... » lui dit-elle finalement. Ce qu'elle pouvait faire... Matthew ne voulait certainement pas la laisser voir ça. Si le corps était resté longtemps dans l'eau... à vrai dire, Matt n'avait aucune idée de ce qu'il allait trouver là-bas, mais il ne voulait pas que la dernière image que Lulani aurait de Jenny soit un corps à moitié décomposé, avec peut-être des traces de torture ou... « Je vais, je dois... » soupira-t-il brusquement en s'éloignant de Lulani, brisant leur étreinte pour se redresser à son tour. « Je dois y aller... le voir par moi-même... Est-ce que tu peux trouver quelque chose, pour les enfants ? » Il ne voulait pas qu'ils le voient comme ça non plus, c'était pire que d'être simplement « fatigué », il était complètement anéanti. « Je t'appellerais dès que... j'y serais. » souffla-t-il finalement, incapable de dire clairement qu'il la tiendrait au courant une fois qu'il aurait vu le corps de sa mère. Il eut le réflexe de vouloir embrasser le front de Lula, geste qu'il s'était autorisé peu avant que tout n'aille de nouveau mal entre eux, mais se résigna au dernier instant, lui adressa un sourire gêné & désolé et, finalement, quitta la pièce & les lieux la tête basse & le pas lourd.

THE END

TO BE CONTINUED