❝ Danjel & Sora ❞

« Toutes nos condoléances madame. ». Et ce fut tout. Se tenir à la porte et ne surtout pas s’effondrer, pas maintenant en tout cas. Son regard ne quitta pas les deux hommes en uniforme devant elle un seul instant. Etait-ce réel ou un cauchemar du quel elle allait bientôt sortir ? A en croire la douleur dans sa poitrine ça ne pouvait pas être un rêve même si ce dernier aurait pu être particulièrement réel. Les deux hommes la jaugèrent du regard, la saluèrent dans les règles et après lui avoir tourné le dos, ils rejoignirent à grands pas la voiture noire qui les attendait en bas de chez elle. Elle ? Elle resta immobile, sur le pas de sa porte, la bouche grande ouverte, les yeux qui commençaient à briller de plus en plus et incapable de faire le moindre mouvement. Elle regarda la voiture s’éloigner encore et encore jusqu’à disparaître totalement et pourtant elle ne bougea pas. C’était impensable … elle lui avait parlé deux jours plus tôt il ne pouvait pas … non c’était impossible, pas lui, pas alors que des deux il était largement le plus prudent. Enfin, Sora parvint à refermer sa bouche, mais ce ne fut pas pour autant qu’elle fit le moindre mouvement. Dans sa main, la lettre de l’armée qui devait sans doute lui dire exactement ce que ces deux militaires venaient de lui annoncer. Il n’était pas mort, juste considéré comme tel puisque la plupart des hommes et des femmes de son unité avaient été retrouvés – morts en revanche – et que lui était porté disparu. Il était tellement plus simple de le mettre dans le même lot que les autres plutôt que de le chercher. Instinctivement, à cette pensée, sa main se referma avec force sur l’enveloppe qui s’en retrouva toute chiffonnée, de toute manière elle s’en moquait.

En bas de chez elle, des passants marchaient sans même la remarquer et ce qui en revanche la voyaient lui lançaient un regard étrange, mais Sora s’en moquait, elle ne parvenait toujours pas à réaliser et était figée sur place. Les minutes s’écoulèrent sans qu’elle soit capable de retourner chez elle. Peut-être était-ce une plaisanterie et qu’il allait en réalité apparaître au coin de la rue dans quelques instants et que sa douleur allait immédiatement se dissiper ? A quoi croyait-elle ? Au miracle ? Il y avait bien longtemps qu’elle en avait connu, à croire que la vie avait une dent contre elle … d’abord sa mère, maintenant son mari. Enfin, Sora parvint à redescendre sur terre et fit quelques pas en arrière pour rentrer chez elle, referma sa porte et s’effondra contre cette dernière. Elle était toute seule à présent, plu seule que jamais et personne hormis elle ne pouvait voir les larmes qui coulaient avec abondance le long de ses joues. La jeune fille passa de longues minutes à pleurer sur le sol de chez elle, sa main toujours crispée sur l’enveloppe qu’on lui avait donnée. Ce qui était idiot c’est qu’elle savait très bien ce qu’elle allait lire, mais elle avait besoin de voir ces mots noir sur blanc pour réaliser, pour s’assurer qu’elle n’était pas au beau milieu d’un cauchemar. La vision brouillée par ses larmes et la main tremblante, Sora déchira l’enveloppe et eu bien du mal à se saisir de son contenu. Ses yeux lurent en diagonale les premiers mots pour s’arrêter sur ceux qui, selon elle, étaient les plus importants : porté disparu … déclaré mort au combat. Son cœur manqua un battement et elle se mit à pleurer de plus belle en chiffonnant la lettre qu’elle lança à travers l’entrée. Sora remonta ses jambes contre son corps et les entoura de ses bras avant de commencer à se balancer pour tenter de se calmer.

On venait de lui arracher l’un des plus importants piliers de sa vie, comment pouvait-elle gérer ça ? Comment pouvait-elle rester dans cet appartement plus longtemps ? Mâchoire crispée, tête relevée, la jeune fille passa une main sous ses yeux pour faire disparaître ses larmes et se força à se lever. Non … elle ne pouvait pas rester là, c’était impossible et insupportable. Sur cette pensée, elle attrapa son sac à main et quitta son appartement en claquant la porte pour s’assurer que personne ne serait capable de l’ouvrir pendant son absence. Elle remonta sa rue et attrapa le premier taxi qu’elle trouva et malgré le regard curieux du chauffeur, elle ne prononça que l’adresse où elle souhaitait se rendre et l’ignora durant tout le trajet. Elle refusait de rester seule. Elle savait que trop bien ce qu’elle risquait en broyant du noir chez elle sans personne pour la surveiller. Sora n’avait peut-être plus aucune drogue depuis un an, mais elle savait toujours où en trouver et pour l’instant ce n’était pas l’envie de planer qui lui manquait. Elle voulait quitter ce monde quelques instants – enfin plutôt quelques heures – pour oublier sa douleur et cette nouvelle, mais elle se devait d’être forte et pour ça elle ne devait pas être seule et chercher du réconfort ailleurs lui semblait être la meilleure idée. Arrivée à destination, elle paya sa course – plus un pourboire pour ne pas avoir posé de question – et une fois sortie du taxi elle resta un long moment à fixer l’immeuble devant lequel elle se trouvait avant d’y pénétrer. Sora savait parfaitement où elle se rendait, elle savait également que sa tête devait certainement faire peur et se rapprocher à celle d’un alien, mais elle s’en moquait, elle avait besoin de le voir pour ne pas perdre totalement pieds si bien que ce fut sans la moindre hésitation qu’elle frappa quelques coups à sa porte et tacha de se calmer en attendant de voir cette dernière s’ouvrir pour le laisser apparaître.

