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mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞

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MessageSujet: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptyJeu 20 Déc - 7:16

Mathias & Elvy

❝ Jeu d'apparences ❞

    Elvia peinait à respirer après ce conseil d’administration pendant lequel son père n’avait fait que la rabrouer et prouver par a+b à quel point elle n’était rien d’autre qu’une novice n’ayant pas un sou de jugeote. Lawrence était bien évidemment la récupérer de toute urgence dès qu’elle avait eu le cran de quitter l’assistance sans autre forme de procès, lui procurant un sac afin de la laisser respirer et calmer ses nerfs à vif, mais rien n’y faisait. Il s’agissait de sa toute première crise de panique depuis la mort de sa mère… pourquoi diable cela la touchait-il autant ? Elle n’avait cure de cette entreprise, et les désidératas de son père lui passaient, le plus souvent, à des lieues au dessus de la tête. Sans doute était-ce la manière de faire qui lui déplaisait. Comment oublier à quel point elle mettait tout de côté pour cet homme au cœur de pierre ? Sa féminité, son avenir, absolument tout… Elvia avait même la furieuse impression de compromettre son talent en tant que patineuse, puisque ses entraînements ne s’en faisaient que plus rares. Mais cela allait changer… et pas plus tard que tout de suite. « Belle Harbor… » « Je vous demande pardon ? » « Direction Belle Harbor, ne faites pas celui qui n’avez pas compris ! » Qui dit Belle Harbor, dit stadium de glace et par conséquent entraînement jusqu’au bout de la nuit, comme à chaque fois que la jeune femme se laissait dépasser par ses émotions. Il n’y avait plus que ce moyen pour les exprimer, les faire ressortir, les embellir afin de ne pas se ruer sur la première bouteille de Scotch dix-huit ans d’âge lui tombant sous la main. Elvia ignorait si Lawrence avait eu vent de ses petits soucis en la matière, mais puisqu’il faisait en sorte que les achats d’alcool s’amoindrissent depuis quelques temps, la réponse était plutôt évidente… « Déposez-moi simplement, je m’occupe du reste. Et si j’ai besoin d’aide pour rentrer, je vous téléphonerai… j’ai besoin d’être seule. » Voilà qui ne pouvait pas être plus clair. Elle fit arrêter la voiture à deux rues du stadium, saluant son majordome unique et préféré avec un sourire se voulant sincère bien qu’il ne le soit en aucune façon, et sortit sans autre forme de procès. Excepté qu’en plein cœur de cette fameuse rue dans laquelle elle s’engouffrait avec une avidité certaine, elle ne reconnut pas au loin cet écrivain dont elle dévorait littéralement les romans et pour lequel elle avait pris le risque d’assister à une séance de dédicaces. Après tout, que risquait-elle ? A moins de n’être vraiment malchanceuse, personne ne la reconnaîtrait en homme dans la rue, et le stadium avait de toute façon été loué pour la nuit par ses soins… aucun risque qu’on ne vienne la déranger, par conséquent.

    Il ne lui fallut que dix minutes de préparation et d’échauffement avant de s’élancer sur la glace, non plus vêtue de son costume sur mesure de chez Savile Row mais bien d’une tunique on ne peut plus féminine, plaquée contre ses formes et qui lui rappelait ses magnifiques ornements de compétition… car Elvia n’avait pas seulement gagné une médaille d’or, elle en avait gagné plusieurs et restait jusqu’ici non détrônée en participation simple. Il n’y avait qu’à voir la façon dont elle tournoyait sur la glace, comme si sa vie entière en dépendait, dispersant ses émotions sur tout le stadium afin qu’aucune parcelle ne soit inoccupée. Il s’agissait d’une magie pure… la jeune femme avait l’impression de voler et cette sensation délicieuse lui procura quelques larmes, qu’elle ne prit même pas la peine de balayer tant c’était divin. On put d’ailleurs bientôt voir apparaître un sourire éclatant contre ses lèvres non maquillée, jusqu’à ce qu’elle ne cesse son premier tour de piste exécuté avec grâce et perfection. Ce moment était proprement parfait… du moins jusqu’à ce qu’elle ne remarque une silhouette tout près de là où ses affaires avaient été déposées. Elvia manqua de s’étrangler avec sa salive et fut confrontée à deux choix : partir, risquant ainsi de choper une grippe en bonne et due forme compte tenu de son habillage, ou bien confronter l’importun qui trouvait le seul moment de paix qu’elle frôlait du bout des doigts depuis des mois. Finalement, le culot l’emporta sur le reste, et avec habilité, elle s’approcha, le regard instigateur. « Bonsoir… je me vois au regret de vous informer que j’ai réservé l’intégralité du stade et que par conséquent, les visiteurs ne seront autorisés qu’à partir de demain matin. Cela dit… puisque vous n’avez pas de patins aux pieds j’en conclus que vous n’êtes pas là pour patiner, à moins que vous ne soyez suicidaire et ne souhaitiez le faire en baskets… auriez-vous l’extrême obligeance de me dire ce que vous faites ici ? » Par principe, elle mit de côté le fait qu’elle le connaissait : Elvia n’avait pas été à cette fameuse séance de dédicaces. C’était « Evan » qui s’y était rendu. Il ne faut pas croire, elle n’était pas schizophrène, bien au contraire, mais trahir son petit secret la ferait passer pour tel, à n’en point douter… et ça, c’était un risque qu’elle ne pouvait pas prendre. Pas sans se retrouver à la rue dans les quarante-huit heures. « Alors ? Si vous vous êtes simplement perdu, je peux sûrement vous renseigner. »


Dernière édition par Elvia S. Sprüngli-Schwarz le Dim 6 Jan - 0:52, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptyJeu 20 Déc - 22:05

[Je suis très confuse, je ne voulais pas écrire autant, oh là là. Je te préviens, je ne pourrais pas faire tout le temps des réponses comme ça, genre la moitié, là je ne sais pas ce qu'il m'a pris mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ 1656269883]

J'avais à peine pris le temps de mettre une écharpe autour du cou pour sortir. Ce n'était pas une urgence mais plutôt une envie soudaine, un désir inopiné pour tenter désespérément de me défaire de cet effroyable syndrome qu'était celui de la page blanche. S'il y avait bien quelque chose que je détestais – et Dieu sait que ne détestais pas grand chose - c'était cela plus que n'importe quoi. L'Abominable avec un grand A. Le chapitre qui ne veut pas commencer, la phrase qui n'arrive pas à se former. Les qui mots ne vont pas ensemble, rien n'est satisfaisant, cela ne fonctionne pas, ça n'a pas de sens.
Cela durait depuis deux jours déjà. C'était terriblement frustrant et surtout, il fallait que ça cesse (en partie parce que j'avais une éditrice sur le dos qui faisait les gros yeux – euphémisme – dès que je « tirais au flan » comme elle disait. Et elle n'avait pas tout à fait tort, bien que ce n'était pas volontaire)

Sans plus réfléchir que cela, je m'étais engouffré dans le métro et avais pris n'importe quelle rame. Plus tard, je ressortais. Rockaway. D'accord.
C'était souvent ce que je faisais lorsque je n'arrivais pas à écrire ou quand quelque chose me tracassait. Certains allaient faire du sport, d'autres au cinéma ou encore allaient se vider la tête en se noyant dans un verre d'alcool au bar. Pour ma part, c'était l'air surtout l'air froid. Je pouvais marcher des heures ainsi. Je n'appréciais pas plus que cela les basses températures mais elles avaient la capacité d'agir comme un grand souffle d'air dans mon cerveau qui pouvait mieux se remettre en marche en suite.
Sans m'en rendre compte, je marchai près de deux heures. Je me vidais le crâne, puis repensais à la suite de mes écrits. Rien ne venait, alors je n'insistais pas. Parfois, je regardais les gens qui passaient à côté de moi. Puis le ciel. Puis le sol. Enfin, je remarquai que la nuit tombait. Si tard ? Peu importait.

Et puis il y eut cette silhouette, celle qui se démarquait des autres. Il n'était pas rare de voir des hommes en costume dans la rue - ce n'était pas cela. En premier lieu je ne ralentis pas le pas mais je jetai un regard vers lui. J'aurais juré l'avoir déjà vu quelque part. Pas comme quelqu'un que l'on croise et qui a des traits vaguement ressemblant à ceux d'une connaissance, non. Et puis si je n'avais absolument pas la mémoire des dates et des prénoms, j'avais celle des visages. Raison pour laquelle cela me revint vite : j'avais aperçut cette homme à une séance de dédicace.
A ce genre d'évènements (que je n'aurais jamais imaginé faire il y a quelques années, du moins pas en tant que personne assise derrière la table qui demande en souriant « à quel prénom dois-je dédicacer ? ») je voyais défiler toutes sortes de personnes. C'était intéressant. De fait, certaines personnes se démarquaient des autres de part leur accoutrement, leur façon de parler.
Cet homme là, c'était de part son allure. Un sourire naquit malgré moi sur mon visage alors que je dirigeais mes pas dans sa direction. Pourquoi ne pas aller le saluer ? Peut-être que cela lui aurait fait plaisir, et puis j'aimais rencontrer des lecteurs aussi. Malheureusement, avant que je ne puisse arriver à sa hauteur, il s'engouffra dans un bâtiment. Si vite. Je levai les yeux sur la bâtisse et y trouvai une pancarte : c'était une patinoire. Intriguant.
Alors je fis quelque chose que j'allais probablement regretter (car pouvant être mal interprété ce qui n'était pas du tout ma volonté, je l'assure !) mais qui était plus fort que moi : je pris sa suite. « Bonjour ! Je vous ai vu passer dans la rue. Je vous ai remarqué à la dédicace de l'autre jour et je me suis dit que j'aurais pu venir vous saluer. Alors me voilà ! » Etait-ce que j'aurais pu dire ? Pas terrible. Certes. Et puis, la curiosité est un vilain défaut. Je vous accorde cela aussi.

