C'était la troisième fois depuis le début de la semaine que Jazz se rendait à la Juilliard School, qu'elle n'avait pourtant jamais eu l'intention de fréquenter. La jeune femme n'avait pas appris à chanter à l'école ; même si on lui disait souvent que c'était naturel, c'était surtout les heures de travail avec sa mère & ses professeurs particuliers qui avaient payé & lui avaient permis d'être remarquée, en plus d'être la fille de Brennan Dallaway, ou juste Bree, la célèbre chanteuse des années 1980. A vrai dire, c'était l'école qui lui avait demandé de participer à un concours dont elle n'avait pas compris tous les rouages mais dont elle savait que le gagnant pourrait travailler avec elle. Si ça ne déclenchait pas sa carrière, ça apporterait un gros plus sur leur curriculum vitae. Quoiqu'il en soit, c'était aussi un coup de pub pour elle, son manager avait été assez clair sur le fait qu'elle devait le faire & elle était plutôt docile de ce côté là alors elle n'avait pas vraiment discuté. Et puis, il fallait dire que depuis qu'elle était entrée à la Juilliard School la première fois, elle avait été vraiment émerveillée des cours qui y avaient lieu. Certes, elle ne doutait pas qu'elle aurait vite été incapable de soutenir le rythme si scolaire du lieu, elle qui n'avait même pas terminé le lycée et séchait les cours déjà bien avant ça, mais pendant un instant, elle s'était imaginée là... avant de se dire que finalement, elle avait eu les bénéfices en passant par la voie express, au contraire de certains étudiants qui devaient travailler encore des années avant d'espérer qu'un coup du sort déclenche une carrière ou leur offre un emploi vraiment bien placé auprès d'un artiste. Pour sa part, elle avait déjà jugé plusieurs auditions ces derniers jours & se retrouvait avec une demi-douzaine d'étudiants à entraîner, avant de devoir finalement choisir celui qui pourrait travailler avec elle. Aujourd'hui, c'était avec Nalani qu'elle avait rendez-vous et, depuis maintenant une heure, Jazz était derrière le piano de l'une des salles de répétition pendant que son « étudiante », en face d'elle, reprenait encore et encore les mêmes mélodies, les mêmes notes, pour les perfectionner. Jazz se souvenait parfaitement de s'être soumise à cet exercice des centaines de fois, pour obtenir le son parfait qui conviendrait à la chanson qu'elle mettrait dans son prochain album ; si elle s'autorisait des folies vocales lors de ses concerts, c'était son professionnalisme qui primait lorsqu'elle était en studio & elle savait que c'était ça qui faisait aussi qu'elle avait réussi à vraiment se faire un nom dans le milieu & à ne pas être seulement une chanteuse de passage. Quand elle avait entendu Nalani pour la première fois, la jeune femme avait vraiment été impressionnée par sa voix ; avec un petit coup de pouce, elle pourrait sûrement aller très loin... mais Jazz était plutôt du genre à donner de gros coups de poings, et c'était avec rigidité et perfectionnisme qu'elle entraînait Nalani. « Ta note doit être plus haute sur la fin, encore. » dit-elle pour la cinquième fois au moins avant de reprendre sa mélodie, imperturbable, l'oreille attentive à la voix de la blonde (?) en face d'elle.
Sujet: Re: nalani & jazz ❝ this is the voice ❞ Mar 30 Avr - 18:08
Cela faisait longtemps que Nalani n’avait pas été aussi présente à l’école. En plus de ses cours s’entend, elle était présente tous les jours et très souvent les weekends pour s’entrainer. Mais là, la Juilliard School avait organisé un concours en partenariat avec Jazz Dallaway, une immense star de la chanson. Nalani la connaissait très bien, elle suivait sa carrière avec une grande attention depuis le tout début. Elle était fan de sa voix et rêvait d’avoir une carrière similaire bien entendu. Elle n’avait pas compris exactement en quoi consistait le concours, elle savait juste que le gagnant aurait l’opportunité de travailler avec Jazz et c’était tout ce qu’elle avait besoin de savoir. Elle devait absolument gagner, c’était une opportunité en or et cela l’aiderait vraiment à se lancer. Elle faisait bien des petits concerts par-ci par-là dans des bars de la ville mais cela ne lui suffisait vraiment plus. Et là carrière de son père, chanteur et musicien surtout connu dans l’hémisphère sud, ne l’aidait pas énormément. De toute façon, elle voulait se faire son propre nom, pas compter sur les acquis d’un de ses proches, c’était le meilleur moyen pour que sa crédibilité soit contredite. Elle était douée en plus, ses professeurs lui faisaient toujours beaucoup de compliments