Elle allait s’effondrer … dans les minutes qui allaient suivre si jamais elle ne trouvait pas de quoi se tenir ses jambes allaient la lâcher. Ses forces diminuaient au fur et à mesure que le temps s’écoulait, au fur et à mesure qu’elle réalisait ce qu’elle venait d’apprendre. Le choc était trop fort pour parvenir à l’encaisser d’un coup, d’un seul. La vérité mettait du temps à atteindre son cerveau et même si elle avait déjà pleuré la plupart des larmes que son corps était capable de fournir, sa crise n’était pas totalement passée voire même pas du tout. Sora possédait une certaine fierté et c’était sur cette dernière qu’elle venait de s’appuyer pour ne pas s’effondrer à l’arrière du taxi même si ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Avec cette fierté elle aurait pu rester chez elle et encaisser seule, mais elle n’était pas assez forte et se mentir ne servirait à rien hormis l’enfoncer un peu plus. Elle ne devait pas rester seule, surtout pas. La jeune femme aurait pu appeler un de ses proches, sa sœur ou son frère qu’importe … elle aurait pu aussi se rendre au Lenox Hill pour trouver du réconfort auprès de ses parents même si Douglas était sans aucun doute au bloc, ne lui laissant plus que les bras rassurants et aimants de Carol, mais non. L’adresse qu’elle avait donnée n’avait aucun lien avec ces quatre personnes qui faisaient partie de sa famille. L’adresse qu’elle avait donnée menait droit chez une toute autre personne, une personne qui l’avait connu alors qu’elle était au plus bas, une personne avec qui elle possédait tout un tas de souvenirs qu’elle gardait pour elle, dont elle ne faisait part à personne. Il n’était pas question d’avoir honte ou d’avoir peur de blesser quelqu’un.

Elle avait eu une vie, certes dangereuse avec toutes ces drogues et l’alcool qui coulait à flot, mais elle avait eu une vie et un passé l’an dernier, alors forcément il y avait eu des personnes liées à cette période et si Sora n‘avait pas gardé le contact avec une grande majorité de ses anciennes fréquentations pour ne pas être tentée et pour ne pas replonger, lui elle n’avait pu s’en séparer. Venir le voir était un automatisme, c’était aussi logique que de respirer pour pouvoir vivre parce qu’elle savait que le soutien et le réconfort dont elle avait véritablement besoin en ce moment il serait le seul à pouvoir lui procurer. Pourtant, une fois devant sa porte le temps lui sembla s’écouler avec une lenteur insupportable. Sora devait se faire violence pour ne pas se mettre de nouveau à pleurer, surtout si elle risquait de croiser quelqu’un, même d’inconnu. Sa joue était en feu à force de la mordre pour retenir ses larmes qui lui brouillaient la vue et lorsqu’enfin la porte s’ouvrit ce fut une véritable délivrance pour la jeune femme qui pourtant n’osait tout de même pas bouger. « Oh, salut Sora ! ». Tout doucement, elle leva les yeux vers Danjel en mordillant sa lèvre inférieure qui ne cessait de trembler, signe qu’elle n’allait pas tenir très longtemps. Malgré le fait qu’elle ne voyait plus grand-chose tant ses yeux étaient humides, apercevoir sa silhouette avait quelque chose d’apaisant et de réconfortant alors que seulement quelques secondes venaient de passer. Nerveusement, elle s’accrocha à l’ourlet de son haut sans quitter le jeune homme du regard. « Hey... ça va pas ? ». Ce fut autour de son menton de trembler, mais Sora mordit l’intérieur de sa joue d’autant plus fort au point de l’entailler légèrement, toutefois elle parvint à se retenir et fut incapable de prononcer le moindre mot.

« Reste pas là, entre. ». Les jambes légèrement tremblantes et la tête à présent baissée, Sora pénétra dans l’appartement sans savoir par quel miracle elle parvenait encore à avancer sans avoir l’air de tituber. Toujours silencieuse, elle le suivit jusqu’au salon et se laissa tomber sur le canapé sans même se rendre contre qu’il était en train de débarrasser la table basse de ses cours et que, donc, elle le dérangeait probablement. « Tu veux boire quelque chose ? ». Sora secoua la tête à la négative. Même si en ayant autant pleuré elle avait soif, elle se savait incapable d’avaler quoi que ce soit pour le moment et si elle parvint à tenir le coup, en sentant la main de Danjel se poser sur sa nuque ce fut la fin et toutes ses forces l’abandonnèrent d’un coup. Se laissant tomber contre lui, elle s’agrippa à son haut de toutes ces petites dernières forces au point que la jointure de ses os devint blanche. « Promets-moi de ne pas me laisser … ». C’était sans doute les mots qu’elle aurait dû prononcer le jour du départ de son mari et pourtant, c’était à lui qu’elle demandait de faire cette promesse parce que perdu comme elle l’était d’un coup, elle refusait de voir quelqu’un d’autre s’éloigner d’elle. Un sanglot la secoua une nouvelle fois et Sora due prendre sur elle pour parvenir à respirer correctement afin de lâcher un tant soit peu Danjel et posé son regard toujours plein de larmes sur lui sans pour autant s’éloigner véritablement … de toute manière elle avait bien trop besoin de réconfort et était bien trop câline pour mettre de la distance entre eux.

Elle se raccrochait à lui comme un naufragé pourrait s’accrocher à une bouée de sauvetage pour survivre. En quelques instants et par un simple contact, toutes ses barrières avaient cédé et sa fierté s’était mise de côté. Elle avait besoin d’extérioriser sa douleur, besoin de verser ces larmes qui l’oppressaient ainsi que faire disparaître ces sanglots qui la secouaient. Elle n’avait jamais été du genre à céder sous la pression, mais elle accumulait bien trop pour être capable de tenir plus longtemps. Détruire sa propre vie était une chose, que d’autres perdent la leur s’en était une autre et cette seconde perte la fragilisait bien plus qu’elle ne pouvait l’être déjà. Sora ignorait ce qu’elle avait bien pu faire plus jeune ou au cours d’une vie antérieure pour avoir à souffrir autant aujourd’hui. Quatre ans plus tôt elle avait déjà dû affronter la perte de sa mère qui était, à l’époque tout du moins, la seule personne sur laquelle le pouvait s’appuyer lorsque ça n’allait pas. La perdre avait ouvert la porte aux problèmes même si ces derniers avaient pris leur temps pour l’attaquer. Elle avait gardé la tête haute aussi longtemps que possible et avait fait profil bas au cours de ses années au lycée puisqu’à ses yeux c’était le seul moyen de tenir et de ne pas céder sous la pression, toutefois la découverte de la drogue avait été une échappatoire, une manière simple de ne pas affronter ses problèmes. Lorsqu’elle avait été une grande consommatrice, la drogue lui permettait d’oublier … tout du moins jusqu’à ce qu’elle redescende, mais elle avait toujours fait en sorte de rester dans cette extase aussi souvent que possible et c’était d’ailleurs ce qui avait bien manqué de lui coûter la vie l’année précédente.

