CALEB & LOAN

❝ i'm coming home ❞

Être au lit, voilà à quoi se résumait ses journées depuis quelques jours … depuis qu’elle s’en était sortie pour tout dire. L’embuscade elle ne l’avait pas vu venir et bien évidemment elle aurait préféré qu’il en soit autrement pour ne pas avoir à vivre ces cinq jours enfermée sous terre avec de moins en moins d’air tandis que les heures défilaient. Jonah avait eu moins de chance qu’elle et la philippine savait que son visage allait la hanter à tout jamais. Dire qu’elle avait pris conscience du fait qu’il était mort que lorsqu’elle avait réussi à trouver un moyen de sortir de cet endroit. Il n’avait plus que sa mère, pas d’autre famille qui l’attendait aux Etats-Unis et elle savait que, quelque part, le jeune homme s’était sacrifié pour elle, pour qu’elle rentre auprès des siens puisqu’elle avait probablement fait l’erreur de lui avouer qu’elle était enceinte. Toutefois, ce n’était pas réellement sa grossesse qui lui avait permis de tenir mais bien l’idée qu’elle devait rentrer pour retrouver sa famille, pour revoir Tayla, Caleb et Nolan. Il s’agissait des seuls souvenirs qui lui restaient en mémoire. Le cerveau était incroyable, elle ne pouvait pas le nier. Loan ne se souvenait que très peu de la façon dont elle avait à la fois sauvé la peau de son unité et la sienne. Elle ne se souvenait pas de grand-chose pour tout dire et les médecins avaient bien vite fait de mettre ça sur le dos du choc post-traumatique, c’était probablement ça …

Une fois retrouvée, toute l’unité avait dû subir des examens pour voir ce qui allait et n’allait pas. Son cerveau s’était déconnecté avec une telle rapidité qu’elle aurait pu se vider de son sang que la jeune femme n’aurait rien dit. Quelques blessures au visage et sur le reste du corps ainsi qu’une balle qui était venue se loger dans son abdomen et même ce détail n’était pas parvenu à l’affoler. Pendant plusieurs jours la philippine n’avait été qu’une enveloppe vide et personnes n’avaient osé la brusquer, pas même lorsqu’ils avaient compris qu’elle avait su être enceinte avant même de partir pour l’Afghanistan. « Lieutenant ? ». Ramenée à la réalité, Loan cilla à plusieurs reprises et posa les yeux sur son supérieur qui s’était posté devant son lit. « Vous partez demain. Une fois de retour à Fort Hamilton vous serez prise en charge par les médecins de la base avant d’être en congé … Le Général tient également à ce que vous sachiez que vous devrez vous présentez à la base pour le 19 octobre afin de vous faire officiellement Major. ». Génial … comme si être Major avait une quelconque importance pour elle qui n’avait pas la moindre envie que son acte de « bravoure » soit récompensé. Elle s’était uniquement contentée de faire son travail car après tout on ne laisse jamais ses hommes derrière soit, une règle qu’elle avait parfaitement assimilé sans avoir à être dans l’armée, elle avait juste eu besoin de son père. Toutefois, la philippine opina du chef et après un bref salut, le Colonel la laissa seule ce dont elle profita pour laisser son esprit vaquer à ses occupations habituelles.

Le retour à New York avait été moins brutal que lors des premières fois. Loan s’était sentie euphorique lorsqu’elle avait reconnu cette grande ville dans laquelle elle vivait depuis près de trois ans. Elle ne s’y sentait pas particulièrement en sécurité, néanmoins elle avait le don de la rassurer et de la calmer. Durant sa journée à Fort Hamilton la veille, elle n’avait pas prononcé le moindre mot et s’était volontairement efforcée de n’être qu’une ombre. La jeune femme voulait être tranquille et elle savait que si elle voulait qu’on la laisse il n’y avait rien de mieux que le fait de feinter le fait qu’elle était encore sous le choc de ce qu’elle avait vécu sur le front. Ce n’était pas faux quelque part, mais elle allait mieux même si les cauchemars étaient présents chaque nuit. Elle avait récupéré ses forces, ses blessures se soignaient correctement et tout allait bien au niveau de sa grossesse. Physiquement Loan allait parfaitement bien, c’était mentalement que tout n’allait pas. Elle n’avait jamais autant réfléchi que depuis l’embuscade. La tête au sein de sa famille était Salem et non pas elle. Loan avait toujours eu cette manie de foncer tête baissée et pourtant depuis son retour elle réfléchissait bien plus qu’elle n’agissait, à croire que les rôles s’inversaient doucement. Retrouver son appartement fut ce qui lui permit d’autant plus de prendre conscience du fait qu’elle était de retour. La philippine n’avait prévenu personne. Pour le moment elle souhaitait être encore un peu tranquille, se réhabituer à sa vie avant d’être brusquée par son entourage qui allait vouloir prendre de ses nouvelles et s’assurer que tout allait bien.

Cependant, à peine fut-elle chez elle qu’elle sut qu’elle n’allait pas y rester très longtemps. Les médecins l’avaient gardé un peu plus longtemps que prévu avant de finalement accepter de la laisser rentrer. La nuit était déjà tombée sur New York et dans son appartement Loan se sentait étrangement seule. Elle avait besoin de compagnie et à vrai dire la seule qu’elle acceptait et qui lui vint instantanément à l’esprit était celle de son fils. S’il y avait une personne plus qu’une autre à laquelle elle s’était accrochée lorsqu’elle avait prise été en otage c’était bel et bien Nolan et plus que jamais elle souhaitait le voir. Ainsi, sans même que deux heures se soient écoulées – et après avoir tout de même prit une douche et s’être changée – Loan quitta son appartement pour rejoindre celui de Caleb, toujours aussi pensive. Devant la porte de l’appartement, la jeune femme resta de longues minutes à fixer le numéro qui y était collé sans savoir si elle devait le faire ou non. Au cours de son déploiement elle n’avait donné que très peu de nouvelles au jeune homme et pourtant elle s’apprêtait à revenir comme si de rien n’était. La philippine se mordit la lèvre inférieure, ferma les yeux le temps d’inspirer une grande bouffée d’air et les ouvrit juste avant de donner quelques coups contre la porte. Si jamais Caleb lui ouvrait la porte pour la refermer aussitôt elle l’aurait bien cherché seulement elle le connaissait plus ou moins par cœur et elle savait que s’il tenait tellement à ce qu’elle soit dans la vie de Nolan il prendrait sur lui bien qu’elle n’ait aucune envie de s’imposer.

En cette fin de journée, Caleb se sentait tout bonnement exténué et pourtant, il n’en montrait rien. Et pour cause… Le militaire se trouvait en effet aux cotés d’un petit bonhomme qui, lui, ne semblait pas du tout être fatigué : Nolan. Parfois, Caleb se demandait d’ailleurs d’où son fils pouvait tirer toute cette énergie qui l’animait, même aux heures les plus tardives de la journée, quand lui n’aurait rêvé que d’une seule chose : aller se coucher. Mais quoi qu’il en dise, c’était aussi ce qui faisait tout le « charme » du petit garçon. Toujours prêt à rigoler et à s’amuser de n’importe quoi, il trainait avec lui un vent de joie et de bonne humeur qui suffisait en général à tenir son père réveillé. Après avoir mangé en regardant Nolan parler de tout et de rien d’un air attendri, le jeune militaire avait prit soin de débarrasser et de nettoyer la table. Pas qu’il ne soit spécialement maniaque, mais depuis que Nolan était entré dans sa vie, il faisait beaucoup plus attention à tout un tas de petites choses qu’il considérait comme insignifiantes auparavant. Pensant que son fils allait filer dans sa chambre ou dans le salon pour jouer, Caleb décida de s’atteler à la vaisselle qui l’attendait sur le rebord de l’évier. Mais c’était sans compter sur l’entrain du petit garçon qui, tout sourire, insista pour s’en mêler lui aussi. Le militaire l’installa donc sur une chaise pour qu’il soit à la bonne hauteur, lui donna une éponge, et tenta d’être un minimum efficace malgré un Nolan, qui s’évertuait néanmoins à « l’aider », dans les pattes. Tout se passait relativement bien, jusqu’à la première éclaboussure à moitié involontaire que provoqua le petit garçon, qui éclata immédiatement de rire. Il ne fallut alors que quelques secondes pour que la séance vaisselle ne se transforme en une véritable bataille de mousse. Ce n’est qu’en voyant l’heure déjà bien avancée que Caleb se résigna à calmer le jeu. Il était temps d’aller coucher le petit monstre qui lui servait de fils, et ce dernier ne se fit d’ailleurs pas prier.

Assis sur le rebord du lit de Nolan, Caleb farfouillait dans l’étagère voisine enfin d’y dénicher le livre que son fils lui réclamait. C’était une petite tradition qu’ils avaient instaurés tous les deux : avant qu’il ne s’endorme, Nolan écoutait une histoire que son père lui lisait. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela ne constituait pas une corvée pour le militaire. Au contraire, c’était un moyen supplémentaire de profiter d’un moment de calme et de proximité avec son fils, et c’était finalement tout ce qui comptait. Mais, alors que Caleb avait enfin trouvé le livre en question, il lui sembla entendre que quelqu’un frappait à la porte. Fronçant les sourcils, il se redressa en regardant Nolan. « Reste tranquille, je reviens tout de suite. » Le jeune homme pressa le pas et gagna rapidement la porte d’entrée qu’il ouvrit… avant de se figer. Elle était là, face à lui. Elle était revenue, et il ne savait même pas comment l’accueillir. « Loan ! » s’exclama-t-il, un peu honteux de n’avoir rien de mieux à dire. En réalité, il l’aurait bien prise dans ses bras, mais il ne savait même pas s’il en avait le droit, si un tel élan d’enthousiasme était adapté aux circonstances. Alors il se contenta de sourire largement, et de se pousser pour la laisser entrer. « T’es enfin rentrée ! Est-ce que ça va ?! » Sans pour autant connaître les détails de l’histoire, Caleb avait appris que la mission de l’unité dans laquelle se trouvait Loan avait mal tourné. Et en constatant les quelques blessures sur son visage, il ne put s’empêcher de s’approcher un peu plus d’elle, inquiet. Malgré les barrières qu’il s’était imposé quelques secondes plus tôt, il s’autorisa d’ailleurs à passer une main sur ses cheveux. « J’ai appris que vous aviez eu des problèmes, qu’est-ce que… » Caleb n’eut pas le temps de finir sa phrase que déjà, une petite voix s’éleva de la chambre de Nolan. « PAPAAAAA ! » Une petite grimace presque gênée se dessina alors sur le visage du militaire. « Oh ! Euh… j’étais en train de coucher Nolan… J’allai lui lire son histoire !» expliqua-t-il en désignant sa chambre du bout du doigt. « Tu devrais venir, il va être super content de te voir ! » Caleb voulait définitivement en savoir plus sur l’état de Loan et ce qu’il s’était passé durant son déploiement en Afghanistan, mais il ne pouvait pas faire attendre Nolan. Et puis, son fils devait la voir lui aussi, il avait tellement parlé d’elle pendant son absence ! C’est donc avec un certain enthousiasme que le jeune homme se dirigea de nouveau vers la chambre du petit garçon. Passant sa tête à la porte avec un large sourire, Caleb s’exclama : « Hé, Nolan ! Regarde qui est là ! »

Loan ne compta pas les secondes qui s’écoulèrent entre le temps où elle frappa à la porte et le moment où Caleb vint lui ouvrir. Elle était ailleurs, comme bien souvent depuis que son unité avait été retrouvée. Elle ne se considérait pas comme étant détruite de l’intérieur – elle avait caractère bien trop fort pour ça – toutefois la Philippine s’en savait pas loin. Jamais elle n’avait vu sa vie défiler sous ses yeux et jamais elle n’avait regretté le fait de faire partie de l’armée, pourtant elle avait eu peur pour elle, comment le nier ? Pendant plusieurs jours elle avait craint qu’à chaque fois qu’on venait la chercher se serait pour la dernière fois bien qu’elle ne soit pas parvenue à se faire une raison. Loan ne pouvait tout simplement pas accepter le fait de tomber au front parce que, finalement, sa sœur avait raison les Duke ne tombaient et au fond elle en était une quoi qu’elle dise ou pense, elle avait leur sang qui coulait dans ses veines. « Loan ! ». La jeune femme redressa lentement la tête, revenant à elle avec douceur tandis que son regard se posait sur le jeune homme face à elle.