Je passai la tête par la porte, juste pour voir. Personne. Pas un chat. Encore plus intriguant. Piqué au vif dans ma curiosité, j'entrai puis observai les lieux. Première impression : il s'était volatilisé, évaporé, évanoui dans la nature. Soit, tant pis. J'étais sur le point de pousser de nouveau le battant de la porte pour ressortir quand je perçus du mouvement du côté de la piste. Quelqu'un s'y était élancé et je stoppai momentanément mon mouvement, le regard tourné vers elle.
Je ne regardais pas vraiment le sport à la télévision, à vrai dire je n'y accordais pas plus d'intérêt que cela. Cependant, en me rapprochant de la surface glacée, je n'eut pas le moindre doute : je reconnaissait cette femme. Comme beaucoup de personnes dans le monde, et pour cause. Elle avait gagné de nombreuses médailles d'or dans un sport qui était plus un art qu'autre chose - à mes yeux du moins. Je fus franchement surpris de la trouver là. J'en oubliai totalement l'homme de tout à l'heure et, dans un premier temps, je m'accoudai à la rambarde pour la regarder. Y avait-il un mal à cela ? Je ne pense pas. Elle n'en était vraisemblablement qu'à l'échauffement, mais qui ne serait pas fasciné par les mouvements d'une patineuse artistique talentueuse ? Les texans ? Non, même eux seraient subjugués.
Alors je restai là où j'étais et la regardai. Elle finit par s'élancer. C'était à couper le souffle. C'était vraiment autre chose de le voir en vrai.

Et puis soudainement, la phrase ! Cette maudite phrase ! Bon sang. Je ne voudrais pas parler d'éclair divin - bon dieu non - mais elle arriva comme ça. La tournure parfaite s'était formée dans les sillons des patins de la jeune femme.
D'un geste complètement précipité, j'attrapai mon carnet - jamais je ne sortirais un jour sans - et mon stylo. Je me reculai et m'assit sur les premières marches des gradins pour écrire à toute vitesse, appuyé sur ma propre jambe. Pas question que cela s'évapore ! Je ne sais pas si c'est tous ces mouvements brusques qui me firent repérer, mais en tout cas je ne vis pas que la patineuse s'était arrêtée pour venir vers moi d'un air contrarié. Je sursautai presque lorsque j'entendis sa voix non loin de moi. « Bonsoir… je me vois au regret de vous informer que j’ai réservé l’intégralité du stade et que par conséquent, les visiteurs ne seront autorisés qu’à partir de demain matin. Cela dit… puisque vous n’avez pas de patins aux pieds j’en conclus que vous n’êtes pas là pour patiner, à moins que vous ne soyez suicidaire et ne souhaitiez le faire en baskets… auriez-vous l’extrême obligeance de me dire ce que vous faites ici ? » Je n'aurais pas été étonné d'entendre ma nuque craquer alors que je relevai la tête. Ce ne fut pas le cas, heureusement.
Sur le moment, je restai coi. Il me fallut à peu près quatre secondes pour comprendre ce qu'elle venait de me dire. Je retint un « euuh… » très peu fin et me contentai de l'observer avec des yeux de merlan frit, mon stylo arrêté au milieu d'un mot sur le papier.
Son ton était tout, sauf engageant et c'était compréhensible. Je dérangeais. Sa voix et son expression étaient claires. Etaient-ce des sillons de larmes que je vis-je ? Que dire ? « Alors ? Si vous vous êtes simplement perdu, je peux sûrement vous renseigner. » Je refermai mon carnet et repris une posture droite avant de toussoter nerveusement et de regarder à gauche, à droite, puis dans sa direction de nouveau. Je savais que je n'aurais pas du être aussi curieux.
« Je suis navré. » Début passable. « Je ne savais pas, je m'excuse. » Et une excuse de plus. « Hm… » On avait dit pas d'onomatopée du genre. « Je ne suis pas perdu et non, je ne suis pas là pour patiner. Je n'ose pas imaginer le désastre. Non, en fait je vous ai vu à l'instant et… il faut dire que je n'ai pas tous les jours la chance de voir une patineuse artistique à l'œuvre, donc je n'ai pas pu m'empêcher de vous regarder. En plus je prépare un texte avec lequel j'avais du mal et vous voir patiné m'a complètement débloqué - merci au passage - mais je ne savais pas que le stade était réservé. Je ne voulais pas être intrusif. Encore toutes mes excuses ! » Je finis par me lever, un peu nerveux de l'avoir offensé. Au moins j'avais été franc mon visage pouvait en attester.

J'eus un moment de flottement après lequel je levai avec hésitation ma main pour pointer la porte de sortie de mon index. « Donc je suppose que je dois m'en aller ? »
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptyJeu 20 Déc - 22:42

Mathias & Elvy

❝ Jeu d'apparences ❞

    Elvia n’était pas un être cruel, ou même glacial. Elle n’agissait pas ainsi par gaité de cœur et aurait mille fois préféré rencontrer cet écrivain de renom dans bien d’autres circonstances. Manifestement, il ne la connaissait que par le tournoi médiatique fait autour des Jeux Olympiques et non parce qu’il reconnaissait en elle les traits du jeune homme rencontré lors d’une séance de dédicace… ce n’était pas plus mal, sans quoi aurait-elle eut du mal à justifier pareille étrangeté. Elle se redressa soudain à l’entente de sa voix, toujours aussi mélodieuse que dans son souvenir, et maudit aussitôt ses propres paroles alors qu’il s’excusait de manière on ne peut plus polie et confuse. La jolie suisse déglutit avec difficulté, bras croisés contre son corps fin et musclé de grande sportive, avant qu’un éclat de rire cristallin ne vienne briser cette atmosphère aussi froide que l’épaisse couche de glace parsemant l’intégralité du stade. Il s’agissait bien du premier vrai rire franc auquel elle pouvait prétendre depuis un bon siècle… sa vie n’avait rien d’amusante et ses déboires avec son père prêtaient plutôt à la larme qu’à une joie indicible. Pour la première fois depuis fort longtemps, Elvia ne ressentait aucune crainte à entamer une conversation avec ce presque parfait inconnu. Il n’était donc aucunement question de le mettre à la porte, bien qu’il ne soit somme toute aucunement décidé à patiner en son auguste compagnie. « C’est drôle… mais je serais presque curieuse de vous voir à l’œuvre. Reste seulement à savoir si je serai assez culottée pour insister. » La jeune femme avait pris la situation sous un angle neuf, mettant de côté ses affaires masculines que l’on pouvait pourtant apercevoir d’ici, et laissa un mince sourire prendre possession de ses traits délicats de poupée de porcelaine. Elle reprenait ainsi sa douceur d’antan, typiquement féminine, celle-là même que lui avait inculquée sa mère avant que son éducation ne soit écourtée par son décès. En définitive, il n’était pas venu le temps où Elvia manquerait de désobéir aux règles de son père, juste un instant, afin de se prouver à elle-même qu’il lui restait un tant soit peu d’humanité derrière ce masque évident d’obéissance forcée… « Pardonnez ma froideur. Vous m’avez surprise et je ne savais pas réellement comment j’étais censée réagir. Vous avez dû me prendre pour l’une de ces starlettes qui pensent que personne ne peut être digne de l’air qu’elles respirent ! »

    Finalement, Elvia s’approcha davantage, tendant légèrement sa main afin qu’ils n’enterrent tous deux la hache de guerre, pour un temps restant à déterminer. Des deux, cet homme semblait être le plus célèbre des deux et, sans nul doute, le plus occupé. Néanmoins… elle ne pouvait s’empêcher d’être étonnée d’apprendre qu’il ait trouvé l’inspiration dans ce lieu n’ayant manifestement aucun écho particulier dans son âme d’artiste. Puisqu’il n’était pas patineur, un stade ne pouvait pas avoir une quelconque dimension sentimentale à ses yeux… « Vous êtes écrivain ? » osa-t-elle demander non sans culot. Mais Elvia se mordilla aussitôt la lèvre inférieure et, non sans regarder ailleurs dans le but de reprendre contenance, poussa un très léger soupir. « En vérité, je mentirais en disant que je ne vous connais pas. Mais qu’importe… si vous souhaitez rester ici pour que votre inspiration reprenne du poil de la bête, vous le pouvez. A la seule condition… que vous m’accompagnez juste quelques minutes sur la glace. Joli challenge pour un écrivain tel que vous, cela pourrait sans doute vous inspirer encore davantage ! Vous ne comprendrez le patin qu’en le vivant, après tout. Promis… je ne lâcherai pas votre main. » Elvia la lui tendait toujours, pour le saluer d’une part, mais également afin de voir s’il allait tenter sa chance… après tout, elle était habile de son côté et bien qu’elle n’ait jamais voulu avoir de partenaire, il y a un début à tout, bien que son comparse potentiel soit novice en la matière.
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptySam 22 Déc - 21:54

Un rire.
Déconcerté, je levai les yeux vers la jeune femme et pour la première fois, mon regard se dirigea directement vers le sien, non pas globalement vers elle. Le contraste était frappant et là encore, je restai muet, laissant ma main qui indiquait autrefois la porte retomber le long de mon corps. Honnêtement c'était assez époustouflant. Son expression froide s'était muée si vite en quelque chose de bien plus chatoyant que peu à peu, je sentis mon visage se détendre et un sourire franc se joindre à son égaiement. Comme par magie, il ne faisait plus si froid dans ce stade. « C’est drôle… mais je serais presque curieuse de vous voir à l’œuvre. Reste seulement à savoir si je serai assez culottée pour insister. » Malgré ses paroles (moi, sur des patins ?), ma nervosité s'était envolée. Son visage, sa posture me mettait bien plus à l'aise. C'est pourquoi je secouai fermement la tête quand elle s'excusa à son tour, surtout pour nier sa dernière affirmation. « Ce n’est rien, ne vous en faites pas. Et même si j’avais pensé cela, vous venez de briser la glace. » Le vaseux jeu de mot n’était pas volontaire, promis.

