De plus en plus enceinte – bon elle n’était pas si grosse que ça et n’en était qu’à la moitié de sa grossesse, elle aimait juste s’en servir comme d’une excuse pour TOUT – Bonnie passait la plupart de ses journées allongée dans son lit, ou sur son canapé, à regarder la télé. Elle était rapidement fatiguée, puis elle ne se sentait plus vraiment à son avantage depuis quelques semaines, et elle n’avait pas envie de faire d’efforts pour contrer ça. Son frère avait fini par apprendre qu’elle était enceinte – en même temps, vu la taille de son ventre, elle ne pouvait plus vraiment le cacher – et il avait un peu mieux pris la chose qu’elle aurait pu le croire. Il était loin d’approuver, mais sa sœur était une adulte, elle était capable de prendre ses décisions toute seule, et il avait décidé de ne se mêler de rien. Il l’avait juste forcée à prendre un congé de quelques mois. Elle ne rentrait plus vraiment dans les robes de toute façon… Elle ne s’en plaignait pas en tout cas.

La jeune femme ne recevait pas vraiment de visites. A part Pablo qui venait souvent la voir, parfois Sweva, plus rarement Lynch, elle ne voyait pas grand monde et c’était très bien comme ça aussi. Elle fut réveillée en plein milieu d’une demi-sieste - une sorte de sieste qui n’en était pas vraiment une : elle avait les yeux fermés, était allongée, mais était pleinement consciente, et suivait son film à la télévision grâce aux paroles – par la sonnette. Elle ne réalisa pas tout de suite qu’il s’agissait de celle de son appartement, pensant d’abord que ce bruit venait de son film. Au second coup de ding, elle ouvrit tout de même les yeux. Plus vraiment de doute possible, quelqu’un était venu la voir. Intriguée, elle se leva et alla enfiler un peignoir. Elle avait l’air quelque peu dans les vapes. Avant d’ouvrir elle se pencha vers la porte pour voir qui c’était. Elle avait pensé à Sweva ou Pablo puisqu’il lui avait dit qu’il passerait certainement la voir, mais elle ne reconnut pas du tout la personne qu’elle vit.

Un air surpris s’était emparé de son visage. Elle ouvrit la porte, le sourcil arqué, et ne prononça pas un mot, attendant que l’inconnu ne s’explique. La jeune femme le regarda de la tête aux pieds, s’arrêtant un instant sur le carton qu’il tenait. Nouveau voisin ? Elle ne le connaissait ni d’Eve ni d’Adam, il s’était surement trompé. C’était une chose qui pouvait arriver après tout. Son soupçon se confirma : c’était un certain William qui semblait chercher un certain Aaron. Bonnie réfléchit quelques secondes, puis secoua doucement la tête de gauche à droite. « Je ne connais aucun Aaron… » Puis elle n’avait pas de petit ami et vivait seule ici. « Visiblement vous vous êtes trompé d’appartement. » Elle lui fit un sourire désolé puis se mordit la lèvre, incapable de l’aider. Cet Aaron était surement un de ses voisins mais elle ne s’intéressait pas suffisamment à eux pour les connaitre. « Je ne peux pas vraiment vous aidez là, enfin je ne pense pas, je ne connais pas d’Aaron. Mais… » Elle hésita un instant puis se lança quand même. « Vous voulez entrer un instant ? Poser ce carton au moins, il a l’air lourd. » Elle s’écarta ensuite pour le laisser passer.

