Cela faisait plusieurs minutes que Lula était figée sur le trottoir en face du centre de dressage pour chiens, à en observer la devanture avec nervosité. Cet endroit était l’un de ses nouveaux lieux de travail depuis quelques semaines et elle y venait principalement pour faire le ménage dans les locaux. C’était un métier comme un autre, mais tellement différent de celui de restauratrice d’œuvres d’art que la philippine avait l’impression d’avoir dégringolé dans l’échelle sociale. Suite à son licenciement, Lulani avait rapidement compris que trouver un nouvel emploi pour conserver son visa allait être particulièrement difficile ; elle avait décidé de cumuler plusieurs emplois différents pour se maintenir au même niveau qu’avant et ne pas trop éveiller les soupçons. Personne n’était au courant. Lulani trouvait sa situation tellement dégradante qu’elle n’en avait même pas avisé ses propres enfants et sa fierté, quant à elle, l’empêchait de demander l’aide de Matthew : sa relation avec Loan – même hors mariage – lui restait encore en travers de la gorge. La raison pour laquelle Lula était si nerveuse de prendre son service se résumait à une seule personne : Kellen Johnson, dresseur de chiens. En effet, quelques jours plus tôt, Lula s’était promenée dans Astoria en compagnie de ses enfants qui avaient immédiatement été happés par le spectacle qui se déroulait à l’intérieur : elle n’avait donc eu d’autres choix que de les suivre. La philippine s’était sentie immédiatement mal à l’aise de se trouver sur son lieu de travail en compagnie de ses enfants, elle avait peur qu’on la reconnaisse et que ses enfants n’apprennent la nouvelle de la bouche de quelqu’un d’autres, alors forcément, lorsque Mason avait mis la main sur Kellen pour lui poser toutes les questions possibles et inimaginables sur les caractéristiques de son métier, Lula s’était montrée particulièrement froide et distante. Kellen s’était pourtant toujours montré adorable envers la philippine et c’est ce qui la faisait énormément culpabiliser : il quittait son bureau pour la laisser le nettoyer, avait toujours un mot ou une attention gentille à son égard comme le simple fait de vider lui-même sa corbeille et, aujourd’hui, Lulani craignait qu’il ne lui rende la monnaie de sa pièce. Glissant un regard sur sa montre, la jeune femme se décida enfin à traverser la voirie pour pénétrer à l’intérieur du centre et s’engouffra dans le petit vestiaire qui lui avait été attribué pour y enfiler la tenue de travail. Une fois prête, elle poussa son chariot dans les couloirs et commença son ménage, bureau par bureau jusqu’à ce qu’elle remarque que le suivant serait celui de Kellen. Comme en témoignait la porte close, le bureau été occupé et toute l’angoisse qui s’était dissipée à coups de balais et de serpillères sembla revenir au galop. Lulani prit une profonde inspiration et frappa contre la porte, attendant d’avoir son accord pour y entrer. Elle lut immédiatement la surprise sur le visage de Kellen, mais n’y décela aucune lueur d’animosité dans son regard, bien au contraire, il la salua. « Bonjour Kellen. » répondit-elle en esquissant un petit sourire à la fois gêné et reconnaissant lorsqu’il se leva de son bureau pour venir vider sa corbeille de lui-même, comme à son habitude. Lula, quant à elle, était entrée à l’intérieur et commençait déjà à épousseter les meubles. « Ça vous dérange si je reste là aujourd’hui ? J’ai pas mal de paperasse et mon premier rendez-vous de la journée n’est pas avant une heure et demi ici. ». Elle stoppa immédiatement son geste pour se tourner vers l’australien et secoua la tête de gauche à droite. « Non, ça ne me dérange pas, au contraire, je… je voulais vous parler de l’autre jour et m’excuser de mon comportement envers vous ; j'ai été odieuse et ça n’avait rien de personnel. » s’excusa-t-elle tout en continuant de dépoussiérer l'étagère et sans oser affronter le regard de Kellen.