Pas d’effusion … ça ne l’étonnait pas et elle s’en sentait rassurée tant ça lui donnait la sensation qu’ici, à New York, rien avait changé lui procurant une sensation de sécurité qu’elle n’avait pas ressenti depuis un petit moment. Caleb lui adressant un sourire, Loan en fit autant sans rien dire, le silence étant sa grande nouveauté depuis son retour. « T’es enfin rentrée ! Est-ce que ça va ?! ». Une fois dans l’entrée de l’appartement de l’américain, la jeune femme lui fit face et opina du chef à sa première phrase mais resta muette et figée concernant sa question. Est-ce qu’elle allait bien ? Elle-même ne le savait pas réellement même si les médecins étaient unanimes sur le fait qu’elle risquait de subir tous les signes d’un choc post-traumatique. Frissonnant en contact de la main de Caleb dans ses cheveux, Loan ferma les yeux une fraction de seconde en serrant sa mâchoire. Même les simples gestes éveillaient une réflexe de peur dans les premiers temps, mais lui elle le connaissait depuis toute petite et ne pouvait pas en avoir peur « J’ai appris que vous aviez eu des problèmes, qu’est-ce que… ». Malgré le fait que sa question soit lancée et que Loan en connaissait le sujet, les deux jeunes gens furent arrêtés dans leur début de conversation par cette voix enfantine que la Philippine avait espéré sans arrêt réentendre un jour et qui lui permit de sourire légèrement en l’entendant enfin.

« Oh ! Euh… j’étais en train de coucher Nolan… J’allai lui lire son histoire ! Tu devrais venir, il va être super content de te voir ! ». Elle tourna la tête en direction de la chambre que Caleb désigna puis le suivit en silence jusque dans cette dernière lorsqu’il passa devant elle et lui fit comprendre de venir, ce pour quoi elle ne se fit pas prier. « Hé, Nolan ! Regarde qui est là ! ». Si elle n’avait pas ressenti une seule trace de stress jusqu’à présent voilà qui était chose faite. Même si Loan avait espéré voir son fils depuis des jours son estomac se noua tout de même d’angoisse quand elle approcha de la porte de sa chambre et lui apparu enfin. Toutefois, le sourire qui étira les lèvres de Nolan lorsqu’il la vit fit tout disparaître comme par magie. « Salut bonhomme … » dit-elle en allant s’installer sur le bord du lit du garçon en ébouriffant ses cheveux blonds au passage. « Il faut que tu arrêtes de grandir comme ça, tu vas vite dépasser ton père sinon. ». Nolan ne prononça pas le moindre mot et se pencha vers elle pour effleurer de sa petite main les blessures sur son visage, le regard sévère avant de lui adresser un sourire. « Et toi tu es toujours aussi belle. ». Un rire lui échappa éveillant une douleur au niveau de sa blessure à l’abdomen bien qu’elle n’en laissa rien voir puis reporta son attention vers Caleb. « Tu veux peut-être que je vous laisse tous les deux le temps que tu lui lises son histoire ? ».

Dès l’instant où il avait aperçu le visage de Loan dans l’encadrement de la porte, Caleb avait un peu eu l’impression de revivre. Comme si son cœur se remettait soudainement à battre, comme s’il s’était empêché de respirer normalement depuis son départ… Son retour était un soulagement qu’il n’aurait jamais imaginé être aussi grand. Car quoi qu’il en dise et quoi qu’elle fasse, la trahison de Loan n’était toujours pas sortie de l’esprit du militaire. Malgré le temps qui était passé sur cette histoire, malgré la présence de Nolan et ces sentiments encore à vif qu’il croyait ressentir pour elle, il lui en voulait toujours. Mais à ce moment précis, toutes ces considérations passaient bien après le fait qu’elle soit rentrée vivante. D’ailleurs, ce n’est que l’appel de son fils qui parvint à détacher le regard de Caleb du visage de la jeune femme. C’est donc avec un enthousiasme non dissimulé que le jeune homme entraîna Loan vers la chambre du petit garçon. S’effaçant devant elle pour la laisser entre, le jeune père se contenta de rester dans un coin de la pièce, observant en silence la scène qui se déroulait sous ses yeux. Et à vrai dire, il ne fut pas déçu. Le seul fait de croiser le regard illuminé de Nolan suffit à lui faire afficher un sourire qui ne semblait plus vouloir se détacher de ses lèvres.

Comme s’il avait été un simple spectateur extérieur à ces retrouvailles, Caleb s’était appuyé contre l’encadrement de la porte de la chambre, en portant un regard des plus attendris en direction de Loan et Nolan. Ce n’est que lorsque la jeune femme lui adressa la parole qu’il sembla sortir de cette espèce de torpeur dans laquelle il s’était plongé en les regardant. « Oh non ! » s’exclama-t-il après avoir capté le regard malicieux de son fils. « Je crois que c’est plutôt moi qui vais vous laisser ! » Déjà, le petit garçon attrapait son livre pour le tendre à Loan avec un grand sourire. Caleb lança un regard amusé à la jeune femme, puis lui adressa un léger hochement de tête, comme pour lui assurer qu’elle pouvait le faire et que tout allait bien se passer. Puis il s’éclipsa discrètement, laissant place à ce qui s’annonçait être le tout premier moment de réelle intimité entre Nolan et sa mère.

Installé dans le canapé du salon, Caleb n’avait pas osé aller déranger ce qu’il se passait dans la chambre de Nolan. Il tenait réellement à ce que ce moment privilégié reste entre Loan et son fils, et ne voulait en aucun cas s’immiscer entre eux. Un sourire attendri étirait toujours ses lèvres et tout en tendant l’oreille, Caleb attendait avec une certaine impatience le retour de la jeune femme qui lui donnerait à coup sûr ses impressions…

Même si son regard était porté en direction de Caleb elle continuait de porter une certaine attention à Nolan en le gardant près d’elle comme s’il était la chose la plus précieuse qu’y soit. À vrai dire c’était le cas et la jeune femme regrettait sincèrement d’avoir mis trois ans pour s’en rendre compte, d’avoir mis autant de temps à comprendre son erreur bien qu’elle se rattrapait au mieux depuis qu’elle avait finalement accepté de rentrer dans la vie du petit garçon et d’assumer son rôle de mère – du moins elle essayait. Nolan était l’une des personnes à laquelle elle s’était accrochée lorsqu’elle avait été prise en otage. Le visage du petit garçon l’avait aidé à tenir et Loan s’était persuadée que s’il y avait bien une personne pour qui elle devait venir c’était pour cet enfant … lui parmi bien d’autres personnes de son entourage. « Oh non ! ». Incapable de cacher sa surprise, la Philippine fronça son nez sans quitter Caleb des yeux pour tenter de comprendre avant même qu’il n’explique sa réponse, mais ce fut en vain.

« Je crois que c’est plutôt moi qui vais vous laisser ! ». La jeune femme ouvrit la bouche, prête à protester mais déjà elle sentait le livre se cogner doucement contre son bras la forçant à détourner son regard vers Nolan pour ensuite lui adresser un sourire. Le père de l’enfant ne tarda pas à s’éclipser comme prévu laissant ainsi Loan seule en compagnie de Nolan. La jeune femme lui ébouriffa à nouveau les cheveux et prit place sur le petit lit du garçon, s’y installant aussi confortablement que possible tandis que Nolan se blottissait déjà contre elle. « Peter Pan, hein ? » Dit-elle en regardant la couverture du livre juste avant d’ouvrir ce dernier. C’était une des histoires qu’elle avait préféré au cours de son enfance simplement parce qu’elle avait rêvé de rester une enfant toute sa vie ou plus exactement de rester âgée de dix ans afin de ne jamais quitter Palapag. Concentrée dans la lecture du texte, Loan ne tarda pas à partir elle-même dans l’histoire et ce ne fut qu’en sentant la tête de Nolan tomber lourdement contre elle qu’elle cessa de lire pour poser les yeux sur l’enfant qui s’était endormi.

Un petit sourire étira ses lèvres tandis qu’elle se penchait en avant afin de déposer un baiser sur le sommet de sa tête. Se levant aussi lentement que possible, elle l’allongea correctement et le borda avant de poser le livre sur une étagère au hasard et quitta la chambre en fermant doucement la porte derrière elle pour éviter de le réveiller. Une fois le salon gagné et Caleb rejoint, Loan se laissa tomber à ses côtés en regardant droit devant elle pour finalement tourner la tête vers le jeune homme. « Je ne sais pas ce que vous avez fait, mais il est tombé d’un coup … » Dit-elle dans un sourire pour ensuite s’enfoncer un peu plus dans le canapé tout en cherchant une position moins douloureuse pour sa blessure à l’abdomen. « Merci … de m’avoir laissé lui lire cette histoire, ça m’a vraiment fait du bien. ». Désireuse d’éviter que Caleb ne se rende compte du fait qu’elle avait mal et qu’elle était surtout épuisée, la jeune femme était prête à se lancer dans n’importe quelle discussion. Toutefois, ceci dit elle se contenta juste de regarder l’Américain sans prononcer quoi que ce soit d’autre.

Le temps qu’il passa seul sur son canapé en sachant que Loan était juste à côté avec Nolan lui parut interminable. Caleb crevait d’envie d’aller les retrouver et pourtant, il se retenait. Après tout, ce qu’il voulait depuis le début, c’était que Loan retrouve son fils. Qu’elle s’autorise à avoir un minimum d’intimité avec lui, pour apprendre peu à peu à devenir une vraie mère pour lui. Et ce soir, c’était bel et bien la toute première fois qu’elle se retrouvait totalement seule avec son fils. Alors Caleb préféra rester en retrait, attendant tout simplement que la jeune femme revienne vers lui, certainement après que Nolan se soit endormi.

Ce n’est que quelques dizaines de minutes plus tard que Loan vint se laisser choir aux côtés de Caleb, sur son canapé. Intrigué, le jeune homme se redressa brusquement et dirigea un regard rempli de curiosité vers son ex-petite amie. Et la première chose qu’il remarqua avec une certaine satisfaction fut le petit sourire qu’elle affichait. « Je ne sais pas ce que vous avez fait, mais il est tombé d’un coup … » Se remémorant alors la soirée qu’il venait de passer avec son fils, le jeune militaire ne put s’empêcher de rire. Il n’y avait qu’à faire un tour dans la cuisine pour se rendre compte que les dernières heures avaient été agitées ! « Oh, euh… Disons qu’il a voulu m’aider à faire la vaisselle et… Ca a mal tourné ! » expliqua Caleb en levant les yeux au ciel. Son regard était plus qu’attendri et pourtant, le jeune homme ne savait pas très bien pourquoi. Etait-ce simplement le fait de repenser à ses heures de jeu avec Nolan ? Etait-ce la présence de Loan à ses côtés ? Ou le fait qu’elle ait enfin pu jouer son rôle de maman comme elle aurait toujours du le faire ? Quoi qu’il en soit, les désirs du jeune homme semblaient désormais à portée de main, et son fils allait visiblement pouvoir vivre entouré d’une « vraie » famille. Lorsque Loan le remercia, Caleb se contenta de lui répondre par un sourire. A vrai dire, c’était plutôt lui qui avait envie de lui dire merci. Merci pour ce qu’elle était en train de faire, et surtout pour avoir su l’écouter et lui donner raison quand il était revenu la chercher.

Mais pour l’heure, une seule chose inquiétait le militaire. Sans aucune transition, il se retourna donc vers Loan et observa les blessures qu’elle portait au visage. Caleb avait bien vu qu’elle se tortillait sur le canapé, comme si elle n’était pas à l’aise, comme si elle avait mal… Et tout ce qu’il espérait était qu’elle ne soit pas plus blessée que ce qu’il pouvait voir. « Maintenant, dis-moi ce qu’il s’est passé en Afghanistan, je veux tout savoir ! » s’exclama-t-il pour ramener la conversation au sujet qui l’intéressait. « Comment tu te sens ? Est-ce que ça va ? »

Loan n’avait que très peu vu son fils avant de partir et pourtant du peu qu’elle avait pu voir la jeune femme avait été forcée de remarquer que ce petit garçon aux airs angéliques était une véritable pile électrique. En bien des points elle avait eu l’impression de se voir petite en version masculine, évidemment, et voir que certaines histoires le passionnaient autant qu’elle à son âge avait eu comme effet de la rendre bien plus heureuse qu’elle n’avait pu l’être depuis son retour. Toutefois, même si la Philippine aurait aimé pouvoir passer plus de temps avec Nolan, elle fut soulagée que le petit garçon s’endorme aussi rapidement et ce sans doute parce qu’elle avait également grandement envie de passer du temps avec le père de ce dernier. « Oh, euh… Disons qu’il a voulu m’aider à faire la vaisselle et… Ca a mal tourné ! ». Un sourire amusé vint étirer les lèvres de la jeune femme qui en plus de s’imaginer la scène avait enfin trouvé une position un tant soit peu confortable sur le canapé. Habituellement, sa blessure ne lui faisait pas autant mal mais étant donné qu’elle avait quelque peu mis de côté le fait qu’elle devait se reposer pour venir jusque chez Caleb, si elle avait mal elle était la seule fautive et tenta de cacher sa douleur du mieux qu’elle le put.

