En temps de neige, il est très, très déconseillé de prendre sa voiture, c’est bien connu. Surtout que Cersei avait simplement récupéré son véhicule à la sortie de l’aéroport, revenant de fouilles particulièrement rudes en plein Cambodge. La température n’était pas du tout la même, la tempête de neige pointant le bout de son nez le lui faisant ardemment comprendre. Fallait-il qu’elle soit têtue ou stupide pour ne pas prendre simplement le métro, comme tout le monde, ou même tenter une petite balade à pieds. Quoi qu’il en soit, c’est en toute inconscience que Cersei se lança dans les rues bondées de New York au volant de son 4X4, se heurtant bientôt à un embouteillage monstre alors qu’elle n’était pas loin de son appartement, où son fils devait l’attendre impatiemment ; et pour cause, trois semaines sans pouvoir voir son petit Aaron relevait de la torture ! Mais l’archéologue ne semblait pas au bout de ses peines. La preuve, alors que sa patience légendaire était déjà mise à mal par les kilomètres de bouchon s’étalant devant elle, Cersei n’avait absolument pas prédit le fait que la tempête de neige ne s’abatte aussi violemment sur New York, faisant d’un même coup violemment reculer son véhicule qui heurta bien évidemment celui juste derrière. Un énorme clash se fit entendre, et si elle se félicita de n’avoir aucune blessure à priori, c’est uniquement parce qu’elle n’avait pas prit en compte le fait que sa tête ait cogné contre son volant et lui ait donc légèrement ouvert l’arcade. Qu’importe. Cersei se détacha avec précipitation, se ruant dehors malgré la véritable tempête qui y régnait, se rendant compte avec horreur que le pare-brise de la voiture de derrière avait complètement explosé. Un vent de panique s’insuffla à l’intérieur de ses veines tant et si bien qu’elle lutta contre le vent glacial qui se heurtait à elle pour atteindre ledit véhicule… « Mon dieu !! Monsieur vous m’entendez ?? Vous allez bien ?? »

Cersei tentait d’ouvrir la portière, sans succès. Cet homme allait geler sur place si elle ne l’aidait pas à sortir. Hélas, il fallait être lucide, la demoiselle n’avait pas la force de cents êtres humains et était même plutôt gringalette dans son genre. « Il faudrait que vous puissiez sortir que l’on se réfugie à l’intérieur de mon 4X4 ! La tempête ne risque pas de se calmer de sitôt et je ne tiens pas à ce que vous soyez blessé ! » Sans doute était-ce son instinct maternel qui parlait, quoique, cet homme avait l’air plus âgé qu’elle. Là encore, qu’importe. L’urgence se faisait sentir et s’ils ne se réfugiaient pas à l’intérieur de son véhicule ou même ailleurs, ils allaient finir en glaçons.