Cependant, elle en avait eu besoin de cette drogue et de cette sensation de vivre dans un monde parfait où tout était beau et où le mal n’existait pas. Bien que le manque ne soit pas quelque chose qu’elle appréciait, elle était passée par là, mais avec les moyens qu’elle avait depuis que sa carrière était lancée, le manque elle ne l’avait pas connu bien souvent. Dean était celui qui l’avait en partie aidé à sortir de tout ça, une des raisons pour laquelle elle parvenait à tenir le coup encore aujourd’hui sans même toucher à la moindre petite dose de drogue même si parfois c’était bien tentant. Seulement à présent il n’était plus là. Sora aurait donné beaucoup pour juste un petit peu de cocaïne lorsqu’elle avait appris la nouvelle de la bouche des militaires et ce uniquement pour s’éloigner de ce monde bien trop douloureux pour sa petite personne. Elle n’était pas forte, elle s’en donnait l’air, mais elle ne l’était pas. De toutes les personnes de son entourage, Sora était de loin la plus fragile tout en étant la plus douée pour manipuler les gens afin de leur faire croire le contraire, mais là … elle n’avait aucune force pour tenir le coup. Tout ce qu’elle souhaitait c’était trouver un tant soit peu de soutien et Danjel était, à ses yeux, la personne parfaite pour ça. Être près de lui ne réveilla pas son égo. Qu’elle fasse peur à voir ou non, elle s’en moquait tout comme le fait de mouiller son haut de ses larmes, elle avait juste besoin d’être dans les bras de quelqu’un parce qu’elle fonctionnait ainsi depuis toujours bien que peu de personnes le savaient. Sora avait toujours été une demoiselle câline et très tactile ce qui parfois pouvait être dérangeant, mais ce soir ça n’avait pas d’importance, par pour elle et le fait que Danjel la serre à chaque sanglot un peu plus fort contre lui démontrait le fait que lui aussi s’en moquait.

« Jamais je ne te laisserai. ». Rassurée, elle sentit ses sanglots diminuer bien qu’ils restèrent présents. Ces paroles, cette promesse venait de la rassurer et pourtant Sora continuait de s’accrocher à Danjel plus que jamais. Sa respiration resta irrégulière tandis qu’elle faisait de son mieux pour se calmer après cette crise de larmes qui l’avait quasiment totalement épuisée, toutefois elle parvint à respirer convenablement au bout de quelques minutes. « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? ». La fin du monde fut sa première pensée, mais Sora la garda pour elle puisque c’était bien exagéré comme propos. Elle était jeune et, quelque part, elle savait que si véritablement Dean ne rentrait pas il n’aurait pas voulu qu’elle se mette dans un état pareille, mais bien qu’elle continue d’avancer, oui enfin sauf que c’était toujours plus facile à dire qu’à faire. Même si quelques larmes continuaient de rouler le long de ses joues, Sora était parvenue à se calmer un tant soit peu pour trouver le courage de parler. « Dean … Ils l’ont déclaré mort … ». Sora se mordit une nouvelle fois la lèvre pour refouler ce sanglot qui allait s’emparer d’elle seulement cette fois c’était elle qui serait la plus forte. « Je ne connais pas les détails, on nous les donne jamais, mais toute son unité à part lui et deux autres soldats ont été retrouvés morts. ». Sora se redressa, s’éloigna quelque peu de Danjel et hésita quelques instants à lever les yeux vers lui. « Je ne veux pas être seule, la dernière fois j’ai passé une année entière dans le flou totale à cause de la drogue, je ne veux pas que ça recommence et je ne veux pas être seule. ». Elle sentait un sanglot qui tentait à nouveau de s’attaquer à elle et de nouveau elle mordit l’intérieur de sa joue pour tâcher de se calmer sans quitter Danjel du regard … regard dans lequel elle aurait aimé se noyer ne serait-ce que pour le reste de la soirée afin de tout oublier et qu’il n’y ait plus que lui et elle sans avoir à se préoccuper du reste du monde.

S’accrocher était ce qu’elle avait le mieux appris au cours des vingt petites années de son existence. Elle n’avait eu d’autre choix que de se faire à l’idée que pour tenir le coup dans la vie il fallait lutter … lutter contre la douleur dans son cas. Rien n’avait été simple et pourtant elle n’était pas la personne la plus à plaindre dans ce monde. Certes, elle avait perdu le seul parent qu’elle connaissait et qui avait dénié l’élever, mais aussitôt après cette perte elle avait trouvé d’autres personnes sur qui se reposer. Ses parents adoptifs avaient rempli leur rôle à la perfection, ils étaient même aller plus loin puisque Carol était, à la base, que sa tutrice légale en cas du décès de sa mère, ce qui avait donc été le cas. Toutefois, ils s’étaient attachés à elle et préféraient s’assurer que tout irait bien pour elle en l’adoptant, une mesure qu’ils avaient jugé plus prudente bien qu’elle gardait le nom de sa mère. Ce décès avait été la première épreuve au cours de laquelle Sora avait dû se battre pour garder la tête haute et continuer d’avancer tranquillement dans sa vie puisque c’était ce que sa mère aurait souhaité pour elle. C’était avant tout en souvenir de cette dernière que la jeune fille s’était évertuée à ne pas baisser les bras trop vite, pas même lorsque Jazmin faisait de sa vie un véritable enfer au lycée, mais au final … elle avait sombré malgré tout. Pourtant, à ses yeux la drogue avait été un moyen de tenir le coup et de ne pas laisser sa tristesse la submerger. C’était avec tout ce qu’elle avalait ou sniffait – les injections, très peu pour elle – qu’elle avait pu continuer de sourire encore et toujours alors qu’avec toutes ces années de souffrance elle était au plus bas. C’était ce qui lui avait permis de faire croire à tout le monde qu’elle allait bien et qu’il ne fallait surtout pas s’inquiéter pour elle, mais c’était également ce qui avait bien failli l’aider à rejoindre sa mère bien plus vite que prévu.