Malheureusement, Loan avait parfois tendance à oublier que si elle connaissait l’Américain par cœur, il en allait de même dans le sens inverse. Ils avaient plus ou moins grandit ensemble – plus que moins d’ailleurs – et Caleb avait eu tout le temps d’apprendre à lire en elle aussi frustrant que ça soit pour la jeune femme. Lire l’inquiétude dans le regard du jeune homme l’aida à comprendre qu’il avait deviné sans le moindre mal que quelque chose n’allait pas. Loan avait beau garder la tête haute comme elle l’avait toujours fait et prétendre que tout allait bien, elle savait que son regard la trahissait à chaque fois et que Caleb savait très bien décrypter ce dernier. Deviner qu’il y avait plus que les quelques blessures sur son visage fût sans aucun doute facile pour lui et la Philippine compris très vite que bientôt elle allait devoir parler, qu’elle le veuille ou non et qu’elle allait également devoir se forcer à se rappeler au point qu’elle baissa les yeux comme pour se préparer à cet exercice. « Maintenant, dis-moi ce qu’il s’est passé en Afghanistan, je veux tout savoir ! ». Loan resta quelques instants de plus le regard rivé sur le tissu du canapé. Craignait-elle de croiser son regard plein d’inquiétude ? Totalement !

Ce qu’elle avait vécu, elle n’avait pas la moindre envie que d’autres personnes le vivent et même si elle n’avait pas à avoir honte de s’être fait piéger, sa fierté en avait tout de même pris un coup. « Comment tu te sens ? Est-ce que ça va ? ». Finalement, la demoiselle releva la tête et après une fraction de seconde au cours de laquelle elle hésita, elle planta son regard dans celui de Caleb en soupirant. « Ça peut aller … J’ai … j’ai juste du mal à dormir depuis mon retour. ». Loan se pinça doucement la lèvre inférieure et grimaça quelque peu avant de reprendre. « Je continu de penser que j’aurais dû deviner que quelque chose n’allait pas … on a été piégé par l’un de nos informateurs sur place et, hm … les souvenirs sont assez flous, mais si je suis devenue claustrophobe je saurais pourquoi. ». En réalité, elle n’avait pas la moindre envie d’aller fouiller dans sa mémoire pour trouver les souvenirs de cette période. Elle n’avait gardé en tête que le fait d’avoir été enfermée dans une tombe improvisée de laquelle elle avait été sortie que pour des interrogatoires qui lui avaient valu les blessures qu’elle avait au visage et le reste étaient flous. Sa blessure à l’abdomen, elle savait qu’elle la devait au jour de sa fuite mais elle ne se rappelait absolument pas comment elle avait réussi à s’échapper en sauvant ses hommes, alors cette balle encore moins.

Voir Loan sourire était déjà une petite victoire pour Caleb. En effet, tout sur son visage et dans ses expressions lui montrait qu’elle revenait de loin, et qu’elle venait de passer les semaines qui étaient probablement les pires de sa vie. Même s’il était rassuré de la voir près de lui en un seul morceau, le militaire avait bien du mal à cacher l’inquiétude qui l’envahissait peu à eu. Chaque parcelle de son visage sur laquelle il posait les yeux lui révélait une nouvelle blessure, et quelque chose lui disait que tout ça n’était qu’une infime partie de ce qu’elle avait pu subir. Il avait peut-être parfois tendance à exagérer un peu, encore plus lorsqu’il s’agissait de Loan mais cette fois, Caleb ne pouvait pas s’empêcher d’imaginer le pire. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il ne put attendre davantage, et lui demander de tout lui expliquer dans les moindres détails. A ses yeux, c’était la seule façon de se rassurer et même s’il comprenait que la jeune femme n’ait pas spécialement envie de revenir là-dessus, il était aussi persuadé qu’au fond, ça lui ferait du bien.

C’est donc en se tournant vers elle que Caleb tendit l’oreille, prêt à boire les paroles de Loan comme si sa vie en dépendait. Mais comme il aurait pu s’y attendre, la jeune femme resta très vague quant à ce qui lui était vraiment arrivé là-bas. Sans rentrer dans les détails, elle se contenta de lui annoncer qu’elle avait été trahie par un de ses informateurs et qu’elle pensait bien être devenue claustrophobe à la suite de cette « expérience ». Caleb put néanmoins discerner une pointe de culpabilité dans le ton que Loan avait adopté, et il ne put réprimer une légère grimace désolée. « Tu veux dire que… tu as été enlevée ? » demanda-t-il prudemment, histoire de ne pas réveiller trop brusquement des souvenirs qu’il imaginait désagréables. Néanmoins, la curiosité finissait toujours par l’emporter sur sa délicatesse, et tout en scrutant le visage blessé de la jeune femme, Caleb ajouta : « Est-ce que… Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? Tu… tu es blessée… » Cette fois en revanche, son ton n’avait plus rien d’interrogatif. La façon dont elle s’était installée sur le canapé ne laissait que très peu de place au doute, et Caleb voulait savoir. Il voulait s’assurer qu’elle allait bien ou que, si ce n’était pas le cas, on s’occupe d’elle comme il le fallait. Une nouvelle fois il de se retenir d’esquisser le moindre geste, mais l’envie de la toucher, de la rassurer était grande. Plus pour lui que pour être réellement entendu, le militaire murmura : « Je me suis tellement inquiété… Nolan n’arrêtait pas de parler de toi… »

OH J'avais pas vu que
c'était aussi petit Je me rattraperai...

S’étaler sur le sujet de son enlèvement – puisque c’était bien de ça dont il s’agissait – n’était pas ce qu’elle avait prévu. Cependant, elle savait qu’elle ne pourrait pas échapper à la curiosité de Caleb tout simplement parce que son inquiétude le poussait souvent à vouloir tout savoir et qu’elle le connaissait depuis des années faisant d’elle la mieux placer pour le savoir. Qu’il soit celui qui allait la pousser à parler n’était finalement pas ce qui pouvait la déranger. C’était avouer qu’elle s’était fait piéger comme une débutante qui l’agaçait parce que la jeune femme était une personne un peu trop fière lorsqu’elle le voulait bien voire même très souvent. Mais si elle devait parler de ce qui s’était passé à quelqu’un c’était bien à Caleb parce que lui aussi était bien placé pour la comprendre. Tous les deux étaient militaires. Loan avait intégré l’armée par obligation alors qu’elle savait que pour le jeune homme c’était par choix, pour rendre fier l’homme qu’il considérait comme un père et que la Philippine avait fini par haïr définitivement. Mais Caleb … elle avait confiance et si des deux il y avait une personne à détester c’était bien elle, pour ce qu’elle avait pu lui faire trois ans auparavant et pourtant il était là, près d’elle à s’inquiéter de son état, de sa santé et de ce qui avait pu lui arriver. Il y avait de quoi. Loan ne pouvait pas dire le contraire. Ce qu’elle avait vécu était si affreux que même son cerveau tenait à l’épargner en l’aidant à oublier, du moins lorsqu’elle était consciente.

Les cauchemars qu’elle faisait à répétition chaque nuit semblaient être là pour lui mener la vie dure, pour lui rappeler qu’une épreuve comme celle à laquelle elle avait survécu ne pouvait pas être oubliée aussi facilement. Si la jeune femme était aussi évasive ce n’était pas uniquement pour ne pas inquiéter l’Américain, c’était aussi parce qu’elle avait bien du mal à se souvenir de tout lorsqu’elle se forçait à le faire. La Philippine ne maîtrisait que les grandes lignes et pourtant elle avait essayé de se souvenir de plus que le simple fait qu’elle était tombée dans une embuscade et qu’elle n’avait pas eu plus de valeur que les cadavres qu’elle avait pu voir dans le camp où elle avait été faite captive. « Tu veux dire que… tu as été enlevée ? » De nouveau elle avait tenté d’entrer un peu plus profondément dans sa mémoire pour essayer d’obtenir plus d’informations même si pour ça elle devait se remémorer les cauchemars qu’elle faisait à chaque fois que le sommeil la gagnait, mais rien. A la place, elle posa son regard sur Caleb et resta silencieuse, un silence qui ne faisait que confirmer ce qu’il venait de demander. Oui, elle avait été enlevée parce qu’aux yeux de leurs ennemis avoir des militaires Américains sous la main pouvait parfois servir de moyen de pression, mais malheureusement l’unité de Loan n’avait pas eu assez de valeur. La jeune femme se souvenait de ça à présent … Elle se souvenait avoir compris que si elle ne sauvait pas ses hommes et sa peau, ils n’allaient pas faire long feu et c’était probablement ce qui l’avait motivé à trouver par tous les moyens une façon de s’en sortir. « Est-ce que… Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? Tu… tu es blessée… » Blessée … elle l’était, c’était une certitude.

Les quelques blessures visibles n’étaient pas grand-chose comparé à celle que son égo devait encaisser, mais Loan était bien trop fière pour l’avouer d’autant plus qu’elle s’était forcée à mûrir et à tenter de devenir un peu moins la jeune femme qu’elle avait pu être avant son départ. « Je me suis tellement inquiété… Nolan n’arrêtait pas de parler de toi… » La jeune femme se mordilla la lèvre inférieure avant de lui adresser un sourire désolé. Elle n’avait pas voulu l’inquiéter, jamais ! Pourtant ça ne la surprenait pas plus que ça, ce qui était une surprise fut d’entendre le fait que Nolan avait parlé d’elle. Dans sa poitrine elle sentit son cœur se serrer et ses yeux ne tardèrent pas à picoter même si elle parvint à ravaler ses larmes. « Je vais bien Caleb … Je vais mieux depuis que je suis rentrée. Je … j’ai juste du mal à dormir. » Avoua-t-elle dans un soupire. Elle voulait le rassurer sans pour autant lui cacher la vérité concernant ses insomnies, après tout qu’elle intérêt allait-elle trouver dans le fait de lui cacher ceci ? « Il a vraiment parlé de moi ? » Elle avait besoin de changer de sujet, de s’éloigner le plus possible de ce qu’elle avait pu vivre pour se focaliser sur quelque chose de plus joyeux comme l’intérêt que son fils pouvait lui porter. La Philippine ne regrettait pas un seul instant le fait d’avoir cédé et d’avoir pris le temps de connaître Nolan. Ce petit garçon avait toujours fait partie d’elle malgré le choix qu’elle avait pu faire à sa naissance et avoir une chance de se rattraper était le plus beau cadeau qu’on puisse lui faire, ça et le fait que le petit garçon semblait tenir vraiment à elle.

c'est plus long que je le pensais XD comment écrire pour ne rien dire

Caleb savait bien que la jeune femme devait avoir envie de parler de tout sauf de son séjour en Afghanistan. Mais il ne pouvait décidément pas s’empêcher de lui poser une myriade de questions… Et pourtant, il essayait de se raisonner à chaque fois, mais la curiosité finissait toujours par l’emporter. Autant dire que son empressement était à la hauteur de l’inquiétude et la peur qui l’avait ressenties en la sachant si loin de lui et surtout, en si mauvaise posture. Car même s’il ne connaissait pas les détails, Caleb avait apprit de source professionnelle que tout n’allait pas pour le mieux pour l’unité de Loan , et cela n’avait fait qu’alimenter les pires scénarios qu’il avait imaginés. Mais malgré son insistance, la jeune femme semblait vouloir rester désespérément muette. Ceci dit, il n’en fallait pas plus à Caleb pour comprendre. Un simple regard qu’elle lui adressa, cette expression dans ses yeux… Le militaire sut immédiatement qu’il avait tapé en plein dans le mile. Sa première inquiétude était donc confirmée : Loan avait été enlevée. Mais désormais, il lui restait à savoir d’où venaient ces blessures sur son visage, mais aussi et surtout si elle ne lui en cachait pas d’autres bien plus graves.

« Je vais bien Caleb … Je vais mieux depuis que je suis rentrée. Je … j’ai juste du mal à dormir. » répéta-t-elle en soupirant. A vrai dire, Caleb ne savait pas s’il devait entièrement la croire ou non. Il la connaissait assez bien pour savoir qu’elle ne voudrait pas l’inquiéter et pourtant… Loan devait certainement ignorer que le fait de ne pas connaître la vérité était bien pire aux yeux du militaire. Mais devant l’air complètement perdu de son ex-petite amie, le jeune homme n’eut pas le cœur à la pousser plus loin. Si elle ne voulait rien dire de plus, cela signifiait peut-être qu’il n’y avait rien de plus à raconter ! Après tout, quel intérêt aurait-elle à lui mentir ? Et puis si elle avait envie de lui parler de ces incidents, elle devait savoir qu’elle pourrait le faire à n’importe quel moment. Caleb était là, et il le serait pendant encore longtemps. Et tout ça, c’était en grande partie grâce à Nolan. Car même si le militaire n’avait jamais vraiment oublié sa belle, c’est d’abord pour son fils qu’il était venu la retrouver et la solliciter.

