« Le temps emporte tout qu’on le veuille ou non. Le temps emporte tout… le temps efface tout et tout ce qui reste à la fin ce sont les ténèbres. Parfois au cœur des ténèbres on retrouve d’autres personnes et parfois au cœur des ténèbres on les perd à nouveau - Stephen King ».

Je me promène tranquillement dans les rues de New-York, mais j’avance sans but précis. Il est encore tôt, mais la grosse pomme ne dort jamais et commerçants, clients, bureaucrates et promeneurs se pressent sous la pluie. Je ne travaille pas aujourd’hui et comme c’est le cas à chaque fois que je m’octroie un jour de congé, je rumine. Contrairement à la plupart de mes congénères, travailler n’engendre chez moi, aucun stress particulier. J’aime mon métier. Lorsque je prends mon appareil, lorsque je commence à photographier, c’est un peu comme si le monde s’arrêtait de tourner. Comme si j’étais seul, heureux et apaisé. Je ne saurais pas l’expliquer, mais c’est sans doute la seule et unique chose qui me permette de tout oublier. Même dans les moments les plus sombres, j’ai mon appareil à portée de main. Même dans les moments les plus tragiques, je pense à immortaliser chaque instant. J’ai toujours été comme ça et si quelqu’un à le malheur de s’aventurer dans ma sacoche, cette personne découvrira qu‘aujourd’hui encore, j‘ai un Nikon sur moi. Je passe mon temps à flasher tout et n’importe quoi. Sauf peut-être Monsieur Marin, mon docteur. A propos, je sors tout juste d’une consultation. Rien de bien méchant; une rhinopharyngite doublée d’une bronchite, l’extase quoi!

Je shoote dans une canette qui traînait par-là et je finis par la jeter dans une poubelle. Tout va mal. J’en ai marre. Un vent froid se lève et me claque le visage alors je ressers le col de ma veste et enfile mon bonnet. Le climat n’est pas idéal, il déplaît à certains, mais je ne m’en plains pas. A bien considérer la chose, je suis probablement l’une des rares personnes à se moquer des conditions météorologiques. La pluie, la grisaille, l’humidité et le froid ont toujours fait partie de ma vie. Toutes ces choses me rappellent la ville où je suis né, à laquelle je ne peux m’empêcher de songer avec nostalgie. Le bon temps, le bonheur d’un foyer chaud et uni. Qu’est-ce qu’il me reste aujourd’hui? Un appartement trop grand pour une seule personne et un lit froid. Ça va faire un an qu’elle est partie, mais je suis toujours incapable de vivre sans Anna. Je dors à sa place et je me convaincs que son odeur est encore là, qu’elle s’est imprégnée dans les fibres du matelas alors que j’ai dû changer les draps il y a plusieurs mois. Je laisse mon téléphone allumé la nuit, dans l’espoir fou que peut-être, elle m’appellera. J’ai renoncé à partir sur les routes à la recherche de Lucy, par crainte qu’elle ne revienne et que je ne sois pas là. Parfois, je me dis que je ferais mieux de tourner la page. Je me dis qu’elle a probablement refait sa vie et qu’elle est mieux sans moi. Je l’imagine en mère resplendissante et épanouie. Dans mes rêves les plus fous, la maternité la scié à merveille et notre enfant la comble de joie. Je suis heureux, connement heureux. Et puis, je réalise que je n’ai pas ma place dans ce tableau idyllique et qu’elle m’a rayé de sa vie. J’ai mal, j’ai peur, j’ai envie de tout envoyer balader. A quoi ça rime? Pourquoi continuer? Sans elle, ma vie n’a aucun intérêt. Elle est fade, triste, ennuyeuse à mourir. J’aimerais qu’elle ne soit jamais partie.

Un automobiliste mécontent use de son klaxon et je relève brusquement la tête. Je crois reconnaître Turtle Bay, mais je ne suis pas sûr de moi, parce que je ne viens pas souvent dans le coin. J’ai dû marcher un bon bout de temps pour m’égarer à ce point. Tans pis, je n’ai pas la force de revenir sur mes pas et puis, j’en ai assez de ruminer dans mon coin. Il faut que je vois du monde, que je m’occupe l’esprit, n’importe quoi; mais je dois arrêter de penser à toutes ces choses qui détruisent ma vie. J’arrive justement devant une librairie. Ça fait un petit moment que je n’ai plus lu de bons livres, raison pour laquelle je décide d’entrer dans la boutique. « Bonjour! » je m’exclame tout sourire en apercevant la libraire. Elle est de dos et ne me remarque pas tout de suite, mais je finis par l’entendre me saluer à son tour. Si j’ai besoin de son aide, j’irai lui parler; en attendant je vais faire mon petit tour.

CODE TOXIC GLAM

Un temps hivernal semblait s'être installé sur New York ; bien au chaud derrière les vitres de la librairie dans laquelle elle travaillait depuis son retour dans la Grosse Pomme, Anna observait le vent soulever les masses de feuilles du sol pour former des tourbillons dansants.