Lorsqu’elle tendit la main vers moi, je ne pus m’empêcher de la détailler une seconde ou deux. Ses bras fins et son corps rehaussé par les patins lui donnait un air un peu surnaturel. « Vous êtes écrivain ? » Ce à quoi je répondis immédiatement. « Tout à fait. » Elle sembla hésiter avant de continuer et ce qu’elle me dit me fit hausser un sourcil : ainsi, elle me connaissait ? A vrai dire, cela m’étonnait, les gens me reconnaissaient rarement dans la rue pour plusieurs raisons. Les écrivains, moi y compris, étaient rarement désignés de par leur visage mais plutôt, et à juste titre, par leur nom ou du moins leur pseudonyme – outre leurs œuvres. Certes, l’on m’avait parfois pris en photo pour accompagner un article dans un magazine, mais ce n’était rien face aux acteurs, musiciens ou même sportifs (comme elle par exemple, que je reconnaissais parce que je l’avais vue à la télévision). Et encore, je faisais des efforts de présentation dans ces moments-là. Ce n’était pas vraiment le cas aujourd’hui avec ma barbe de trois jours et les épis non domptés dans mes cheveux.
Alors oui, j’étais – agréablement – surpris qu’elle me reconnaisse aussi vite. Avait-elle une mémoire photographique ? Ou peut-être avait-elle apprécié mes romans et était un jour venue à une séance de dédicace ? Ça aurait été merveilleux et j’aurais aimé savoir mais elle ne continua pas sur le sujet. Je n’insistai pas.
Je me mis, à ce propos, à repenser à l’homme de tout à l’heure et qui totalement m’était sorti de l’esprit jusqu’à. Il avait disparu comme un fantôme. Etait-il sorti par une autre porte ? Probablement. Pendant un instant, je me demandais si j’avais rêvé. Puis, je décidai que j’y réfléchirai plus tard puisque la jeune patineuse venait de me proposer d’aller sur la glace en sa compagnie. C’était la condition pour que je reste. Cela m’arracha un léger rire alors que je lui serrai finalement la main - sa paume et ses doigts étaient bien plus fins que les miens. « Pourquoi pas. Je vous préviens, je n’ai jamais fait de patin mais quand je tomberai – et cela arrivera – vous aurez le droit de rire. » Cela ne me dérangeait pas le moins du monde, la différence de niveau allait être ridiculement énorme. Tellement que je me demandais au final la raison de cette proposition. Il était évident que j’allais finir les fesses sur la glace ou accroché à la rambarde ou à elle comme à une bouée, voire tout ça à la fois. Elle qui, quelques minutes plus tôt, virevoltait élégamment avant que je ne la dérange, voulait que je la rejoigne. C’était parfaitement illogique. Mais cela me plaisait. Je finis par me reculer. « Dans ce cas, je vais chercher des patins. »
Quand je les eus trouvés et chaussés, je me redressai. Avec la lame, je voyais le monde d’un peu plus haut que d’habitude – si mon père avait été là, il n’aurait pas manqué de faire un remarque comme « alors, on a fini par grandir ? » Tout en m’avançant vers la piste, je lançai un regard un peu hésitant vers la jeune femme un peu plus loin puis posai un pied sur la glace pour tâter le terrain. Immédiatement, il partit violemment en avant, manquant tout juste de me déséquilibrer. Je laissai échapper un rire mi-jaune mi-amusé, remplaçant un « est-ce que quelqu’un est déjà mort en s’essayant pour la première fois au patin à glace ? » par un « je vous fais confiance » tout en lui tendant la main.
Ça allait être sportif.
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptySam 22 Déc - 22:21

Mathias & Elvy

❝ Jeu d'apparences ❞

    Elvia n’était pas d’une nature moqueuse, c’était même l’exact contraire. Elle aurait donc bien du mal à rire d’une éventuelle chute de l’écrivain, à moins que la situation ne devienne si cocasse qu’elle n’aurait alors aucune autre alternative. Quelque part, cela lui fit infiniment plaisir de ne pas patiner en solitaire lors de la seule soirée de liberté à laquelle elle pouvait prétendre depuis des semaines. Certes, n’importe quel champion olympique aurait probablement multiplié les entraînements les plus exigeants et drastiques, mais la jolie suisse avait depuis longtemps laissé ce mode de fonctionnement de côté. Le patinage devait rester un art, fébrile et insaisissable, pratiqué avec la plus grande des grâces. A voir Mathias s’avancer maladroitement sur la glace armé de ses patins, un délicat sourire pris aussitôt possession des traits si fins d’Elvia : ce soir, elle ne voulait plus être ni traitée comme un homme, ni comme une championne résolument inaccessible. Ce soir, elle tendait volontiers sa main aux doigts si fins afin de s’emparer de celle de l’écrivain, l’incitant à avancer à son rythme sur la glace, tandis qu’elle prenait une précaution toute particulière à ne pas le voir tomber au moindre mouvement qu’il osait faire. Pour sûr, la situation était on ne peut plus cocasse… tout comme l’évidence de son manque cruel d’habitude. Sûrement n’avait-il même jamais porté de patins aux pieds, bien trop habitué qu’il semblait être à chausser des baskets ou toute autre choserie du genre. Elvia esquissa un léger sourire avant de l’inciter à tourner légèrement sur lui-même, sans brutalité aucune, afin de mieux le rattraper une fois qu’il reviendrait vers elle. Certes, la proximité était de mise, mais elle n’était nullement gênante… la patineuse qu’elle était se transformait en professeur soucieux du bien-être de son élève, et bien qu’ils ne soient pas en train d’esquisser les figures les plus vertigineuses de la création, on pouvait aisément sentir sur les traits de la jeune femme une béatitude évidente. L’acceptation de Mathis n’était pas grand-chose à première vue, mais mine de rien, il lui offrait la meilleure soirée qu’elle ait eue depuis fort longtemps. Un peu comme lorsqu’elle l’avait rencontré pour la première fois, après avoir eu le culot de se pointer comme une fleur à sa séance de dédicace… « De quoi aviez-vous peur ? Vous vous débrouillez comme un chef ! » osa-t-elle noter non sans une large once de sincérité, et alors qu’elle augmentait elle-même la cadence. A aucun moment elle n’avait lâché sa main, sans doute trop craintive du fait qu’il ne parte face sur la glace, mais ce n’était pas plus mal. Avoir un partenaire, ne serait-ce que pour quelques minutes, était une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie.

    « Sans doute le moment est-il un peu… étrange mais je dois dire que j’ai toujours adoré votre plume. Tierce Personne est mon livre de chevet, d’ailleurs. N’allez pas avoir les chevilles qui enflent, ce serait désastreux ! Vous vous rendez compte, vous risqueriez de sentir les patins vous serrez et, de fait, de tomber… » Elvia ne lui dirait jamais qu’elle s’était rendue à la séance de dédicace ayant suivi la sortie du best-seller du jeune homme. L’avouer serait se mettre à découvert, or, il n’était rien de plus stupide que cette idée. C’est d’ailleurs parce qu’elle était en train d’y réfléchir qu’ils furent un même geste brusque en même temps et, de fait, tombèrent de concert sur la glace d’une dureté sans pareille. En vérité, le dos de Mathis prit une bonne partie de la chute, Elvia suivant le mouvement pour atterrir contre lui sans même avoir le temps de comprendre ce qui leur arrivait. Il lui arrivait très rarement de tomber, et sans doute ladite chute était-elle le mouvement le plus gracieux qu’ils aient fait ensemble ! Elle mit un certain temps avant de réaliser et de s’écarter aussitôt, sans pour autant se relever. Elle échangea un simple regard avec Mathis avant d’éclater d’un rire qu’elle eut beaucoup de mal à contrôler. Un fou rire, à vrai dire. « Je suis désolée, de même que je me marre aux enterrements, je ne peux pas m’en empêcher. Comme quoi, je sais être pas douée moi-même ! Vous n’avez rien de cassé ? » Il fallait tout de même noter qu’elle s’était aussitôt éloignée du contact physique qu’ils avaient formé, tout de même…
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptyJeu 27 Déc - 23:48

J’avais l’impression de réapprendre à marcher. Guidé par la main de la jeune femme, je me déplaçais maladroitement la glace alors qu’elle, si agile, semblait à peine la toucher. Même en m'entraînant avec elle, tous ses gestes semblaient aussi faciles pour elle que de respirer alors que mon côté, j'osais à peine lâcher mes propres pieds des yeux.
Je n'avais jamais été très friand du froid. Au contraire, l'hiver était la saison que j'aimais le moins pour cette même raison. De novembre à février, je me couvrais de pulls, manteaux et écharpes pour garder la chaleur - comme en ce moment. Je préférais la plage au ski. Question de goût, probablement. Et voilà que maintenant je me retrouvais à faire du patin à glace et qu'étonnamment, j'appréciais cela. Bien sûr, les mauvaises langues diraient que c'est parce que j'étais quasiment collé à une femme au physique plutôt avantageux - et je leur répondrais que j'étais trop concentré à essayer de ne pas partir en avant ou en arrière et à rester droit plutôt que de me formaliser de la proximité de ma professeure improvisée. J'étais d'ailleurs bien content qu'elle soit là pour me retenir.
Petit à petit, autant que je pusse le faire en quelques minutes, j'apprivoisais l'étendue d'eau gelée, trouvai finalement un équilibre. Je put enfin lever les yeux. A ce moment là, elle me fit tourner sur moi-même. Je me surpris à y parvenir. Ce n'était pas grand-chose, mais cela me fit monter un sourire ravi et en la regardant, je constatai qu'elle avait à peu près le même. C'était émerveillant. Nous ne nous connaissions ni d'Eve ni d'Adam (ou presque) et nous nous souriions comme des gosses. Ce n'était pourtant pas grand-chose, mais il y avait de quoi s'extasier un peu. Du coup quand elle me dit que je me débrouillais comme un chef, je lui répondis dans un rire. « C'est parce que vous me tenez. Sinon je serais tombé il y a longtemps. » Finalement, l'expression froide comme la glace prenait un tout autre sens.

