Les yeux rivés sur l'écran qui se trouve derrière Vryzakis, tu tentes de te souvenir de qui peut bien être le constructeur de théâtre situé à Alexandrie. T'as beau chercher dans ta mémoire, aucun nom ne te viens à l'esprit et tu n'as que des réponses n'ayant que peu de choses à voir avec la question formulée par le conférencier. Alors tu te penses l'espace d'un instant complètement débile, mais comme personne ne semble savoir de qui il peut bien s'agir, ça te prouve que tu n'es pas la seule débile à ce cours. Tu te dis finalement que vous êtes tous là pour apprendre et qu'aucun d'entre vous n'est aussi débile que tu pouvais le penser. Non, vous êtes tous des étudiants qui ont plus ou moins soif d'apprendre et c'est comme ça. Si le mec qui est devant toi aujourd'hui est là, c'est parce qu'il s'y connait mieux que vous tous et qu'il sait donc des tas de choses que tu ne savais pas et que tu ne retiendras sûrement que partiellement. Bref, une silhouette attire ton attention. Un jeune homme s'est levé et comme déjà à aller vers la sortie, bientôt suivit par une masse d'élèves. Et toi, tu te contentes de les regarder avec un sourire gêné tout en rangeant lentement ton ordinateur dans sa housse. Ton regard est encore rivé sur le conférencier et lui, fait encore attention à ses élèves. « Trouvez le nom du constructeur pour le prochain cours ! » Tu hoches la tête doucement, comme s'il ne te parlait qu'à toi. A vrai dire, il ne te regarde même pas et t'es juste débile d'avoir fait ça, mais c'était un automatisme incontrôlable.

Une fois que toutes tes affaires sont bien en place dans ta sacoche, tu te lèves et t'attends devant le siège que tu occupais sans savoir quoi faire. Ton regard ne se décroche pas de lui et tu attends qu'il lève le regard et te fasse un signe de tête pour oser avancer et l'aborder. Tu t'arrêtes devant son bureau, un léger sourire sur les lèvres et tu restes là, droite et digne avant de finalement ouvrir la bouche pour dire calmement : « Je sais qu'un temple ptolémaïque est construit près du théâtre, il est dédié à Bastet et a été construit sur demande de la Reine Bérénice. Mais je ne sais rien sur le théâtre en lui-même... Alors je crois que vous avez bien fait de nous obliger à nous pencher sur le sujet. » Non, c'est pas pour lui lécher le cul, simplement pour lui énoncer une vérité. Il sort ton emploi du temps, le consulte pendant quelques instant puis lèves la tête pour te demander : « Yep, ta journée est fini aussi. Où est-ce qu'on va ? » Tu hoches d'abord la tête, en réponse à la première partie de sa réplique avant de répondre à la seconde partie. « Il faudrait... que j'aille voir mon père. C'est possible ? » Un air légèrement gêné se peins sur ton visage, tu ne sais pas trop si ton garde du corps de ce soir va vraiment accepter de te conduire chez ton père et encore moins à quatre heures de l'après-midi.

C'est définitivement bizarre pour toi de te retrouvée protégée par ton conférencier préféré. Et tu ne peux t'empêcher de penser aux éventuelles attaques contre ta personne, même si tu sais aussi qu'il y a de très faibles chances pour que cela arrive un jour, tu ne peux t'empêcher d'y penser et de te dire que tu t'en voudrais toute ta vie s'il était blessée. Mais ici, dans cette salle, tu sais que vous ne risquez rien et qu'il a encore son rôle de professeur. « Ravi de voir que tu prends le sujet à coeur. » Un sourire éclaire ton visage, comme à chaque fois qu'il prend la parole ou presque. « J'aimerais pouvoir en dire autant d'au moins un quart de mes élèves... » Tu lui lances un regard amusé, accompagné d'un sourire amusé, même si le tout reste quand même timide et discret. C'est vrai, le système universitaire n'est plus vraiment ce que c'était. Certains étudiants de Columbia préfèrent largement faire la fête que venir en cours et ne semblent avoir aucun problème avec le fait de préférer les fêtes aux cours et aux connaissances, ce que tu ne comprends pas ou peu. « Un jour, il se rendront compte qu'ils ont loupé une belle occasion de s'instruire. C'est dommage... » dis-tu avec une once de regret dans ta voix et dans l'expression de ton visage. T'es même pas persuadée que ce que tu dis puisse être vrai. Et puis tu demandes, à tes risques et périls, d'aller voir ton père et malgré le fait qu'il soit 'à ton service', tu ne peux pas t'empêcher de penser qu'il puisse refuser. Malgré tout, il te montre directement la sortie et se dirigea vers celle-ci, suivit de près par ta petite personne. « Downtown it is. » dit-il avant d'ouvrir la porte pour que tu puisse sortir. Et sans que tu t'en aperçoive, tu te retrouves bien vite à l'intérieur de la voiture de ton professeur.« Si t'as besoin de l'appeler avant, tu peux utiliser ça. C'est une ligne sécurisée. » dit-il en pointant un écran du doigt. Tu hoches la tête, le remercie et appuie sur l'écran. Un numéro, il te faut un numéro. Tu sors ton propre téléphone, parcours le répertoire puis trouve le numéro de ton père que tu retranscris rapidement sur l'écran. Une fois que celui-ci est tapé, la voiture appelle directement ton père et c'est bien évidemment son assistant qui décroche. « Je suis Esma Khatami et j'aimerai parler à mon père s'il vous plait. » « Un instant, je vous prie. » Ton regard se pose sur Matthew. Un peu gênée de devoir passer un coup de téléphone devant lui, simplement parce que tu ne voudrais pas qu'il soit déconcentré par cet appel. « Ca ne vous dérange vraiment pas ? » demandes-tu, soucieuse de son bien-être et de sa bonne conduite.