Lulani était devenue une fée du logis assez tôt ; d’abord chez son oncle Kidlat qui n’était pas très ordonné et ensuite lorsqu’elle s’était installée avec Matthew. La présence de Kellen ne la gênait aucunement parce qu’elle avait pris l’habitude de faire le ménage en ayant toujours quelqu’un dans les pattes, que ce soit Kidlat, Matthew ou ses enfants et puis, elle savait que Kellen n’était pas du genre à déranger une femme de ménage en plein travail puisqu’il avait eu la délicatesse de lui demander si sa présence l’importunait vraiment. « Excuses acceptées. » l’entendit-elle lui dire. Rassurée de voir qu’il ne lui en tenait pas rigueur, Lulani poussa un soupir de soulagement et relâcha la pression de ses épaules en se tournant brièvement pour le remercier d’un sourire. La jeune femme sentit qu’il regagnait sa place et fut même surprise qu’il ne cherche pas à en savoir un peu plus sur véritable raison de son comportement versatile. « Pourquoi ? ». Apparemment, Lulani en avait tiré une conclusion trop hâtive : Kellen était curieux et, ne pouvant l’en blâmer, la philippine termina d’épousseter avant de se tourner vers l’australien. « J’ai repensé à tout ça et la seule explication que j’ai trouvé à votre comportement, était que vous pensiez que je vous faisiez du charme. ». Immédiatement, la jeune femme paniqua. Elle se sentit rougir et secoua la tête de gauche à droite en s’apprêtant à contester, mais Kellen fut le plus rapide des deux. « Vous êtes une belle femme Lulani, c’est évident, mais je ne tentai pas d’avoir un comportement déplacé. Je pensai qu’on s’entendait bien et du coup, comme vous étiez avec vos enfants, je n’ai pas compris votre réaction. Je m’excuse donc si j’ai eu un comportement déplacé à votre égard. ». C’était une sensation assez étrange que de se sentir flattée, gênée et honteuse à la fois : Lulani ne savait plus du tout où se mettre et glissa même un regard à la porte du bureau en s’imaginant déjà prendre ses jambes à son cou pour en finir avec cette conversation affreusement embarrassante, cependant elle devait faire son travail et assumer la discussion qu’elle avait elle-même commencé. « Non, ce n’est pas ça. Pas du tout. Vous n’avez jamais eu de comportement déplacé, vous êtes même très sympathique et je m'en veux d'avoir eu un tel comportement… » commença-t-elle en ponctuant ses propos d’un signe franc de la tête, mais Lulani savait que ce n’était pas une réponse assez satisfaisante pour que Kellen comprenne ce qui l’avait poussé à agir ainsi : elle ne voulait pas passer pour une folle auprès de lui. D’ordinaire, la jeune femme se souciait peu de ce que les autres pouvaient penser d’elle, mais comme l’australien l’avait si bien souligné, ils s’entendaient bien avant que Lulani ne fiche tout en l’air. « C’est juste qu’avant de venir travailler ici, j’étais restauratrice d’œuvres d’art dans un Musée de Greenwich Village, mais on m’a licenciée. Étant donné que je suis originaire des Philippines, je me retrouve sans carte verte et avec le service de l’immigration sur le dos. De ce fait, je cumule plusieurs emplois pour maintenir mon niveau de vie à celui que j’avais avant. » avoua-t-elle, honteusement avant de glisser son regard dans celui de Kellen, se sentant soudain aussi mal à l’aise que si elle s’était retrouvée nue en face de lui. « ...Mais si je me suis montrée aussi distante avec vous, c’est que je ne voulais pas que mes enfants soient au courant. Non pas que je trouve le métier de femme de ménage honteux, mais comme je suis venue à New York pour qu’ils soient plus proches de leur père, je ne veux pas les décevoir ni avoir à leur annoncer qu’on doit retourner vivre à Palapag alors je continue à leur faire croire que je travaille toujours au Musée dans l'attente de trouver une solution... Alors quand j'ai vu mon fils vous aborder, je me suis sentie… menacée et j'ai pensé qu'en me montrant aussi exécrable, vous n'oseriez pas trop en dire. ». Se sentant soudain en proie à l’angoisse et à une envie irrépressible de pleurer, Lulani esquissa un faux sourire et haussa légèrement les épaules. « Voilà, vous savez tout. Encore désolée pour ce malentendu. »