Lorsqu'elle se mit à me parler de Tierce Personne, je ralentis légèrement pour l'écouter. Je mentirais en disant que l'on ne m'avait jamais complimenté sur mes livres, mais je ressentais quelque chose de particulier à chaque fois. Savoir que cela plaisait aux gens, que je n'avais pas passé des années de ma vie à faire des recherches à me casser la tête sur toutes ces lignes pour rien me donnait envie de continuer sans arrêt jusqu'à ce que je meure d'épuisement. Bon, peut-être pas le passage sur l'épuisement, mais l'intention était là. Ah, j'étais toujours un peu gêné aussi. Généralement, je réussissait à dire quelque chose comme « Ah, euh, merci, ravi que cela vous plaise ! » mais jusqu'ici, l'on ne m'avait jamais fait le coup des chevilles - les « Ayling, ne vous reposez pas sur vos lauriers et faites remarcher votre cerveau ! » de ma responsable d'édition ou je-ne-sais-quoi-enquiquineuse-professionnelle-des-coups-de-pression ne comptaient pas.
Cependant, juste après avoir terminé sa phrase, - le dernier mot étant parfaitement approprié - pour diverses raisons, ce fut le drame. Enfin, le drame… façon de parler. Disons que de part mon équilibre précaire, mon léger oubli qu'effectivement nous étions actuellement sur de la glace (cela m'était sortit de la tête durant un instant) et un mouvement un peu brusque de sa part, je me penchai en arrière. Les propriétés physiques de la glace ainsi que cette chère gravité firent le reste du travail.
Peut-être que je ne trouvais plus la glace si froide mais en tout cas je pouvais l'attester (mon dos surtout) : elle était solide. Très solide. Je mis à peu près trois secondes pour réaliser que nous étions tombés. J'avais probablement dû déraper en arrière et l'avais entraînée avec moi, je ne sais pas exactement. Toujours était-il que notre balade s'était soudainement arrêtée. Finalement, heureusement que j'étais tombé en première puisque j'avais amorti sa chute. Elle s'écarta immédiatement et de mon côté je me redressai bien que mes vertèbres protestèrent un peu, encore un peu abasourdi, les yeux grands ouverts.
Elle me regarda, je fis de même… et nous éclatâmes de rire. C'était prévisible ! C'était même inévitable ! C'était ce que je craignais au départ mais finalement, c'est le rire qui avait pris le dessus. Naturellement.

Essayant de reprendre mon souffle, je secouai la tête en essuyant du doigt une larme de rire qui avait failli s'échapper. « Ne vous excusez surtout pas, et merci je n'ai rien ! Ne dites pas cela, c'est moi qui vous ai entraîné, pas trop brusquement j'espère ? Heureusement, mes chevilles enflées nous ont amorti - quoique surtout vous. » Je pris une grande inspiration pour me calmer, bien que des traces égayées subsistaient dans ma voix. « D'ailleurs je n'ai pas eu le temps de vous remercier, mais ce que vous avez dit tout à l'heure me touche beaucoup. » Et j'étais l'homme le plus sincère du monde en disant cela. Puis j'essayais de me relever. Bien entendu, j'échouai lamentablement et retombai quasiment immédiatement. Je retournai la tête vers elle. « Je crois que c'est peine perdue pour moi. J'irai me trainer jusqu'aux gradins, je pense que ce sera mieux. En revanche, j'ai rempli ma condition. Ça a été un honneur de m'initier au patinage avec vous, je n'aurais pas pu tomber mieux je suppose. Mais j'aimerais vous voir à l'œuvre. Ce doit être très différent de vous voir en live. Et puis je vous ai dérangé tout à l'heure. Qu'en dites-vous ? Allez, je me pousse. » Et, comme dit précédemment, j'essayais de me déplacer le moins disgracieusement possible jusqu'aux gradins, qui n'étaient heureusement pas très loin.
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptyVen 28 Déc - 14:39

Mathias & Elvy

❝ Jeu d'apparences ❞

    Le plus silencieusement du monde, Elvia regarda Mathias ramper à moitié jusqu’aux gradins afin de lui laisser le champ libre après une longue tirade n’ayant eu de cesse de la faire sourire sincèrement. Cette rencontre était étrange, pourtant. En face de lui, elle prenait un risque conséquent à apparaître en tant que femme, mais c’était un risque qu’elle semblait prête à prendre. Qui a dit que cela ne vaudrait pas la peine ? L’écrivain avait l’air d’être quelqu’un de passionnant. Elle ne pouvait pas prétendre en avoir rencontré beaucoup jusqu’à lors, en vérité. La plupart des personnes qu’elle côtoyait à longueur de journée ou rencontrait de manière fortuite partaient toutes du principe qu’elle s’appelait Evan et était un homme… impossible de lier quelque lien sincère que ce soit avec qui que ce soit. Cette vérité se révélait dure, cruelle, souvent insupportable, mais elle n’en n’était pas moins vraie. Aussi, il ne fallait pas s’étonner qu’elle soit flattée qu’un écrivain comme Mathias la complimente sur son art, talent le plus ancien, et profondément lié à de nombreuses promesses faites à sa défunte mère. Pour un peu, la jolie brune se serait surprise à rester perdue dans ses pensées, se remémorant chaque moment agréable en sa compagnie, instants que le jeune homme avait fait renaître en elle sans même s’en douter. Au lieu de cela, fidèle à la promesse silencieuse et tacite qu’elle lui avait faite en croisant simplement son regard quelques minutes plus tôt, Elvia s’élança brusquement sur la glace. Elle avait attendu pour cela qu’il ne soit sain et sauf sur les gradins afin de faire sien l’intégralité du stade. Elle semblait rayonner comme autant d’étoiles dans le ciel, parcourant l’espace avec une grâce et une facilité proprement déconcertantes. A de nombreuses reprises, elle tourna sur elle-même, et s’élança dans les airs pour exprimer les quelques saltos qu’elle n’avait pas eu l’occasion de faire pendant la première étape de son entraînement… avant de rencontrer à nouveau l’écrivain à succès. Elvia se surprit à fermer les yeux à quelques reprises, avant de commencer à patiner à l’envers afin de lui lancer un regard brûlant et passionné, comme si elle se trouvait habitée, possédée même par un sentiment qu’elle n’aurait pas été capable de décrire. Hélas, quand elle se retourna, c’est à ce moment précis que sa béatitude se brisa en mille morceaux. Elle cessa de patiner purement et simplement durant quelques secondes, découvrant d’un air horrifié les quelques silhouettes prêtes à entrer dans les gradins…

    Elvia ne mit que quelques secondes pour s’élancer à toute vitesse afin de rejoindre Mathias, situé tout prêt de ses vêtements. Elle ôta ses patins en un temps record, se coupant légèrement la main dans son empressement, avant de ramasser son costume et son chapeau, entraînant l’écrivain dans cette sorte de folie inexplicable : « surtout, ne dites rien » lui murmura-t-elle alors qu’elle le poussait à se baisser pour ne pas être vu. Elle ne put évidemment s’empêcher de placer sa main non blessée contre les lèvres du jeune homme, tout en s’excusant à l’aide d’une petite grimace désolée. Ils étaient protégés par les barrières des gradins non composées de vitre, et, tandis qu’Elvia priait tous les dieux existants que son père ne la remarque pas, elle ne put s’empêcher d’écouter ce qui se disait dans le stade, particulièrement résonnant. « Démerdez-vous, mais retrouvez-moi mon héritier ! Je ne supporte pas l’idée qu’Evan se balade dans la nature, surtout sur des maudits patins. Vous êtes virés si je n’obtiens pas satisfaction avant demain matin !! Démerdez-vous !! » Par chance, les armoires à glace accompagnant son père ne firent pas le tour intégral du stade et quittèrent relativement vite celui-ci. Cela dit… Elvia ne pouvait pas se permettre de s’exposer à un tel risque. Elle prit donc la main de Mathias afin de l’emmener jusqu’aux vestiaires, qu’elle verrouilla temporairement le temps de remettre son costume sur elle, sans ôter la tenue de patineuse qu’elle portait déjà. « Je suis vraiment, vraiment désolée de vous embarquer là dedans… une histoire à dormir debout, en fait. Je vais juste me rhabiller et vous pourrez partir, ne plus jamais entendre parler de moi. Je ne veux pas vous kidnapper, surtout n’allez pas vous imaginer des trucs pas naturels ! » Elvia avait déjà remis son pantalon de costume et s’acharnait désormais sur les boutons de sa chemise, sa cravate défaite autour de son cou. Pour sûr, Mathias allait la prendre pour une folle… c’était impossible autrement.
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptySam 5 Jan - 0:17

Il y avait certaines choses qui emprisonnaient le regard. Une sorte d'hypnose, une attraction inéluctable sans possibilité de choix. Cela pouvait être n'importe quoi : une toile dans un musée, le visage anguleux de quelqu'un, un paysage particulier, une simple boule à neige. Il y avait un mot simple pour cela : la fascination. C'était plus fort que l'émerveillement qui inspirait des rires, des exclamations, des prunelles étincelantes. De mon point de vue, quelqu'un de fasciné était plutôt immobile et avait une expression neutre. Ce qui traduisait son état, c'était son regard profond et concentré. Les lèvres crispées, les mains serrées peut-être.
En tout cas les miennes l'étaient. Mes doigts étaient agrippés au rebord du gradin comme si j'étais menacé d'être emporté par une tempête ou un raz-de-marrée alors qu'heureusement, il n'en n'était rien. Mes yeux étaient glués, littéralement braqués sur la jeune femme qui, plus loin, s'était élancée. A plusieurs reprises, elle s'était envolée puis, presque contre toute attente comme, si j'avais oublié qu'elle ne volait pas, était revenue doucement sur la glace, légère comme l'air. Elle tournoyait comme si elle était née pour faire ça. C'était probablement le cas. Elle n'avait pas besoin de dorures, de parures serties comme en représentation. C'était, je pense, plus féérique au naturel. C'était impressionnant.
Ce le fut d'autant plus quand elle ouvrit les yeux, qu'elle avait gardé jusque là clos, du moins dans ma direction. Non, impressionnant n'est pas le mot exact. Pendant quelques secondes, son regard donna une toute autre dimension à la situation. Elle n'était plus une patineuse légère comme une plume, elle était une danseuse enflammée. Je ne sut pas exactement quand j'avais arrêté de respirer, mais je n'expirai que quand elle se retourna. Elle remarqua ce qu'il se passait avant moi. C'est quand elle s'arrêta de patiner aussi brusquement qu'elle avait commencé que je me reconnectai à la réalité comme si quelqu'un avait perturbé la pression de l'air : d'autres personnes étaient dans le bâtiment.