et la poussaient toujours à se dépasser. La jeune femme était donc convaincue qu’elle avait toutes les chances de gagner, au moins autant que les autres élèves. La jeune hawaïenne n’avait pas eu tort d’y croire. Elle était aujourd’hui en train de travailler avec Jazz, dans une des salles de répétitions de l’école. Elle avait passé les premiers « rounds » avec succès et il ne restait plus qu’elle et quelques autres étudiants. Le concours n’était pas encore terminé mais elle estimait avoir déjà gagné beaucoup puisqu’elle était présentement en train de travailler avec Jazz. Elle prenait tous les conseils que l’américaine lui donnait, elle savait que cela pourrait toujours lui servir. Après, bien sûr que ce serait génial si elle pouvait approfondir tout ça mais elle s’estimait déjà vraiment chanceuse, elle avait déjà gagné beaucoup. « Ta note doit être plus haute sur la fin, encore. » C’était quoi, la quatrième ou cinquième fois qu’elle lui faisait la remarque ? Nalani ne comptait plus vraiment. Jazz ne la ménageait pas et cet entrainement était loin d’être une balade de santé. Elle savait que c’était pour son « bien » mais bon elle commençait un peu à fatiguer. La jeune femme inspira un grand coup puis s’exécuta et recommença à chanter, s’efforçant de faire du mieux qu’elle pouvait. Seulement, elle ne sentit aucune différence avec ce qu’elle avait fait juste avant et s’attendait à ce que Jazz répète sa remarque une sixième fois. Elle soupira, à bout. « J’y arrive pas. » commença-t-elle. « Je n’y arrive plus. » Elle n’était pas du genre à laisser tomber facilement ni du genre à se plaindre énormément donc là, c’était vraiment qu’elle n’y arrivait pas. Elle espérait juste que Jazz ne pense pas qu’elle lui faisait perdre son temps.
Jazz se souvenait comme si c'était hier de ses premières vraies répétitions avec des professionnels, en dehors de sa mère ou de sa tante, Shabella. Au début, ça avait été difficile, mais la jeune femme n'avait jamais abandonné ; jusqu'à s'en casser la voix, jusqu'à dépasser tout ce qu'elle pensait être ses limites, l'adolescente qu'elle était à l'époque s'était tuée à impressionner les gens, pour se construire cette place qu'elle avait aujourd'hui dans le monde de la musique. Certes, ses chansons ne changeaient pas vraiment le monde, mais elle faisait ce qu'elle aimait, et puis elle avait eu des facilités, comme si la voix incroyable de sa mère lui avait été transmise. Cette facilité, elle la ressentait dans la voix de Nalani, et c'était sûrement la raison pour laquelle elle la poussait autant ; elle se retrouvait là où son propre coach s'était trouvé plusieurs années auparavant et elle avait toute cette dureté dont il l'avait gratifiée. Elle se doutait bien que ce n'était pas facile pour Nalani, mais à ses yeux, Jazz était tout à fait réaliste. Derrière les paillettes, les fêtes, l'alcool, les concerts, les clips, la notoriété, le fait de vivre de ce qu'on aime, derrière tout ce qui semblait paradisiaque dans le métier de chanteuse, et au-delà des vices qui étaient désormais bien connus de tout le monde, alcool, drogues... il y avait cette partie du métier qui était souvent sous-estimé : le dur travail, le dépassement de soi, parce que contrairement à ce que les journalistes insinuaient, il ne suffisait pas de claquer des doigts pour gagner tant d'argent, il y avait des responsabilités, un rythme à tenir, un instrument de travail, sa voix, à entretenir constamment, une image à conserver... et même si Jazz avait en quelques sortes été pistonnée par rapport à la célébrité de sa mère, la jeune femme avait quand même du donner d'elle-même pour arriver là où elle en était aujourd'hui. « J’y arrive pas. » déclara Nalani après avoir essayé de faire une note plus haute, comme le lui avait demandé Jazz. Imperturbable, le visage fermé, la chanteuse leva la tête vers son élève. « Je n’y arrive plus. » insista-t-elle, apparemment gênée. Toujours aussi froide, la jeune femme n'hésita pas avant de fermer le clavier de son piano et de rassembler ses partitions. « Alors je pense que j'ai plus rien à t'apprendre. » déclara-t-elle simplement en faisant claquer les feuilles sur le piano avant de se relever. Après s'être dirigée vers une table près d'elle, elle y rangea les partitions dans son sac avant de se tourner de nouveau vers l'africaine. « Tu sais la faire, cette note. Et si t'arrives à la faire en studio, que tu sors un titre, & que tu dois la chanter en concert ? Tu diras quoi à ton public, que t'y arrives plus ? »
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