« Une triste monotonie s'est installée, mais je m'en contenterais. Je n'ai jamais été très difficile, de toute façon. Aujourd'hui, je n'ai pas cours, et même si j'ai des devoirs, être à la librairie me convient. Je n'aime pas la maison... j'imagine que j'ai toujours peur, en passant la porte, de voir mon père sur le canapé, à attendre mon retour pour pouvoir passer sa colère sur quelqu'un. Cette peur, quand Hayden était là, je ne l'avais pas. Maintenant... Elle est revenue ; parce que, comme pour lui, je n'ai aucune idée d'où est mon père aujourd'hui, si il est retourné vivre dans notre maison ou si il a préféré changer totalement de vie... Sans moi. La seconde option ne m'étonnerait pas tant que ça, à croire que c'est de famille. »

« Anna, tu pourras faire la fermeture ? Je dois aller faire quelques courses avant que les magasins ne ferment. » Relevant la tête, la jeune femme jaugea son patron un instant : la quarantaine bien conservée, il était d'une gentillesse extrême avec elle, et c'était un euphémisme de dire qu'elle admirait profondément son travail & l'oeuvre d'art qu'il avait fait de cette librairie. Hochant la tête, elle lui adressa un sourire assuré. « Bien sûr ! » s'exclama-t-elle en fermant son journal intime en se redressant. Prenant place derrière la caisse, elle salua son patron qui partit au quart de tour, aussi décoiffé que d'habitude, et s'affaira à continuer l'inventaire qu'il semblait avoir commencé ; si ça ne lui apportait pas une promotion, ça lui apporterait au moins encore un peu plus de respect & de confiance de la part de son patron, ce qui en soi n'était pas si mal.

Et soudainement, une voix. « Bonjour! » Son corps semblait avoir réagi avant même que son cerveau ne fasse le rapport ; Anna avait subitement relevé la tête, sentant son cœur s'arrêter un instant avant de se mettre à battre la chamade. Les yeux exorbités, elle resta immobile un instant, sans être sûre d'avoir bien entendu. Etais-ce... Hayden qui venait de lui dire bonjour d'un air enjoué ? Elle voulut tourner la tête, mais en fut incapable. A la place, elle ne trouva la force que de souffler un bref « Bonjour... » qui sembla lui déchirer les cordes vocales tellement sa gorge & sa bouche étaient sèches. Après un instant, et après avoir eu l'assurance auditive que le présumé Hayden était parti se perdre dans les rayons, Anna se décida enfin à bouger. Elle avait besoin d'être sûre... mais que ferait-elle si c'était bien lui ? Chaque chose en son temps. Sur la pointe des pieds, la jeune femme trouva son chemin jusqu'à l'une des étagères, soupirant le plus silencieusement possible pour essayer de lever le poids qu'elle avait sur le cœur – sans succès – avant de jeter un œil en direction du couloir.

Un court moment suffit : c'était lui. Il était là, dans ''sa'' librairie. Pourquoi ? Est-ce qu'il savait qu'elle travaillait là ? Savait-il seulement qu'elle était à New York ? Pas le temps d'y réfléchir, elle entendait déjà ses pas revenir en direction de la caisse. Elle devait réagir vite ; ne trouvant rien d'autre, & décidément pas prête à l'affronter, Anna sautilla avec empressement dans le couloir adjacent pour se dissimuler du regard d'Hayden, sans penser un seul instant qu'elle était désormais seule dans la librairie & que s'il voulait acheter quelque chose, il ne pourrait décemment pas le faire tout seul.

« Le temps emporte tout qu’on le veuille ou non. Le temps emporte tout… le temps efface tout et tout ce qui reste à la fin ce sont les ténèbres. Parfois au cœur des ténèbres on retrouve d’autres personnes et parfois au cœur des ténèbres on les perd à nouveau - Stephen King ».

Je commence à flâner dans les rayons de la librairie. Je passe en revue le titre de plusieurs romans, m’attarde sur la quatrième de couverture de certains, mais aucun d’entre eux n’attire particulièrement mon attention. Je ne suis plus très sûr d’avoir envie d’acquérir l’un de ses bouquins. Je ne sais pas ce que je recherche, ni même si j’aurais le temps de lire ce roman ou cette nouvelle lorsque je l’aurais entre les mains. Je soupire un bon coup et traîne des pieds jusqu’au comptoir. Je fronce les sourcils lorsque je remarque que je suis seul. La libraire semble s’être volatilisée. « Excusez-moi? Mademoiselle? Désolé de vous déranger, mais j’aurais besoin d’un conseil ». Pas de réponse. Je n’ai encore jamais mis les pieds dans cet établissement, mais on ne peut pas dire qu’il me fasse bonne impression. Heureusement que je suis quelqu’un de patient. Je ne me décourage pas et réitère ma demande en me raclant la gorge bruyamment histoire de mettre toutes les chances de mon côté. « S’il vous plaît? ». Toujours rien. La jeune libraire ne semble pas décidée à se montrer. Lassé de parler dans le vide, je tourne les talons, fin prêt à quitter la boutique, quand une pile de livres s’écroule sur le sol. La surprise m’arrache un soubresaut et lorsque je me retourne, j’aperçois enfin la vendeuse qui semble toujours déterminée à me cacher son visage - puisqu’elle me tourne le dos, à mon plus grand damne. En voilà une drôle de façon de recevoir ses clients, je songe en me précipitant pour l’aider à ramasser les bouquins. Malheureusement la jeune femme ne semble pas décider à me prêter main forte et continue de se cacher derrière ses boucles dorées.