C’est d’ailleurs le petit garçon qui très vite, et malgré son absence, s’imposa dans leur conversation. « Il a vraiment parlé de moi ? » s’exclama-t-elle les yeux brillants. Caleb était bien conscient que c’était une manière pour elle de changer de sujet, mais il l’accepta sans rechigner. Après tout, il lui devait bien ça. « Oui ! Il me demandait où tu étais, si tu allais venir bientôt… » énuméra-t-il en souriant tendrement. Puis il se tourna un fois de plus vers Loan, planta ses yeux dans les siens et ajouta : « Je crois que tu lui as manqué… au moins autant qu’à moi. »

Elle se surprenait à apprécier l’inquiétude qu’il éprouvait pour elle tout en s’efforçant de ne pas le montrer. Pendant plusieurs années après leur rupture et surtout après qu’il ai su ce qu’elle avait toujours eu en tête, la jeune femme s’était efforcée de le faire sortir de sa tête et elle y était plutôt bien parvenue. Elle avait éloigné d’elle tout ce qui pouvait lui rappeler un tant soit peu Caleb et aussi triste que ça soit à dire, si elle avait fait le choix d’abandonner Nolan à la naissance c’était également par crainte que son petit garçon lui rappelle trop son père. C’était de l’égoïsme pur, elle en avait bien conscience aujourd’hui, toutefois à l’époque elle avait jugé que c’était la meilleure chose à faire, ça et cacher au fin fond d’un carton toutes les photos sur lesquelles elle aurait pu voir celui qui était son demi-frère par alliance mais également l’homme qu’elle avait sincèrement aimé pour la première fois. Jamais elle ne se serait attendue à ce qu’il décide d’élever Nolan et encore moins attendue à ce qu’il débarque dans sa vie du jour au lendemain avec leur fils et le désir qu’elle assume enfin son rôle de mère. Certes, elle l’avait très mal pris au départ, mais Loan avait eu le temps de mettre sa fierté de côté et de remarquer que finalement elle avait besoin de son fils auprès d’elle tout comme Nolan avait besoin de sa mère près de lui. Elle était donc plutôt heureuse que Caleb se soit imposé à elle, qu’il ne l’ait pas laissé s’en sortir aussi facilement avec le choix qu’elle avait pu faire trois ans auparavant. En peu de temps, l’attachement qu’elle avait pu éprouver pour l’Américain était revenu petit à petit la laissant dans le désarroi le plus total et ce surtout lorsqu’elle avait appris son départ proche pour l’Afghanistan.

Même si elle ne comptait pas l’avouer de sitôt, car après tout elle restait assez fière malgré ce qu’elle avait pu vivre, parmi les personnes auxquelles elle avait pensé pour tenir le coup, Caleb était en tête de liste avec Nolan et le voir s’inquiéter autant pour elle lui faisait du bien et lui montrait qu’elle avait bien fait de se battre pour tenir et survivre même si elle n’avait pas spécialement de souvenirs de ce qu’elle avait vraiment pu faire pour s’en sortir. L’entendre dire que leur fils avait demandé après elle était une toute autre chose, une fierté pour la jeune femme qui en était sincèrement touchée. Ils n’avaient pas passé beaucoup de temps ensemble avant son départ, mais c’était à croire que lien qui unissait la mère et son fils restait fort et indestructible malgré le fait qu’il avait passé les trois premières années de sa vie sans elle. Loan se serait écoutée, il aurait été probable qu’elle se soit mise à pleurer, touchée par ce fait mais aussi fatiguée par ce qu’elle avait pu endurer jusqu’à ce jour. « Oui ! Il me demandait où tu étais, si tu allais venir bientôt… » Pour parvenir à se contenir un peu plus longtemps, la Philippine mordit l’intérieur de sa joue avec force et ravala les larmes qui venaient l’assaillir. Elle avait d’autant plus l’envie de se lever et de retourner dans la chambre de Nolan afin de le serrer contre elle dans l’espoir de ne plus jamais être séparée de son fils. À la place, elle resta assise près de Caleb et lui adressa un sourire en continuant de se battre pour ne pas craquer même si ce n’était pas l’envie qui lui manquait. « Je crois que tu lui as manqué… au moins autant qu’à moi. » Si la jeune femme avait fini par baisser les yeux pour fixer le tissu du canapé sur lequel ils étaient tous les deux assis, en entendant les paroles de Caleb elle releva brusquement la tête et le regarda avec une pointe de surprise non dissimulable.

La Philippine continua de le fixer sans être capable de prononcer le moindre mot, la bouche semi ouverte tout en sentant son cœur manquer un battement sans parvenir à se détacher de lui. Elle avait le souffle court et était bien incapable d’arrêter de répéter encore et encore les paroles de Caleb dans sa tête pour vérifier si elle était en train de rêver ou s’il les avait bien prononcé. Finalement, lorsqu’elle fut convaincue que tout ceci était bien réel et alors qu’elle s’apprêtait à répliquer, une grimace déforma son visage tandis que le jeune femme mordit sa lèvre pour tenter de faire passer la nausée que la gagnait mais rien à faire. Ainsi, sans même prendre le temps de s’expliquer – de toute manière elle n’aurait pas eu le temps – Loan se leva précipitamment du canapé et rejoignit la salle de bain à toute vitesse bénissant sa mémoire de ne pas avoir effacé de son esprit le chemin pour s’y rendre. Malgré le fait qu’elle n’ait pas mangé grand-chose depuis son retour elle ne put garder plus longtemps le peu qu’elle avait dans son estomac et resta près des toilettes bien que sa nausée soit passée, passant une main sur son visage pour tenter de calmer les tremblements qui la gagnaient à chaque fois qu’elle se sentait aussi malade. Elle savait que les médicaments qu’on lui avait prescrit et qu’elle était dans l’obligation de prendre pour ses blessures ne l’aidaient pas à se sentir en pleine forme, mais Loan n’avait pas pensé au fait qu’elle pourrait se sentir aussi mal et surtout aussi faible, bien incapable de se relever même si elle l’avait voulu. Ce ne fut qu’après quelques secondes qui lui semblèrent être une éternité qu’elle trouva la force de se relever et de se traîner jusqu’au lavabo où elle se passa de l’eau froide sur le visage pour ensuite se maintenir debout à l’aide de ses bras en appuient sur le bord de l’évier bien que ces derniers continuaient de trembler comme jamais.

Elle parle pas pardon, pardon, pardon

L’émotion de Loan était plus que palpable et pourtant, Caleb ne cessa pas de lui parler de Nolan, ni même de ce qu’il avait pu ressentir durant son absence. Bien au contraire, il avait en tête de lui faire comprendre qu’elle leur avait manqué, et surtout qu’il était extrêmement soulagé de la voir revenir en un seul morceau. Caleb n’avait jamais été très doué pour ce genre de discours d’ailleurs, mais en face de la jeune femme tout était différent. Comme si son cœur parlait à sa place, oubliant par la même occasion sa raison, il parvenait tout à coup à s’exprimer librement et à lui confier ce qu’il avait tenu au secret jusqu’à maintenant. Car le militaire s’était en effet bien gardé de dire à qui que ce soit que Loan lui manquait, et qu’il n’avait de cesse de penser à elle, jour et nuit, se demandant à chaque seconde si elle était encore vivante. Il avait bien « dérapé » une fois en allant voir Tayla pour avoir plus de nouvelles, mais cette visite constituait bel et bien la seul faiblesse qu’il s’était autorisée. Et de toute manière, il se devait de se montrer fort et de masquer la moindre de ses émotions devant son fils. Car même s’il n’avait eu aucune information rassurante pendant la mission de Loan, Caleb avait du continuer à rassurer Nolan en lui assurant que sa mère allait bien, et qu’elle reviendrait bientôt.

Les yeux de la jeune femme semblaient être littéralement figés sur lui et pourtant, Caleb ne se déroba pas. Au lieu de ça, il soutint plutôt son regard en affichant un léger sourire, attendant avec fébrilité mais aussi une certaine impatience qu’elle réagisse à l’aveu qu’il venait de lui faire. Mais à sa plus grande surprise, alors qu’il pensait avoir une réponse imminente, il vit l’expression de la jeune femme se transformer. Et sans qu’il n’ait le temps de lui demander quoi que ce soit, cette dernière décampa rapidement en direction de la salle de bain. Caleb suivit sa course des yeux d’un air éberlué, se retrouvant donc seul sur le canapé sans rien comprendre. Ses sourcils étaient froncés, et il ne lui fallut pas bien longtemps pour se redresser à son tour et aller voir ce qu’il pouvait bien se passer. Le militaire était bien conscient d’être indiscret, mais il en allait de la santé de Loan et face à ça, il pouvait tout s’autoriser. Les bruits sans équivoques qui provenaient de la salle de bain au fur et à mesure qu’il avançait apportèrent d’ailleurs une première réponse à Caleb. Près de la porte, il hésita quelques instants mais n’entendant plus aucun bruit, se permit d’entrer dans la pièce avec précaution. « Loan ? » demanda-t-il en s’efforçant de ne pas parler trop fort pour ne pas réveiller Nolan. En voyant les bras de la jeune femme trembler, le militaire s’approcha davantage et posa doucement une main sur son épaule. « Hey… Qu’est-ce qu’il se passe ? Tu… tu te sens pas bien ? T’es malade ? » Caleb la regardait à travers le miroir qui trônait en face d’eux, et n’eut donc aucun mal à constater que Loan était au moins aussi blanche que le carrelage environnant. « Tu es toute pâle… Viens t’allonger. » ordonna-t-il en l’entrainant avec lui sans vraiment lui demander son avis. Passant son bras autour de ses épaules pour la soutenir comme il le pouvait, Caleb emmena alors Loan jusqu’à sa propre chambre afin de l’allonger sur son lit. Et sans même lui demander plus d’explications, il fila de nouveau vers la salle de bain. Quelques instants plus tard, le militaire venait s’asseoir près de Loan en lui posant un gant humide sur le front. « Ca va comme ça ? »

D’aussi loin que remontait sa mémoire, jamais elle ne s’était sentie aussi mal. Elle avait été malade par le passé – comme tout le monde – toutefois, elle aimait à croire que, comme son caractère, son système immunitaire était bien trop entêté pour laisser une quelconque maladie l’abattre. Elle avait eu quelques rhumes, des maladies un peu plus insupportables comme la grippe qui l’avait cloué une bonne semaine dans son lit avec une fièvre à la limite du supportable, mais jamais elle n’avait autant tremblé et été nauséeuse, pas même lorsqu’elle attendait Nolan. La jeune femme savait que c’était l’accumulation des symptômes de sa grossesse et de ses blessures de guerre qui la mettaient dans un tel état, mais fière comme elle pouvait l’être, elle ne supportait pas le fait de se sentir aussi faible. Pourtant, ce n’était pas la première fois qu’elle revenait blessée du front. À chaque fois elle connaissait le risque qu’elle courrait. Elle savait qu’il y avait des chances pour qu’elle revienne les pieds devant … si tant est qu’elle revienne en un seul morceau et la Philippine l’avait toujours accepté, toutefois cette fois c’était différent. Elle avait conscience de son imprudence et de son égoïsme quant au fait qu’elle était partie pleinement consciente de son état, mais son sens du devoir avait toujours été plus fort que le reste bien qu’à présent elle s’en mordait les doigts. Loan aurait préféré ne pas partir, avouer cette grossesse quitte à se faire remonter les bretelles pour ne pas en avoir parlé plus tôt mais c’était une chose sur laquelle elle ne pouvait pas revenir.

La jeune femme devait seulement se contenter des choix qu’elle avait fait – toujours aussi catastrophiques que par le passé – mais également de l’état dans lequel elle se trouvait à présent. Tremblant comme une feuille, elle peinait à se maintenir debout face au lavabo de la salle de bain sur lequel elle avait pris appuie. Elle voulait à tout prix se reprendre et revenir auprès de Caleb sans l’inquiéter plus qu’elle n’avait déjà pu le faire depuis qu’elle était arrivée mais ce fut sans compter sur la curiosité de ce dernier. Elle ne l’avait pas entendu arriver, bien trop concentrée sur l’effort de calmer ses tremblements et de faire disparaître ses crampes d’estomac. La Philippine ne l’entendit même pas prononcer son prénom et prit conscience de la présence de Caleb que lorsque ce dernier se retrouva près d’elle, la faisant quelque peu sursauter lorsque son regard se posa sur le reflet de l’Américain. « Hey… Qu’est-ce qu’il se passe ? Tu… tu te sens pas bien ? T’es malade ? » Son regard croisa celui du militaire uniquement par le biais du miroir devant eux. Elle aurait souhaité lui répondre qu’elle allait bien, que c’était uniquement un effet secondaire des médicaments qu’elle devait prendre, mais Loan refusait de mentir, pas alors qu’elle s’était faite la promesse d’être la plus sincère possible avec lui. Alors, elle resta silencieuse et grimaça en guise de réponse, ses bras continuant de trembler bien malgré elle. « Tu es toute pâle… Viens t’allonger. » Loan se laissa faire docilement. Elle n’opposa aucune résistance et se laissa emmener dans la chambre de Caleb puis s’allongea sur le lit de ce dernier non sans grimacer à cause de la douleur qui se réveilla une nouvelle fois au niveau de son abdomen. Elle le regarda s’éloigner en silence, sourcils froncés et curieuse de savoir où il se rendait lorsqu’il revint enfin muni d’un gant humide qu’il posa doucement sur son front.