Cersei recula sans demander son reste en voyant l’arme que brandit ce parfait inconnu histoire de se sortir de son véhicule. Mais elle refusa de retourner à son véhicule tant qu’elle n’était pas assurée qu’il allait bien : c’était sa faute s’il semblait si sonné. Sa petite blessure à l’arcade, bien que saignante, était dérisoire à côté du choc qu’il s’était sûrement pris en pleine figure. Une vague de panique s’empara donc d’elle lorsqu’il s’écroula à moitié sur le sol à peine sorti de ce bourbier lui servant de voiture… « Monsieur ? Monsieur répondez-moi !! » Cersei n’était pas médecin ni même experte en chocs à la tête. En théorie elle n’était pas censée le bouger, mais la tempête faisant rage et s’intensifiant de seconde en seconde, il n’était plus temps de réfléchir mille ans quant à la meilleure conduite à adopter. La jeune femme s’empara donc de l’un de ses bras afin d’en entourer son cou et le souleva tant bien que mal face à la musculature d’un poids considérable qu’il possédait. Avec son gabarit de crevette, cela devait être fameux à voir, et pour un peu, Cersei se serait volontiers moqué d’elle-même. Hélas, face à l’urgence, qu’était-elle censée faire ? Le laisser pourrir et geler à même le sol ou le réfugier dans le hall d’une boutique que les responsables semblaient avoir déserté. Elle tenta, non sans une imposante difficulté, de l’asseoir avant de lui frapper légèrement la joue histoire de se rendre compte s’il était conscient ou non. Décidément, elle devait paraître vraiment gourde dans son genre. « Héhoooo ! » énonça-t-elle sans obtenir la moindre réponse. Puisqu’il avait une arme, la blondinette n’était qu’à moitié rassurée seulement. Si cela se trouvait, ce n’était aucunement une arme de service, il n’avait pas le moindre permis de port et elle allait se retrouver avec une balle en pleine tête pour avoir tenté de le sauver… une chance que Cersei ait oublié d’être complètement gourde et ait eu la possibilité de voir un distributeur éventré dans lequel il restait un bon nombre de victuailles. Une chance, parce qu’elle n’avait pas la plus petite monnaie sur elle. La jeune femme se releva donc, laissant ses talons claquer contre le sol un peu plus bruyamment que d’habitude dans l’espoir que cela réveillerait son acolyte de fortune, tandis qu’elle prenait –ou plutôt dérobait, en l’occurrence– une simple bouteille d’eau. Elle mit un peu de liquide dans le bouchon une fois de retour auprès du corps inerte mais non moins musclé de ce parfait inconnu mais il n’en but pas une goutte…

« Rhaaa mais c’est pas vrai ! Vous allez vous réveiller oui ! » Dans un geste un peu trop brusque, elle lui balança une quantité d’eau considérable en pleine tronche, ce qui déclencha une première réaction… chose qui eut le don de faire reculer Cersei, la faire tomber et même lui faire pousser un cri d’effroi. Diantre, quelle journée ! « Nom de dieu j’ai failli me faire pipi dessus ! Vous allez bien ? Vous m’entendez ? » Cersei ne lâchait qu’à moitié son arme du regard. Et dire qu’elle n’était rassurée restait un euphémisme.

Cersei n’hésita pas à brandir les mains comme si cela pouvait la protéger d’une éventuelle balle. « Croyez-moi, j’ai bien noté ! » se permit-elle de répondre alors qu’il venait ni plus ni moins de lui flanquer la frousse de sa vie. La jolie archéologue le suivit du regard, sans émettre le moindre son et surtout sans faire le plus petit geste. L’épisode passé lui avait tellement glacé le sang qu’elle peinait à reprendre une respiration plus normale. Pas étonnant, elle n’était pas vraiment habituée aux armes à feu et tout ce que celles-ci entraînaient comme conséquences ! Cersei était une spécialiste de l’histoire, des fouilles et sa réputation auprès des plus grands musées du monde la précédait. Néanmoins, dans la vie de tous les jours, elle s’avérait être une grande empotée. Il arrivait même à son fils de cinq ans de s’en moquer parfois, tant son naturel notamment avec la gent masculine laissait à désirer. Mais après tout, avec un passé de femme battue, la confiance ne peut pas être au rendez-vous. Ce fut sans doute la raison pour laquelle elle poussa un soupir de soulagement à peine discret lorsque ce parfait inconnu se présenta à elle, précisant bien qu’il avait un permis de port d’arme et qu’elle n’avait, en somme, pas vraiment de souci à se faire. « Vous me rassurez ! J’ai cru que vous alliez me tirer dessus tout à l’heure… peut-être que le lieu n’est pas adéquat, le moment non plus, mais enchantée Javier, je m’appelle Cersei. Dites-moi, vous comptez faire une mission de survie ? » Il faut dire qu’en tant qu’héritière de la réputée famille White, la blondinette n’était guère habituée à ce genre de phénomène. Elle n’en n’était pas froussarde et impressionnée au-delà des mots pour autant, mais en bon civil se respectant, il était logique qu’elle éprouve un brin de crainte. Ils avaient eu un bête accident, la tempête faisait rage… mais ce n’était pas la fin du monde, n’est-ce pas ? « Vous avez du réseau vous ? Ça tombe mal cette tempête de merde ! » Au diable son habituel vocabulaire poli, là, il y avait de quoi être sur les nerfs.