« Je vais poser ça ici » je reprends quelques secondes plus tard en désignant une petite table, destinée j’imagine, à exposer les best-sellers du moment. Je ne vois pas pourquoi je me fatigue, c'est tout juste si elle me remarque. « Bien. Je crois que je vais y aller. Je ne vais pas vous ennuyer plus longtemps » je fulmine, légèrement vexé qu’elle me snobe de la sorte. « Bonne soirée et bon courage ». Mon ton est teinté d’agacement et il dépeint à merveille mon état d’esprit. Je suis quelqu’un de relativement tolérant et je me laisse rarement emporter, mais s’il y a bien une chose que je ne supporte pas c’est l’impolitesse. Une chose est sûre, je ne suis pas prêt de remettre les pieds dans cet établissement. Mais alors que je pose la main sur la poignée, j’entends des bruits de pas qui s‘avancent vers moi. Bien que déterminé a m’en aller, mes pieds refusent d’avancer. Mon corps se fige et mon rythme cardiaque s'accélère brusquement. Est-ce mon imagination qui me joue des tours? Pourtant, je suis persuadé de connaître ce parfum. Cette fragrance fruitée et sauvage à la fois. Je secoue la tête. Non, je me fais des films. Ce n’est pas elle. Elle n’est pas là. « Anna… » je murmure tout de même en me pinçant les lèvres.

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Anna n'arrivait tout simplement pas à croire à ce qui était en train d'arriver. Revoir Hayden ? Oui, elle y avait pensé, évidemment ! Il n'avait jamais quitté ses pensées, que ce soit à Berlin ou à New York, mais chacun avait été plutôt clair sur ses priorités & elle savait que tant que Lucy était quelque part dans la nature – ou, selon sa propre opinion qui avait d'ailleurs provoqué une majeur dispute dans leur couple, morte depuis un bon moment – Anna & Hayden n'avaient pas de futur ensemble. C'était égoïste, Anna elle-même l'admettait, mais elle ne pouvait tout simplement pas imaginer retourner vers Hayden. Et puis, il y avait ce bébé qu'Anna avait tellement voulu mais que son corps avait été incapable de garder. Et regarder Hayden dans les yeux en lui disant qu'elle avait été incapable de garder son bébé, leur bébé... C'était au-delà de ses forces.

« Excusez-moi? Mademoiselle? Désolé de vous déranger, mais j’aurais besoin d’un conseil » Sursautant, Anna étouffa un soupir de surprise en entendant de nouveau la voix d'Hayden retentir dans l'établissement. Un conseil ? D'ordinaire, Anna était très bonne pour ça, elle était particulièrement patiente et savait écouter les préférences de chacun pour trouver le livre qui lui correspondrait le mieux. Mais là... Là, elle était incapable de sortir de sa cachette. « S’il vous plaît? » Anna sent la présence d'Hayden à peine à quelques pas d'elle, et pourtant elle ne veut définitivement pas tourner la tête pour lui faire face. Son visage, son regard, c'est... C'est beaucoup trop pour elle, elle ne peut pas, tout simplement. Enfin, il sembla se décider à abandonner. « Je vais poser ça ici » Et si elle ne le voyait plus jamais ? Et si c'était un quelconque coup du destin qui les réunissait aujourd'hui dans cette librairie ? Et si Hayden repartait à la poursuite de Lucy, et ne revenait jamais à New York ? « Bien. Je crois que je vais y aller. Je ne vais pas vous ennuyer plus longtemps » Il était agacé, il n'était pas difficile pour l'américano-allemande de discerner dans la voix de son ex-petit ami l'énervement que l'attitude de la jeune femme provoquait chez lui. Si seulement il savait ! Elle se faisait violence pour ne pas lui faire face, parce qu'elle avait peur de flancher. « Bonne soirée et bon courage » déclara-t-il finalement, laissant la jeune femme désemparée devant sa propre attitude. Elle entendit ses pas s'éloigner et soupira doucement de soulagement, se permettant enfin de tourner la tête vers Hayden qui, désormais, lui tournait le dos. Et cette simple vue fit augmenter de nouveau son rythme cardiaque à une vitesse qu'elle ne croyait même pas possible. Et si elle lui parlait ? Et si elle le rattrapait ? Non, ce n'était pas aussi simple.

Son regard s'accrocha finalement au livre qu'il avait posé sur la petite table des best-sellers et elle franchit la distance qui l'en séparait avec aussi peu de bruit que possible. Mais alors que ses doigts s'en saisissaient, elle fut interrompue par une voix, un nom qui lui glaça le sang. « Anna…  » Elle releva brusquement la tête en direction d'Hayden, effrayée à l'idée qu'il ai pu la reconnaître maintenant qu'elle ne se cachait plus. Il lui tournait toujours le dos, tout près de la porte, mais il ne bougeait plus. Comment l'avait-il reconnue ? L'avait-il vue dans la réflexion de la vitrine ? Avait-elle fait autre chose, étais-ce ses pas, son soupir ? Elle pourrait garder le silence et retourner se cacher derrière ses précieuses étagères, mais... Mais il avait prononcé son nom, et même si ça ne semblait être rien, c'était le monde entier pour elle. Alors, elle s'humecta brièvement les lèvres, cherchant ses mots, avant de baisser honteusement la tête sans savoir vraiment quoi dire. « Désolée... » murmura-t-elle à peine assez fort pour qu'il l'entende, regrettant presque immédiatement d'avoir ouvert la bouche &, par la même occasion, de leur permettre de reprendre contact alors qu'ils avaient été clairs sur le sujet.

« Le temps emporte tout qu’on le veuille ou non. Le temps emporte tout… le temps efface tout et tout ce qui reste à la fin ce sont les ténèbres. Parfois au cœur des ténèbres on retrouve d’autres personnes et parfois au cœur des ténèbres on les perd à nouveau - Stephen King ».

