Darryl & Lena

Sa main s’écrasa sans la moindre délicatesse sur le radio réveil posé sur la table de nuit, mais la musique continua de raisonner dans toute la pièce. Allongée en travers de son lit, la tête toujours enfouit dans son oreiller et les jambes dépassant de la couverture, la jeune femme se redressa et posa son regard en direction de la table de chevet sans pour autant voir quoi que ce soit. Ses cheveux blonds retombaient tous devant ses yeux et plus fatiguée que jamais, la demoiselle n’avait pas la moindre envie de se battre avec ces derniers qui, de toute manière, allaient reprendre la même place en quelques secondes. Sa main tâtonna alors le meuble et s’arrêta sur le portable qui en plus d’émettre une musique à un volume monstre ne cessait de vibrer. Les réveils, elle était sans cesse obligée d’en mettre deux. Le premier servait à la faire émerger de son sommeil tandis que le second la forçait à se réveiller d’une manière un peu plus brutale. C’était la seule façon que la jeune anglaise avait de se réveiller depuis des années. Dormir elle adorait ça et si elle s’était écoutée à chaque fois il y avait fort à parier qu’elle serait restée au lit toute la journée un bon nombre de fois. Un soupire s’échappa de ses fines lèvres et fit voler les mèches de cheveux blonds de son visage, juste de quoi lui permettre de lire sans mal le message de son BlackBerry qui lui demandait si elle comptait reporter l’alarme ou la rejeter.

Sans la moindre hésitation, la demoiselle fit glisser son doigt pour sélectionner la deuxième option qu’elle valida tout en se laissant tomber à nouveau dans son lit en grognant. Lena détestait le matin. A vrai dire elle détestait tout ce qui lui rappelait qu’elle devait être à telle heure à tel endroit. Elle n’avait jamais été ponctuelle et ce n’était pas aujourd’hui que ça allait commencer si bien que l’anglaise resta une bonne demi-heure à somnoler dans son lit avant de se forcer à quitter ce dernier, loin d’être réveillée. Le parcours jusqu’à sa cuisine lui sembla être interminable, d’autant plus qu’elle se contenta d’un grand verre de jus de pomme en guise de petit-déjeuner et se traîna vers la salle de bain une fois le verre vidé. C’était à peu près son rituel du matin. Jamais très réveillée lorsqu’elle quittait son lit, Lena ne passait pas plus de temps que ça à manger se connaissant assez pour savoir qu’elle serait d’autant plus une catastrophe que ce qu’elle pouvait être une fois parfaitement réveillée. Sa douche prise – soit une demi-heure de plus sous l’eau chaude – et habillée, la jeune femme quitta son appartement pour se rendre en ville pour une interview qu’elle avait promis de donner sans avoir la moindre envie d’y aller. Lena savait parfaitement autour de quoi cette dernière allait tourner. Bien sûr le journaliste allait lui poser des questions sur sa carrière, sur les raisons de son emménagement à New York mais surtout il allait lui demander de parler de son agression qui bien que remontant à un an restait le sujet favori de tous les journalistes.

Toutefois, étant donné qu’elle venait tout juste de débuter le tournage pour une série en ville, son manager avait jugé bon qu’elle fasse plaisir à la presse même si c’était loin de lui plaire à elle. Sa journée se résuma donc à son travail ou tout du moins à faire des efforts pour ce dernier et l’après-midi touchant à sa fin, Lena ne fit pas même un détour par son appartement, elle se rendit directement au club de boxe où s’était inscrite depuis son arrivée en ville. Depuis son agression, apprendre à se défendre par elle-même était un besoin qui ne faisait qu’augmenter avec le temps d’autant plus qu’elle appréciait se dépenser utilement. Ainsi, après s’être changée dans les vestiaires, Lena rejoignit la salle, attachant ses cheveux blonds en queue haute avant de s’arrêter brusquement en voyant un jeune homme qui lui était parfaitement inconnu sur le tapis. « Hm … ». Pour engager une conversation il y avait mieux, mais l’anglaise tentait avant tout de surmonter sa surprise avant de former une phrase sensée. « Euh … où est Max ? » demanda-t-elle simplement en rejoignant le tapis. Max était son entraîneur, un vieux boxeur qui malgré son âge avait manqué de l’envoyer directement à la case hôpital dès le premier cours en frappant au niveau des côtés qu’elle avait eu de cassé. Son regard bleu posé sur le jeune homme, Lena lui adressa un sourire nerveux en balaya rapidement l’endroit du regard comme pour trouver son entraîneur habituel sans toutefois y parvenir.