« Si votre tête vous fait mal j’ai un massage miracle. Ça marche sur mon fils qui est souvent sujet à de violents maux de tête. » Cersei avait proposé cela dans un élan de gentillesse, sans arrière pensée. S’il était dans cet état, c’était tout de même sa faute… et bien qu’elle se soit démenée en vue de le réveiller, cela ne voulait pas dire qu’il était indemne et n’avait strictement rien. « Cela me rassurerait si l’on se rendait dans mon véhicule, je dois dire. La tempête risque de s’intensifier et il vaudrait mieux que l’on n’évite d’autres dommages… » Au moment même où elle énonça cette phrase, un second accident survint à quelques mètres de là, entre une voiture et une moto cette fois. Le choc ne fut pas aussi violent que pour Cersei et Javier, le conducteur de la moto put donc se relever sans peine, mais il n’empêche que cela ne laissait strictement rien augurer de bon pour la suite…

« Ça va aller, j’ai connu pire, je soignerai ça plus tard » se défendit-elle avant de hausser légèrement les épaules. Cersei s’occuperait de faire soigner son arcade un peu avant de rentrer chez elle, si toutefois elle était en mesure de le faire à un moment donné, histoire de ne pas perturber davantage son petit garçon qu’il ne l’était déjà. Elle finit donc par retourner docilement vers sa voiture, attendant non pas nerveusement comme précédemment mais bien armée de son habituel calme imperturbable. Gourde et maladroite, oui. Rigoureuse et dotée de nerfs d’acier, c’était l’évidence même ! Après tout, Cersei n’était pas devenue archéologue par l’effet du saint esprit. Elle avait plutôt bossé comme une malade, mis de côté tout le reste et peinait même à comprendre comment elle avait réussi à se marier avant même d’avoir son diplôme en poche… heureusement, elle n’eut pas le temps de se perdre dans ce genre de pensée étrange puisqu’elle entendit Javier frapper légèrement à la fenêtre de la vitre de son véhicule. Par chance, il n’avait rien ! Son côté maman poule resurgissait toujours aux pires moments, surtout qu’elle se sentait passablement inutile dans un instant pareil, mais une idée lumineuse lui vint une fois qu’il eut pris place sur le siège accompagnateur : s’il avait un énorme sac de survie au cas où dans son coffre, Cersei avait un sac de voyage particulièrement conséquent à chaque fois qu’elle quittait le sol américain pour des fouilles. « J’ai ce qu’il faut, n’ayez crainte… je suis habituée aux climats extrêmes. » Pour une nénette ne payant pas de mine et au gabarit d’une demie crevette hachée, Cersei allait sûrement surprendre son monde. Mais elle n’hésita pas à passer habilement à l’arrière de sa voiture à l’aide de sa souplesse légendaire afin d’ouvrir son immense sac qui, il fallait bien le reconnaître, pesait littéralement une tonne. Elle en sortit deux couverture chauffante, des gants supplémentaires ainsi que deux doudounes, dont l’une appartenait à son assistant dont la carrure était semblable à celle de Javier… par chance ! « Je suis archéologue. Je reviens de fouille dans un pays chaud certes, mais dans le cas où je me rendrais dans une contrée gelée… je suis du genre à me tenir prête. Même si je dois avouer que votre préparation est bien meilleure que la mienne ! Mettez ça, elle devrait vous allez… mon assistant fait à peu près votre carrure. J’ai même du thé qui est encore bouillant si vous avez besoin. »

Pour sûr, Cersei ne serait pas du genre à proposer une grande embrassade histoire de se réchauffer à moins qu’il ne reste plus que cette solution de dernier recours. Elle repassa donc du côté conducteur afin d’enfiler sa propre doudoune, une paire de gant et de couvrir ses jambes fines à l’aide de la couverture. Il faut dire que les températures donnaient l’impression de descendre de minute en minute, tant et si bien qu’elle se serait presque crue en plein film « Le Jour d’Après »… « Vous avez moins froid ? J’ai cru comprendre que vous aviez une fille… ne vous inquiétez pas, on finira bien par sortir de là et vous pourrez la retrouver. Vous palliez à toute éventualité après tout ! »