Est-ce mon imagination qui me joue des tours ou suis-je en train de devenir fou? A bien considérer la chose, il y aurait de quoi sombrer dans la démence. Ces derniers mois, que dis-je, ces dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour moi. J’ai traversé tellement d’épreuves, essuyer de si nombreux échecs qu‘il serait tout à fait légitime de péter les plombs. Mais je n’en ai rien fait. Peut-être bien que le moment est venu? Peut-être bien que je me suis perdu en route? Et si mon inconscient me rappelait à l‘ordre? Et si j’avais fini par tirer sur la corde raide? Un soupire m’échappe. Non. Je suis parfaitement lucide et je connais cette voix, cette démarche, cette femme. Mon cœur m’intime de me retourner et de la serrer dans mes bras alors que ma raison m’ordonne de m’enfuir. Si j’avais été un tant soit peu rationnel, j’aurais quitté cette librairie sur-le-champ, mais ce mot n’a jamais fait partie de mon vocabulaire. Déraison et acharnement me parlent davantage. Je finis par lâcher la poignée de la porte et je passe ma main sur mon visage. Je n’ose pas la regarder. J’en ai envie, j’en ai tellement rêvé; mais je reste stoïque, un peu comme si mon corps refusait de m’obéir. Un tas d’émotions, toutes plus contradictoires les unes que les autres, me viennent à l’esprit. Je suis soulagé, ému, heureux, mais aussi en colère et déçu. Le premier flot d’émotions se passe d’explications. Elle m’a manqué, je suis amoureux, quoi de plus naturel que d’être heureux de la retrouver? Le second flot, quant à lui, porte à confusion. Je suis en colère parce qu’elle m’a laissé à l’écart. Déçu, parce qu’elle a rompu sa promesse. Anna avait promis qu’elle reprendrait contact avec moi, qu’elle me reviendrait, mais elle ne l’a pas fait. Qui sait depuis combien de temps elle est de retour en ville? Comment être sûr qu’elle soit vraiment partie? Après tout, je ne viens pas souvent ici. Si ça se trouve elle n’est jamais partie, mais a préféré me le faire croire pour que je la laisse tranquille. Alors oui, j’aime cette femme, mais je ne sais pas comment réagir.

« C’est tout ce que tu trouves à dire? » je demande d’un ton acerbe, en continuant de lui tourner le dos. « Après un an de silence, tout ce que tu trouves à me dire c’est que tu es désolée? » Un rire cynique accompagne mes propos et je me décide enfin à affronter son regard. Je ne suis pas surpris de constater qu’elle baisse la tête au moment où je lui fais volte face. « Et bien ce n’est pas suffisant! Je me suis fait un sang d’encre. J’ai parcouru la moitié du pays à ta recherche. J’ai même envisagé le pire. Je ne vivais plus Anna. Depuis que tu m’as quitté, je ne vis plus. Et tout ça pour quoi? Pour t’entendre me dire que tu es désolée?! Tu ne crois pas que c’est un peu tard pour ça? » Je sais ce qu’elle pense: je suis égoïste et de mauvaise foi. Nous avons tous les deux notre part de responsabilités dans la manière dont notre histoire s’est terminée, mais elle m’a fait une promesse; une promesse qu’elle a brisé et ça, je ne peux pas le supporter.

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C'était trop tard, maintenant. Pourtant, Anna aurait bien tourné les talons & se serait bien enfuie à travers les étagères de la librairie ; elle aurait pu se cacher dans la réserve, attendre que Hayden quitte la boutique, mais elle avait ouvert la bouche & maintenant, il était trop tard pour reculer. Comment l'avait-il reconnue ? Elle n'en avait aucune idée, mais étais-ce vraiment important maintenant qu'elle lui avait répondu ? Il s'était arrêté dans son mouvement & elle avait cru voir sa main retomber alors qu'elle était sur la poignée de la porte – c'était certain, il restait. Anna en était-elle réjouie ? Elle n'en avait aucune idée... Oui, sûrement. Elle sentait son cœur battre la chamade dans sa poitrine de voir la silhouette de son ex petit-ami à à peine quelques pas d'elle, et pourtant elle savait que rien n'était aussi simple ; elle ne pouvait pas seulement clamer qu'elle était désolée & espérer que le jeune homme lui sauterait dans les bras ; elle-même se sentait incapable d'oublier l'année qu'elle venait de passer, entre Berlin & New York.

