La tête posée contre la baie vitrée du café qui donnait sur l’avenue où le trafic était beaucoup plus fluide que celui de New York, Misha tentait d’apercevoir la voiture que lui avait décrite Jamie. Cela faisait maintenant quelques heures qu’elle était arrivée à Newark, dans le Delaware par le biais d’un autocar et le jeune homme n’avait cessé de vouloir la contacter, de savoir où elle se trouvait après qu'elle ait rompu contact avec lui durant plusieurs jours. Le regard de l’égyptienne se posa une dernière fois sur son portable et se mit à lire leurs derniers échanges avant le silence radio lui indiquant que l’américain était déjà en route pour la rejoindre.

« Dans le Delaware !? Qu’est-ce que tu fous ? Reviens tout de suite ou je viens te chercher. »
« Ma décision est prise, Jamie. Je ne reviendrais pas. Ni pour Milena, ni pour Charles. »
« Et moi ? »
« Je suis désolée. »
« Dis-moi où tu es. Je me fous des kilomètres et de savoir où tu vas, je t’accompagne parce que je refuse de te savoir toute seule. Rappelles-toi notre première rencontre ! Je t'abandonnerais pas, Misha. Tu te rends compte, t'es la seule pour qui j'ai réussi une fournée de cupcakes, il faut que je te les fasse goûter ; ils sont délicieux. »
Quelques minutes s'étaient écoulées, puis Misha avait fini par lui répondre enfin.
« Je suis dans un café proche du terminus et il s'appelle : le terminus (je t'assure que ce n'est pas une blague) »
« Très bien alors restes-y jusqu’à mon arrivée. »

Les messages étaient anciens de deux heures et demi, signe que l'arrivée de Jamie serait imminente.

flashback

Assise sur son bureau devant son ordinateur portable, Misha jonglait entre sa thèse et une conversation webcam avec Jamie afin de s’assurer qu’il suivait à la lettre les indications qu’elle lui donnait pour réussir une parfaite fournée de cupcakes. Son éclat de rire fusait de temps en temps, s’amusant de sa maladresse et du tablier qu’il avait enfilé spécialement pour l’occasion. « Tu aurais dû enfiler une combinaison de pompier. » le taquina-t-elle. « Les femmes et ce fantasme de l’uniforme… ». De nouveau, Misha éclata de rire et acquiesça d’un signe de tête. « J’avoue. ». Elle aimait beaucoup Jamie. Vraiment beaucoup. Sans le savoir, il était devenu la seule personne capable de la faire rire aux éclats et aussi son plus gros soutien après Luke qu’elle ne voyait pas souvent. Misha commençait à le voir autrement qu’un simple ami, mais elle se refusait de le lui montrer par crainte que les sentiments ne soient pas partagés ou de sacrifier une belle amitié au profit d’un amour à sens unique. Le fait est que Misha n’avait jamais eu de chance en amour, à croire qu’elle n’était pas douée pour ces choses là, sans compter que Charles avait été détestable avec lui pendant le dîner et il n’en avait pas fallu plus à l’égyptienne pour renoncer à toute technique d’approche. Trois coups portés contre la porte de sa chambre la firent sursauter. Elle échangea un regard interrogateur et coupa le son de son ordinateur pour ne pas que les bruits de sa conversation ne lui parvienne. « Misha ? Il faut qu’on parle. ». En quelques clics, la jeune femme afficha sa thèse sur l’écran pour se donner un peu de crédit. « Tu peux entrer. ». La porte s’ouvrit sur Charles dont les traits n’auguraient rien de bon. Il s’installa au bord de son lit, jeta un rapide coup d’œil à l’écran en lui demandant comment avançait sa thèse, puis entra dans le vif du sujet. « Ce que je vais te dire risque de te paraître précipité, mais crois-moi ça a été mûrement réfléchi. Comme tu le sais, j’ai trouvé une maison : ce sera beaucoup mieux pour tout le monde, mais il n’y a pas que ça… Misha, j’ai rencontré quelqu’un… » lui annonça-t-il. Misha resta imperturbable, elle avait bien vu que Charles s’était éloigné et passait beaucoup moins de temps avec elle qu’à l’ordinaire. D’ailleurs, l’égyptienne en avait même fait part à Maëlle lorsqu’elle l’avait retrouvé. « Et ce quelqu’un est… enfin je l’apprécie beaucoup. Elle s’appelle Ashton, elle vient d’avoir deux enfants qu’elle élève seule parce que leur père est mort, c’est moi qui l’aie aidé à accoucher. Elle a deux beaux enfants, des jumeaux, Rose & Wyatt. Je tiens beaucoup à eux… et… comme elle traverse une mauvaise passe je lui ai proposé de vivre avec nous le temps de trouver un autre logement donc je te demanderais de bien les accueillir et… ». Bouche bée, Misha regardait à présent son tuteur avec incompréhension, oubliant totalement que Jamie était encore en ligne et pouvait entendre tout ce qui se disait dans la chambre de l’étudiante. « TU QUOI !? » s’écria-t-elle en se redressant de sa chaise de bureau. « Misha, calmes-toi, s’il te plait… ». Misha eut l’air outré « Que je me calme ! Non, mais tu te rends compte de ce que tu me demandes ? D’accepter une femme avec deux bébés que je n’ai jamais vus ? » fulmina-t-elle. « Si c’est ça qui te gêne je peux organiser une rencontre, je suis sûr que tu vas l’adorer ! Quand je lui ai dit que tu venais d’Egypte, elle… ». Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase, Misha avait surenchéri en haussant le ton. « J’en ai rien à faire ! Héberger Maëlle ne t’as donc pas servi de leçon ? Tu tiens vraiment à ce que je digère le fait qu’une étrangère vienne vivre avec nous quand toi t’es même pas capable de te comporter correctement auprès de Jamie !? Je croyais qu’on était une famille ! Qu’on se disait tout ! Là j’ai plutôt l’impression d’avoir été rayée de l’équation. ». Elle laissa échapper un soupir rageur et quitta sa chambre d’un pas précipité. « Où est-ce que tu t’en vas ? » - « Promener Bones ! » répondit-elle froidement en claquant la porte de sa chambre sans ménagement. C’était bien la première fois qu’elle se mettait en colère devant lui. Finalement les jours passèrent et bientôt l'heure de l'emménagement. Misha s'était montrée particulièrement distante, ne parlant qu'à de très rares occasions et évitant soigneusement tout contact avec "l'étrangère". Or de question de s'attacher à une nouvelle personne qui partirait un jour ou l'autre comme ça avait toujours été le cas. Elle était tellement en colère que la jeune femme avait rompu tout contact avec ses amis, Jamie y compris et ruminait sans arrêt les décisions de son tuteur et les 'conseils' de Milena qui continuait de faire pression sur sa petite cousine afin qu'elle regagne l’Égypte.