La jeune femme n’était pas contre les changements – après tout ça ne faisait jamais de mal dans une vie – néanmoins elle appréciait le fait d’être prévenue lorsque c’était le cas et autant dire que la surprise de ne pas voir son entraîneur habituel se lisait très nettement sur son visage. Max avait beau être vieux et quelque peu brusque avec elle – et probablement pas qu’avec elle d’ailleurs – elle l’appréciait beaucoup tout comme elle aimait le fait qu’il s’intéresse à sa vie de tous les jours. Même si elle n’était pas à New York depuis très longtemps, cet homme l’avait pris sous son aile en très peu de temps et elle savait qu’il se moquait éperdument de savoir si elle était une grande actrice ou non, la seule chose qui lui importait était elle. Pourtant, dès lors que leur cours commençait, Max était une toute autre personne, un homme bien plus sérieux et qui ne laissait pas la place aux sentiments durant l’heure d’entrainements. Il savait par quoi la jeune anglaise était passée puisqu’elle lui avait parlé de son agression.

Il savait que bien souvent lorsqu’elle rentrait chez elle tard le soir et seule, elle ne se sentait pas plus rassurée que ça et l’homme s’évertuait donc d’être dur avec elle afin qu’elle dépasse sans cesse ses limites, qu’elle devienne meilleure et qu’elle n’ait rapidement plus besoin de lui et de ses cours. Aujourd’hui Lena était venue avec l’idée de devoir encore en prendre pour son grade et souffrir physiquement, mais elle avait également pensé au moment qui allait suivre son cours et où elle allait pouvoir discuter librement avec son professeur qui avait toujours d’excellents conseils à lui donner – à croire qu’il avait vécu tout au moins une fois. Néanmoins, ce ne fut pas Max qu’elle trouva dans la salle et l’anglaise en fut plus surprise que jamais. Lena ne put s’empêcher de regarder tout autour d’elle. Elle s’attendait à ce que son entraîneur arrive d’une quelconque autre pièce en lui faisant comprendre que le jeune homme non loin d’elle n’était qu’un élève comme elle et que leur séance avait juste pris un peu plus de retard, mais ce ne fut pas le cas. Max n’arriva pas et il n’y avait qu’eux deux : elle et cet inconnu torse nu qui la mettait mal à l’aise à cause du fait que son regard semblait refusé de rester accroché au visage du jeune homme – après tout elle n’était qu’une femme. « Chez lui. Il s’est cassé une côte à son dernier cour pour ce qu’on m’en a dit. Je suis Darryl. C’est moi qui vais te faire cour. Tu permets que j’te dise tu ? Et tu es… ? ». Ses lèvres s’ouvrirent pour lui permettre de laisser échapper un petit « oh » de surprise puis elles se refermèrent.

Lena resta à quelques mètres de Darryl, prise d’une légère hésitation, pour finalement le rejoindre en s’efforçant de ne pas dévier une nouvelle fois son regard. Alors comme ça Max s’était cassé une côte … l’anglaise ne pouvait s’empêcher de penser que c’était une punition de Dieu pour avoir été un peu trop violent avec elle dans les premiers jours, mais elle chassa bien vite cette pensée de son esprit et se focalisa sur le jeune homme. « Aucun problème et je suis Lena … Lena Hanwell. ». Son nom de famille n’avait probablement pas la moindre importance pour lui, seulement la jeune femme était encore bien trop surprise pour réagir de façon normale. Une fois arrivée à la hauteur de Darryl et forcée de lever la tête pour croiser son regard, la demoiselle croisa les bras contre sa poitrine avant de reprendre. « Donc … en quoi va consister le cours aujourd’hui ? ». Voilà … se focaliser sur ce qu’ils allaient faire était une excellente idée et Lena devait se forcer à rester concentrée uniquement là-dessus. Elle était faible mais elle savait que cette faiblesse lui venait du fait que les relations sérieuses elle n’en avait eu que très peu et que dès qu’un homme rentrait un tant soit peu dans ses critères elle perdait tous ses moyens. Refusant de baisser les yeux ou de dévier son regard, l’anglaise attendit en silence la réponse du jeune homme tout en respectant une certaine distance qu’elle ne put s’empêcher de qualifier mentalement de « sécurité ».