Ce fut au cours de cette période qu’elle avait rencontré Danjel. L’année précédente avait été bien différente de celles qu’elle avait pu vivre jusqu’alors même si encore maintenant elle ne se l’expliquait pas. Il avait été tendre avec elle, intéressé aussi quelque part, et les souvenirs qu’elle gardait étaient étonnement très clair pour une jeune fille qui se droguait à forte dose. Déjà alors – et sans même s’en rendre compte – il avait pris une place importante dans la vie de la jeune fille qui se sentait bien qu’avec Danjel près d’elle … lorsqu’ils pouvaient être ensemble. Et puis elle était retombée sur ses pieds. La cure de désintoxication fut la deuxième épreuve au cours de laquelle Sora avait dû lutter pour tenir le coup. Elle était suivie de près et épaulée, toutefois ce n’était pas si facile que ce que les autres pouvaient penser ou imaginer. Le manque était déroutant et douloureux. Elle se souvenait d’avoir été prête à tout pour avoir ne serait-ce qu’un petit quelque chose pour faire taire les sensations qui la rongeaient. Même les antidouleurs lui avaient été interdis pour éviter qu’elle n’y devienne accro, mais la jeune fille avait tenu et s’en était sortie. Néanmoins, cette troisième épreuve elle avait déjà bien du mal à la surmonter. C’était trop, d’autant plus pour son jeune âge. Sora ne souhaitait qu’une chose qui était d’avoir une vie aussi simple que n’importe quelle jeune fille de son âge même si avec son métier c’était mal partie. Elle voulait une vie simple et loin de la douleur qui sommeillait en elle et qui se réveillait de temps à autre lorsqu’elle n’y faisait pas assez attention pour la garder au fond d’elle.

La simplicité était ce qui l’attirait le plus aujourd’hui, ça et le fait d’être heureuse. Sora était bien partie pour obtenir la seconde chose et elle faisait de son mieux pour avoir la première en commençant par reprendre ses études dans la perspective de probablement quitter le mannequinat par la suite, mais aujourd’hui tout ça était bien loin. Il n’y avait plus que l’incompréhension, la douleur et la colère qui régnaient en elle … et peut-être une pointe de panique. Danjel était la seule personne vers qui elle voulait se tourner, la seule personne avec qui elle voulait être, contre qui elle voulait être. Sora avait besoin de son soutien et de ses gestes réconfortants qu’il savait si bien lui procurer et elle n’avait pas eu le moindre doute lorsqu’elle avait donné son adresser au chauffeur de taxi. La jeune fille savait que devant lui elle pouvait craquer et laisser sa fierté de côté, jamais il ne la jugerait. De plus, à peine l’avait-il prise dans ses bras, qu’elle avait senti un certain apaisement la gagner et c’était tout ce dont elle avait besoin. « Eh, Sora, calme-toi. ». Son regard ne pouvait plus quitter celui du jeune homme à présent, pas alors qu’il avait pris son visage entre ses mains de sorte à ce qu’elle ne puisse pas tourner la tête. Quant à se calmer, Sora fit de son mieux et pinça ses lèvres pour cacher le tremblement de ces dernières juste quelques secondes, le temps de parvenir à caler son souffle sur une respiration correcte, du moins un tant soit peu correcte. Elle resta silencieuse et totalement captivée par le regard de Danjel dont elle ne parvenait plus à se décrocher … de toute manière elle ne le voulait pas. Cette proximité, ce contact avec lui, elle l’appréciait que trop pour vouloir le briser. Sora se serait écoutée elle serait immédiatement repartie se loger contre lui et se serait mise à espérer que le temps s’arrête pour qu’ils restent ainsi à tout jamais, mais la jeune fille resta immobile, son regard perdu dans celui de Danjel.

« Je suis là d'accord ? Tu n'es pas toute seule. Et je veillerai sur toi jours et nuits durant des mois si tu en as besoin. ». Sora posa ses mains sur les siennes alors qu’elles caressaient toujours avec affection ses joues et la jeune fille acquiesça rapidement en lui adressant un très léger sourire qui étira juste le coin droit de ses lèvres. « Rien n'est encore perdu. Du moment qu'ils ne l'ont pas retrouvé, il reste un espoir. Et cet espoir, qu'importe son importance, il faut que tu t'y accroches de toutes tes forces. ». S’accrocher … c’était une nouvelle fois ce qu’on lui demandait de faire. Elle devait tenir bon et s’accrocher à ce petit espoir, seulement même si elle préféra ne rien dire, Sora savait qu’elle était incapable d’y parvenir. Elle était ni défaitiste ni pessimiste, du moins pas habituellement, mais ce soir elle ne voulait pas espérer parce qu’elle craignait trop de tomber de haut si jamais cet espoir s’envolait dans les jours prochains. Alors, en silence, elle fit glisser les mains de Danjel de son visage et retourna enfin contre lui en nichant son visage dans son cou. « Serre-moi, s’il te plait. », chuchota-t-elle en fermant les yeux. Elle avait parlé, mais ne souhaitait plus le faire, du moins pas sur ce sujet alors qu’il rimait avec souffrance et larmes. Tout ce qu’elle voulait à présent, c’était penser à autre chose ou tout du moins essayer de le faire. Sora voulait ressentir cette émotion qui s’était emparée d’elle l’année précédente lorsqu’à ses yeux il n’y avait rien d’autre que Danjel et elle qui comptaient. Elle voulait de nouveau avoir l’impression d’être avec lui dans une petite bulle où le temps ne s’écoulait pas de la même manière que dans le reste du monde. Elle souhaitait simplement être avec lui et rien qu’avec lui.

Elle sentait ses forces diminuer un peu plus à chaque instant. Chaque parcelle de son corps voyait disparaitre le peu de force qui leur restait depuis qu’elle avait appris la nouvelle. Elle ignorait par quel miracle elle tenait encore éveillée alors que s’effondrer aurait été bien plus simple, bien plus rapide aussi. Elle s'accrochait parce qu’elle savait que trop bien ce qu’elle risquait si jamais elle ne le faisait pas. Elle avait fait une promesse, celle de ne jamais rechuter et pourtant à cet instant la tentation était bien grande, toutefois elle pouvait compter sur Danjel pour la soutenir, elle le savait. Seulement, tôt ou tard elle allait se trouver seule. Tôt ou tard ses démons allaient à nouveau venir s’en prendre à elle et la tentation risquait d’être bien trop forte pour qu’elle parvienne à ne pas y céder. Elle avait peur … peur de se retrouver plongée dans ce cercle vicieux et peur de ne pas s’en sortir si jamais ça lui arrivait à nouveau. Au fond elle n’était encore qu’une petite fille qu’on avait jeté dans le monde des adultes que trop vite. Sora était jeune et elle s’émerveillait encore face aux choses de la vie. Elle était par moment innocente et se plaisait à croire que le monde n’était pas si affreux et que chaque personne avait du bon en elle même si parfois c’était bien difficile de le remarquer. Peut-être était-elle rêveuse aussi, mais pouvait-on véritablement la blâmer de vouloir vivre encore un peu dans son innocence, elle qui avait déjà assez souffert par le passé ? Cette bulle d’innocence elle aurait voulu s’y plonger ce soir, s’y plonger et ne jamais plus en sortir.