Enfin, le jeune homme sembla sortir de sa léthargie & elle l'entendit lui répondre. « C’est tout ce que tu trouves à dire? » Anna déglutit ; évidemment, pas aussi simple... « Après un an de silence, tout ce que tu trouves à me dire c’est que tu es désolée?  » Soudainement, Anna eut envie de se laisser aller aux larmes ; elle ne s'était jamais considérée comme forte, c'était plutôt Hayden qui l'avait confortée dans cette idée. Et maintenant... Maintenant, elle se retrouvait face à l'homme qu'elle aimait & celui-ci ne trouvait, plus que jamais, que de quoi la blâmer. Il avait sûrement raison, dans un sens, mais ça ne lui suffisait pas. Soudainement, le jeune homme fit volte-face & évidemment, Anna fut incapable de soutenir son regard ; il avait un énorme pouvoir sur elle, un pouvoir qui ne s'était apparemment pas atténué avec le temps, et elle se retrouvait incapable de lui faire face. « Et bien ce n’est pas suffisant! Je me suis fait un sang d’encre. J’ai parcouru la moitié du pays à ta recherche. J’ai même envisagé le pire. Je ne vivais plus Anna. Depuis que tu m’as quitté, je ne vis plus. Et tout ça pour quoi? Pour t’entendre me dire que tu es désolée?! Tu ne crois pas que c’est un peu tard pour ça? » Les paupières de l'américano-allemande se fermèrent un instant & ses dents vinrent mordre sa lèvre inférieure alors qu'elle accusait les paroles de Hayden comme autant de balles qui traversaient son cœur déjà endolori par le fait de l'avoir là, en face d'elle. Elle secoua doucement la tête et dût fouiller au plus profond d'elle-même pour trouver la force de relever les yeux vers lui pour le confronter enfin. « Je... » Mauvais départ ; la voix de la jeune femme mourut dans sa gorge alors que ses yeux heurtaient de plein fouet la vision de l'homme qu'elle aimait en face d'elle. Comment lui expliquer ? Comment lui dire qu'elle aussi, depuis qu'elle était partie, et encore plus depuis qu'elle avait perdu leur bébé, ne vivait plus, se contentait de survivre en s'accrochant aux quelques phrases qu'elle continuait d'écrire dans son journal intime décrépi ? « J'avais besoin de temps, Hayden. » souffla-t-elle en détournant les yeux vers l'une des étagères qui les séparaient. « Je suis revenue à New York il y a peu de temps, je... J'aurais dû t'appeler, mais... » Mais elle ignorait où en était sa situation à lui. Avait-il retrouvé sa jumelle ? « Mais je savais pas si... Si les choses avaient avancé pour toi. A-avec Lucy, je veux dire. » termina-t-elle en se maudissant pour ce bégaiement qui ne lui ressemblait pas tant que ça, mais qui se justifiait par l'énorme angoisse qui l'envahissait de se retrouver à discuter avec Hayden.

« Le temps emporte tout qu’on le veuille ou non. Le temps emporte tout… le temps efface tout et tout ce qui reste à la fin ce sont les ténèbres. Parfois au cœur des ténèbres on retrouve d’autres personnes et parfois au cœur des ténèbres on les perd à nouveau - Stephen King ».

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces retrouvailles ne se déroulent pas aussi bien que je l’aurais souhaité. Au contraire… Quand je pense que j’ai passé ces dix derniers mois à fantasmer sur cet instant, que j’ai tout imaginé dans les moindres détails, je me rends compte que je me suis bercé d’illusions. La vie n’est pas un conte de fées. La vie est injuste, douloureuse et semée d’embûches; j’aurais dû m’en rappeler. Grand romantique dans l’âme, j’ai préféré croire que les choses allaient bien se passer, que d’un regard d’un seul, tout serait oublié. J’ai eu tort de me leurrer et je m’en veux. Je m’en veux de laisser cette rancœur grandir en moi alors que je n’ai qu’une envie: la serrer dans mes bras. Je suis en colère contre Anna parce que c’est tout juste si elle ose soutenir mon regard et ça me met en rogne parce qu’il fut un temps où on pouvait tout se dire elle et moi. « J'avais besoin de temps, Hayden. » finit-elle par déclarer en posant ses yeux sur une étagère. Je la suis du regard, mais estimant que je me suis déjà montré suffisamment désagréable, je me retiens de faire une remarque désobligeante sur son évidente lâcheté. Au fond, je ne vaux pas mieux qu’elle. « Je suis revenue à New York il y a peu de temps, je... J'aurais dû t'appeler, mais... » Tu ne l’as pas fait, je finis en pensées, accablé à l’idée qu’elle ait pu envisager de refaire sa vie sans même chercher à me recontacter. Je l’aime tellement, si elle savait. « Mais je savais pas si... Si les choses avaient avancé pour toi. A-avec Lucy, je veux dire. » Mon corps se fige et mon visage se crispe. J’étais tellement surpris de la revoir que j’en ai presque oublié Lucy. Nous y revoilà… Ma jumelle ou la source de tous nos problèmes. La pomme de la discorde, si je puis m’exprimer en ces termes. « J’en suis toujours au même point » je lâche la voix teintée d’amertume. Son sourire se fane, ce n’est pas ce qu’elle voulait entendre. Qu’elle se rassure, je sais ce que cela implique. Je n’ai pas rempli ma part du marché, on a aucun avenir. « Je ne l’ai pas retrouvé Anna. Pourtant, rien n’a changé, je suis toujours persuadé qu’elle est là… quelque part. » Mes mots s’éteignent dans un soupir et c’est à mon tour de fuir son regard. Ma gorge est sèche comme du parchemin, mais ça m’arrange, je n’ai pas envie d’agrémenter la conversation. Je n’ai pas envie de connaître sa réponse, de l’entendre me dire que tout est fini, ce serait trop douloureux pour moi. Alors, à défaut d’affronter la réalité, je préfère repousser l’heure fatidique en changeant de sujet. « Comment tu vas, sinon? Enfin, je veux dire… est-ce qu’il ou… elle va bien? Est-ce que tu l’as gardé? » ‘Quelle délicatesse, bravo mon p’tit Hayden’ je peste, regrettant déjà mes propos. Vu sa tête, je ne suis plus très sur d’avoir bien fait d’aborder le sujet. D’un autre côté, il va bien falloir qu’on en parle. « J’ai le droit de savoir Anna » je finis par m’exclamer, à nouveau agacé par son mutisme. « Je suis aussi concerné que toi. Considérant la manière dont tu me l’as annoncé et le fait que tu n’aies pas jugé bon de me consulter avant de prendre ta décision, tu pourrais au moins avoir la correction de me dire ce qu’il en est. Tu me dois bien ça » je conclus en m‘appuyant contre une table. Quoi qu’elle puisse bien me dire, je vais être bouleversé de toute façon alors, autant prendre les devant et m’asseoir.