Cersei mit le thé soigneusement dans l’un des bords du sac et esquissa un bref sourire tandis que Javier reprenait la parole. Ils avaient la même manie de se tenir près, mais leurs passés respectifs différaient tout de même : les fouilles de la demoiselle n’étaient pas en soi dangereuses. Disons qu’elle se trouvait être souvent trapues, à effectuer en environnement peu évidents, mais la jolie blonde ne risquait jamais de se prendre une balle par exemple. Qui irait s’en prendre à un archéologue, après tout ? Cersei portait la douceur sur son visage, tant et si bien qu’on la croyait même en cas d’odieux mensonge. C’était bien ce que sa sœur lui avait longtemps reproché, d’ailleurs. Ne jamais dire la vérité même lorsque tout était au plus mal… cela dit, l’américaine n’avait jamais été dans une situation similaire. La tempête qui s’annonçait n’était semblable à aucune autre. Cersei avait presque de la chance d’avoir emboutit la voiture d’un homme parfaitement taillé pour parer à ce genre de souci… certes, il ne pouvait pas changer le temps, mais éviter que les dégâts ne prennent des proportions trop extravagantes, pourquoi pas. La jeune femme se sentait nettement plus en sécurité qu’elle n’aurait eu l’impression de l’être en solo dans son beau 4X4 qui, avant ce petit incident, était flambant neuf. L’une des rares folies qu’elle s’était permise en fin d’année… diantre, son assurance allait hurler en voyant la facture qui, elle le savait d’instinct, serait monstrueuse en vue des réparations sur le véhicule de son compagnon de fortune. « Je n’ai pas été dans les forces spéciales, je ne connais aucun art martial mais je sais me préparer au pire. Vous ne m’entendrez pas crier comme une vulgaire femmelette, si cela peut vous rassurer… » Cersei préférait mille fois dédramatiser la situation plutôt que de déprimer face à ce qui pouvait très bien leur arriver ensuite. Rester positif était sa philosophie de vie, celle qu’elle cherchait à inculquer à son jeune fils.

En parlant de ça, un sourire presque attendri apparut sur les lèvres de l’américaine tandis que Javier lui parlait de sa fille, dont le prénom original lui plu immédiatement. « C’est très joli Katniss ! Quelle origine ? J’ai un petit garçon, effectivement. Il s’appelle Aaron, il a cinq ans. Il est adorable… malheureusement, il doit être avec la nounou à l’heure qu’il est, et j’espère juste que ma sœur aura le réflexe de se rendre chez moi en voyant que je n’ai pas donné signe de vie. J’habite à une bonne heure et demie d’ici. Et, accessoirement, ça fait presque un mois que je ne l’ai pas vu… il va m’en vouloir d’être en retard, et malheureusement, il n’aura pas vraiment tort. » Cette fois-ci, Cersei sourit mais une légère pointe de mélancolie perçait son regard bleuté. Il faut dire que chaque séparation était plus dure. Sans oublier qu’à l’heure actuelle, le froid perçait littéralement sa chair, l’obligeant à souffler légèrement entre ses mains avant de les frotter l’une contre l’autre.