C’était bien la première fois que Bonnie recevait une telle visite. Elle vivait dans cet immeuble depuis qu’elle était arrivée à New York, il y a cinq ans, et elle n’avait encore jamais vu quelqu’un arriver avec un carton dans les bras devant sa porte et lui demander si elle était la petite amie d’un homme qu’elle ne connaissait pas. Elle n’avait jamais pensé que ça lui arriverait un jour non plus. C’est pour ça qu’elle était au premier abord surprise. Elle était ensuite un peu gênée de ne pas pouvoir aider l’inconnu qui semblait avoir du mal avec son carton, même s’il ne l’avouerait jamais : les hommes n’avouaient que très rarement leurs faiblesses. C’est ce qui se passa : William, c’était le nom qu’il lui avait donné en se présentant un peu plus tôt, nia ce que Bonnie avait insinué et exagéra même en disant que le carton était très léger. Mouais, si tu le dis William, pensa-t-elle avec un léger sourire en coin. Elle le regarda sans un mot jusqu’à ce que le carton tombe et s’écrase sur le pied du jeune homme. Bonnie dût se mordre la lèvre pour ne pas rire devant la danse bizarre qu’il exécutait sous ses yeux. « Je vous avais prévenu. Mais bon personne ne m’écoute jamais… Je ne dis pourtant pas que des choses stupides ! » Elle s’écarta ensuite du chemin pour le laisser entrer pour de bon, le carton gisant au sol sur le palier. Elle ne lui proposa cependant pas de le ramasser pour lui parce que s’il était effectivement lourd, elle allait tomber en avant, c’était certain.

William alla s’asseoir immédiatement et Bonnie le suivit, poussant tout de même son carton avec les pieds jusque dans l’entrée pour ne pas risquer qu’il se le fasse voler, même si tous les habitants de cet immeuble pouvaient s’offrir tout ce qu’ils voulaient sans avoir à voler. « Ça donne quoi ? » demanda-t-elle quelque peu inquiète. Bien évidemment, comme tout homme fort qui se respecte, et ce n’était qu’une continuité de ce qui venait de se passer, il lui dit qu’il n’avait plus mal. Là encore, Bonnie eut du mal à y croire. Son orteil était déjà dans un sale état, et il était tout blanc, comme lorsqu’on avait très mal. « Vous êtes sûr ? Vous ne voulez pas mettre un peu de glace dessus ? Ce n’est pas la peine de souffrir en silence juste pour m’impressionner, si jamais c’est ce que vous cherchez à faire. Pensez à vous d’abord. » La jeune n’attendit pas de réponse et se rendit dans la cuisine où elle mit des glaçons dans un torchon. Elle retourna ensuite vers William et lui tendit les glaçons. « Tenez. Ça ira un peu mieux avec ça. Et si vous voulez prendre des antidouleurs, j’en ai aussi. »

Bonnie était contente de voir que ce William acceptait ses glaçons sans rechigner. Il ne pouvait pas continuer de faire l’homme fort, il avait mal, il devait l’admettre et se soigner. Elle lut du soulagement sur le visage du jeune homme, ce qui la fit sourire. Elle avait fait sa bonne action du jour. Peut-être qu’elle pourrait continuer sur cette voie et l’aider à trouver son appartement et ce fameux Aaron qu’il avait pris plus tôt pour son petit ami, mais elle était encore endormie et n’avait pas le courage de sortir de chez elle pour partir à la recherche d’un inconnu. Elle n’était pas spécialement d’humeur à être gentille, ce n’était pas une chose naturelle pour elle que d’être gentille avec quelqu’un qu’elle ne connaissait pas donc elle ne voyait pas pourquoi elle devrait en faire d’avantage. Surtout qu’elle était en plein milieu d’un film et qu’elle avait le droit d’être une personne horrible parce qu’elle n’en pouvait plus de cette grossesse et qu’elle se sentait grosse et horrible et enfin qu’elle se sentait mal en permanence. Hum. Surprise par ces pensées, elle se mordit la lèvre. Non, William ne subirait pas sa mauvaise humeur, elle essayait de se racheter un bon karma. La jeune femme allait lui demander s’il avait besoin d’autre chose ou si elle pouvait retourner se coucher (sous-entendu, s’il pouvait partir) quand elle sentit une odeur désagréable. Une odeur de brûlé. . « Vous faite cuire un truc ? » Elle ouvrit la bouche sous le choc lorsqu’elle se rappela le popcorn qu’elle avait fait cuire il y a déjà un petit moment. Enfin, un long moment à en juger par l’odeur et l’atmosphère qui se faisait de plus en plus étouffante. La panique la paralysa. « Je… Du popcorn… » Elle vit des flammes, partout dans sa cuisine, et jusque dans l’entrée. Mon dieu mais comment cela avait-il pu arriver ? Cela ne faisait pas si longtemps qu’elle mis son popcorn… Elle se mit à tousser et se pincer le nez. Elle ne devait pas respirer les gaz plus longtemps. « Il faut sortir d’ici ! » Merci Captain Obvious ! Sa mauvaise humeur revenait de plus belle, et mêlée à la panique, ça n’allait donner rien de bon. S’il ne l’avait pas dérangée aussi, elle n’aurait pas oublié son popcorn ! Bon. Il fallait qu’elle se calme pour réfléchir, même si c’était difficile. S’ils n’agissaient pas vite, ils allaient bientôt s’évanouir à cause des gaz et il leur arriverait très vite bien pire… Son immeuble n’était pas muni d’escaliers de secours et ils ne pourraient pas sortir par la fenêtre. « Il faut appeler les pompiers… Essayer… » Elle sortit son téléphone de sa poche quand elle eut une autre idée, se dépêchant, autant que son état le lui permettait d’aller dans sa chambre. Elle avait un mini extincteur et cela suffirait peut-être à limiter les flammes même si elles étaient de plus en plus impressionnantes et qu’au final ils devraient appeler quand même les pompiers. C’était pour gagner du temps. « J’ai un extincteur, dans ma chambre. Vous pouvez m’aider ? » Elle espérait que William l’aurait suivi et qu’il saurait se servir de ce machin-là parce qu’elle n’en avait aucune fichue idée.