Lulani se sentait un peu mieux ; se confier était un acte libérateur même s’il ne réglait pas ses problèmes de passeport et d’argent. La philippine avait choisi d’en discuter avec Kellen parce qu’elle voulait régler cet étrange quiproquo et aussi parce qu’il faisait partie de ses nouvelles relations de travail : elle ne voulait pas prendre le risque d’être mise à la porte pour un simple malentendu. Lulani n’était pas le genre de personne à demander de l’aide sauf en cas d’extrême nécessité – comme par exemple l’an dernier, lorsqu’elle avait emménagé chez Matthew - et, pour l’instant, elle se débrouillait assez bien pour éduquer ses enfants en parallèle à une vie professionnelle chaotique. Ce n’était pas la première fois qu’elle était confrontée à ce genre de situation d’instabilité ; Lulani était tombée enceinte à 16 ans et s’en était très bien sortie même si ça n’avait pas été très facile à gérer au quotidien. Elle oubliait cependant qu’à l’époque, elle vivait à Palapag auprès de son oncle Kidlat et bénéficiait du soutien de Matthew, mais aujourd’hui Lulani était seule. C’était son choix. Elle comptait garder son image de femme forte, indépendante et têtue pour n’avoir de comptes à rendre. Encore moins à son ex-mari qui en profiterait sûrement pour la piéger en l’attirant de nouveau dans ses filets : c’était comme ça qu’elle le voyait à présent, comme un manipulateur. Il suffisait à Lulani de rester trop longtemps en sa présence pour tomber de nouveau sous son charme, elle avait déjà vécu cette situation quelques mois plus tôt lorsqu’ils avaient failli coucher ensemble. « Je suis désolé pour votre licenciement. » dit-il, le plus sincèrement du monde. Lulani esquissa un petit sourire avant qu’il ne poursuivre. « Vous avez un avocat ? » demanda-t-il. Pour toute réponse, la jeune femme secoua la tête de gauche à droite : il y avait bien Elias qui, un jour, lui avait proposé d’être son avocat en cas de problème, mais Lulani ne l’avait jamais revu depuis l’accident qui avait été la cause de leur rencontre et ne se voyait pas vraiment pénétrer de force dans son cabinet pour lui demander de se pencher sur son cas. Elle sourit de nouveau lorsqu’il lui assura comprendre la position de Lula vis-à-vis de ses enfants et tout faire pour peser ses mots la prochaine fois afin de conserver le petit secret de la mère de famille. « Pour ce qui est de l’avocat, j’ai quelques contacts si vous avez besoin. Après tout avec un avocat, vous pourriez plaider votre cause auprès d’un tribunal, expliquer que vous avez plusieurs emplois pour subvenir aux besoins de votre famille et que vous pourriez avoir accès à un visa. Je peux me renseigner si vous voulez. ». La jeune femme cessa aussitôt toute activité pour s’intéresser à ce que disait Kellen. Honnêtement, la jeune femme y avait pensé, mais craignait de ne pas réussir à couvrir les frais d’honoraires. « Ce serait gentil de votre part, je ne me sens pas capable d’aller me renseigner toute seule, je sais que c’est idiot, mais j’ai peur que les services de l’immigration me tombe dessus avant que je n’ai le temps de faire quoi que ce soit ; j’ai développé une sorte de paranoïa. » avoua-t-elle en affichant un énième sourire gêné, mais reconnaissant. « Mais votre ex-mari ne peut pas vous aider ? ». La question l’avait tellement prise de court que le visage de Lulani se métamorphosa. « Certainement pas ! » commença-t-elle, énervée avant de frotter énergiquement le bureau pour passer ses nerfs. « Mon ex-mari est un crétin et il doit sûrement avoir déjà beaucoup à faire avec ses ex-conquêtes. » lança-t-elle, amère.