Quand elle se rua dans ma direction avec l'air horrifié, je me doutais qu'il ne fallait pas que je dise un mot, ce qu'elle me confirma par la suite, bien que je n'avais aucune idée de ce qu'il pouvait bien se passer. Il y avait un problème, oui, mais lequel ?
Je me baissai en même temps qu'elle et elle plaqua sa main contre mes lèvres. Je la laissai faire, elle avait l'air paniquée, s'excusant par la suite d'une brève moue. Je secouais très légèrement la tête, signe que ce n'était pas grave. Mes yeux alternaient entre les intrus et la jeune patineuse, comme si cela allait m'apporter des réponses - même si j'avais l'impression que je n'avais peut-être pas à m'en mêler. C'était cela, je n'avais pas à le faire. Mais comment ne pouvais-je pas le vouloir après avoir vu son expression ? Elle s'était arrêtée de patiner une seconde fois et c'était blessée à la main.
Enfin, une voix masculine et colérique résonna dans le stade. « Héritier » ? « Evan » ? « Patin » ? De quoi parlaient-ils ? Faisaient-il erreur sur la personne ? Si c'était le cas, pourquoi la jeune femme - dont je ne savais toujours pas le prénom d'ailleurs, je ne l'avais pas retenu à la télévision - s'était-elle cachée avec autant d'empressement ? Le seul homme que j'avais vu ici avant eux était celui que j'avais croisé à la séance de dédicace… Oh. Je n'étais sûr de rien, mais les choses commençaient à se former dans ma tête. J'avais vraiment le sentiment de me lancer dans quelque chose de bien plus grand que moi ou du moins de voir quelque chose que je n'aurais pas dû.
Les hommes ne firent pas le tour du stade et s'en allèrent assez vite. Lorsque la jeune femme m'emmena jusqu'aux vestiaires - heureusement d'ailleurs que j'avais enlevé mes patins - je la suivit sans rien dire pour le moment. Elle ne parla que lorsque la porte fut close. Je la regardais, les sourcils froncés, vêtir ce costume gris, le même que j'avais vu un peu plus tôt. J'avais peut-être écrit un peu trop d'histoires policières, finalement…
Et puis, de toute façon, j'y étais. Je ne savais pas ce que représentait exactement ce que je savais, qui elle était, pourquoi elle était pourchassée comme cela. Effectivement, cela avait vraiment l'air d'être une histoire à dormir debout. Mais après l'avoir vu comme elle était quelques minutes plus tôt, après qu'elle m'eut apprit à me déplacer avec des patins, je me sentais un peu… concerné. Je n'avais aucune idée si c'était une bonne chose ou pas. Mais quoiqu'il arrive, ils allaient probablement voir les caméras de surveillance tôt ou tard.

« Et vous ? » Dis-je finalement alors qu'elle était en train de reboutonner sa chemise « Avez-vous besoin que l'on vous kidnappe ? » Je secouais la tête. Qu'est-ce que j'étais en train de raconter ? Je regardai ailleurs, avec un sourire crispé. « Je veux dire, pendant quelques heures. Vous avez l'air d'en avoir besoin, mais il serait dommage que les deux autres de tout à l'heure perdent leur travail. Enfin, je n'en sais rien. Et puis je suis déjà impliqué de toute manière. » Je la regardai de nouveau, écoutai légèrement à travers la porte dernière moi. Il n'y avait aucun bruit, aussi je ne parlais pas très fort. « Écoutez, je n'ai aucune idée de ce qu'il se passe, mais vous avez l'air d'avoir besoin d'aide et surtout d'un peu d'air. Je ne sais pas du tout ce que je représente ce que je vous demande et c'est probablement un peu dingue puisqu'on se connait à peine, mais est-ce que je peux vous aider à vous échapper de tout ça au moins un petit moment ? » J'avais quasiment dit tout cela d'une traite et j'eus besoin de reprendre une bonne inspiration après. « Je ne vous force à rien. Mais il doit bien y avoir une issue de secours, de toute façon je suppose que c'est par là que je vais. » Très doucement, j'entrouvris la porte dernière-moi et regardais le couloir. Toujours personne. Je l'ouvris assez pour pouvoir passer puis regardai de nouveau Evan « Vous me suivez ? »
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptySam 5 Jan - 0:50

Mathias & Elvy

❝ Jeu d'apparences ❞

    « Si vous m’offrez le lieu calme de votre choix et que j’évite ces loubards pendant un moment… je suis preneuse ! » s’exclama Elvia non sans une once de lassitude dans le fond de sa voix. Certes, Mathias avait proposé non pas de la mettre à l’abri mais de la kidnapper… cependant l’heure n’était pas au défaut de formule. La jolie héritière avait tout à fait compris où il voulait en venir alors qu’il exprimait le souhait fou que son cœur hurlait implicitement dans le tréfonds de son âme. Effectivement, elle était loin d’être sortie d’affaire… dès lors que son père aurait remis la main sur elle, il risquait fort de lui faire payer cette petite escapade non prévue à son planning, surtout en sachant que celle-ci le pousserait probablement à annuler un gala qu’il jugeait capital. Elvia n’avait aucune intention de revêtir un smoking hors de prix et sur mesure, faire des risettes l’intégralité d’une soirée dans l’unique but que son idiot de père récupère tous les honneurs. Et ses propres désirs, hein ? Personne ne semblait s’en soucier, et pour cause, aux yeux du monde entier elle n’était autre qu’un héritier pourri gâté, peu intéressé par les femmes, allant même jusqu’à renier leur compagnie à l’aide d’un dédain que beaucoup qualifiaient d’égoïste et de primaire. Elvia avait tout lu à son sujet dans la presse. Les journalistes n’avaient de cesse de la prendre pour cible, tous aveuglés qu’ils étaient face aux artifices habilement manœuvrés par Sprüngli-Schwarz père. Il était talentueux marionnettiste, elle n’était que poussière entre ses mains. Hélas, aujourd’hui constituait la seule rébellion qu’elle s’était permise de s’accorder en des années. Voilà le fier résultat : il l’avait retrouvée en deux temps trois mouvements, lui prouvant ainsi qu’elle était abominablement prévisible et ne saurait jamais lui échapper, quelque soit le plan qu’elle puisse avoir en tête. Souvent, la jeune femme maudissait de ne pas être née dans une autre famille, sans nom célèbre et surtout sans fortune. Alors sans doute sa voix aurait pu être entendue… un écho féminin et non masculin, bien évidemment.

    « Je vous suis ! » murmura-t-elle suffisamment fort pour que Mathias soit le seul à l’entendre. Elvia avait remis sur son dos l’intégralité de son costume et dissimulé sa longue chevelure brune détachée à l’intérieur de son chapeau, plutôt bien agencé à vrai dire. L’espace de cinq bonnes minutes, ils furent aussi discret qu’une brise hivernale en pleine Sibérie et parvinrent grâce à cela à se faufiler à l’extérieur. Sans savoir pourquoi ce genre de réflexe naissait en elle, la jeune suisse s’empara de la main de Mathias et l’encouragea à la suivre à son tour, au trop, alors qu’ils s’engouffraient dans une rue nettement plus commerçante et bondée par la foule. Son père n’irait jamais les chercher là : il avait une sainte horreur des bains de foule et fuyait les gens comme la peste, à l’image de cette sorte d’agoraphobie qu’il cachait pourtant avec habileté. Mais Elvia n’avait aucune crainte… d’autant qu’elle n’était heureusement pas seule dans cette galère. A aucun moment elle ne lâcha la main de l’écrivain, tâchant de les cacher autant que possible des multiples regards pouvant justement les identifier… elle tourna à la rue suivante, plus par réflexe qu’autre chose, faisant une légère pause bien méritée afin de reprendre son souffle : si elle avait un entraînement de sportive de haut niveau, le stress n’avait jamais été son fort, et fallait-il noter qu’elle y avait été régulièrement exposée dernièrement. « Je ne sais point du tout comment je vais pouvoir vous remercier, Mathias… oh pardon. Vous préférez peut-être Monsieur Ayling ? » Elvia le considérant comme l’un des grands écrivains de ce siècle ayant encore beaucoup à apporter à la Littérature, elle se maudit d’avoir fait preuve d’autant de familiarité. Mais son tempérament fidèle au feu s’écoulant dans ses veines à chaque fois qu’elle glissait sur la glace prit le dessus…

    « Elvia. N’hésitez pas à me dire où vous souhaitez que l’on se réfugie, je vous suivrai où que vous alliez. Cela fait phrase de roman à l’eau de rose, vous ne trouvez pas ? Navrée, je dis souvent n’importe quoi sous l’effet du stress… » A sa décharge, celui-ci s’écoulait encore dans l’intégralité de son organisme de même que l’adrénaline. Son corps était devenu soudainement tremblant, tant et si bien qu’elle eut l’audace de serrer subitement Mathias dans ses bras, sans demande ni préparation préalable, afin d’éviter de faire un malaise sous le trop plein d’émotions qu’elle subissait… « Je sais, c’est encore moins conventionnel. Mais pour être totalement honnête avec vous puisque vous venez ni plus ni moins de me sauver la vie, mon cœur est un peu capricieux et si je laisse mon corps se refroidir ou se réchauffer trop vite, il pourrait lâcher. Je n’ai besoin que d’une minute. En attendant, peut-être souhaiteriez-vous que je vous explique le pourquoi du comment de cette misérable chasse à l’homme… » Sans aller jusqu’à lui dévoiler officiellement qu’elle avait effectivement des soucis cardiaques, Elvia faisait preuve d’un semblant de franchise qu’elle estimait lui devoir… en attendant, il pouvait réfléchir au lieu de son choix pour passer un moment qui, elle l’espérait, ne serait nullement pénible pour lui.
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptyDim 6 Jan - 19:32