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« Mademoiselle ? Il est temps de partir, nous allons fermer. ». Tirée de ses songes par le gérant des lieux, Omisha redressa la tête pour jeter un coup d’œil à l’horloge murale et constata qu’il était effectivement tard pour un café. Son regard glissa vers l’extérieur ou elle constata qu’il pleuvait abondamment et que le jour commençait doucement à tomber ; d’ici une bonne demi-heure, il ferait nuit noire. Elle paya sa consommation, puis quitta le café avec son modeste baluchon où elle avait pris quelques affaires, pas assez pour survivre à une fugue parce que là non plus, Misha n’était pas une spécialiste du domaine. Dehors, la pluie fouettait son visage et la légère brise l’obligea à resserrer les pans de son gilet à capuche. Misha adressa un dernier sourire au gérant qui le lui rendit en fermant la porte derrière lui. « Vous ne devriez pas vous éternisez ici, à partir d’une certaine heure l’endroit n’est plus fréquentable et ce n’est pas un lieu sûr pour attendre quelqu’un. » - « Ca va aller. Bonne soirée. » dit-elle avant qu’il ne s’éloigne pour rentrer tranquillement chez lui. Plusieurs minutes s’écoulèrent avant qu’une personne ne s’arrête à quelques pas d’elle en la regardant avec insistance. Misha fit alors de son mieux pour éviter de croiser le regard de l’étranger, mais elle tenait difficilement en place et au bout d’un moment, se résolu à quitter l’endroit. Se sentant suivit, elle accéléra le pas, s’autorisa un regard en arrière, puis se mit à courir aussi vite que ses jambes pouvaient la porter vers un endroit plus peuplé où elle pourrait demander de l’aide. Sans se retourner, Misha tendait l’oreille et su que son assaillant n’était pas bien loin. La course dura encore 5 bonnes minutes. Jamie. Il fallait à tout prix qu’elle retourne près du café pour y rejoindre Jamie. Misha fit une brusque embardée, piétinant avec force les flaques d’eau et retourna sur ses pas. Elle y était presque. Elle touchait au but. Tandis qu’elle percevait enfin le café qu’elle avait quitté, l’égyptienne se préparait à traverser, mais une main lui saisit violemment le poignet en le lui tordant au passage et Misha perdit l’équilibre au beau milieu de la route. Sa tête avait heurté le bitume si violemment qu’elle s’en trouva sonné et incapable de réagir lorsque l’inconnu lui arracha son sac. « Lâchez-moi. » grommela-t-elle d’une voix nauséeuse en tentant vainement de se défaire de son étreinte. « Jamie… ». Une larme coula sur sa joue : tout était de sa faute, elle n'aurait jamais dû fuguer bêtement. Son rythme cardiaque s’accéléra de concert à la douleur qui lui transperçait désormais le crâne et petit à petit, Misha se sentir défaillir.