« Je comprends parfaitement. Je vais passer quelques appels et je vais voir ce que je peux faire pour vous aider. ». Lula lui sourit de nouveau en posant une main sur sa poitrine pour lui faire comprendre que son geste lui allait droit au cœur. Elle n’avait jamais eu l’habitude de demander l’aide de qui que ce soit, prônant haut et fort être un bout de femme totalement indépendante, mais il fallait bien avouer que, de temps en temps, certaines situations nécessitaient de mettre sa fierté de côté. Et puis, il fallait dire que Kellen lui inspirait confiance. Il dégageait une aura bienveillante qui avait attiré Lulani comme un papillon vers la lumière, elle voyait en lui une autre échappatoire. Bien sûr, il était hors de question pour la jeune femme de se servir de lui, elle comptait bien ‘rembourser sa dette’ auprès du jeune homme si tant est que la philippine puisse rester à New York assez longtemps pour ça. Il s’empara alors de son téléphone portable, activa le haut-parleur pour que la jeune femme puisse entendre la conversation pendant qu’elle finissait de nettoyer son bureau et lorsqu’il eut raccroché, cessa toute activité pour s’intéresser de nouveau à lui avec une pointe d’angoisse perceptible sur les traits de son visage. « Ca vous fait beaucoup de papier à rassembler. Amenez-moi le tout et j’irai le voir pour savoir exactement ce que vous pouvez faire pour rester ici avec vos enfants. » dit-il en lui tendant le détail. « Ce ne sera pas un problème, tout est bien rangé. Merci infiniment, Kellen… Même s’il n’y a aucun recours possible, je suis tout de même contente d’avoir pu en discuter avec vous. » dit-elle en jetant un coup d’œil à la liste avant de la plier soigneusement pour la mettre dans la poche de sa tenue de travail. « Où vivez-vous actuellement ? Vous avez un endroit sûr pour vivre avec vos enfants ? Si jamais ça n’est pas le cas, j’ai de la place chez moi et vous serez sûr d’avoir un endroit fixe le temps que la situation se régularise. ». Elle fut surprise, mais néanmoins touchée de voir que Kellen était même prêt à les accueillir chez lui en cas de nécessité, mais elle savait que tout ceci ne ferait qu’envenimer la situation avec Matthew. Matthew… Elle s’était peut-être montrée un peu trop amère à son sujet. « Ca ira, je vous remercie. J’habite dans un appartement de Greenwich Village et le loyer n’est pas encore trop exorbitant. » assura-t-elle. La jeune femme marqua un temps d’arrêt avant de poursuivre par une tentative d’explications un peu bancales sur la relation avec son ex-mari. « Je me rends compte que je me suis peut-être montrée un peu trop agressive lorsque vous avez abordé le sujet de mon ex-mari, mais vous avez dû comprendre que notre relation est assez tendue en ce moment. Je sais que je l’ai présenté comme un type qui saute sur tout ce qui bouge, mais ce n’est pas totalement vrai, certes, il m’a trompée une fois et c’est ce qui a fait que je l’ai mis à la porte, cependant, en m’installant ici, je me suis aperçue que nous tenions toujours énormément l’un à l’autre… Mais certaines révélations me restent en travers de la gorge et je n’arrive pas… je n’arrive plus à lui faire confiance. J’ai peur qu’il profite du fait que j’ai besoin d’aide pour nous manipuler et croire que tout lui est acquis. Tout ce que je veux, c’est lui montrer que je suis capable de m’en sortir toute seule. » s’expliqua-t-elle, cherchant ainsi à ne plus passer pour une folle.

« Alors n’hésitez pas si vous avez encore besoin d’en parler. Maintenant que j’ai toutes les cartes en main, je vous aiderez de mon mieux. ». Lula s’en voulait. Pendant toutes ces années, elle ne s’était jamais plainte de quoi que ce soit et aujourd’hui, la philippine déballait son sac au premier venu. Certes, Kellen lui inspirait confiance, mais il n’était pas psychologue et encore moins concerné par ses problèmes et pourtant, il se proposait même de l’aider sans contrepartie. Lula se sentait d’ailleurs un peu gênée et réfléchissait déjà à ce qu’elle pourrait faire pour le remercier de son aide précieuse. Elle répondit à son sourire et lâcha un petit soupir de soulagement. « Je vous remercie encore pour votre aide précieuse, vous n’y étiez vraiment pas obligé et je trouverais un moyen de m’en acquitter. » dit-t-elle. Connaissant Kellen, Lula se doutait qu’il déclinerait l’offre en lui assurant qu’il ne faisait pas ça pour recevoir quelque chose en retour, mais il était hors de question de discuter avec la philippine ; elle trouverait bien quelque chose pour le remercier. « Je n’ai jamais été dans une telle situation, mais je peux comprendre. Parfois la vie ne nous fait pas de cadeau et les personnes à qui l’on tient nous révèlent des choses qu’on aurait préféré ignorer ou qui ne sont pas clairement agréables à entendre. ». En une phrase, Kellen venait de résumer l’histoire de sa vie ou plutôt celle de sa relation avec la famille Vryzakis car on ne pouvait pas dire que celle-ci était un modèle d’équilibre ; un père mafieux qui a tué son propre frère en faisait passer ça pour un accident, qui a fait enlever sa petite-fille, presque fait tuer son propre fils et qui retient sa femme quelque part dans le monde... Lula était persuadée que si elle en parlait, on la prendrait