« Ça va comme ça ? » L’inquiétude et l’intérêt dont il fit preuve eu comme résultat de faire manquer un battement à son cœur. Elle n’avait pas pour habitude que l’on s’occupe autant d’elle et ce sans doute parce qu’au cours de toutes ces années elle avait repoussé toute aide de peur qu’il ne s’agisse que de pitié. Cependant, elle savait que concernant Caleb ce n’était pas le cas et c’était sans doute ce qui la touchait le plus. « Ça va … » Sa voix fut bien plus tremblante qu’elle ne l’aurait souhaité, mais elle était tout de même parvenue à parler. Son regard s’accrocha à celui du militaire et Loan tenta un sourire qui dû sans nulle doute ressembler plus à une grimace qu’à autre chose. « C’est … uniquement les médicaments. » Certes, elle avait promis de ne plus mentir, mais ces paroles n’étaient pas un mensonge, la Philippine omettait volontairement sa grossesse refusant de gâcher ce moment sans une once de rancœur ou de méfiance qu’ils partageaient enfin. « Et probablement la fatigue aussi. » Elle était épuisée, mais sa peur de dormir était bien plus imposante que son manque de sommeil si bien qu’elle s’efforçait souvent à dormir que très peu afin d’éviter tous les cauchemars qui, de toute manière, venaient perturber son repos. « Tu veux bien rester avec moi ? Uniquement le temps que je m’endorme … j’y arriverais mieux que toute seule … » Demanda-t-elle maladroitement sans être véritablement sûre que ce soit le bon moment pour une telle requête. Toutefois, Loan ne dévia pas son regard qui s’était fait bien plus suppliant d’un coup. Elle souhaitait réellement qu’il reste auprès d’elle et qu’il lui permette de trouver le sommeil plus rapidement puisqu’après tout Caleb lui apportait une sensation de sécurité due au fait qu’elle le connaissait par cœur.

Tout s’était passé tellement vite que Caleb n’avait pas réellement eu le temps de se poser trop de questions. Il s’était bien demandé où elle allait lorsqu’il l’avait vue déguerpir en courant, au moment même où il lui avouait qu’elle lui avait terriblement manqué. Mais dès l’instant où il avait vu sa mine blafarde et ses membres tremblants, Caleb avait oublié toutes ses questions. La seule chose qui l’avait alors préoccupée était d’aller allonger Loan, pour éviter qu’elle ne s’évanouisse au beau milieu de la salle de bain. Et le militaire avait beau essayer d cacher son inquiétude, il devait bien s’avouer qu’il n’était qu’un piètre comédien. Après avoir installé Loan, il s’empressa d’aller lui chercher un gant humide, qu’il vient délicatement poser sur son front. « Ça va … C’est … uniquement les médicaments. Et probablement la fatigue aussi.” se justifia-t-elle d’un voix si faible et tremblante que le jeune homme ne put réprimer le geste tendre qui le démangeait depuis un bon moment déjà. Sa main vint alors se poser sur les cheveux de son ex-petite amie, et il les caressa pendant un long moment, restant silencieux et ne lâchant pas le regard de Loan une seule seconde. Mais alors qu’il semblait la contempler, une toute autre scène se tramait déjà dans son esprit. Caleb ne voulait pas inquiéter Loan outre mesure et tout en faisant comme s’il n’avait rien relevé, il érigeait déjà un monticule de scénarios pouvant expliquer la raison pour laquelle elle prenait des médicaments. Seulement voilà, dans l’état où elle était, le militaire ne se sentait pas le cœur à l’ennuyer avec ça. Alors il attendrait. Demain, un autre jour, peut-être une semaine… Mais une chose était certaine : il exigerait des explications claires un jour ou l’autre.

Ce ne fut que la voix de Loan qui l’extirpa brusquement de ses pensées, le faisant presque cligner des yeux comme s’il se réveillait. « Tu veux bien rester avec moi ? Uniquement le temps que je m’endorme … j’y arriverais mieux que toute seule … » Ses caresses qui n’avaient jamais cessé sur les cheveux de Loan s’arrêtèrent quelques instants, le temps qu’il comprenne ce qu’elle attendait de lui et qu’il se décida à répondre. « Je… oui, oui bien sûr ! » balbutia-t-il, un peu surpris. Puis il se laissa glisser pour s’asseoir au pied du lit, et pivota pour pouvoir « surveiller » Loan à son aise. Il lui adressa alors un sourire bienveillant et ajouta : « Je reste ici, tu peux dormir tranquille… Je suis là. »

Le jeune homme aurait été incapable de dire combien de temps il fallut à Loan pour s’endormir, mais jusqu’à ce que sa respiration se fasse plus lente et apaisée, Caleb ne pensa qu’à une seule chose : ces médicaments. Et tout devenait de plus en plus clair dans son esprit : Loan lui avait forcément caché quelque chose. Une chose qui devait forcément avoir un rapport avec sa mission en Afghanistan, ce qui expliquait qu’elle n’ait pas envie d’en parler. Caleb passa encore un long moment immobile, près d’elle, à l’observer avec un regard tendre et inquiet à la fois. Puis il se releva doucement, et quitta la chambre sans faire de bruit. En arrivant dans le salon, Caleb s’allongea sur son canapé en soupirant et laissa son esprit se remettre à cogiter à toute vitesse. Mais au bout de plusieurs dizaines de minutes, la fatigue fut plus forte et le jeune homme sombra peu à peu dans un sommeil profond.

Elle avait une peur bleue de dormir toute seule depuis son retour et pourtant elle savait qu’elle allait y être obligée une fois de retour dans son appartement. Elle vivait seule et au vu de cette peur qui l’envahissait à chaque fois qu’elle se devait de fermer les yeux, il y avait fort à parier qu’elle allait passer un grand nombre de nuits sans dormir que ça soit mauvais pour elle ou non. Cependant, ce soir Caleb était avec elle ou plus exactement elle était avec lui et la jeune femme ressentait bien moins la peur de dormir bien que cette dernière soit toujours là, quelque part en elle. Néanmoins, elle ne voulait pas fermer les yeux en étant seule dans cette pièce même si elle savait que le militaire n’était pas loin, elle refusait de fermer les yeux si personne n’était à côté d’elle. À son retour d’Afghanistan, et lorsqu’elle avait été confiée aux bons soins des médecins, elle avait toujours eu de la compagnie, l’assurance qu’une infirmière passerait plusieurs fois pour s’assurer que tout allait bien et pour vérifier ses constantes et c’était sans doute la seule raison qui aurait pu la pousser à rester à Fort Hamilton, mais elle était sortie, trop fière pour dire quoi que ce soit. À présent elle se retrouvait avec cette peur et elle ne voulait pas voir Caleb s’éloigner d’elle, elle voulait qu’il reste auprès d’elle pour lui apporter un tant soit peu de sécurité et c’était ce qui l’avait poussé à lui demander de bien vouloir rester avec elle.

Pas une seule minute Loan n’avait pensé au fait qu’avec leur passé sa demande pouvait avoir quelque chose de gênant sans doute parce qu’elle avait bien compris que malgré toute la rancœur que l’Américain pouvait éprouver à son sujet, il n’en restait pas moins inquiet pour elle lorsqu’elle allait mal mais surtout il était toujours attaché à elle, comme elle-même pouvait l’être à lui sans se l’avouer. La Philippine appréciait sa présence comme par le passé même si cette fois il n’y avait plus de mensonge entre eux, juste quelques omissions qu’elle faisait volontairement pour ne pas gâcher ce moment où tous les deux se retrouvaient. « Je… oui, oui bien sûr ! » Loan lui adressa un faible sourire. Elle ôta le gain de sur son front en sachant qu’une fois endormie il finirait par tomber et le posa sur la table de chevet près d’elle tandis que Caleb s’installait sur le lit. « Je reste ici, tu peux dormir tranquille… Je suis là. » Opinant du chef, elle tenta de trouver une positon confortable et non douloureuse pour trouver le sommeil et ferma les yeux. Concentrant son esprit sur sa respiration de plus en plus calme, Loan ne tarda pas à s’endormir dans un profond sommeil qui l’empêcha de se réveiller lorsque Caleb quitta la chambre pour rejoindre le salon et se laisser lui aussi aller dans les bras de Morphée. Les premières heures de sommeil furent les plus calmes, celles au cours des quelles Loan pu dormir paisiblement avant que son esprit ne dérive doucement vers un énième cauchemar. Là, elle se revit en Afghanistan, avançant dans un petit village délabré, arme à la main et d’autres soldats derrière elle. Puis, en un rien de temps une pluie de balles leur tomba dessus, forçant l’unité à se replier tout en se défendant. C’était un piège, elle le comprenait à présent tout comme elle devina qu’aucun d’eux ne pourraient retourner au véhicule afin de regagner la base, véhicule qui ne tarda pas à exploser, captant l’attention de Loan assez longtemps pour qu’un ennemi parvienne à la toucher d’une balle à l’abdomen.

Les images s’enchaînèrent sans se suivirent et finirent sur elle qui fut traînée vers une « tombe » de fortune dans laquelle elle fut enfermée auprès de l’un des soldats de son unité après une nouvelle séance d’interrogatoire musclée qui lui avait valu de nouvelles marques ici et là sur son corps. Puis, tout son cauchemar n’eut plus aucun sens lorsqu’elle fut sortie par miracle de sa « prison », prête à délivrer ses hommes avant de voir Nolan au milieu de ce champ de bataille, rejoint par l’un de ses ravisseurs, qui un sourire mauvais aux lèvres, amena son fils contre lui. Incapable d’aller sauver son garçon, retenu par un homme qui était arrivé de nulle part, une lame pénétra son dos en même temps que son fils se faisait tuer sous ses yeux, un cri lui échappant autant dans son cauchemar que dans la réalité. Réveillée en panique, le souffle court, le corps tremblant et en sueur, son regard eu du mal à s’acclimater à l’obscurité qui l’entourait. Loan était tellement paniquée que l’idée d’allumer la lumière ne lui vint même pas à l’esprit, elle se contenta juste de tâtonner sur le lit à la recherche d’une personne précise. « Caleb ? » Chuchota-t-elle, ne parvenant toujours pas à retrouver une respiration un tant soit peu calme. La panique l’envahit d’autant plus lorsqu’elle remarqua que le jeune homme n’était plus là. « CALEEEB ! » Cria-t-elle, incapable de se souvenir de l’endroit où elle se trouvait tant son cauchemar la faisait encore paniquée alors qu’elle était réveillée. Loan continua de chercher encore et encore avant de s’approcher un peu trop près du bord lit dont elle tomba lourdement, l’air lui manquant brusquement bien qu’elle ne chercha pas à se relever, restant allongée sur le sol, continuant de trembler sous l’effet de la peur.

Même si tout ce qui arrivait ce soir avait quelque chose d’étrange, Caleb n’eut pas tellement le temps d’y penser. En connaissant la relation qu’il entretenait avec Loan mais aussi et surtout leur passé commun, peu auraient parié sur le fait qu’il lui vienne en aide de la sorte, et pourtant… La jeune femme avait accepté de reprendre sa place auprès de leur fils alors dans un sens, il lui devait bien ça. De plus, le militaire ne prenait pas du tout cela comme une contrainte mais bien plus comme un devoir, une main qu’il se devait de lui tendre. Et le regard tendre et plein d’attention qu’il portait sur elle en attendant qu’elle s’endorme pouvait aisément témoigner de ce qu’il ressentait, les caresses qu’il appliquait sur son front n’étant qu’un indice supplémentaire. En voyant que Loan avait finalement sombré dans un sommeil qu’il jugea assez profond, Caleb quitta la pièce afin d’aller s’installer dans le salon, et entamer à son tour sa nuit.