Elle espérait que tout ceci n’était qu’un cauchemar et qui bientôt elle allait ouvrir les yeux et se rendre compte que tout allait bien. Une situation ne pouvait pas tourner mal en si peu de temps tout de même ? Et qu’avait-elle bien pu faire pour mériter ça ? D’accord, Sora n’était pas la jeune femme la plus parfaite, mais qui n’avait pas le moindre défaut sur cette planète ? Comme beaucoup de personnes elle avait des défauts, comme beaucoup de personnes elle souffrait, mais elle était arrivée à un tel niveau que la demoiselle commençait sincèrement à saturer. Elle fatiguait et elle savait parfaitement que dans les jours à venir, si elle ne trouvait pas quelqu’un sur qui s’appuyer, elle allait finir par baisser les bras et choisir la solution de facilité, quitte à se détruire à nouveau. Seulement, ce n’était pas le moment d’y penser car s’y risquer allait d’autant plus la plonger dans une dépression certaine. Elle devait tenter de se calmer. Même si ses larmes s’étaient doucement dissipées dès qu’elle avait pris place dans les bras de Danjel, sa douleur était toujours là et elle n’était pas à l’abri d’une nouvelle crise. Sora cala sa respiration sur celle du jeune homme, fermant les yeux pour tâcher de se calmer plus vite, restant contre lui et appréciant le fait qu’il resserre son étreinte lorsqu’elle le lui demanda. Là elle se sentait en sécurité. Là elle savait qu’elle n’avait rien à craindre puisqu’il ne la laisserait jamais tomber. « Je suis là. ». Par réflexe, Sora se mordilla doucement la lèvre inférieure. Souvent, lorsqu’elle se retrouvait avec Danjel, elle en venait à regretter leur relation passée et la simplicité de cette dernière. Elle en venait même à regretter le fait de s’être mariée aussi vite alors qu’elle n’avait que vingt ans et toute la vie devant elle. Un soupire de bien-être lui échappa.

Aussi épuisée soit-elle, Sora se sentait parfaitement bien là où elle était et elle ne regrettait pas son choix appréciant que trop la présence du jeune homme et l’attention qu’il lui portait. Tous les deux restèrent ainsi de longues minutes, Sora les yeux fermés et continuant de caler sa respiration sur la sienne tandis que Danjel continuait d’effleurer affectueusement son bras du bout des doigts. « T'es vraiment sûre que tu veux rien boire ? Je veux dire... ça te fera sûrement du bien. Je peux te faire un café, ou un thé. Ou peut-être que tu préfères juste un peu d'eau ? ». Doucement, elle ouvrit les yeux et les posa sur un point non précis un peu plus loin. A bien y réfléchir, elle commençait à avoir soif avec toutes les larmes qu’elle avait versé auparavant, mais l’idée qu’il s’éloigne – même que quelques instants – la fit hésiter l’espace de quelques secondes. « De l’eau ça me suffira … s’il te plait. ». Prise d’un nouveau moment de doute, Sora hésita à se dégager pour finalement se résinier et reprendre place à l’endroit où elle s’était assise quelques minutes auparavant juste avant de fondre en larmes. « Attends ! ». Finalement, Sora ne lui laissa pas même le temps de se lever qu’elle l’arrêta en lui saisissant la main, son regard se posant automatiquement sur lui. Pourtant, aucun autre son ne sortit de sa bouche, elle se contenta de le regarder en gardant sa main dans la sienne en se pinçant légèrement les lèvres puis baissa les yeux. « Non, laisse tomber. ». Sur ces paroles, Sora lâcha la main de Danjel pour enfin lui permettre de se lever et d’aller chercher ce verre d’eau qu’il tenait tellement à lui faire boire prévenant comme il pouvait l’être avec elle.

« Je fais vite. ». Le laisser partir ne serait-ce que dans la cuisine de son appartement semblait remplir Sora d’une peur sans limite comme si lui aussi risquait de disparaitre et de l’abandonner alors que pourtant il n’était pas si loin d’elle, bien moins que ça avait pu être le cas avec Dean avant qu’elle n’apprenne ce jour-même que plus jamais elle ne le verrait. La demoiselle refusait de perdre également Danjel, ça lui semblait impossible et tellement insurmontable qu’elle laissait la peur l’envahir sans parvenir à se contrôler. Se retrouver seule était devenue l’une de ses hantises depuis qu’elle avait perdu sa mère et plus le temps passait et plus Sora avait parfois l’impression qu’elle apportait la mort avec elle, touchant toutes les personnes qui lui étaient un tant soit peu proches. Il n’y avait que sa famille adoptive qui semblait y échapper et encore, la jeune femme restait persuadée qu’ils n’étaient pas à l’abri d’un accident surtout Doug et Carol avec leur emploi à l’hôpital et les fous qui pouvaient parfois s’y rendre. Sora commençait ainsi à avoir peur de tout et si elle continuait sur cette lancée elle n’allait pas tarder à finir enfermée chez elle en refusant de voir qui que ce soit hormis peut-être un dealer pour se laisser doucement retomber dans la drogue qui lui semblait être le seule chemin vers la facilité et la sérénité.

C’était principalement cette sensation qui lui manquait. Loin d’apprécier le moment où elle « redescendait » lorsqu’elle commençait tout juste à sentir les effets de la drogue il s’agissait du moment le plus doux et apaisant de sa vie, un moment qui commençait de plus en plus à lui manquer même si elle savait qu’elle avait des personnes derrière elle pour la soutenir et l’empêcher de retomber. Mais en serait-elle vraiment capable alors que la seule personne qui l’avait véritablement vu détruite par la drogue dans une petite ruelle était porté disparue et considérée comme morte dans l’exercice de ses fonctions ? Elle se savait incapable de s’accrocher à ses parents adoptifs malgré tout l’amour qu’elle pouvait leur porter et elle ne comptait pas se tourner vers son frère et sa sœur qui, eux, ne comprendraient pas ce par quoi elle pouvait passer. La personne – et pas la moins importante – vers qui elle acceptait de se tourner à cet instant précis était Danjel. Malgré ses amis, malgré les personnes qui tenaient à elle, c’était auprès de lui qu’elle avait trouvé refuge parce qu’elle savait le jeune homme être le seul capable à l’aider et à lui donner le soutien dont elle avait besoin tout comme elle savait que le perdre lui serait probablement fatal.