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Ils y étaient déjà, et Anna avait l'impression que son cœur allait exploser : elle allait savoir où Hayden en était des recherches sur sa sœur. Plus que de savoir si il l'avait retrouvée, ce dont elle ne pouvait s'empêcher de douter fortement, c'était de savoir si il avait abandonné ou pas qui la préoccupait. Après tout, c'était parce qu'elle n'avait pas pu supporter d'être mise de côté au profit de sa jumelle disparue qui avait fini par motiver Anna à quitter Hayden, peu importe à quel point elle avait pu regretter cette action. « J’en suis toujours au même point » L'américano-allemande déglutit et baissa les yeux en hochant la tête, acceptant le fait qu'il n'en avait toujours pas fini avec ça – elle aurait dû s'en douter. «  Je ne l’ai pas retrouvé Anna. Pourtant, rien n’a changé, je suis toujours persuadé qu’elle est là… quelque part.  » C'était bien l'expression : rien n'avait changé... Hayden était toujours obsédé par Lucy, et à cause de ça, Anna ne pouvait même pas espérer un seul instant retrouver la place qu'elle se demandait bien si elle avait seulement eu un jour dans le cœur de l'anglais. Anna ne savait même pas quoi lui répondre, un simple « d'accord » ? Devait-elle tout simplement tourner les talons, maintenant qu'il était clair que la situation n'avait pas changé ?

Elle n'eut pas le temps de se poser plus la question que ça qu'Hayden reprit la parole, déstabilisant complètement l'étudiante. « Comment tu vas, sinon? Enfin, je veux dire… est-ce qu’il ou… elle va bien? Est-ce que tu l’as gardé? » Complètement prise par surprise, la jeune femme releva un regard complètement rond en direction d'Hayden – peut-être aurait-elle du s'attendre à ce qu'il pose la question, mais quoiqu'il en soit elle n'avait définitivement pas prévu de réponse. Lui dire tout simplement qu'elle l'avait perdu ? Certainement pas... Parce que c'était loin d'être simple. Durant le peu de temps qu'avait duré sa grossesse, Anna avait profondément voulu son bébé, elle avait imaginé le serrer dans ses bras et, plus que tout, elle s'était dit que, sans vouloir l'instrumentaliser, ce bébé aurait peut-être pu raisonner Hayden et devenir sa priorité, prenant la place que Lucy occupait désespérément depuis des années. « J’ai le droit de savoir Anna » continua Hayden, la coupant dans ses pensées. Et pourtant, elle l'avait perdu ; elle avait perdu son bébé, et elle n'en était toujours pas remise. A partir de cet instant, et seulement à partir de là, elle avait renoncé à l'idée de revenir vers Hayden. Elle avait tellement honte ! Incapable de porter l'enfant de celui qu'elle aimait, meurtrière du petit être qui avait grandi en elle pendant quelques mois, qu'est-ce que ça faisait d'elle ? Clairement, il n'y avait rien qu'elle ne puisse apporter à son ex petit-ami, et elle avait toujours eu peur de devoir l'affronter sur le sujet de cette perte qui l'avait tant secouée. « Je suis aussi concerné que toi. Considérant la manière dont tu me l’as annoncé et le fait que tu n’aies pas jugé bon de me consulter avant de prendre ta décision, tu pourrais au moins avoir la correction de me dire ce qu’il en est. Tu me dois bien ça  » insista-t-il, faisant douloureusement fermer les yeux d'Anna qui se sentit pressée de répondre et ouvrit la bouche presque à contre-coeur pour balancer quelques mots qui lui brisèrent le cœur. « Je... J'ai avorté... » souffla-t-elle en rouvrant les paupières, chassant de sa volonté les larmes qui menaçaient de couler sur ses joues. Déglutissant et refusant de regarder Hayden dans les yeux de peur qu'il découvre son mensonge, elle continua. « Tu te souviens de ce jour où je suis venue te voir dans ta chambre, et où t'étais en train de faire ta valise pour Paris ? Je voulais te le dire à ce moment-là, mais... Tu as dit que tu voulais aller retrouver Lucy, et puis... enfin, tu sais. » Oui, il savait, cet ultimatum desespéré que la jeune femme avait balancé devant la situation qui lui échappait totalement. « Je pouvais pas te le dire en face, mais je pouvais pas non plus partir sans que tu saches, alors... désolée. Mais le bébé... Il n'y en a pas. Plus. » souffla-t-elle, peinant à garder son mensonge intact tellement le fait d'aborder le petit la touchait au plus profond d'elle.

« Le temps emporte tout qu’on le veuille ou non. Le temps emporte tout… le temps efface tout et tout ce qui reste à la fin ce sont les ténèbres. Parfois au cœur des ténèbres on retrouve d’autres personnes et parfois au cœur des ténèbres on les perd à nouveau - Stephen King ».