Malheureusement, sans pouvoir dire depuis combien de temps il dormait exactement, le jeune homme fut réveillé en sursaut. Dans un premier temps, il ne comprit pas ce qui arrivait. Il lui semblait avoir été réveillé par un cri, et pourtant tout paraissait aussi calme que d’habitude dans l’appartement. Un rapide coup d’œil circulaire lui permit de vérifier que Nolan n’était pas planté là devant lui, comme lorsqu’un mauvais rêve le réveillait et qu’il venait chercher un peu de réconfort dans les bras de son père. Néanmoins, Caleb décida d’aller vérifier que tout allait bien et commença par s’asseoir au bord du canapé. C’est à ce moment précis qu’un nouveau cri fendit le silence qui régnait dans l’appartement. « CALEEEB ! » Aussitôt, le militaire se précipita vers sa chambre, manquant à plusieurs reprises de tomber ou de percuter les meubles qui se trouvaient sur son chemin. Son cœur battait si fort dans sa poitrine qu’il lui semblait qu’il tambourinait dans ses oreilles. Et en arrivant dans la chambre dans laquelle dormait Loan, il eut rapidement confirmation que son inquiétude était légitime. La jeune femme était allongée par terre au pied de son lit, et malgré l’obscurité qui régnait dans la pièce, il put clairement la voir trembler. Sans réfléchir, Caleb s’approcha d’elle et se laissa tomber à genoux à côté d’elle pour l’aider à se redresser. « Loan ! Loan ça va, tout va bien… Je suis là ! » Dès qu’elle fut à peu près assise contre le lit, le militaire s’empressa de la prendre dans ses bras et de la serrer tout contre lui. Il s’autorisa même à déposer quelques baisers sur son front pour la rassurer, alors que ses mouvements les entrainaient dans une sorte de doux bercement. « Shhh… Calme-toi… » murmura-t-il au creux de son oreille avant de se détacher légèrement d’elle. « Attends, viens… Redresse-toi…” En passant une nouvelle fois son bras autour d’elle, il aida Loan à se hisser jusque sur le lit et l’installa sur ce dernier, dos au mur. Puis, il fit de même en venant s‘asseoir près d’elle et la serra de nouveau contre lui. « Hey… Qu’est-ce qu’il s’est passé. »

Cette peur lui retournait littéralement l’estomac, lui glaçait le sang et la rendait malade plus que jamais. Elle n’avait pas l’habitude. Durant des années elle s’était battue pour paraître plus forte qu’elle ne l’était réellement et elle s’était finalement perdue au sein de son propre jeu. À force de trop se penser capable de tout encaisser, elle avait fini par véritablement y croire au point de tomber de très haut à chaque fois que quelque chose l’affaiblissait. Avec les années elle était devenue trop fière et elle avait repoussé toutes les mains qui lui avaient été tendues, persuadée qu’elle était parfaitement capable de s’en sortir par elle-même. Cette fierté était devenue à la fois sa force et sa faiblesse, ce qui la poussait à s’éloigner involontairement des personnes qui seraient capables de garder la tête hors de l’eau. En réalité, elle préférait battre des pieds par elle-même plutôt que d’accepter une aide alors qu’aujourd’hui plus que jamais elle en avait grandement besoin. Elle était sujette à un traumatisme qui la hantait jusque dans ses rêves, qui l’empêchait de dormir correctement et ainsi de trouver la force de se battre pour garder la tête haute et même si elle savait qu’elle aurait dû parler de cette peur de dormir et de faire le même cauchemar à répétition, elle n’en avait rien fait et à présent elle s’en mordait les doigts.

Ne plus pouvoir dormir comme bon lui semblait et toujours avoir peur l’agaçait, ses réactions également. Elle s’était promis de faire un effort, d’essayer de corriger un minimum ses défauts, mais elle choisissait la solution de facilité et se préoccupait uniquement des défauts les moins importants alors que sa fierté était celui qu’elle devait travailler en priorité. La Philippine devait apprendre à accepter le fait qu’elle n’était pas capable de tout surmonter par elle-même, qu’un jour ou l’autre elle se devait de faire confiance à quelqu’un et laisser cette personne l’aider. Toutefois, comment était-elle supposée faire alors que toutes les personnes en qui elle avait placé sa confiance avait fini par la trahir ? Oui, il lui en suffisait de peu pour trop penser. Loan y voyait le moyen de tenter de se calmer. Effacer de son esprit ce qui l’angoissait en pensant à autre chose lui semblait être le seul moyen de se reprendre et pourtant les tremblements de son corps ne cessèrent pas pour autant. Son souffle était toujours aussi irrégulier et sa chute du lit avait été particulièrement douloureuse. Les larmes n’avaient pas tardées à gagner son regard et si Loan tenta de les garder en elle encore un peu plus, elle baissa les bras et les laissa couler abondamment le long de ses joues. Toute cette situation la fatiguait … en réalité sa vie toute entière semblait la fatiguer. Elle n’avait qu’une envie qui était de passer un coup d’éponge sur toute son existence et recommencer à zéro, toutefois c’était impossible.

Un sanglot lui échappa et secoua d’autant plus son corps. Son sang affluait avec une telle force dans sa tête que rapidement elle fut incapable d’entendre le moindre bruit, que ce soit dans la pièce où elle se trouvait ou dans tout le reste de l’appartement. Ainsi, lorsqu’elle sentit des mains se poser sur elle, un sursaut la gagna tandis qu’elle se laissait tout de même faire, démunie de toutes forces. « Loan ! Loan ça va, tout va bien… Je suis là ! » Immédiatement, la voix de Caleb eu un effet apaisant sur la jeune femme dont les tremblements semblèrent diminuer. Néanmoins, elle ne cessa pas de pleurer pour autant. Malgré le fait qu’elle se trouvait contre le militaire qui tentait de la calmer, Loan continuait de pleurer à chaudes larmes, fatiguée par toutes ces émotions qui se bousculaient en elle et qui la rendaient doucement, mais sûrement, folle. « Shhh… Calme-toi… » La Philippine pinça ses lèvres pour tenter de se calmer comme Caleb lui le demandait, cependant ce fut bien plus facile à dire qu’à faire. Loan s’agrippa au haut du jeune homme, ferma les yeux et tenta d’imaginer quelque chose de plus joyeux pour retrouver un rythme cardiaque plus stable ce qui lui permettrait sans nulle doute de cesser de pleurer comme elle le faisait. « Attends, viens… Redresse-toi… » Sans prononcer le moindre mot, elle s’exécuta et s’agrippa de nouveau à Caleb lorsqu’il l’amena une nouvelle fois contre lui.

Les larmes continuaient de couler doucement le long de ses joues sans même qu’elle ne s’en rende compte et sa respiration, bien que toujours bruyante, semblait enfin se calmer. « Hey… Qu’est-ce qu’il s’est passé. » Ses lèvres et son menton se mirent à trembler tandis qu’elle serrait un peu plus fort le tissu du haut de Caleb dans sa main avant de mordre l’intérieur de sa joue pour se calmer. Il fallut à la Philippine deux bonnes minutes avant qu’elle ne se sente enfin capable de parler et pourtant elle resta malgré tout contre le jeune homme. « Je … ça me suit partout. Je n’arrive pas à retirer ces images de ma tête et à chaque fois … » Un sanglot secoua à nouveau Loan lorsque les images de Nolan lui revinrent brusquement à l’esprit tout en se mélangeant à la douleur quasi-réelle qu’elle avait pu ressentir lorsqu’elle s’était faite elle-même tuer dans son cauchemar. « Je vais devenir folle … J’ai tout le temps peur et de tout. » Elle se pinça les lèvres puis desserra son étreinte du haut de l’Américain pour attraper l’une de ses mains et la glisser sous le sien, à l’endroit même où l’on pouvait nettement sentir la cicatrise due à la balle qu’elle avait reçu. « Tu n’as pas idée du nombre de fois où cette blessure a été rouverte pour que je dévoile où se trouvait notre base. » Loan ferma les yeux et laissa quelques larmes accrochées à ses cils couler à leur tour, suivant le chemin emprunté par leurs sœurs avant qu’elle ne lève la tête et tente de voir le regard de Caleb malgré l’obscurité, sa main maintenant toujours celle du militaire au niveau de sa blessure.

Caleb avait beau la serrer contre lui, il n’avait pas l’impression que Loan parvienne à se calmer. Alors il s’évertua à l’installer plus confortablement sur son lit, avant de réitérer son étreinte qu’il voulait tendre et rassurante. La jeune femme était littéralement agrippée au t-shirt du militaire, et ce dernier pouvait clairement sentir qu’elle pleurait. Son menton tremblait, et le tissu de son propre haut commençait lui aussi à s’humidifier. Alors il se risqua à lui poser la question qui lui brulait les lèvres depuis qu’elle était entrée chez lui. Mais, sans que ça ne le surprenne vraiment, Loan ne répondit pas de suite. Au contraire, un lourd silence s’installa dans la pièce pendant plusieurs minutes. Par respect, mais aussi parce qu’il comptait bien avoir une réponse à sa question, Caleb n’osa pas le briser, se contentant de caresser lentement les cheveux de Loan. Et contre toute attente, sa « stratégie » finit par payer puisque la jeune femme sembla se reprendre timidement. « Je … ça me suit partout. Je n’arrive pas à retirer ces images de ma tête et à chaque fois … » Caleb se détacha légèrement d’elle pour essayer de capter son regard, mais un nouveau sanglot la secoua et il dut l’attirer un peu plus près de lui pour déposer un baiser sur son front. Il aurait voulu la rassurer et surtout trouver les mots pour ça, mais rien ne lui venait. Et le fait qu’elle semble être sur la bonne voie pour lui avouer ce qui la tracassait à ce point l’encourageait à rester silencieux et à attendre, tout simplement.

Après lui avoir avoué qu’elle avait peut de tout, la jeune femme engagea un mouvement auquel Caleb ne s’était pas attendu. Il la regarda alors faire d’un air inquiet, laissant la main de Loan guider la sienne sous son haut. Et là, au bout de ses doigts, le militaire put très distinctement sentir les traces d’une blessure. « Tu n’as pas idée du nombre de fois où cette blessure a été rouverte pour que je dévoile où se trouvait notre base. » Un peu abasourdi, Caleb entrouvrit la bouche tout en obéissant à Loan qui maintenant sa main sur sa blessure. Il avait donc sa réponse. La réponse à tout un tas de questions qu’il s’était posées et notamment celle des médicaments dont elle lui avait parlé avant de s’endormir. Sa main libre se resserra instinctivement autour de l’épaule de la jeune femme mais après quelques secondes d’hésitation, sa curiosité l’emporta. Délicatement, il releva le haut de Loan afin d’apercevoir malgré l’obscurité l’endroit où elle avait été blessée. Il déglutit alors douloureusement, ne parvenant pas à détacher son regard de cette blessure qu’elle lui avait cachée jusqu’à maintenant. Loan n’était pas rentrée dans les détails, mais il n’avait pas besoin d’en savoir plus pour comprendre ce qu’il lui était arrivé là-bas. Un bref regard en direction de son visage permit à Caleb de constater qu’elle avait fermé les yeux, et il retira alors sa main de sa blessure pour venir essuyer les larmes qui coulaient sur ses joues. « Loan… C’est fini maintenant, ça va aller… Je suis là, Nolan est là, tu ne risques rien d’accord ? » murmura-t-il en guettant la moindre des expressions de son visage. Néanmoins, et comme d’habitude, une pointe d’inquiétude finit par prendre le dessus, poussant Caleb à demander : « Tu as vu les médecins pour.. ça ? Qu’est-ce qu’ils t’ont dit ? »

Elle devait tenter de retrouver son calme, aussi difficile que cela soit. Les images continuaient de se répéter dans sa tête encore et encore sans qu’elle ne parvienne à les chasser. La simple idée de fermer à nouveau les yeux la terrorisait car elle savait que trop bien ce qu’elle allait voir une fois ses paupières closes. Pendant trois ans elle avait refusé de s’impliquer dans la vie de son fils et à présent qu’elle avait accepté de faire le contraire il était devenu son centre d’intérêt, la personne pour laquelle elle s’inquiétait le plus, bien plus que sa propre personne. Le bien-être de son petit garçon était tout ce qui comptait pour elle et si elle avait pu éprouver des regrets à l’avoir abandonné à la naissance, elle avait bien vite cessé d’y penser pour se focaliser sur les quelques rares moments qu’elle avait eu avec Nolan avant son départ. Cependant, ces instants avec son fils avait suffi pour réveiller une nouvelle peur en elle, celle qu’il arrive quoi que ce soit à son petit garçon, une peur qui mélangée à son traumatisme éveillait en elle des cauchemars qui la bouleversaient. Elle refusait de le revoir se faire assassiner et ce même si une fois réveillée elle savait que ce n’était qu’un mauvais rêve. Tout lui semblait si réel à dans ces cauchemars qu’elle peinait à s’en remettre à chaque fois qu’elle se réveillait en sursaut.