Sora fit de son mieux pour faire taire la peur qui lui retournait l’estomac et lui coupait la respiration. Son regard se posa dans le vide devant elle et elle se concentra sur la recherche de potentiels souvenirs joyeux bien que la plupart étaient ceux avec sa mère la forçant ainsi à faire face au manque que sa disparition avait créé en elle. Sans même s’en rendre compte, Sora se mit à jouer nerveusement avec la couture du bas de son tee-shirt allant même jusqu’à arracher les fils à certains endroits jusqu’à entendre les pas de Danjel revenir dans sa direction. Doucement, la jeune fille tourna la tête vers lui et senti immédiatement une partie de sa peur s’évaporer laissant place qu’à la douleur qu’elle éprouvait depuis qu’elle savait. « Tiens. ». D’une main tremblante, Sora attrapa le verre qui lui tendait et le remercia d’un simple et faible sourire avant de le porter à ses lèvres pour en boire une ou deux gorgés. Le maintenant fermement entre ses mains, posé sur ses jambes, ses sourcils se froncèrent légèrement lorsqu’elle vit Danjel approché sa main avec un mouchoir et pourtant elle ne fit pas le moindre mouvement. Sora le laissa nettoyer le maquillage qui avait débordé à cause de ses larmes en posant son regard sur lui en humectant ses lèvres, attendant sagement qu’il ait fini pour boire à nouveau l’eau contenue dans le verre.

« Tu peux dormir ici cette nuit si tu veux. ». Son regard s’accrocha à celui du brésilien sans qu’elle soit capable de formuler le moindre mot. Sora le regardait simplement se sentant à nouveau mieux dès lors qu’il eut recommencé de caresser affectueusement sa nuque. Elle se savait incapable de partir de cet appartement pour retrouver le sien et affronter d’autant plus la vérité et pour réponse, elle agita la tête d’un mouvement bref en avant puis retourna se loger contre lui en fermant les yeux après avoir posé le verre sur la table basse, main posée sur son torse. Sora cala de nouveau sa respiration sur celle de Danjel et profita de ce moment quelques instants pour finalement se dégager légèrement afin de pouvoir le regarder sans rien dire. Elle leva doucement la main et parcouru son visage de sa tempe jusqu’à ses lèvres du bout de ses doigts et s’attarda au coin de celles-ci avant de lever les yeux vers lui n’ayant pas la moindre difficulté à sentir à la gêne qui était en train de l’envahir vis-à-vis de cet élan d’affection poussée qui venait de la prendre. « S’il te plait … ». Sa demande tenait plus de la supplication qu’autre chose. Sora n’avait jamais été une personne forte malgré ce qu’elle pouvait laisser voir, elle avait été affaiblie d’année en année et avait besoin plus que jamais d’affection qu’elle ne recherchait qu’auprès de Danjel et ce fut sans attendre son aval qu’elle se redressa de sorte à pouvoir rapprocher son visage et captura ses lèvres dans un baiser court et tendre.

je l'ai fait bon pas comme t'as dit, mais je l'ai fait quand même & j'arrête pas de penser au prochain

Sora savait parfaitement ce qui lui passait par la tête. Elle savait très bien ce qu’elle voulait et c’était du réconfort que seul Danjel était capable de lui procurer. Elle manquait affreusement d’amour, bien plus que ce qu’elle pouvait le montrer. Elle n’avait jamais autant été touchée par un quelconque manque depuis qu’elle avait perdu sa mère à seize ans. Son père ne lui avait jamais manqué bien que ce dernier venait tout juste de rentrer dans sa vie, elle n’avait jamais pensé à lui et avait parfaitement vécu sans lui. Perdre sa mère avait été une véritable torture. Elle avait été sa confidente, la personne en qui elle avait le plus confiance, la femme qui avait séché ses larmes et qui l’avait serré contre elle lorsqu’elle allait mal … sans sa mère – et même après quatre ans – elle se sentait seule avec comme seul compagnon un énorme vide dans sa poitrine. Même sa famille adoptive ne parvenait pas à le combler, pas même Dean pour tout dire. Sora les aimait sincèrement et elle était heureuse avec eux, mais ça n’était pas assez, ça ne le serait jamais. Danjel … Il avait su panser ses blessures par sa simple présence ce que la jeune femme n’avait jamais su s’expliquer. Elle aimait qu’il soit près de lui. Elle aimait qu’il prenne soin d’elle et soit attentif à elle alors qu’elle savait que pourtant plusieurs femmes avant elle étaient passées dans son lit. Sora s’en moquait, elle se contentait juste de savourer ces instants qu’elle pouvait passer avec lui.

Leur année tous les deux n’avait eu de cesse de la hanter tous les jours, même après son mariage, même après s’être installée avec Dean et après s’être reprise en s’éloignant de la drogue. Il hantait chacune de ses pensées et la jeune femme n’avait jamais voulu lutter, se surprenant même à sourire lorsqu’elle se risquait à penser à eux. Il lui était essentiel même si elle ne disait pas. Sora avait toujours été tactile et très câline. Ce manque perpétuel d’affection qui la caractérisait la poussait à toujours chercher du réconfort ici et là et ce même si ce n’était que pour être serrée dans les bras de quelqu’un. Aujourd’hui plus que jamais elle éprouvait ce besoin d’être dans les bras de quelqu’un et de trouver du réconfort. Elle aimait Dean, sincèrement puisqu’elle ne l’aurait pas épousé autrement, mais c’était différent. Il était son sauveur, celui qui l’avait retrouvé alors qu’elle était à deux doigts de mourir. Il avait toujours été là pour elle, près d’elle, mais il n’avait jamais été là comme Danjel avait pu l’être. Malgré toute la tendresse qu’avait pu lui promulguer son mari ça n’était pas la même chose et elle était bien loin d’être comme celle du brésilien. Alors oui, Sora savait parfaitement ce qu’elle voulait tout comme elle savait que ce n’était pas le moment, mais elle était ainsi et refusait de lutter contre ses pulsions lorsqu’elle allait mal. La jeune femme se savait faible, il n’y avait qu’à voir l’intérêt que son cerveau semblait déjà porter à la drogue, cependant elle n’avait jamais trouvé le moyen de relever complètement la tête ces dernières années.