« Je vous suis ! » Même si cela fut plutôt l'inverse, cela importait peu. Alors qu'elle avait revêtu l'intégralité de son costume et dissimulé ses cheveux, il n'y avait plus place au doute dans mon esprit. Et naturellement, ce dernier se posait beaucoup de questions. Ma curiosité avait toujours été hors de mon contrôle, et j'avais affaire là à une grosse part de mystère. Les questions attendraient cependant d'être posées. Cela ne m'empêchaient en rien de de me les formuler silencieusement à moi-même, toutes plus ou moins dérivées de pourquoi.
Nous nous faufilâmes jusqu'à la porte de sortie comme des cambrioleurs sans croiser personne. Je n'étais en rien nerveux, ce qui m'étonna moi-même. Jamais je ne m'étais encore retrouvé dans ce genre de situation, ou alors plus depuis longtemps. Non, jamais, en fait. Pas avec quelqu'un d'aussi intriguant, c'était sûrement ça la différence. J'étais toujours curieux envers les autres, c'était un fait, si je pouvais un jour arrêter toute la population de New York pour qu'ils me racontent comment était leur vie, je le ferais. Mais là, comment aurais-je pu qualifier mes interrogations de triviales ?
L'air froid de l'extérieur fut un soulagement. Nous accélérâmes le pas et, comme quelques minutes plus tôt, elle glissa sa main dans la mienne pour m'entraîner là où elle voulait aller. Elle s'échappait - cette histoire de kidnapping n'était une image… je me voyais mal enlever quelqu'un, sincèrement - et je la suivais. Serait-elle partie ainsi, même sans ma proposition ? Je n'en avais aucune idée. Puisqu'elle avait revêtu son costume gris, finalement, j'en déduisait que non.

La pensée commune qui disait que l'on n'était jamais plus seul que dans une foule n'avait jamais été aussi indiquée. Personne n'y regardait personne, personne ne faisait attention. Surtout à New York. Aller s'y dissimuler était également l'évidence même, nous nous y dirigeâmes de concert. Ce n'est qu'une fois dans cette rue commerçante, au milieu de l'agitation qui contrastait tellement avec le stade glace de tout à l'heure, qu'elle s'arrêta. J'abaissai machinalement mon écharpe pour reprendre mon souffle plus facilement alors qu'elle en faisait de même. Je regardai un instant autour de moi avant de reporter mon attention sur elle. Il faisait sombre et sous la lumière des réverbères son visage était partiellement éclairé ; l'ombre de son chapeau mordait sur ses yeux. Finalement, à présent à présent que je l'avais vu avec des patins, même avec ce costume, elle ne ressemblait plus vraiment à cet « Evan » que j'avais aperçu l'autre jour à la librairie.
Je ris à la formulation « monsieur Ayling ». Cela ne me rajeunissait décidément pas. « Mathias ira très bien, j'ai l'impression d'être plus vieux que je ne le suis quand on m'appelle monsieur, c'est trop formel. » Et pourtant, trente-et-un an n'était pas vraiment considéré comme jeune. Ce n'était pas vieux non plus, d'après moi. Mais ce n'était pas le moment de ce poser ce genre de questions, vraiment.
Alors que je cherchais un endroit où nous pouvions nous réfugier - parce que rester immobiles ici n'était définitivement pas une bonne idée, et mes doigts commençaient à être engourdis par le froid - elle s'approcha d'un seul coup. Lorsqu'elle passa ses bras autour de moi, je ne m'y attendais pas. Nous avions été proches tout à l'heure, quand j'essayais de rester debout sur la glace et qu'elle m'aidait à maintenir mon équilibre, mais c'était une sacrée différence. Je mis quelques secondes à débloquer mes bras de l'effet de la surprise, et pendant qu'elle parlait, je plaçais maladroitement mes mains sur ses épaules. Sous mes paumes, elle me paraissaient frêles, surtout par rapport aux miennes, plutôt larges. Je ne la repoussai pas, j'essayais du mieux que je pouvais de lui montrer le contraire. Elle s'excusait et me parlait de son cœur capricieux. Parlait-elle une pathologie ? Cela en avait tout l'air, mais je ne n'étais pas sûr.
Je finis par tourner légèrement la tête vers elle. Je connaissais son prénom à présent. « Si vous ne voulez pas que j'en pose, je ne poserai pas de questions. Si c'est le cas, je pense qu'on aura besoin d'un peu plus qu'une minute. » Dans les derniers mots, ma voix portait un léger rire. Après quelques instants, je me reculais légèrement pour lui faire face. « Et pour ça nous devrions aller ailleurs. »
A cette heure, dans une grande ville telle que la Pomme, trouver un endroit au chaud, confortable et relativement tranquille n'était pas chose ardue, surtout dans le quartier où nous étions. Non loin de nous, je repérais un café et tout en gardant une main sur une de ses épaules, je l'invitais à m'y accompagner. Il y avait plus de tables prises que de libres, mais je demandais tout de même à ce que l'on puisse éviter de s'assoir juste devant la baie vitrée. L'établissement ne payait pas de mine mais les sièges étaient loin d'être inconfortables. En attendant que quelqu'un vienne nous demander ce que nous voulions, je levai les yeux vers la jeune femme. « Alors. Elvia. » C'était la première fois que je prononçais son prénom, et maintenant que toute l'effervescence, l'adrénaline était retombée, je ne trouvais plus mes mots. Le comble pour un écrivain. « Je crois que nous nous sommes déjà rencontrés avant aujourd'hui. » Je me mordis la lèvre. C'était une pensée que j'avais échappé tout haut.
Finalement, je résumais les questions que je me posait depuis un moment déjà par : « Qu'est-ce qu'il se passe ? »
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptyDim 6 Jan - 21:37

Mathias & Elvy

❝ Jeu d'apparences ❞

    Cette fois-ci, ce fut véritablement Elvia qui suivit le pas de Mathias et non l’inverse. A vrai dire, elle n’avait aucune idée d’où ils pourraient se rendre. Ses pensées étaient aussi chaotiques que les battements de son cœur. Impossible de mettre de l’ordre dans tout cela, et pire, elle sentait une peu panique s’insuffler peu à peu en elle alors qu’elle imaginait tout à fait le jeune homme finir par la questionner sur ce qu’il avait vu et entendu. Qui n’en n’aurait pas fait autant à sa place ? Toute cette histoire semblait non plus loufoque mais irréelle. Personne de saint d’esprit ne revêtirait des vêtements du sexe opposé à moins d’avoir une véritable raison ou bien d’être un espion au service… du gouvernement, par exemple. C’est par conséquent une jeune femme particulièrement stressée qui prit place aux côtés de l’écrivain, n’hésitant pas pour autant à le regarder dans les yeux, redoutant par-dessus tout les interrogations qu’il pourrait avoir à lui soumettre. Finalement, il n’y en eut qu’une, après qu’il ait énoncé une vérité qu’elle n’avait aucune envie de nier. « Vos romans me font rêver. J’aime votre plume si vraie, tranchante comme un sabre de samouraï. D’ordinaire, je ne prends pas le risque de me rendre dans un lieu aussi public… mais je me suis dit que le jeu en valait la chandelle. Ai-je eu tort ? Je ne le crois pas. Au moins je possède un livre dédicacé de votre main. » Sans doute Elvia était-elle bien trop sentimentale que cela lui jouait-il des tours. Mais il était plus évident pour elle de parler de l’élan de passion que lui provoquait la lecture de chacun de ses ouvrages plutôt que de lui raconter la triste histoire la ralliant à la vie… et à l’entreprise Lindt-Sprüngli. Il n’allait pas la croire si elle disait tout, et pourtant, une envie soudaine d’être sincère envers une personne et une seule lui passa par l’esprit. Elle profita du fait qu’ils soient dans un coin plutôt reculé, calme et à l’abri des oreilles indiscrètes pour se lancer sans condition ni réticence. « Vous allez me prendre pour une folle… mais tant pis, je me lance. Comme vous avez pu le constater je suppose, je ne suis pas un homme. Ce n’est pas par choix que je fais preuve d’autant d’artifices… disons que je suis la fille d’un homme important et que mes parents n’étaient pas mariés lorsque je suis venue au monde. Dès ma naissance, ma mère a tenté de m’éloigner de ce monde de requins, m’a protégée… mais à sa mort, mon père a repris le flambeau. Hélas, il ne peut supporter que je sois une femme et puisse être son héritier d’un même temps. Il a donc élevé mon éducation en refaisant complètement mon identité. Je n’avais rien lorsqu’il m’a reprise en main. Je n’avais d’autre choix que celui d’accepter, et ait donc renié ce que je suis pour devenir cette sorte de marionnette qui… me débecte, n’ayons pas peur des mots. Je le suis à chacun de ses galas, je suis un alibi à part entière et suis obligée de sourire à chaque fois qu’une femme me fait du gringue. La seule chose qui me permet de tenir, c’est le patinage. Mais il est de plus en plus difficile pour moi de m’exercer… parce qu’il a désormais la main mise sur ma personne. »

    Elvia émit une courte pause alors qu’on leur apportait deux verres d’eau en attendant leurs commandes. La jeune femme expliqua qu’ils n’avaient pas encore fait leur choix et n’hésita pas à boire cul sec l’intégralité de son verre d’eau avant d’énoncer au serveur qui s’éloignait : « réflexion faite, un double scotch bien tassé et sec s’il vous plaît. » Sans doute avait-elle besoin de se remettre, mais boire ne résoudrait pas ses problèmes actuels, bien au contraire. « Si je me révolte contre lui, il a promis de causer ma perte. Il le fera et en a les moyens, vous pouvez me croire. Mais ce n’est pas tout… je pense que je pourrais supporter de toucher le fond ; mais il a juré qu’il renverrait son majordome, l’homme qui m’a élevée et me pousse à rester féminine au fond de mon cœur. Il est trop vieux pour retrouver un quelconque travail s’il est mis à la porte… et je ne pourrais pas supporter d’avoir sa souffrance sur ma conscience. C’est lâche, n’est-ce pas ? » Elvia n’hésita pas à frotter de ses mains l’intégralité de son visage, juste au moment où le serveur revenait avec le verre commandé… qui ne fit pas long feu, puisqu’elle le vida cul sec. Sa situation était sans espoir et nul ne le savait mieux qu’elle, mais la grande question restait posée : Mathias allait-il la croire ou bien la prendre pour une folle ? « Je n’arrive pas à croire que je vous ai tout dit… sans doute n’aurais-je pas dû ! »
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptyJeu 10 Jan - 19:48