pour une folle ! « Tout cela, avec votre ex-mari ne me regarde pas bien évidemment. Mais si vous avez le besoin d’en parler ou alors de vous changer les idées, je serai là. ». Plus ça venait et plus Lula trouvait Kellen adorable. Elle avait constaté que les hommes altruistes ne courraient pas vraiment les rues de New York et s’étonnait même de voir que celui-ci n’était pas déjà marié. Elle lui sourit poliment et secoua la tête de gauche à droite. « C’est gentil, mais j’ai déjà abusé de votre oreille attentive et de toute façon, je n’ai plus grand-chose à dire à ce sujet… Ca fait 4 ans, il serait peut-être temps que j’arrête de ressasser le passé. » souffla-t-elle. C’était en partie pour cela qu’elle était venue s’installer à New York un an plus tôt ; elle pensait qu’en lui tenant tête, Matthew enragerait de voir Lula aussi indépendante et que ce serait une sorte de revanche sur tout ce qui lui avait fait subir. « En tout cas, si vos enfants veulent venir voir les chiens ou même venir pendant des entraînement, ils seront les bienvenus et vous aussi. ». La jeune femme opina du chef, ravie par la proposition de Kellen. « Vous pouvez compter sur nous. Bien que nous n’en ayons pas, on aime beaucoup les animaux et mes enfants me tannent pour adopter un chien, mais pour l’instant je n’en ai ni les moyens, ni l’espace. » avoua-t-elle en riant, tandis qu’elle passait à présent au nettoyage du sol. « Au fait, vous ne m’avez pas dit comment vous connaissiez cet avocat, c’est un ami à vous ? » l’interrogea-t-elle, un peu curieuse de savoir comment il pouvait avoir de tels contacts.

Lula ne voulait pas donner l’impression d’abuser de la bonté de certaines personnes comme l’australien et tenait à lui rendre service lorsqu’il en aurait besoin à son tour, mais comme elle l’avait prédit, Kellen s’empressa de lui répondre. « Je ne demande rien en retour. Je vous apprécie et c’est pour cela que je tiens à vous aider, vous et vos enfants. ». C’était sans compter la détermination de la philippine ; il pouvait compter sur elle pour trouver un moyen de ‘rembourser sa dette’ et de lui retourner la faveur lorsqu’il en aurait besoin. Lula décida de ne pas insister davantage et lui sourit poliment en lui faisant ainsi croire qu’elle ne chercherait pas à le remercier par tous les moyens. Kellen lui avait même proposé de se confier, mais la philippine avait préféré négliger l’offre parce qu’en plus de craindre d’en raconter un peu trop, elle ne voulait pas remuer le couteau dans la plaie et encore le déranger avec ses problèmes de cœur qui ne concernaient que les intéressés. Kellen était vraiment formidable et elle espérait qu’il avait une personne équivalente dans sa vie pour le soutenir en cas de coups durs avec autant de dévouement que lui le faisait. « D’accord, mais n’hésitez pas si vous en avez besoin. Mais vous savez, il faut pouvoir avancer peu importe son passé. Vous pouvez ressasser le passé, mais il faut que vous arriviez à vous arranger avec, pour en tirer du positif, même si ça vous semble pas possible pour le moment. ». Lulani leva les yeux au ciel pour méditer les paroles de l’australien et afficha un grand sourire. « Sans avoir besoin de trop me creuser la tête, j’en vois déjà deux. » répondit-elle, en songeant aussitôt à ses enfants. « Pour les chiens, je comprends. En tout cas ici, ils auront de quoi faire s’ils veulent s’amuser avec des chiens. ». Effectivement, le centre de dressage d’Astoria semblait être le terrain de jeux idéal pour Toyiah et Mason qui tannaient leur mère pour avoir une boule de poils, mais c’était également un lieu de travail. « Je ne voudrais pas vous déranger en plein travail pour satisfaire les caprices de mes enfants, mais si ça ne vous dérange pas, ce sera avec plaisir. ». Il y aurait deux conséquences ; soit leur envie d’adopter un chien allait être apaisé, soit ils redoubleraient d’effort pour faire basculer Lula dans leur camp. Elle pouffa de rire et détourna la conversation pour s’intéresser un peu aux connaissances de Kellen qui avait l’air de côtoyer beaucoup de monde pour quelqu’un passant la majeure partie de son temps avec des quadrupèdes. « C’est plus un collègue de travail. Nous sommes tous deux pompiers volontaires. » avoua-t-il. Lula sourit, elle put aisément lire la fierté dans son regard lorsqu’il parlait de son second métier et ne put s’empêcher de le trouver admirable. « Dresseur de chiens, psychologue et pompier volontaire, décidément vous êtes l’homme parfait ! Je sens que vous allez rapidement devenir le meilleur ami de Mason et le coup de cœur de Toyiah ! » lança-t-elle, amusée. Loin d’elle l’idée de faire du charme à Kellen, mais Lula le pensait sincèrement et s’étonnait même de savoir qu’il était encore célibataire. « On s’est rencontrés par hasard là-bas et du coup, nous sommes de temps en temps de service en semble. Quand il n’y a pas d’appels, on à le temps de discuter et donc on a apprit à savoir ce que chacun fait. En tout cas, pour les pompiers volontaires, vu que les autres sont là, de garde, tous les jours. ». A l’entendre parler, il lui donnait presque envie de se joindre à la cause de pompiers. « C’est un peu comme une seconde famille, j’imagine… » dit-elle en continuant terminant de dépoussiérer.