Elle voulait être près de lui, contre lui peut-être même à lui comme ça avait pu être le cas par le passé et Sora n’avait pas trouvé d’autre moyen que de l’embrasser doucement pour le lui faire comprendre. Elle avait senti la gêne et l’incompréhension le gagner, mais lorsqu’il avait reculé son visage, elle était restée silencieuse sans le quitter des yeux et restant tout de même à proximité de lui. « Sora... ». L’intéressée ne put s’empêcher de mordiller sa lèvre inférieure sans rien dire, gardant les lèvres closes. Délicatement elle posa son index sur les lèvres de Danjel sans le quitter des yeux et pour lui faire comprendre de ne rien dire d’autre parce que malgré la situation, elle le voulait et ne baisserait pas les bras. « Juste cette fois … s’il te plait. ». Sa main se dégagea et alla attraper l’une de celles de l’étudiant juste avant qu’elle sente la nécessité de se justifier l’envahir. « Tu es le seul à me connaitre véritablement en si peu de temps. Le seul qui soit capable de faire disparaitre cette sensation de trou béant dans ma poitrine … j’ai besoin de toi. ». Et déjà la jeune fille sentait ses yeux picoter de nouveau. Aussi franche qu’elle pouvait être, Sora était incapable d’aller au fond de sa pensée et devait donc se satisfaire du fait de la faire comprendre par des petites phrases. Elle refusait de s’attacher depuis quatre ans de crainte d’avoir à souffrir, elle était parfois distante avec sa famille, mais lui … elle en était incapable.

Etait-elle prête à prendre ce risque ? Visiblement oui. Sora jugeait n’avoir plus rien à perdre et même si elle faisait probablement fausse route, elle ne pouvait pas empêcher ce besoin de la quitter et d’arrêter de lui retourner l’estomac. Son cœur battait vite, peut-être même un peu trop vite. Elle ne parvenait plus à se caler à nouveau sur la respiration de Danjel et elle semblait hanter que par une chose, le fait de pouvoir à nouveau goûter à ses lèvres. C’était comme s’il n’y avait plus que ça qui comptait à présent, comme si le reste n’avait plus la moindre importance et que quel que soit ses actes, les conséquences ne pourraient pas l’enfoncer plus profondément dans le trou dans lequel elle se trouvait déjà. Sora semblait avoir chassé de son esprit tout le reste pour se focaliser uniquement sur ce qu’elle désirait, sur ce besoin de combler une nouvelle fois ce vide en elle. Danjel avait été le seul à le faire et pourtant ce n’était pas le seul homme à être passé dans son lit. Loin d’être la personne la plus fréquentable et stable l’an passé, elle n’avait fait que multiplier les frasques et avait fait parler d’elle d’une façon dont elle n’était pas fière. Le monde du mannequinat était impitoyable et Sora l’avait appris à ses dépens, se fiant aux mauvaises personnes et mettant de côtés ses amis les plus proches qui, pour la plupart, avaient fini par lui tourner le dos une bonne fois pour toute.

La drogue avait été fidèle. Même si elle avait dû dépenser des sommes parfois astronomiques afin de se procurer ce dont elle avait besoin, elle avait toujours été là et lui avait permis de se sentir bien ne serait-ce que quelques heures. A l’époque cette sensation de bien-être lui avait permis de tenir le coup et d’oublier la dureté de la vie … de sa vie. Elle ne pouvait pas s’empêcher d’avoir la sensation de n’avoir été qu’une enfant qui fut jetée dans la fosse aux lions sans le moindre ménagement, forcée à se débrouiller par elle-même alors que ce n’était pas le cas. Doug et Carol avaient été là pour elle, mais Sora n’avait rien voulu voir ni entendre, persuadée que finalement si elle avait perdu ses parents c’était parce qu’elle amenait la mort avec elle et qu’il valait mieux pour son entourage qu’elle soit loin d’eux. Il était difficile pour la demoiselle ne pas avoir une piètre opinion de sa personne alors qu’elle avait tant traversé pour son jeune âge et à bien y réfléchir, se lancer comme mannequin n’était pas ce qui l’avait mené sur le chemin de la drogue, c’était bel et bien cette détresse qui grandissait en elle. Mais le brésilien lui avait donné un moment de répit pour une semaine qu’elle n’avait jamais été capable d’ôter de son esprit.

Même si elle n’en restait pas moins high les trois quarts du temps, Sora se remémorait parfaitement de cette douceur et de cette tendresse à laquelle elle avait eu le droit à chaque fois qu’elle avait été en sa présence, deux choses que même son mari avait été incapable de lui promulguer parce que finalement, pour Sora, il n’y avait que Danjel qui comptait sincèrement et qui était capable de lui faire éprouver le bonheur nécessaire pour ne pas qu’elle perde pieds. Pourtant, elle n’avait rien dit. Pourtant, elle avait accepté d’épouser Dean parce que quelque part lui aussi elle l’avait aimé mais d’un amour différent, un amour qui la forçait tout de même à souffrir atrocement de sa soudaine disparition. Toutefois, elle restait prête à courir le risque parce qu’elle voulait à nouveau éprouver ce qu’elle avait ressenti auprès de l’étudiant au cours de cette semaine où ils s’étaient connus. Sora avait besoin de sa tendresse et même si elle aurait parfaitement pu se satisfaire de rester dans ses bras en se sentant apaisée par les caresses qu’il lui faisait dans le cou, elle était sans doute trop gourmande ou peut-être trop accro à lui comme si à ses yeux il était une nouvelle drogue, mais bien plus douce que celles qu’elle avait pu consommer auparavant.

