« Plus haut ta garde Franck… Clarence, tu ne protèges pas assez ton client, il se prend une balle sans problème là » et ça continuait encore et encore, à chaque entrainement c’était la même chose, les mêmes paroles mais j’aimais ça. J’avais toujours eu une âme de leader que je le veuille ou non et l’armée n’avait pas arrangé cet état de fait. Alors, aujourd’hui, à la tête d’une agence de protection rapprochée, je menais mes hommes non pas à une mort certaine mais à mieux se préparer à toutes les éventualités. Chacun venait d’un horizon différent bien que la majorité était issue de l’armée. « Je t’avais prévenu Franck, la garde fallait la positionner plus haut » plaisantais-je alors que Franck, ancien caporal de l’armée venait d’être mis KO par la seule femme garde du corps de l’agence. Tous les deux jours, je réunissais l’équipe en matinée pour un entrainement militaire. Ils devaient être prêts mentalement mais aussi physiquement à protéger la vie d’une autre personne qu’importe qui elle était, qu’importe s’ils l’aimaient ou non. On nous payait pour donner notre vie à la place de celle de notre client mais il était hors de question que je les envois à l’abattoir pour autant. Chaque mission était triée sur le volet ce qui faisait la réputation d’excellence de l’agence. Je ne laissais rien au hasard. « Bien joué Charlie » félicitais-je l’unique femme. C’était une battante, une femme comme il en était rare de trouver et tout le monde l’appréciait. Il fallait juste qu’on n’oublie pas qu’elle haïssait d’être considérée comme une femme faible et fragile sinon, vous pouviez dire adieu à votre mâchoire. « Patron, c’est pas vot’ fille là-bas ? » demanda Clarence un peu plus tard quand, l’espace d’une pause, nous étions tous regroupés au milieu de notre salle de sport. Je fronçais les sourcils et oui, c’était bien Katniss. Si au départ de notre vie commune, il n’était pas rare qu’elle débarque à l’agence, ces dernières semaines, c’était tout le contraire. En réalité, elle ne me parlait plus ou alors quelques mots brefs. Cette situation me désolait mais je tenais bon. Toutefois, je ne pus m’empêcher de m’inquiéter, elle devrait être à l’école à ce moment même. Un simple coup d’œil au papier qu’elle tenait m’informa qu’elle avait encore une fois fouiné dans mes affaires.

En effet, il y a quelques jours, j’avais reçu une lettre de l’armée me demandant de reprendre du service mais je ne m’étais pas encore résolu à donner une réponse qu’elle soit positive ou négative. J’hésitais pour tout dire. « Reprenez l’entrainement » ordonnais-je à mes troupes avant de rejoindre ma fille qui m’attendait de pied ferme devant la porte. « Tu devrais être à l’école jeune fille » lui dis-je sans préambule d’un ton paternel. Je voulais bien être gentil mais elle restait ma fille et elle allait devoir faire avec. « Allons dans mon bureau, nous serons plus tranquille » ajoutais-je ensuite en la poussant vers le couloir puis vers mon bureau.

« Quand est-ce que je dois faire mes valises ? Tu m’as acheté beaucoup de chose depuis qu’on vie ensemble. Je préfère les faires à l’avance pour ne rien oublier. Même si à la pension ou à l’orphelinat on se contente de peu. » A ces mots, je fronçais les sourcils, attrapant ma fille sous les épaules pour l’asseoir sur mon bureau, m’installant quant à moi sur le fauteuil en cuir. « Je peux savoir où tu comptes partir maintenant ? » l’interrogeais-je en ayant bien compris le cheminement de ses pensées. Encore une fois, elle pensait que j’allais l’abandonner mais elle se trompait lourdement. « Donne-moi cette lettre Katniss » lui demandais-je en soupirant tout en tendant la main. Puis, une fois qu’elle me l’eut donné, je la déchirais sous ses yeux, la jetant à la poubelle avant de prendre ses petites mains dans les miennes. « Katniss Del Toro, tu es une mini chieuse puissance dix mais tu es ma petite chieuse à moi et je ne compte ni t’abandonner ni risquer ma vie à l’autre bout du pays. L’armée fera toujours partie de moi mais elle appartient au passé. Je ne sais pas combien de fois il faudra te le rappeler mais j’aurais toujours la patience de le faire. Tu es ma fille et je suis ton père, nous formons une famille. Dans une famille, ça arrive que l’on se dispute, que l’on ne soit pas d’accord mais nous restons une famille. Tu pourrais arrêter de me parler pendant des années et des années, je resterais toujours ton père car je t’aime plus que tout petit monstre » lui expliquais-je avec patience et amour avant de soupirer. « Ecoute, je suis désolé de m’être emporté la dernière fois et jamais je ne t’imposerai quoique ce soit qui te rende malheureux mais il faut que tu comprennes que j’ai besoin aussi d’une personne auprès de moi. Elle ne sera certainement pas la mère dont tu rêvais mais il faudra que tu lui donnes une chance. Pour ma part, je peux te promettre de prendre en compte ton avis » ajoutais-je en lui souriant avec tendresse. J’étais ravi qu’elle me parle mais si triste qu’elle puisse encore penser ainsi. Depuis notre rencontre, j’avais tout fait pour la rassurer sur son avenir mais il semblerait que cela ne soit pas encore suffisant. « Au fait.. tu es punie pour avoir séché les cours » lançais-je avec un sourire amusé et taquin. « 1h d’ordi en moins ce soir… »