Discuter avec Kellen de choses et d’autres lui faisait prendre conscience qu’elle s’était énormément repliée sur elle-même depuis son divorce. Inconsciemment, Lula émettait une certaine réserve envers les représentants de la gente masculine sous prétexte que la première personne – autre que son oncle – à être entré dans son monde l’avait sérieusement endommagé en trahissant sa confiance. La philippine avait beau prétexter s’être montrée un peu froide envers l’australien par crainte qu’il ne révèle accidentellement son secret à ses enfants, une partie d’elle cherchait automatique à s’en protéger. Pourtant, Kellen était une personne adorable. Il était peut-être tant pour Lula d’accorder de nouveau sa confiance. « Oh, ne vous inquiétez pas pour ça. On a des plannings, donc ils peuvent venir après l’école ou quand vous aurez le temps. Il suffira juste de me prévenir pour que je sache qu’ils viennent. ». La philippine acquiesça, notant dans un coin de sa tête de contacter Kellen avant chaque visite afin de ne pas empiéter sur son temps de travail. « En tout cas, j’espère que ça calmera leur envie d’adopter un chien, mais en venant ici, je prends aussi le risque qu’ils m’en réclament un tous les jours. Pour ma part, j’ai une bonne résistance au chantage et aux regards suppliants, mon ex-mari beaucoup moins et comme il voyage beaucoup à cause de son travail… » dit-elle, faisant ainsi comprendre que l’entretien du canidé en question lui reviendrait quoi qu’elle fasse. Si Matthew cédait, Lula ne pourrait pas contester auquel cas ses enfants ne le lui pardonnerait pas ; tout reposait donc entre les mains de son ex-mari. « Ce sera avec plaisir. Vous pouvez même ajouter à cela que j’ai vécu pendant presque toute ma vie dans un cirque. J’avais l’habitude de m’occuper des animaux, lions, tigres, singes. Ca va sans aucun doute jouer encore plus en ma faveur. ». La jeune femme éclata de rire à son tour en secouant la tête de gauche à droite, amusée. « Effectivement ! En tout cas, ça devait être génial de passer sa vie parmi les animaux… ». Lulani n’avait pu s’empêcher de le dire pensivement, s’imaginant même avec l’enfance de Kellen l’espace de quelques instants ; elle n’avait jamais eu d’animal de compagnie et n’avait jamais vraiment tenu à en avoir un parce que déjà à l’époque, la philippine était bien trop occupée par les tâches ménagères que lui imposait son oncle, puis sa vie de famille un peu prématurée. « C’est totalement ça. Même si je ne suis que pompier volontaire, les pompiers qui ont fait de ce métier leur vie nous accueillent vraiment bien. » expliqua-t-il, faisant ainsi référence à son deuxième emploi qui fascinait et impressionnait Lula. « Je ne peux pas en dire autant de mon expérience au Musée de Greenwich ; je suis fascinée par l’art et j’adore dessiner, mais être restauratrice d’œuvres d’art me demandait beaucoup de patience et de minutie alors je ne regrette ce travail qu’à moitié, dirons nous... ». En effet, Lula avait accepté ce poste parce qu’elle avait les qualifications requises, une très bonne expérience et aussi parce qu’elle voulait se rapprocher du domicile de Matthew, mais – bien entendu – son cœur était toujours aux Philippines. « En tout cas, sachez que pour cet avocat, il est très compétent et fera tout son possible pour vous aider. ». Il n’avait pas à en dire plus, la philippine lui faisait déjà confiance sur le sujet, c’était même étonnant venant de quelqu’un qui avait toujours clamé son indépendance. « Je n’en doute pas. De votre côté, si jamais vous avez un jour besoin de mes talents en dessin, en garde d’enfants ou en cuisine, n’hésitez pas. ».