« Je… j’ai avorté… » sont les mots qui sortent de sa bouche après quelques minutes d’une attente qui m’a paru interminable. Était-ce vraiment nécessaire de nous infliger tout ça? De quel droit lui ai-je arraché ces aveux? Je suis un monstre… La paume de mes deux mains va trouver le rebord de la table sur laquelle je suis partiellement assis - je m’appuie sur celle-ci et tente d’encaisser ses propos de la meilleure façon qui soit, c’est-à-dire avec calme et compréhension. Pourtant, chaque phrase qu’elle prononce, chaque parcelle d’explication qu’elle accepte de me fournir est comme un coup de poignard qu’elle m’assénerait en plein cœur. Ce petit être n’est plu. Je déglutis, réalisant enfin la portée de ses mots. « Tu ne lui as laissé aucune chance » je souffle complètement ahuri. « Ce petit-être sans défense ne demandait rien si ce n'est le droit de vivre et toi, tu l'en as privé. Tu n'as pensé qu'à ton petit confort, une fois de plus. T’as abandonné Anna. T’as juste… lâché prise » je répète en passant ma main sur mon visage. « Pourquoi t’as fait ça? Pourquoi t’es parti? T’avais pas le droit de faire ça! » je m’insurge, prenant enfin conscience de mes droits - même si cette prise de conscience est tout aussi tardive que ridicule. « Tu… Est-ce que t’as pensé, ne serait-ce qu’une seule seconde à ce que je pourrais ressentir? Ça ne t’ai pas venu à l’idée que j’aurais pu avoir envie d’élever cet enfant? De fonder une famille?! » Ma voix se fait plus dure et mon ton plus poussé, je crois même la voir sursauter. « Tu n’es qu’une égoïste » je poursuis en serrant les dents. « UNE PUTAIN ÉGOÏSTE! »

Imprévisible n’est pas le trait de caractère qu’on a pour habitude de m’attribuer. Pourtant, je suis moi-même surpris par la violence de ma réaction. Mon bras va trouver une pile de bouquins que je renverse dans un acte de colère. Mes cris se font de plus en plus insistants et vont même jusqu’à attirer quelques curieux qui passaient devant la boutique. Agacé par leur comportement, j’ignore les protestations d’Anna et avance l’heure de la fermeture. Elle ne va certainement pas s’en sortir à si bon compte. Je suis fou de rage et elle va devoir répondre de ses actes, mais elle l'a toujours su, n’est-ce pas? Partir à l’autre bout du monde n’était qu’un moyen comme un autre de repousser l’échéance, mais ma bien aimée à toujours su qu’on en arriverait là. D’ailleurs… est-elle toujours la femme dont je suis tombé amoureux? Reste-t-il quelque chose de notre histoire, là, profondément enfoui sous sa carapace? Ancré dans son cœur de glace? J’aimerais l’affirmer, mais j’en suis incapable. La vérité? Vous voulez la vérité? C’est simple: cette révélation a fait l’effet d’une bombe et je me suis rendu compte que je ne connaissais pas cette femme. En tout cas, celle qui se tient devant moi, n’est pas ma Anna. « Qu’est-ce qui t’es arrivé? Qu’est-ce qui nous est arrivé? Comment on en est arrivé là? Je… je… je ne te reconnais plus Anna. Je… » J’approche ma main de son visage, mais ma tentative est repoussée par un énième refus. Quelque chose s’est brisé je crois. « Peut-être bien qu’on a eu tort… Peut-être bien que nos problèmes n’ont rien à voir avec mon obsession, Lucy, le bébé ou ton manque de confiance en moi. Peut-être qu’on s’est voilé la face et qu’on est pas faits l’un pour l’autre au final… » Les mots qui sortent de ma bouche sonnent faux. J’ai comme l’impression d’être prisonnier d’un corps qui ne m’appartient pas. Ma colère et ma déception m’aveuglent, je ne contrôle plus rien, j’ai mal. Alors, je décide de tourner les talons - pour de bon cette fois. Anna ne veut pas de moi ici. Elle m’a clairement rayé de sa vie. Quant à moi… je ne sais pas ce que je veux, je ne sais plus. J’ai perdu la foi.