Je m'étais toujours considéré comme un homme plutôt chanceux. Je n'avais jamais connu la douceur et l'amour maternel, mais j'avais connu celui de mon père qui l'avait absolument et parfaitement remplacé. Je n'avais pas de problèmes de santé majeurs ni financiers et j'avais la chance d'avoir un rythme de vie et une profession me permettant de faire à peu près tout ce que je voulais et de faire mes propres choix sans avoir à regarder constamment derrière moi en ayant des remords. Il y avait des choses que je regrettais, c'était certain. Comme entre autres de ne pas avoir eu le courage d'aller rencontrer ma mère plus tôt quand elle en avait eu le plus besoin. Mais je ne me désolais pas. Cela c'était passé ainsi et je ne pouvais plus rien y faire à présent, si ce n'était faire de mon mieux pour le futur.
Et Elvia me parla. Ce qu'elle me dit renforça l'idée que j'avais d'être né sous une bonne étoile. Pour elle, c'était totalement l'inverse.

Je l'avais attentivement écoutée et étais resté immobile tout le long. Si elle m'avait regardé dans les yeux, je n'avais pas pu en faire de même et avais laissé mon regard errer sans réelle précision alors que je me concentrais sur ses paroles, essayant de réellement comprendre la situation. Situation qui était complètement folle. Pourtant, pas une seconde je ne doutai de ce qu'elle me disait. C'était trop criant de vérité pour cela et tout correspondait. Je ne l'aurais pas crue si je ne l'avais pas vue à l'œuvre sur la glace, si je ne l'avais pas aidée à échapper aux hommes de tout à l'heure et s'il n'y avait pas autant de sincérité dans sa voix. Or tout était là et je ne pouvais pas l'ignorer.
Alors qu'elle parlait de son père, je levais un regard désolé vers elle. Je regardais le costume qu'elle portait par-dessus sa tunique, son chapeau qui dissimulait ses cheveux que je savais pourtant longs. Autant d'artifices qui faisait d'elle une parfaite illusion. Pourtant, après tout cela, elle avait choisi de tout me dire.
Suivant le fil de ses paroles, j'essayait de me souvenir de l'homme que j'avais brièvement vu et surtout entendu à la patinoire. Celui qui l'avait appelée Evan et qui l'avait désignée comme son héritier. Je n'avais nullement le droit de juger quoique ce soit et je ne savais probablement pas tout, mais il était évident qu'Elvia était loin d'être heureuse. Quel genre de père, quel genre d'homme pouvait-on être en empêchant sa fille d'être une femme libre ? Pourquoi était-il si problématique qu'elle en soit une ? Tant de questions, ainsi que d'autres, que je me posais silencieusement. Je comprenais enfin toutes ces émotions qu'elle avait déversées sur la glace en y patinant tout à l'heure.
Je ne vit que du coin de l'œil le serveur leur apportant un verre d'eau et ce n'est que quand la jeune femme passa commande que je tournai la tête vers lui, lui demandant un double expresso. Elvia, elle, avait pris un double scotch. Elle en avait probablement besoin.

Elle continua son histoire. Et cela m'attrista en constatant que, finalement, le père de la jeune femme avait réussi son tour de marionnettiste. Elle acceptait de toucher le fond, de s'oublier alors qu'elle pensait au bien être de quelqu'un d'autre, quelqu'un qui devait représenter beaucoup pour elle. Et elle considérait cela comme de la lâcheté ? Je croisai mes mains sur la table et les regardai d'un air absent. C'était une situation nouée. Je ne savais que penser.
Le serveur revint et elle avala aussitôt le verre qui lui fut servi. Cela démontrait une certaine habitude qui, au fond, ne m'étonnait pas plus que cela.
Je finit par relever le regard vers elle. Je n'avais pas touché à ma tasse pour le moment. « Je ne saurais vous dire si vous avez eu raison ou non mais en tout cas, si ça a pu vous soulager ne serait-ce qu'un peu de m'avoir dit tout ça, alors ce ne peut pas être totalement mauvais. » Une pause. « Je pense que je peux vous croire, avec tout ce qu'il s'est passé tout à l'heure. » Et puis même avec une grande imagination, il aurait été difficile qu'elle invente tout cela spontanément pour que tout concorde.
Je finis par avancer mon café vers moi, de machinalement plonger le sucre dans le liquide noir et de le regarder disparaître. « Je vous crois, mais c'est difficile à avaler. Pour vous, je veux dire. Ce que ce doit être. » Invivable, sûrement. « En tout cas, soyez sûre que je ne dirai rien, si cela vous inquiète. Une tombe. Je n'aurais aucun intérêt à le faire de toute façon. » Je but finalement une gorgée d'un breuvage noir. Tout le sucre était tombé au fond, c'était très amer. De nouveau, je tournai la tête vers elle. J'avais, cette fois-ci, un léger sourire. « Mais aujourd'hui, vous avez quelques heures devant vous où vous pouvez être vous-même. Personne ne vous demandera rien ici, vous êtes juste Elvia. Alors pourquoi ne pas commencer par enlever ce chapeau ? »
Incapable de regarder quelqu'un dans les yeux plus de vingt secondes, je tournai le regard sur le verre vide et la tasse à moitié pleine. « Écoutez… j'aimerais vous aider. Je ne sais pas comment faire. Mais j'aimerais. Continuer à écrire, déjà. Mais présentement, je ne sais pas… vous écouter parler de ce que vous aimez ? Je ne veux pas jouer les psychologues et cela ne sera sûrement pas aussi librateur que le patin pour vous, mais est-ce que vous voulez continuer à parler de vous ? Vous avez l'air d'en avoir cruellement besoin. Ou alors souhaitez-vous que je vous emmène quelque part ? Je vous laisse tout le choix, parce que vous avez l'air de ne pas l'avoir beaucoup eu. »
Je n'avais pas sa confiance pour acquise, bien entendu. Elle était tout à fait libre de faire ce qu'elle voulait. Après tout elle ne me connaissait pas plus que cela et elle avait tout à fait le droit d'être méfiante. Mais j'étais sincère. C'était la moindre des choses que je pouvais faire, après tout.
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptyJeu 10 Jan - 20:18

Mathias & Elvy

❝ Jeu d'apparences ❞

    Que ce soit difficile à avaler, Elvia n’en doutait pas une seconde. Elle s’étonnait elle-même du flot de paroles qu’elle avait pu soutenir jusque là avant qu’un bref silence ne s’installe entre eux. La jeune femme ne savait pas encore si elle allait regretter ce culot monstre dont elle venait de preuve ou pas, mais pour l’instant, la chose avait été libératrice. Il lui serait bien évidemment difficile de se libérer facilement d’années de « servitude » mais il s’agissait d’un début aussi se risqua-t-elle à un maigre sourire. Très honnêtement, Elvia ne se sentait aucunement à l’aise ou même en sécurité en ce lieu. Qui dit café dit populace… et donc danger d’être reconnue. La jeune femme haussa donc légèrement les épaules, dans un premier temps, avant de s’autoriser un petit soupir : elle faisait toujours cela en cas de réflexion intense. « Sincèrement ? Ôter mon chapeau ici est un risque que je ne peux malheureusement pas prendre. Croyez bien que je le regrette… mais je sais qu’il me le ferait payer en l’apprenant. En revanche… New York rengorge d’endroits nettement plus tranquilles. » Ce fut alors comme un réflexe : la jeune suisse sortit de quoi payer l’addition et embarqua à nouveau l’écrivain en un élan qui avait tout d’un geste libérateur. Elvia donnait l’impression de briser une à une chaque chaîne l’ayant retenue contre son gré au fil des années. Ils prirent tous deux un taxi dans le plus grand silence, la demoiselle n’éprouvant ni le besoin ni l’envie de tenir informé Mathias sur leur destination. Il était préférable qu’il soit dans l’ignorance jusqu’à leur arrivée… du reste, quelque chose lui disait qu’il ne serait pas déçu, puisque le véhicule jaune les laissa juste à côté du port, dans un coin plutôt désert à cette heure-ci et dont Elvia connaissait chaque recoin. Elle n’hésita pas à lui prendre à nouveau la main, comme s’il s’agissait d’un nouveau réflexe tout à fait appréciable et naturel pour elle, le faisant monter sur une petite échelle très courte donnant sur une gigantesque cour bétonnée. En soi, l’endroit n’avait rien de beau, mais la vue était en revanche imprenable… elle donnait à la fois sur la mer mais également sur les buildings indiquant Manhattan. Cette image était plus belle que bien des édifices construits dans la grande pomme, aussi Elvia y trouvait-elle refuge de temps à autre, lorsqu’elle avait le cœur trop lourd et personne à qui parler. La donne était légèrement différente aujourd’hui, certes, mais il s’agissait d’un élan de partage extraordinaire pour la jeune femme… Mathias était bien la toute première personne à qui elle montrait cet endroit. « Il s’agit de mon repère. A mon arrivée sur New York, je l’ai découvert au hasard et y ai eu l’idée de ma chorégraphie pour les JO d’hiver de cette année là. Ce fut comme un flash… une évidence. Je pense que vous avez déjà connu ce sentiment en tant qu’écrivain, n’est-ce pas ? » Face à la brise légère et maritime, Elvia ôta précisément son chapeau, faisant ainsi virevolter sa longue chevelure châtain qui tombait désormais en cascade contre ses épaules trop fines pour être masculines.