Même la présence rassurante de Caleb ne parvenait pas à la calmer totalement. Pour y parvenir, elle ne pouvait compter que sur elle-même, pourtant Loan avait bien du mal à se concentrer sur autre chose que les images qui tournaient en boucle dans son esprit. Toutefois, elle s’y efforça un peu plus à chaque instant. La Philippine cessa de se préoccuper de ses larmes afin de se concentrer sur sa respiration qui avait grandement besoin d’être calmée. Les battements de son cœur se firent moins précipités et tout doucement, toujours accrochée à Caleb comme un naufragé à une bouée de sauvetage, elle parvint retrouver une respiration un tant soit peu correcte tout en s’expliquant auprès du jeune homme. Que son geste qui consistait à poser la main de Caleb sous son haut semble déplacé ne lui avait pas même effleuré l’esprit, sans doute parce qu’ils se connaissaient par cœur après ce qu’ils avaient vécu ensemble. Loan voulait uniquement lui faire sentir sa blessure pour qu’il comprenne un peu mieux les réactions douloureuses qu’elle avait pu avoir plus tôt dans la soirée même si ce geste qu’elle effectua elle-même éveilla un léger frisson qu’elle parvint tout de même à cacher. « Loan… C’est fini maintenant, ça va aller… Je suis là, Nolan est là, tu ne risques rien d’accord ? »

L’une de ses mains alla se poser sur l’une de celles de Caleb qui essuyait doucement ses larmes. Malgré l’obscurité, elle n’eut pas de mal à s’accrocher à son regard tout en se mordillant la lèvre inférieure. Elle tentait de se convaincre de la véracité des paroles du militaire, mais elle était encore bien trop bouleversée pour y parvenir totalement. Loan se contenta seulement de rester silencieuse, son regard accroché à celui de Caleb, occultant totalement les dernières paroles de ce dernier tandis que son visage se rapprochait dangereusement de celui du militaire. Si cette fois son cœur commençait à manquer des battements, ça n’avait rien à voir avec la panique qui avait pu l’envahir quelques instants auparavant. Elle savait au fond d’elle que ce qu’elle s’apprêtait à faire était mal, surtout après ce que tous les deux avaient vécu par le passé, mais sa panique et le réconfort que Caleb lui apportait la poussa sans le moindre mal à s’approcher de plus en plus de l’Américain avant de sceller une bonne fois pour toute leurs lèvres. Toutefois, aussi rapidement que cette pulsion l’avait prise, Loan éloigna son visage de celui de Caleb sans pour autant dévier son regard bien qu’elle sentit une pointe de panique l’envahir. « Je n’aurais pas dû faire ça … je suis désolée Caleb. Je … » Elle en avait très envahi, mais elle n’avait pas la force de l’avouer. Loan s’humecta les lèvres et préféra poser son regard vers n’importe quel autre endroit autre que le regard du militaire tout en sentant son rythme cardiaque s’emballer un peu trop.

Caleb usait de toute sa tendresse pour calmer Loan, et ce sans même se soucier de ce que tout cela pouvait éveiller chez lui. A chaque fois qu’il effleurait sa peau ou ses cheveux, tout un tas de souvenirs venaient l’assaillir et pourtant, le jeune homme s’efforçait de rester impassible. Il se devait de passer au-dessus de tout ça, et d’être là pour soutenir Loan quelles que soient les circonstances. Et après quelques minutes, il eut la satisfaction de constater que la jeune femme commençait enfin à se calmer. Sa respiration se faisait plus douce et malgré les larmes qui sillonnaient encore ses joues, Loan osa enfin esquisser un geste… et quel geste ! Il ne fallut que quelques secondes pour que la main de Caleb se retrouve sous son haut, lui faisant par la même occasion comprendre tout ce qu’il cherchait à savoir depuis le début. Une fois de plus, le militaire tenta alors de la rassurer, et de lui promettre que tout allait bien se passer. Son cauchemar était terminé, et il voulait qu’elle comprenne qu’il était pour s’occuper d’elle. Cependant, et comme souvent, Caleb avait un peu de mal à trouver les mots adéquats. Il préféra alors lui démontrer tout ça autrement, et essuya délicatement ses larmes. Loan vint alors poser une main sur la sienne tout en relevant vers Caleb un regard qui lui coupa le souffle.

A l’instant même où leurs yeux s’étaient rencontrés, le jeune homme avait su ce qui allait se passer. Il aurait du tout stopper avant la catastrophe, la dissuader de faire ce qu’elle s’apprêtait à faire et pourtant… il n’esquissa pas le moindre mouvement, restant indéniablement plongé dans la contemplation de ces yeux qui lui avaient tellement manqué. Loan était totalement passée outre sa dernière question et bizarrement, ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Il la voyait s’approcher dangereusement de lui, et le seul réflexe qu’il fut capable d’avoir fut de fermer les yeux au moment où leurs lèvres entrèrent en contact. Mais il eut à peine le temps de réaliser ce qui était en train d’arriver que déjà, Loan s’éloignait précipitamment de lui. « Je n’aurais pas dû faire ça … je suis désolée Caleb. Je … » Elle semblait totalement paniquée et son regard fuyant en disait long sur la culpabilité qu’elle ressentait. Pourtant, et contre toute attente, Caleb avait plutôt apprécié l’instant… Aussi, il prit quelques secondes pour se remettre les idées en place avant de reporter son regard sur Loan. « Je… c’est rien… c’est… pas grave…» Après tout, ce n’était pas la première fois qu’ils s’embrassaient ! Seulement voilà, ce baiser n’était a priori pas censé lui faire autant d’effet. Ils n’étaient plus ensemble et la seule raison qui avait poussé Caleb à reprendre contact avec Loan avait été leur fils Nolan… Du moins, c’est ce qu’il disait lorsqu’on le lui demandait. Mais au fond, le militaire savait bien qu’il avait d’autres raisons bien à lui. Et alors qu’il n’avait plus aucune idée de ce qu’il devait dire ou faire, Caleb s’approcha brusquement de Loan pour venir déposer un doux baiser sur ses lèvres, comme si tout cela était tout à fait normal. Il caressa ensuite sa joue du bout des doigts tout en gardant son front contre celui de la jeune femme, et murmura : « Tu devrais essayer de dormir un peu maintenant… je reste avec toi… »

Ce baiser n’aurait jamais dû avoir lieu et ce malgré l’envie qui s’était emparée d’elle si brusquement au point de l’empêcher de se contrôler. Elle avait toujours eu ce côté impulsif qu’elle tentait de corriger au mieux afin d’éviter de s’attirer des ennuis comme ce fut le cas encore quelques mois auparavant, avant même son départ en Afghanistan. Cependant, ce qui était fait était fait. La jeune femme ne pouvait pas nier avoir apprécié ce contact qu’elle avait provoqué entre eux deux. C’était différent du passé, sans doute même plus sincère que les baisers qu’elle avait pu lui donner au début de leur relation passée, avant que les sentiments ne naissent réellement en elle. Elle avait toujours eu cet attachement au fond d’elle pour Caleb, un attachement qu’elle était incapable de faire disparaitre pour la bonne raison qu’il avait été le premier homme avec qui elle avait eu une relation aussi sérieuse, il avait même été son tout premier pour tout dire. Il avait eu bien trop d’importance pour qu’elle parvienne à l’oublier aussi facilement que l’on peut claquer des doigts et qu’il revienne dans sa vie sans qu’elle ne s’y attende avait fait ressurgir les sentiments qu’elle avait pris soin d’enfouir en elle lorsqu’elle était partie de Miami. La tendresse qu’il avait pour elle, le fait qu’il faisait de son mieux pour la calmer lui rappelait sans le moindre mal les moments passés qu’ils avaient eu tous les deux, des instants avec Caleb qui lui manquaient bien plus qu’elle pourrait l’avouer un jour, trop freinée par sa fierté.

Pourtant, cette nuit cette dernière était bien loin et Loan en aurait eu bien besoin afin de lui éviter de craquer comme elle venait de le faire. Il était rare qu’elle accepte de pleurer devant les autres mais il était encore plus surprenant qu’elle embrasse ainsi l’américain quand bien même le voulait-elle sincèrement. La panique qui l’avait envahi une fois ce geste effectué ne la quittait plus. Elle avait peur de sa réaction, peur qu’il la rejette alors qu’il en avait tous les droits, surtout après ce qu’elle lui avait fait. Après tout qui était-elle pour se permettre une telle chose en l’ayant autrefois manipulé ? Bien sûr, ses sentiments avaient fini par être sincères mais le mal avait été fait et la philippine savait qu’elle serait incapable de se pardonner ce qu’elle avait pu faire à Caleb alors qu’il avait toujours été vrai avec elle. « Je… c’est rien… c’est… pas grave…» Tout doucement – et malgré l’obscurité à laquelle ses yeux s’étaient acclimatés – Loan leva la tête vers le militaire non sans se pincer les lèvres. Elle restait mal à l’aise malgré ses paroles, gênée de l’avoir embrassé alors qu’elle n’en avait probablement pas le droit. Toutefois, Caleb ne semblait pas le prendre aussi mal que ce qu’elle avait pu imaginer, surprenant la jeune femme qui ne prononça aucune parole. Étrangement, elle s’attendait à ce qu’il soit en colère, à ce qu’il lui demande ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour qu’elle se permette une telle chose après tout ce qu’elle lui avait fait endurer et qu’il n’était venu vers elle que pour leur fils.

Au fond d’elle, Loan avait la sensation qu’en réalité Caleb avait volontairement fait taire certaines autres raisons concernant sa présence à New York … ou peut-être était-ce le fait qu’à force d’avoir vécu avec lui elle le connaissait par cœur, même après tout ce temps ? La philippine en fut d’autant plus convaincue lorsque le militaire l’embrassa à son tour, lui faisait brusquement perdre tous ses moyens bien qu’elle apprécia à nouveau ce rapprochement entre eux deux. Loan n’ouvrit les yeux que lorsque les lèvres de Caleb s’éloignèrent des siennes et le front du jeune homme contre le sien, elle n’eut aucun mal à ancrer son regard dans celui de l’américain. « Tu devrais essayer de dormir un peu maintenant… je reste avec toi… » Loan humecta ses lèvres par nervosité, trop consciente que l’envie qui grandissait soudainement en elle allait finir par être totalement incontrôlable. Elle avait entendu dire que ses hormones allaient lui jouer des tours une fois enceinte et que certaines envies risquaient d’être décuplés, autant dire qu’elle ne le comprenait que maintenant. « Je n’y arriverais pas. » Chuchota-t-elle doucement bien qu’elle avait conscience que son excuse n’était pas terrible. Toutefois, elle laissa passer quelques instants de plus, toujours aussi près de Caleb, son cœur commençant à battre un peu plus vite avant qu’elle ne capture à nouveau ses lèvres pour un baiser bien plus profond et qui en disait long sur ce à quoi elle pensait et ressentait.

Jamais en la laissant entrer chez lui Caleb n’aurait pensé qu’il se passerait autant de choses. Depuis l’arrivée de Loan, le militaire allait de surprise en surprise, et la dernière en date était de taille ! Ce baiser, il ne s’y était as attendu le moins du monde. Et pourtant, il lui était souvent arrivé de l’imaginer, voire même d’en rêver. Mais à chaque fois, Caleb s’était empressé de chasser ces pensées de son esprit. Il avait tellement voulu oublier Loan après avoir reconnu leur fils… L’espace de quelques mois, de quelques années, il avait voulu effacer leur histoire et leur passé, mais il s’étai bien vite rendu compte que c’était impossible. Pire : le doux visage de Loan ne semblait pas vouloir quitter son esprit et où qu’il aille, il n’était jamais parvenu à l’oublier. C’était plutôt rare mais pour une fois, Caleb se laissait submerger par ses émotions mais aussi et surtout ses sentiments. Et ce soir, le seul contact de leurs lèvres avait réveillé en lui tout un tas de souvenirs, accompagnés d’autant de questions et de culpabilité.

Tout en essayant de masquer son malaise, le militaire s’éloigna un peu pour pouvoir planter son regard dans celui de Loan. En vérité, ce n’était certainement pas la meilleure solution car ses yeux suffisaient à faire accélérer les battements du cœur du jeune homme. Décidément, elle avait bien trop de pouvoir sur lui. Mais il savait qu’il ne pourrait rien y changer, ce n’était pas faute d’avoir essayé ! Histoire de passer à autre chose, Caleb lui proposa alors de dormi un peu. En effet, elle avait l’air épuisée et n’avait dormi que pendant quelques heures avant d’être réveillée en sursaut par son cauchemar. Malheureusement, la jeune femme ne semblait pas vraiment décidée, et elle se contenta de répondre en chuchotant : « Je n’y arriverais pas. » Puis, alors qu’ils étaient toujours aussi proches l’un de l’autre, Loan n’eut qu’à tendre un peu le coup pour lier de nouveau leurs lèvres dans un baiser que Caleb devina plus intense.