CODE TOXIC GLAM

Anna se sentait complètement perdue ; avait-elle eu raison de mentir à Hayden à propos du bébé ? Elle avait tellement honte... et elle avait eu tout le temps de penser à la perte de son bébé durant le temps qu'elle avait passé à Berlin. A vrai dire, cette idée n'avait jamais quitté son esprit, cette idée qu'elle n'était pas assez forte pour porter son enfant à terme, cette idée surtout qu'elle avait involontairement tué le magnifique petit être qui grandissait en elle. Revoir Hayden était si soudain et inattendu qu'elle n'avait tout simplement pas réfléchi avant de lui dire qu'elle avait avorté, et elle ne se rendit compte que trop tard de son erreur. « Tu ne lui as laissé aucune chance. » Les paupières de la jeune femme se fermèrent douloureusement et elle sentit son cœur se serrer ; elle avait envie de répliquer, de dire à Hayden qu'elle lui avait laissé toutes les chances et qu'elle avait été misérable lorsqu'elle avait perdu son bébé. Elle sent la détresse de Hayden, entend dans sa voix cette pointe d'accusation qu'elle ne peut qu'accepter comme légitime. « Ce petit-être sans défense ne demandait rien si ce n'est le droit de vivre et toi, tu l'en as privé. Tu n'as pensé qu'à ton petit confort, une fois de plus. T’as abandonné Anna. T’as juste… lâché prise » Anna avait tout bonnement envie de fondre en larmes, mais elle se retint en se mordant la lèvre inférieure, espérant que ça retarde l'échéance. Elle avait l'impression que les mots qui sortaient de la bouche de Hayden étaient aussi faux que vrais, il ne connaissait pas la vérité et pourtant, elle avait l'impression qu'effectivement, elle avait lâché prise. Pourtant, elle avait vraiment voulu ce bébé ! Elle aurait tout donné pour lui, elle aurait tout fait pour pouvoir donner naissance à l'union parfaite d'Hayden et elle. « Pourquoi t’as fait ça? Pourquoi t’es parti? T’avais pas le droit de faire ça! » continue-t-il. Anna aurait voulu l'arrêter, lui dire qu'elle avait menti, mais elle savait que ça n'arrangerait pas les choses. Hayden semblait tellement déçu ! Elle avait l'impression que depuis qu'elle l'avait quitté, tout dans sa propre vie n'avait plus vraiment de sens. Il avait tellement fait pour elle ! Et maintenant qu'elle était seule... elle survivait, encore plus depuis qu'elle avait perdu le bébé. Elle étudiait sans savoir pourquoi, travaillait pour se permettre, plus que pour payer son loyer, de maintenir une consommation de drogues douces quotidienne et soutenue... Sa vie avait foutu le camp pour ne laisser que des cendres, et Hayden venait de résumer parfaitement la situation : pourquoi était-elle partie ? Pourquoi avait-il fallu qu'elle veuille absolument être la seule dans la vie du jeune homme, pourquoi avait-elle été incapable de le soutenir à la recherche de sa sœur, comment avait-elle pu penser un seul instant qu'elle aurait pu élever leur enfant sans lui ? « Tu… Est-ce que t’as pensé, ne serait-ce qu’une seule seconde à ce que je pourrais ressentir? Ça ne t’ai pas venu à l’idée que j’aurais pu avoir envie d’élever cet enfant? De fonder une famille?! » Encore une fois, elle dut se retenir de dire au jeune homme qu'elle aussi, elle avait eu envie d'élever cet enfant, de le voir grandir, de lui apprendre à parler, à marcher, de le voir grandir, évoluer, faire des erreurs, et surtout, elle avait eu envie de l'aimer, d'en faire le centre de son existence et de lui donner tout ce dont il aurait pu avoir besoin. « Tu n’es qu’une égoïste » L'allemande avait l'impression que son cœur se décomposait en une multitude de morceaux, la laissant complètement désemparée alors que la douleur logée dans son ventre faisait son chemin en tordant ses tripes. « UNE PUTAIN D'ÉGOÏSTE! » Aurait-elle pu espérer autre chose, après ce qu'elle venait de lui dire ? Il pensait qu'elle avait tué leur bébé, et dans un sens, même selon elle, il n'avait pas entièrement tort, après tout c'était sa faute si elle n'avait pas pu garder le bébé, peu importe à quel point elle en avait eu envie.

Combien de temps est-ce que ça allait durer ? Anna ne savait pas combien de temps elle pouvait tenir sans fondre en larmes, et il était hors de question qu'elle fasse ça en face du jeune homme. « Qu’est-ce qui t’es arrivé? Qu’est-ce qui nous est arrivé? Comment on en est arrivé là? Je… je… je ne te reconnais plus Anna. Je… » Elle ne savait pas quoi croire, d'un côté elle avait l'impression qu'il ne disait ça que parce qu'elle lui avait menti à propos de leur bébé, mais d'un autre côté, elle sentait aussi qu'elle méritait ces "insultes" de toute façon. Elle-même ne se reconnaissait plus : depuis qu'elle avait quitté Hayden, et encore plus depuis qu'elle était revenue de Berlin, Anna n'était plus que l'ombre d'elle-même, et son addiction aux drogues douces ne l'y aidaient absolument pas. « Peut-être bien qu’on a eu tort… Peut-être bien que nos problèmes n’ont rien à voir avec mon obsession, Lucy, le bébé ou ton manque de confiance en moi. Peut-être qu’on s’est voilé la face et qu’on est pas faits l’un pour l’autre au final… » C'était peut-être la pire chose qu'il ai pu lui dire : qu'ils n'étaient pas faits l'un pour l'autre. Malgré tout ce qu'ils avaient enduré, malgré les doutes qui avaient pu habiter Anna lors de la recherche effrénée de Lucy, durant le temps qu'il lui avait fallu pour se détacher de son père, il y avait bien une chose dont elle n'avait jamais douté, c'était de la compatibilité entre Hayden et elle. Il avait révolutionné son monde d'adolescente, à l'époque, et elle ne pouvait nier que personne ne prendrait jamais sa place. Même si elle ne l'avait pas contacté en revenant à New York, elle savait que c'était lui qu'elle voulait et... et elle venait de tout bousiller. Bien assez vite, Hayden tourna les talons, alors qu'elle même évitait son regard de peur d'y voir tout le ressentiment qu'il possédait envers elle. Tout ce qu'elle entendit fut la sonnette de la porte lorsque celle-ci se referma sur Hayden. Son corps opéra ensuite une lente descente sans qu'elle puisse le contrôler, alors que les larmes envahissaient enfin ses joues. Avait-elle parue insensible devant le jeune homme ? Probablement. Elle n'aurait pas dû lui mentir, mais c'était apparemment ce qu'elle faisait depuis quelques temps : prendre les mauvaises décisions. « Désolée... » souffla-t-elle entre deux sanglots, autant pour Hayden - qui ne pouvait de toute façon pas l'entendre - que pour elle-même.