En fait, tu te sens bien dans cette voiture. Tu sais que t'es en sécurité, même si de façon générale, tu t'en fais pas trop. A vrai dire, t'as pas tellement peur de façon générale, parce que t'es aux Etats-Unis et que même si les Islamistes sont partout, le fait que Khatami ai une fille illégitime n'est pas quelque chose de notoriété publique non plus. Alors tu trouverais presque exagéré le coup de la protection diplomatique et tout ce bataclan, sans parler des gardes du corps qui seront sans doute plus payés à ne "rien faire" plutôt qu'à assurer ta réelle sécurité. C'est pas grave, si ça peut permettre à ton père d'avoir la conscience tranquille, tu n'as rien contre et t'es prête à te plier à tout ce petit jeu de protection. En fait, c'est pas si dérangeant parce que les gens que la CIA t'ont affectés sont des personnes vraiment sympathiques avec qui tu aimes passer du temps. Comme avec Matthew par exemple, parce qu'il est aussi cool en cours qu'à l'extérieur, d'après ce que t'as pu en voir. C'est d'ailleurs sa voix qui s'élève pour répondre à ta question. « Oh, non, t'inquiètes pas. » Tu souris, un peu rassurée par le fait qu'il te confirme que cet appel ne le gène pas. « Et puis, si tu as envie de faire quelque chose, ou d'aller quelque part - tant que c'est pas dangereux, hein -, ne t'inquiète pas de ce que je peux bien penser. Assurer ta protection, c'est tout ce qui compte. » Définitivement gentil et compréhensif. « Merci. » glisses-tu simplement avant qu'il ne reprenne la parole. « Quand on sort de Columbia, tu peux arrêter de me voir comme ton prof... et me tutoyer, par la même occasion. » Wow, tu sais pas si t'es capable de faire ça, mais tu veux bien tenter. Le truc, c'est que tu auras forcément l'envie de le vouvoyer la plupart du temps et que tu devras sans doute te reprendre systématiquement. Mais tu vas quand même essayer. Mais à vrai dire, t'as pas le temps de lui faire part de la résolution que tu as prise car la voix de ton père emplit la voiture. « اسماعیل؟ » (Esma ?) Ton cerveau tente de se faire au persan. Quand on parle anglais tous les jours et tout le temps pendant plusieurs semaines, c'est dur de se remettre à une autre langue, même la langue maternelle. « بله، آن را به من. من ...این است آنچه که من می تواند به شما مراجعه کنید؟ » (oui, c'est moi. je... est-ce que je peux venir te voir ?) Sa réponse est immédiate. « در حال حاضر؟ » (maintenant ?) Tu hausses les épaules, comme s'il pouvait te voir. « .زمانی که شما می توانید » (quand tu pourras.) Il semble réfléchir, tu entends les pages de son agenda, ce qui prouve qu'il cherche un trou dans son emploi du temps de diplomate. Un trou qu'il n'a évidemment pas. « من در یک ساعت می آیند، شما واقعا نیاز به صحبت. » (je viendrai dans une heure, il faut vraiment qu'on parle.) Il accepte, tu raccroches. Tu regardes Matthew et tu soupires. « Je crois qu'il va falloir que vo... tu restes avec moi une petite heure et qu'on trouve quelque chose à faire. » Tu espères juste qu'il n'ai rien de prévu pour la soirée ou des obligations autres. « Mais si.. Enfin, si tu as quelque chose à faire, tu peux me déposer au siège de l'ONU et je me débrouillerai. » Tu souris, parce que y'a rien d'autre à faire dans cette situation.