Son cerveau travaillait à toute vitesse, cherchant une solution, une issue, ou plutôt la force de renoncer à ce qui était en train d’arriver. Cependant, Caleb ne put s’empêcher de répondre au baiser que lui offrait Loan avec toujours plus de tendresse. Mais tous ces gestes qu’il retrouvait peu à peu lui rappelèrent brusquement un souvenir bien moins agréable. Car si leur première histoire avait prit fin, ce n’était pas pour rien. Elle l’avait trahi, déçu, et au-delà de tout ce qu’il pouvait bien ressentir pour elle, Caleb n’était toujours pas parvenu à oublier ça. Tout à coup, il se détacha donc de Loan et se mit à sourire pour camoufler ce qu’il se tramait dans son esprit. « Attends, L… Loan… On devrait pas… » Caleb passa délicatement sa main dans les cheveux de la jeune femme, et s’expliqua plus en détails : « Ne le prends pas mal mais… je crois que c’est pas e bon moment, tu vois… Repose-toi plutôt… Tu en as besoin. »

Elle ignorait ce qui lui prenait tout d’un coup. Pourtant elle n’avait pas oublié, elle ne pourrait jamais le faire. Elle se rappelait encore trop bien de la trahison qu’il avait dû affronter à cause d’elle. Elle se souvenait de l’avoir manipulé pour parvenir à ses fins, pour se venger de toute la douleur que sa belle-mère avait pu éveiller en elle pendant bien des années. Elle ne pouvait oublier ce qu’elle avait pu lui faire subir malgré la sincérité qui avait pris place dans son cœur vers la fin de leur relation. Elle s’était servie de lui, elle avait joué avec ses sentiments et pire que tout, elle avait joué avec son cœur et encore aujourd’hui elle était incapable de se le pardonner. Néanmoins, elle n’avait su résister à cette pulsion qui l’avait gagné, à ce besoin de l’embrasser et de le sentir près d’elle comme si le passé qui était le leur n’avait plus d’importance, comme s’il n’avait jamais existé. Loan savait qu’il serait incapable de passer l’éponge sur ce qu’elle avait pu lui faire, pas même pour Nolan. Il lui fallait du temps mais ce soir elle semblait être motivée à précipiter les choses, à sauter sur le fait qu’ils devenaient un tant soit peu proches, plus qu’ils n’avaient pu l’être ces trois dernières années, ce qui n’était pas bien difficile pour tout dire. Il lui avait fallu quelques temps prisonnière et torturée pour se rendre compte que les personnes qu’elle avait trahi et qu’elle repoussait étaient celles auxquelles elle tenait le plus, des personnes dont elle avait besoin et qui étaient susceptibles de l’aider à revenir sur le droit chemin.

Peut-être était-ce la raison pour laquelle elle les repoussait à chaque fois ? Parce qu’elle craignait de revenir sur le droit chemin et de ne pas mériter cette chance qui s’offrait à elle à chaque fois qu’une main lui était tendue. Caleb était sans le moindre doute le plus apte à l’aider à devenir plus stable, plus adulte. L’américain avait déjà commencé le travail sans même s’en rendre compte lorsqu’il était venu vivre à New York avec leur fils. Le fait de la pousser à assumer ses responsabilités envers Nolan avait été un pas vers le bon chemin et Loan ne pouvait pas nier le fait que le peu de temps qu’elle avait pu passer avec son fils lui avait permis de mûrir un tant soit peu. Quelque part, ce changement qui s’opérait en elle l’effrayait. La philippine avait peur de ne pas être à la hauteur, elle avait peur de décevoir son entourage et de faire du mal encore à quelqu’un à qui elle tenait sincèrement. Cependant, ce soir elle ne semblait pas réfléchir ainsi. Elle n’avait pas même cherché à savoir ce que pouvait ressentir Caleb lorsqu’elle l’avait embrassé. Elle l’avait blessé quelques années auparavant et pas un instant elle n’avait imaginé le fait que le militaire puisse considérer le fait qu’elle jouait à nouveau avec lui – ce qui n’était pas le cas. Loan avait eu l’envie sincère de l’embrasser comme elle ressentait le besoin étrange de vouloir le garder près d’elle, de l’empêcher de s’éloigner à nouveau d’elle alors qu’il était peut-être mieux que ce soit le cas. Ce n’était plus seulement la crainte de refaire le même cauchemar qui la poussait à penser de la sorte, il y avait aussi les sentiments qu’elle avait enfoui en elle lorsqu’elle avait été découverte et qui refaisaient doucement surface au fur et à mesure du temps qu’elle passait avec Caleb. Ce baiser, la jeune femme aurait souhaité qu’il dure plus longtemps, mais elle ne fut pas surprise que l’américain finisse par le rompre et s’éloigne d’elle.

Elle avait tenté mais elle comprenait parfaitement qu’il n’en avait pas la moindre envie, pas en repensant à ce qu’elle avait pu lui faire par le passé. « Attends, L… Loan… On devrait pas… » Ce geste affectueux, ces caresses dans ses cheveux avaient le don de la perdre totalement. Elle n’arrivait pas à saisir ce que Caleb pouvait ressentir et c’était frustrant. La repoussait-il par rancœur vis-à-vis de ce qu’elle avait pu faire et parce qu’il n’avait plus le moindre sentiment pour elle ou parce qu’il ne se sentait pas prêt à lui donner une seconde chance ? La première option comme la seconde c’était du pareil au même pour la philippine qui se contenta de s’accrocher au regard de Caleb sans prononcer le moindre mot, humectant nerveusement ses lèvres. « Ne le prends pas mal mais… je crois que c’est pas le bon moment, tu vois… Repose-toi plutôt… Tu en as besoin. » Une légère moue prit place sur son visage tandis que son nez se fronçait. Un petit sourire étira ses lèvres tandis qu’elle opinait du chef pour lui faire comprendre qu’elle comprenait parfaitement ce qu’il voulait dire – même si elle n’en était pas bien certaine en réalité. « Je te demande pardon, j’aurais pas dû faire ça. » Sur ces mots, la philippine baissa les yeux et poussa un soupire pour évacuer la frustration qui s’était emparée d’elle. Puis, en silence, elle se décala et alla s’allonger dans le lit avant de tourner la tête en direction de Caleb. « Tu restes quand même avec moi ? » Demanda-t-elle d’une voix timide. Lentement, Loan remonta ses jambes contre elle après s’être tournée sur son flanc et, instinctivement, ses mains allèrent se poser sur son ventre alors qu’elle avait totalement oublié le fait qu’elle n’avait toujours pas avoué sa grossesse au militaire.

Le geste de Loan avait éveillé en Caleb tout un tas de sentiments qu’il s’était efforcé d’enfouir depuis bien longtemps. Mais un seul baiser avait suffit à ce qu’ils reviennent faire surface, et l’incitent à prolonger les baisers de la jeune femme avec toujours plus de tendresse. Le militaire se laissait totalement aller, même s’il savait que ce qu’il était en train de faire lui était interdit. Ou plutôt : il se l’était interdit lui-même. Simple question de fierté et de bon sens. Sans être forcément rancunier, ce que Loan avait pu lui faire subir auparavant était totalement impardonnable aux yeux de Caleb. Mais le fait de la voir si fragile et désemparée avait fini par avoir raison de lui… au moins pour un temps. Car après quelques instants d’absence, le jeune homme finit par se reprendre et rompre le contact de leurs lèvres en expliquant qu’ils ne pouvaient pas faire ça. « Je te demande pardon, j’aurais pas dû faire ça. » répondit-elle d’ailleurs en fronçant son nez, expression qui faisait toujours autant craquer Caleb même s’il s’efforça de ne rien laisser paraitre.

Lentement, Loan se laissa glisser sur le lit afin de s’y allonger sous le regard un peu coupable du militaire. Il la savait frustrée et gênée, mais il en était exactement de même pour lui. Alors il se contenta de lui adresser un petit sourire sans âme en soupirant. « Tu restes quand même avec moi ? » murmura-t-elle timidement. Et sans aucune hésitation, le jeune homme hocha vigoureusement la tête en répondant d’une voix qui masqua au mieux le fait qu’il soit toujours autant perturbé par ce qu’il venait de se passer : « Bien sûr… je reste avec toi, repose-toi… » Puis, instinctivement, le jeune homme vint déposer un doux baiser sur le front de Loan, avant de se laisser glisser à son tour sous la couette. Une fois installé à son aise, il ne put s’empêcher de se retourner vers elle et de remarquer les mains qu’elle avait portées jusqu’à son ventre… sans pour autant saisir le réel sens de ce geste. Caleb esquissa un dernier sourire réconfortant avant de fermer les yeux. Il ne suffit que d’une poignée de minutes pour sombrer à nouveau dans un sommeil néanmoins plus léger qu’avant.

La fin de nuit du militaire fut quelque peu agitée, peuplée de rêves où apparaissait à chaque fois le visage de Loan. Mais lorsqu’il se réveilla pour de bon, Caleb eut la satisfaction de voir que la jeune femme dormait encore à poings fermés. Le plus discrètement possible, il quitta le lit puis la chambre, direction la cuisine. Nolan ne se réveillerait pas avant une ou deux heures, et le jeune homme avait par conséquent un peu de temps pour préparer un petit-déjeuner digne de ce nom pour Loan. Bien sûr, il n’avait rien oublié de leur soirée de la veille et les images des baisers qu’ils avaient échangées étaient encore bien présentes dans son esprit. Mais il se souvenait surtout de l’état dans lequel il avait retrouvé Loan , et cette triste image passait bel et bien avant toutes les autres. Alors, en évitant de se poser toutes les questions inutiles et douloureuses qui assaillaient son esprit, Caleb se concentra sur la préparation d’un petit-déjeuner des plus complets, dont l’odeur alléchante ne tarda pas à emplir le reste de l’appartement.

Jamais elle n’avait ressenti la fatigue l’assaillir aussi violemment que ce soir-là. Elle s’efforçait tellement de rester éveillée de peur de faire à nouveau les mêmes cauchemars qu’elle ne cessait de cumuler la fatigue sans même penser à quel point elle pouvait être égoïste avec sa grossesse, mais sa peur l’emportait sur tout le reste. Toutefois, le trop plein d’émotions de cette soirée et le fait qu’à présent elle se sentait plus en sécurité que jamais avec Caleb auprès d’elle, elle ne put lutter plus longtemps contre le sommeil qui s’était emparé d’elle. À peine eut-elle glissée sous la couverture, la tête doucement posée contre l’oreiller et ses jambes ramenées contre elle que déjà elle sentait ses paupières devenir de plus en plus lourdes. Si depuis son retour la philippine se forçait à ne pas laisser le sommeil prendre le dessus sur elle, cette fois elle n’en fit rien et se laissa aller dans les bras de Morphée, s’endormant plus vite que jamais, n’ayant fermé les yeux quelques secondes auparavant. Le reste de sa nuit fut bien moins agitée et il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas dormi aussi paisiblement. Aucun cauchemar ne vint troubler son sommeil et pour tout dire, elle n’eut pas le souvenir du moindre rêve lorsqu’elle se réveilla. Elle avait dormi d’un sommeil plus lourd que jamais, sans doute bien plus que tous les sommeils qu’elle avait pu connaître depuis petite ayant toujours été trop nerveuse ou impulsive pour parvenir à dormir correctement. Cette fois il n’y avait rien eu de tout ça, simplement une excellente nuit, un sommeil réparateur qui n’avait été dérangé par rien, pas même par la lumière du jour alors qu’elle avait toujours eu besoin d’une obscurité totale pour dormir un tant soit peu correctement. Non, sa nuit avait été parfaite et la philippine aurait rêvé qu’elle dure un peu plus longtemps bien qu’elle ne fût pas mécontente d’ouvrir les yeux.

Le visage enfoui dans l’oreiller et la couverture la recouvrant entièrement, Loan tourna la tête sur le côté pour parvenir à faire entrer l’oxygène dans ses poumons et elle cilla à plusieurs reprises sans faire le moindre mouvement. Doucement, elle s’habitua à la lumière du jour et profita un maximum de la chaleur qui l’entourait. Elle n’avait pas la moindre envie de bouger, pas la moindre envie de quitter ce lit, pas même lorsqu’elle tourna sa tête de l’autre côté et vit que Caleb semblait déjà être levé. En réalité, la jeune femme aurait pu rester bien plus longtemps au chaud dans ce lit si son ventre ne s’était pas mis à émettre quelques gargouillements lorsqu’une odeur alléchante vint lui chatouiller les narines. Lentement, la philippine s’allongea sur le dos et passa sa main sur son visage afin de se réveiller un peu plus. L’air frais de la pièce provoqua chez elle un frisson qui lui donna d’autant plus l’envie de rester au chaud avant qu’une nouvelle fois son ventre ne crie famine. Ses jambes balancées en même temps hors du lit, Loan frotta ses bras pour créer un peu plus de chaleur et une fois totalement hors du lit, elle avança silencieusement jusqu’en direction de la cuisine où elle trouva Caleb aux fourneaux. Appuyée de façon nonchalante contre le mur, la jeune femme le regarda quelques instants s’activer au travail, un léger sourire étirant le coin de ses lèvres. « J’avais oublié que tu étais matinal. » Loan se redressa et franchit les derniers mètres qui la séparaient de l’endroit où se trouvait l’américain. Une fois à sa hauteur, elle s’adossa contre le meuble et pencha sa tête pour voir ce qu’il était en train de préparer, son ventre émettant un nouveau gargouillis. « Qu’est-ce tu prépares ? » Son regard resta posé quelques instants de plus sur la nourriture qui lui donnait l’eau à la bouche avant qu’elle ne lève la tête vers Caleb, ses bras croisés contre sa poitrine pour conserver un tant soit peu de chaleur corporelle.