Les mots de Manuela me revenaient en tête. Katniss avait peur de me perdre car j’étais le dernier membre de sa famille. C’était un constat et désormais j’en avais la preuve sous les yeux alors que ma fille m’avouait qu’elle ne me détestait pas alors, pour qu’elle sèche ses larmes, je la pris dans mes bras, la serrant contre mon cœur. Ce petit bout avait le don de me faire fondre ou de me faire tourner en bourrique pour le meilleur et pour le pire. Elle était de mon sang, de ma chair et jamais oh non jamais, je ne pourrais lui tourner le dos. Ni pour l’armée, ni pour personne. Je serais toujours un soldat quoique je fasse, dise ou pense. Affirmer le contraire serait une perte de temps et d’énergie car cela me collait à la peau. J’avais le combat, la violence et cette rage dans mon sang mais désormais, je comprenais qu’être soldat n’était plus ce qui me définissait. Cela faisait partie de moi mais ce n’était plus moi. Non, Katniss m’avait redéfinit. J’étais un père de famille. Voilà ce que j’étais. « Ce n’est rien ma puce, je sais que tu ne pensais pas ces mots » la berçais-je dans mes bras avant de la reculer doucement pour essuyer ses joues mouillées de ses larmes. « N’y penses plus d’accord ? » Puis, avec tendresse, j’embrassais son front avant de lui ébouriffer les cheveux pour la faire râler. Bien sûr, je n’étais pas naïf au point de me dire qu’il n’y aurait jamais de conflit entre elle et moi car c’était aussi cela la relation père/fille mais j’étais certain que nous saurions toujours nous retrouver comme aujourd’hui et cela suffisait à me rassurer. Cependant, elle n’échapperait pas à une petite punition pour avoir séché les cours ! Il fallait quand même que je mette des limites à ce petit monstre sinon elle n’en ferait qu’à sa tête –ce qui était déjà le cas mais passons sur ce point ; C’est donc avec un sourire attendri que je la vis s’offusquer avant qu’elle n’essaie de marchander. « Laisse-moi deviner, ce ne serait pas Gabriel par hasard qui t’aurait refilé ce tuyau pour m’avoir aux sentiments ? » commençais-je en faisant semblant de grogner de mécontentement. Il allait m’entendre ce traitre mais vaincu par cet argument imparable, je m’entendis dire : « Elle est vraiment bonne ta charlotte ?? » Franchement, un jour, il faudrait que j’arrive à lutter contre mon estomac. « Bon faisons un deal, tu me donnes ton dessert à chaque fois que nous irons chez tes grand-mères pendant trois mois et tu me fais ta fameuse charlotte aux fraises et disons que ta punition sera levée pour cette fois ! » Puis, je me souviens d'un petit détail dont je n'avais toujours pas fait part à ma fille. « Mylène et moi avons rompu.»

Mon estomac me perdra un jour mais je ne pouvais résister à la tentation et Gabriel, ce faux-frère le savait pertinemment –et le pire, c’est qu’il avait vendu la mèche à ma fille. C’était une honte, dire que ce type allait être père, franchement, je ne donnais pas chère de leur future éducation en espérant que la mère sache relever le niveau. Pour ma part, je devais reconnaitre que je n’avais aucune autorité sur ma fille mais peut-être arriverais-je à dompter la terreur avant qu’elle ne me dompte. En réalité, je me savais aussi laxiste pour une seule et unique raison : la culpabilité. Je me sentais coupable de ne pas avoir été là pour elle dans les douze premières années de sa vie et je compensais cela en cédant à ses caprices. Toutefois, le militaire en moi –à savoir donc l’adepte de la discipline ; se rebellait contre cet état de fait. Quoi qu’il en soit, le deal était accepté et mon estomac allait être rudement récompensé. Je profitais donc pour l’informer que j’avais rompu avec Mylène. Je me doutais que cette information allait lui plaire et j’éprouvais un pincement au cœur en repensant à mon ex-petite-amie. Je ne sais pas si nous aurions pu être heureux. Après tout, il y avait une certaine différence d’âge et d’horizon. Elle était une chanteuse pop, j’étais un garde du corps et si, sur le papier, cela pouvait être séduisant, la réalité était toute autre. « Petit monstre, ce n’est pas bien de mentir. Je sais que tu n’aimais pas Mylène mais j’apprécie l’effort » souriais-je un bref moment mais j’espérais en effet qu’un jour ou l’autre, je trouve quelqu’un pour faire à la fois un bout de chemin avec elle mais aussi pouvoir offrir une mère digne de ce nom à ma fille. Les deux objectifs n’étaient pas aussi incompatibles que je l’imaginais mais Katniss avait une telle idée en tête que cela serait compliqué. « Je ne suis pas malheureux. Je suis déçu que cela soit terminé bien sûr mais tu n’es en rien dans ma décision de rompre ma chérie » lui mentis-je à moitié car il fallait être honnête, le bonheur de ma fille avait pesé dans la balance. « On est à nouveau rien que toi et moi petit monstre mais un jour, ton vieux père se casera et je suis certain que tu adoreras ta nouvelle belle-mère. En parlant de femme, tu connais bien ton institutrice, Summer Savaladore ? Elle m’a invité chez elle » lui demandais-je, toujours aussi perplexe de cette invitation.