Cersei ne put s’empêcher de sourire face à la phrase rassurante qu’il prononça… retrouver son fils était une priorité pour la jolie américaine. Il faut dire qu’ils étaient bien trop souvent séparés à son goût, et si elle ne risquait pas sa vie comme un soldat sur le terrain, il n’en demeure pas moins qu’elle manquait beaucoup de moments importants de l’existence d’Aaron. Elle soupira légèrement à cette pensée ; il lui semblait ne plus être totalement la seule à s’inquiéter et à vouloir que cette tempête ne cesse de façon définitive… « Il est normal que votre fille soit si protectrice envers vous, surtout si elle ne vous a pour elle toute seule que depuis quelques semaines. Les femmes, même très jeunes, sont possessives vous savez. Nous allons croiser les doigts pour que cette tempête cesse rapidement… comme ça, vous irez retrouver votre fille saine et sauve et je pourrais lire l’histoire que je promets à mon fils depuis près de trois semaines. Je vous déposerai… je vous dois bien ça, après le massacre que j’ai fais de votre voiture ! Par pitié, pas d’adage du genre « femme au volant » si vous suivez mon raisonnement… » Cersei n’y pouvait rien, il fallait qu’elle dédramatise la situation afin de ne pas se concentrer uniquement sur le négatif de la situation. Après tout, il peut toujours arriver quelque chose de pire. La preuve, alors que Javier constatait que la tempête s’intensifiait de façon évidente, la jeune femme sursauta face à un homme qui se mit à tambouriner contre la fenêtre de sa voiture. Il n’était pas blessé, il ne semblait même pas en voiture mais plutôt désireux de « profiter » de la tempête pour en tirer un certain profit… quitte à mettre son existence en danger. Autant dire que ce fut presque un réflexe pour Cersei de s’emparer nerveusement de la première main de Javier qu’elle trouva à portée de la sienne… elle la serra si fort qu’elle put sentir les battements du cœur de l’homme au travers de la circulation sanguine de sa main.

Décidément, elle ne pouvait pas s’en empêcher. Tétanisée, les yeux exorbités, Cersei ne poussa effectivement aucun cri, fidèlement au discours précédemment tenu, elle était plutôt… aussi silencieuse qu’une tombe. A vrai dire, elle poussa un profond soupir de soulagement lorsque l’importun se dégonfla, manifestement conscient du fait que la tempête s’intensifiait au dehors. Elle reprenait peu à peu une couleur plus humaine, contrastant avec l’extrême pâleur précédente sur son visage aux traits de porcelaine, et ne constata que bien après qu’elle serrait toujours la main de Javier. Elle s’en excusa aussitôt… « Oh pardon ! Je ne vous ai pas trop… martyrisé la main en plus de tout le reste ?! » A vrai dire, Cersei avait des circonstances atténuantes : non seulement elle était une femme divorcée, mais en prime une femme battue. La violence la tétanisait donc totalement…

Ce compliment sur sa soit disante force suffit à faire sourire Cersei tandis qu’elle tentait de mettre de côté la violence de cette apparition. Pauvre homme, probablement était-il en grande détresse, mais la jolie blonde n’aurait jamais été capable de lui venir en aide malheureusement… la raison ? La violence la faisait littéralement baliser. Cersei n’était pas du genre à coller des parpaings à n’importe quel homme narquois ou insolent avec elle. Aussi loin qu’elle se souvienne, elle n’avait même jamais mis la moindre gifle à quelqu’un lui ayant manqué de respect. Sa meilleure défense restait son esprit, sa rigueur, et tout ce qui pouvait bien s’y rattacher. Le reste n’avait aucune espèce d’importance en vérité. Mais Javier parvint à mettre toutes les idées noires de la jolie archéologue de côté tandis qu’il leur servait le thé précédemment proposé par ses soins. Étant donné que celui-ci se trouvait dans un thermos et n’avait pas été rempli depuis des heures, il devait encore être bien chaud et serait donc un palliatif acceptable à leur précaire situation. Cersei accepta l’offre de son compagnon de fortune en hochant la tête, accompagnant ce geste d’un sourire tandis qu’elle respirait profondément, reprenant peu à peu son contrôle ni précieux, malheureusement perdu en cours de route. Il fallait d’urgence qu’elle ne se calme ! « Disons que j’ai la violence en horreur… désolée pour ma poigne, d’ordinaire je parviens mieux à me contrôler ! Autant dire que mon thé arrive à moins nommé… » La jeune femme était certes un peu honteuse, mais ne comptait pas se renfrogner dans cette culpabilité passagère, privant ainsi son interlocuteur d’une conversation leur permettant de passer le temps et d’avoir un peu moins froid. Autant ne pas rester complètement immobile… erreur de débutant. « Merci ? Mais de quoi ? Je n’ai rien fait de précis si ce n’est bugner votre voiture… c’est plutôt à moi de vous remercier ! » Cersei n’était pas facilement une femme que l’on remercie. Elle avait toujours préféré donner que recevoir, question d’éducation probablement.