« Non d’abord on sort, après les pompiers » Bonnie fronça les sourcils. Il venait de lui donner un ordre là, non ? Quand bien même il essayait de faire vite et de lui sauver la vie, elle n’aimait pas ça. Les seules personnes de qui elle acceptait des ordres étaient son père et son frère. Elle ne bougea pas d’un cil même si la situation était alarmante et dangereuse. « On ne pourra pas sortir sans les pompiers. Et j’aimerais limiter les dégâts, je tiens à mon appartement, je n’ai pas envie qu’il parte en flammes ! » Elle s’était mis à crier, à cause de la panique surement. Puis elle était un peu agacée aussi. « Pusi franchement, je ne vois pas par où on pourrait sortir ! Il n’y a pas d’issue de secours. » Il était inconscient ou quoi ? Il fallait qu’ils appellent les pompiers, vraiment. Contre son avis, la jeune femme composa donc le numéro et leur expliqua la situation, leur donnant son adresse. Elle prit ensuite le temps d’envoyer un sms à Lynch lui expliquant qu’elle était « dans la merde ». Ce n’est qu’après qu’elle suivit William dans sa chambre. Là encore, il contredit son idée. « A l’étage ? On monte mais certainement par pour l’extincteur. On va sauter par la chambre ! » Elle roula des yeux. Il voulait prendre toute les décisions, or leurs points de vue divergeaient. Bonnie n’était pas d’accord avec ce qu’il disait, mais elle n’avait pas d’autre choix que d’aller à une fenêtre, pour attendre les pompiers, respirer l’air frais… Mais sauter ? Hors de question ! « Non mais vous êtes fou ! Sauter du cinquième étage ? Non je ne sauterais pas ! » Elle tenait à sa vie même si elle avait tout autant de chances de mourir si elle restait ici. Aucune des deux perspectives ne la séduisait plus. Puis elle était enceinte ! Sauter même du premier étage alors qu’elle était enceinte de sept mois, ce n’était pas vraiment conseiller. Non, elle préférait attendre les pompiers. Ou Lynch. Elle allait tout de même monter quand elle se sentit poussée sur le côté. L’instant d’après, une poutre s’écrasa au sol. Elle l’avait échappé belle ! Haletante, de plus en plus paniquée, elle se bloqua quelque secondes, regardant son sauver. Elle n’arriva pas à articuler un merci mais elle lui était quand même reconnaissante. « MONTER !!!! » La voix du jeune homme la sortir de sa torpeur et elle se dépêcha de monter. Arrivée à l’étage, dans sa chambre, ils s’approchèrent de la fenêtre. Les flammes étaient encore assez loin mais elles ne tarderaient pas à arriver. Bonnie croisa les bras sur sa poitrine. « Bon vous faites ce que vous voulez mais moi j’attends ici. » Elle était déterminée.