    « A vrai dire… je ne sais pas réellement quoi faire de votre proposition, bien qu’elle me touche énormément. Ma vie actuelle n’est pas prête de changer et quand bien même me risquerais-je à parler de ce qui me tient à cœur, de ce que j’aime, à quoi cela pourrait-il bien servir ? Les rares rêves que je m’autorise parfois ne verront jamais le jour. Peut-être est-ce défaitiste mais je préfère considérer ma pensée comme réaliste. Je ne peux pas me bercer d’utopie à moins de vouloir souffrir. Je n’ai pas de solution pour moi-même, hélas… nous sommes tous dirigés par un monde d’argent, et ceux qui en possèdent tirent les ficelles. Le reconnaître revient à faire preuve d’intelligence. » Le pire, c’est que lors de galas, Elvia était harcelée par la gent féminine. On lui collait des idylles avec des femmes magnifiques, et tout ça pourquoi ? Juste parce qu’elle était héritière de Lindt-Sprüngli et que tout le monde la croyait homme. Difficile vérité. « Si je pouvais vivre pour moi-même, sûrement retournerais-je en Suisse, là où je suis née. J’exercerais alors le patinage à longueur de journée. Je ne serais plus jamais en première page des magazines de potins et ne serait plus harcelée par les femmes histoire de me voir mariée… peut-être que je trouverais un homme agréable avec qui fonder une famille. Si je pouvais rêver, alors je ne me permettrais que ce genre de folie. » Elvia esquissa un faible sourire avant de se tourner à nouveau vers Mathias, sûrement silencieux à cause des révélations qu’il devait encore digérer. « Je ne vous ai pas dit tout ça pour que cela vous travaille… ne vous en faites point. Je m’en suis toujours sortie et je continuerai. A votre tour, quel serait votre rêve ? »
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptyDim 13 Jan - 3:09

Le port était un endroit particulier à cette heure-ci. Quoique je n'avais pas réellement matière à penser cela puisque je n'y étais jamais venu en journée non plus. Particulier, pas dans le sens péjoratif, pas lugubre. Il n'y avait personne, c'était silencieux - tout était calme, tranquille. Depuis le toit où elle m'avait fait monter, nous avions une vue imprenable sur les immeubles lumineux de Manhattan et leurs brumeux reflets dans l'eau. Le vent maritime, à cette hauteur, soufflait dans mes oreilles et surtout dans les cheveux libres d'Elvia depuis qu'elle avait retiré son chapeau. Elle n'avait pas voulu le faire dans le bar tout à l'heure. Peut-être était-ce de la prudence aux limites de la paranoïa, peut-être que je ne me rendais pas compte. Peut-être les deux. En attendant, le brouhaha de la rue commerçante s'était désormais effacé, le grondement du moteur du taxi que nous avions emprunté s'était éloigné.
C'était beau, comme endroit.

J'étais étonné qu'elle me montre ainsi son repère. Flatté aussi, certes, mais je laissai cela de côté un instant. Elle n'avait jamais emmené personne ici à part moi. Elle avait trouvé un endroit où personne n'allait, dont tout New York ignorait l'existence et par conséquent une perle plus rare encore que les autres. Un lieu qui lui permettait de trouver ce qu'elle cherchait. Et elle me l'indiquait à moi, qu'elle ne connaissait à proprement parler que depuis quelques heures, après m'avoir dévoilé tant de choses. Avait-elle confiance en moi ? Etait-ce du désespoir ? En tout cas, je la respectait profondément pour ce qu'elle était en train de faire, j'en aurais été personnellement incapable.
La suite me fit froncer les sourcils et après un coup de vent particulièrement froid, j'enfournai mes mains dans mes poches. Elle n'avait pas tort, mais je n'étais pas d'accord avec elle. C'était contradictoire, mais tant pis. C'était certes largement compréhensible, mais en venir à penser que rêver puisse être synonyme de souffrir… L'argent octroyait le pouvoir, mais pas l'aliénation de ceux qui savaient rester conscients.
Son esquisse de rêve me fit sourire. C'était un songe commun. Vivre tranquillement, fonder une famille avec quelqu'un de bien, faire ce que l'on aime à longueur de temps. Tout le monde aspirait à cela, au fond. Et personne ne l'avait, Elvia n'était pas la seule à être désillusionnée. Mais c'était une idée qui faisait nécessairement sourire. « Folie que vous venez pourtant de faire. »

A sa question, je pris une première inspiration pour répondre, mais rien ne vint. Ce dont je rêvais ? « Je ne m'étais pas posé la question, » avouai-je honnêtement. « Je n'en sais rien. » Je levai les yeux vers le ciel couvert, regardant la buée qui s'échappait des mes lèvres se dissiper dans l'air. « Je souhaite beaucoup de choses, comme une veste plus chaude, finir mon chapitre, visiter un pays au hasard. »
Devenir écrivain n'avait pas été un rêve, ni une vocation à proprement parler. Je faisais cela parce que cela me plaisait, tant mieux si cela me permettait de vivre. J'aurais continué, même si je n'y avais rien gagné. Mais cela n'avait pas été un rêve comme celui d'un enfant voulant devenir astronaute et qui finirait, trente ans plus tard, en apesanteur. Je rêvais des histoires que j'allais écrire, je rêvais probablement pour d'autres, mais je ne le faisais pas pour moi. Cela me laissa confus de m'en rendre compte. « Mais je ne rêve pas trop, finalement. Ou alors pas de manière réaliste. »
Je choisit de changer de sujet.

« Dites-moi, Elvia. Pourquoi m'avez-vous dit tout cela ? Vous m'avez raconté d'importantes choses et vous m'avez montré cet endroit. Pourtant, vous ne me connaissez pas. Personnellement, je veux dire. Je ne dirai rien, mais je le pourrais. Mais dans le doute… » je continuai avec un sourire : « est-ce que vous comptez me tuer pour que je garde le silence ? La nuit, le port, tout ça... »
Si elle me répondait positivement, j'étais plutôt mal.
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MessageSujet: Re: mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ mathias & elvy ❝ jeu d'apparences ❞ EmptyDim 13 Jan - 16:34

Mathias & Elvy

❝ Jeu d'apparences ❞

Tout au long du discours de Mathias, un sourire amusé, un tantinet moqueur, s’était dessiné sur les lèvres délicates d’Elvia. A vrai dire, elle ne possédait aucune réponse à l’interrogation qu’il lui opposait. Il avait été là, elle s’était confiée, pourquoi diable compliquer la chose ? Il s’agissait de l’un de ces fameux moments uniques qui peuvent bouleverser une vie de part leur éphémère côté. La jeune femme ne serait sûrement plus jamais capable d’être aussi sincère en présence de quelqu’un totalement inconnu. Jamais plus elle n’amènerait quelqu’un en ces lieux étranges et envoûtants, mais cela ne voulait pas dire qu’il ne fallait pas en profiter. Voilà la raison pour laquelle elle se permit d’éclater de rire : si elle avait été une tueuse en série sans peur et sans reproche, probablement l’aurait-il lu sur ses traits à un moment donné. Cela dit, rien d’autre ne ressortait de ceux-ci à part une infinie douceur brisée, silencieuse et inexplicable. Cette même douceur dont elle avait fait preuve dans ses mots malgré l’horreur que son discours comportait. « Moi, vous tuer ? Si je vous dis oui, vous allez prendre vos jambes à votre cou ? » La jeune suisse s’était approchée, d’un air faussement sournois pour mieux hausser un sourcil alors qu’elle ne se trouvait plus qu’à quelques millimètres seulement de l’écrivain anglais. La proximité n’avait jamais été son fort, mais cette situation, contre toute attente, l’amusait. Pour une fois qu’elle était celle en mesure de tirer sur la corde raide, pourquoi ne pas s’adonner à ce petit jeu ? Il n’y avait aucune certitude pour qu’elle puisse le refaire un jour, surtout en la présence de ce –presque– inconnu. « Je vais dire pour ma défense que vous êtes l’une de ces fameuses rencontres inattendues que je ne serai malheureusement pas amenée à revoir. Lorsque nous irons quitté cet endroit, toutes les probabilités du monde me laissent croire qu’il s’agira d’un adieu. Quel besoin de vous mettre dans un sac pour vous enterrer, hum ? C’est affreusement barbare ! Laissez-moi deviner : vous avez envie de vous lancer dans une prochaine trame horrifique et vous tentez d’en saisir tous les aspects, n’est-ce pas ? » Elvia s’amusait de la situation alors qu’elle était plutôt censée hurler, pleurer, bref se rebeller contre cette injustice flagrante. Mais c’était inutile…

« Vous êtes tout simplement l’oreille inconnue dont j’avais besoin. Celui à être sur mon chemin au bon moment. Il est vrai que vous pourriez me dénoncer… mais d’une vous êtes écrivain, ce qui je pense promet un certain goût pour le mystère, et puis qui vous croirait ? C’est une histoire à dormir debout. J’ai peine à y croire moi-même alors que je la vis pourtant depuis des années. On vous prendrait pour un fou et je vous pense assez intelligent pour ne pas vouloir risquer une telle chose. Mais au dessus de tout cela… je pense vous avoir fait comprendre que mon cœur est fragile. Je n’ai pas réellement d’intérêt à faire quelque chose pour aller mieux. Je fais en sorte que ma vie soit un tant soit peu acceptable au milieu de tout ça… je m’étais donc juré que j’en parlerais un jour à quelqu’un. J’ai tenu cette promesse. » Elvia esquissa un petit sourire avant d’ôter sa veste et de la mettre sur les épaules de Mathias sans crier gare : il ne fallait pas croire, elle s’était imprégnée de chaque parole énoncée par l’écrivain. Si elle n’avait pas la berlue, il devait avoir froid… « Seriez-vous pour tenter une petite expérience ? Cela fait trois ans que la fédération du patinage me harcèle pour que j’accepte de me rendre à une réception en tant que championne olympique… accepteriez-vous d’y aller avec moi ? Il n’y aura pas de costume masculin, rassurez-vous. Peut-être suffisamment irréaliste pour vous ? »
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