« Cela fait cinq ans à peu de choses près. Même si cela s’entend à mon accent, j’ai toujours plus ou moins vécu sur le sol américain. Mais je n’ai connu la grande pomme qu’après mon divorce. Je suis venue ici avec mon fils pour me rapprocher de ma sœur et de son mari qui est avocat. Je suis très proche d’eux… je suis sûre que mon petit bout est entre de bonnes mains quand je dois m’absenter. Ce qui, hélas, arrive très souvent je dois admettre. Mais je m’y plais ! C’est un peu comme un redémarrage à zéro que de venir ici. Et vous ? Votre accent n’est pas américain mais je serais bien incapable de dire d’où vous venez. » Cersei avait beaucoup voyagé, connaissait de très nombreuses langues mais ne s’intéressait guère aux accents. Tant que ceux-ci n’avaient pas de relation étroite avec une civilisation disparue qu’il lui fallait étudier… Cersei ne voyait pas l’intérêt de perdre du temps à analyser tout cela. « Vous vous plaisez ici ? En dehors de ces intempéries, évidemment, qui sont un vrai bonheur ! »

« Je suis navrée pour votre femme » murmura-t-elle d’une voix à la fois attendrie et sincère. Cersei avait le sens de la famille, et savait mieux que quiconque ce que cela faisait de perdre quelqu’un. Bien évidemment, son mari n’était pas mort mais la souffrance que son nom procurait à l’américaine restait évidente. Cela ne l’empêchait pas de vivre, mais l’avait tout de même asphyxiée des mois durant. Le temps avait fini par faire son œuvre et la voici, aussi fière que possible, à tâcher de joindre les deux bouts malgré son boulot on ne peut plus prenant et son fils dont la curiosité la surprenait un peu plus chaque jour. Une chance qu’il ait un tempérament patient et soit naturellement fier d’elle… sans quoi, il la détesterait depuis des lustres pour passer son temps à le laisser seule en compagnie de sa tante et de son oncle. Comment le blâmer si un jour il en venait à cette conclusion-ci ? Bien qu’il s’agisse de la dernière chose qu’elle puisse bien espérer, évidemment… « Votre fille a l’air d’avoir hérité de votre tempérament. C’est sûrement une bonne chose, cela prouve que quoi qu’il advienne, elle parviendra à s’en sortir dans la vie… vous pouvez en être fier. De même que je suis extrêmement fière de mon petit homme, même s’il est bien plus jeune. Pour supporter de ne jamais voir sa mère et accepter ça avec le sourire… j’ai énormément de chance, pour ne rien vous cacher. » Cersei ne jugeait absolument pas les gens. Elle avait conscience qu’ils faisaient comme ils pouvaient, avec les moyens du bord, à leur façon tout en espérant que cela marche d’une façon ou d’une autre. Cela devait forcément être le cas de cet homme, élevant seul sa fille tout en ayant un job encore plus prenant que celui de l’américaine. Vraiment, il y avait de quoi en être pantois d’admiration…

« Vous savez… je viens de penser à quelque chose : j’ai deux excellentes paires de raquettes dans mon coffre. Faites pour la neige et le hors piste, j’entends. Si cela ne vous dérange pas de crapahuter dans la neige, moi non plus… je l’ai fais à de très nombreuses reprises, bien que ce ne soit pas pour les mêmes raisons que vous. » Appelez-la McGuyver bis ! Cersei n’avait pas la moindre intention de croupir ici en mourant de froid, tout en sachant que si cela se trouvait, elle ne serait jamais en mesure de récupérer sa voiture. Avancer leur permettrait peut-être de retrouver leurs foyers respectifs sains et saufs, sans risquer que leurs enfants ne se la jouent Superman en herbe… « C’est une option que nous pouvons envisager. »