« Sora, on peut pas... ». Malgré ses paroles, malgré le fait qu’il la suppliait du regard, la guatémaltèque ne baissait toujours pas les bras et s’accrochait à son regard comme un naufragé l’aurait fait avec une bouée. Cependant, elle ne prononça pas le moindre mot, pas une seule parole tandis qu’il continuait d’essayer de lutter contre sa demande. Alors qu’elle sentait la main de Danjel se perdre dans ses cheveux et son pouce frôler doucement sa joue, ses paupières se fermèrent l’espace d’un instant, juste de quoi lui permettre de savourer à nouveau cette tendresse puis son regard se plongea de nouveau dans celui du brésilien. Puis, sans bouger, elle vit son visage s’approcher doucement du sien. Son cœur se mit à accélérer d’autant plus en sentant son souffle se rapprocher d’elle et manqua un battement lorsqu’il captura à son tour ses lèvres. Bien trop rapidement à court d’air, elle sépara leurs lèvres afin de faire entrer de l’oxygène dans ses poumons, croisa une nouvelle fois son regard et n’attendit pas plus longtemps pour fondre à nouveau sur ses lèvres pour un baiser bien moins timide que les deux précédents. Alors que l’une de ses mains gardaient toujours l’une de celle de Danjel, la seconde glissa jusqu’à la nuque du jeune homme et alla se perdre à la naissance de ses cheveux. Ce qu’elle souhaitait elle l’obtenait et déjà elle sentait une partie de sa tristesse s’envoler pour être remplacée par un sentiment de bien-être qui lui avait tant manqué.

Son cœur allait finir par exploser. Il battait de plus en plus vite et devenait si instable qu’elle se surprit à ne pas suffoquer. Cette sensation elle savait pertinemment qu’elle la ressentait quasiment jamais, que les seules fois qu’elle avait pu l’éprouver c’était lorsqu’elle s’était trouvée près de lui. Pourtant, ils étaient devenus amis, de simples amis même s’ils n’en restaient pas moins proches. Danjel avait énormément d’importance pour elle, bien plus que ce qu’elle était capable de le savoir, bien plus que ce qu’elle était capable de dire. Il aurait pu être son sauveur s’il était resté plus longtemps près d’elle, celui pour qui elle aurait très bien pu arrêter ses erreurs et se reprendre. Sora était perdue en sa présence, incapable de savoir ce qu’elle ressentait vraiment, mais elle savait que ce sentiment qui la gagnait à chaque fois qu’elle était avec le brésilien était intense et bien trop précieux pour qu’elle se risque à le perdre. Peut-être était-ce ça d’aimer véritablement ? Comment pouvait-elle le savoir alors que ça lui semblait si nouveau et que jusqu’à présent elle avait été persuadée de véritablement aimer son mari ?

Elle ne l’avait jamais trompé et n’avait jamais pensé à le faire et pourtant un autre homme avait bien souvent occupé ses pensées, sans doute trop souvent mais elle n’avait rien dit, elle avait continué d’avancer en considérant Danjel comme un ami, l’un de ceux qu’elle ne pourrait pas se résoudre à perdre. La guatémaltèque avait souvent eu l’impression que quelque chose lui manquait dans sa relation et pourtant Dean avait toujours été un jeune prévenant et qui s’inquiétait pour elle, mais il manquait tout de même ce petit quelque chose qui faisait battre son cœur comme ça pouvait être le cas à cet instant précis. En réalité, c’était Danjel … juste lui et Sora le savait depuis toujours toutefois elle avait enfoui cette certitude au plus profond de son être pour ne pas avoir à souffrir. Il était la personne qui lui permettait de respirer correctement – même si c’était à se le demander tant elle pouvait avoir du mal à cet instant précis. Le jeune homme lui permettait de tenir, d’avoir d’autant plus la sensation d’avoir de l’importance aux yeux de quelqu’un, d’exister et de compter ce qui n’était pas négligeable pour elle. Alors, Sora était certaine de ce qu’elle voulait. Aussi bouleversée qu’elle pouvait être, même si elle avait véritablement besoin de réconfort, ce n’était pas pour ça qu’elle souhaitait avoir le droit de le posséder même si ce n’était que pour ce soir.

Elle le voulait parce que tout son corps le désirait et qu’elle était bien incapable de lutter contre ce désir et que de toute manière elle préférait de loin y céder. La guatémaltèque ne tarda pas à avoir l’impression de mourir de chaud. Plus leurs baisers s’intensifiaient et plus sa température corporelle augmentait mais elle s’en accommoda à défaut de pouvoir faire autrement. Cette proximité avec le jeune homme lui permettait d’oublier tout le reste, d’oublier ce qui lui faisait mal pour profiter uniquement de l'instant présent et ce plaisir qu’elle pouvait ressentir d’avoir ce à quoi elle pensait depuis un moment sans oser le demander. Sora le laissa diriger, bien trop concentrée par les baisers qu’ils échangeaient pour faire autre chose et doucement la jeune femme se laissa aller contre le canapé sans se risquer à briser ce rapprochement entre eux deux. En sentant la main de Danjel sur sa peau, tout son corps fut secoué d’un frisson qui la poussa à l’embrasser avec plus de ferveur sans pour autant être trop brusque. « T'es vraiment sûre ? ». Le souffle court, Sora ancra son regard dans celui de l’étudiant sans parvenir à trouver une respiration correct. Elle laissa le silence planer entre eux tandis que l’une de ses mains voyagea du visage du jeune homme jusqu’au bas de son tee-shirt en se pinçant les lèvres.

Sans donner la moindre réponse, elle l’aida simplement à ôter son haut avant de se redresser afin de capturer brièvement ses lèvres. « Certaine. ». Et sur ces mots elle ôta son propre haut, se laissa tomber sur le canapé en entraînant Danjel avec elle. Sora était véritablement incapable de se contenir, incapable de le garder loin d’elle, incapable d’aller contre ces émotions qui l’envahissaient lorsqu’elle était près de lui. Elle avait toujours été une jeune femme câline et tactile, mais c’était d’autant plus vrai avec Danjel. Passer du temps dans ses bras, être contre lui était ce qu’il y avait de plus agréable et de plus rassurant à ses yeux et elle savait que personne ne serait capable de lui faire ressentir la même chose. Pourtant, elle n’avait jamais rien dit considérant que c’était mieux ainsi, toutefois elle ne voulait plus qu’il en soit ainsi, pas ce soir en tout cas. Sora serait à lui sans penser aux conséquences puisqu’elle doutait qu’il y en ait tant elle refusait de le perdre. Elle savait pertinemment où allait conduire cet instant. Elle savait qu’elle allait passer la nuit dans ses bras, qu’elle allait ressentir une sensation de bien-être l’envahir pour la quitter que lorsqu’elle allait partir. Néanmoins, la seule chose qui importait c’était de l’avoir avec elle et de savoir qu’elle ne risquait pas de passer la nuit à pleurer mais que, au contraire, elle allait dormir bien mieux qu’elle n’avait plus le faire jusque-là.