Luis était une âme charitable, il l'avait toujours su ! La preuve, il venait de passer du temps avec sa vieille amie alors qu'il aurait pu être avec une de ses femmes à être payé ! Elle n'allait pas bien et au lieu de l'éviter ou de simplement ignorer son mal être, il était allé auprès d'elle et il l'avait écouté parler pour vider son coeur. Il n'avait pas retenu un seul de ses mots. En fait, dans sa tête, ça avait plus donné quelque chose du genre "Blablabla sentiments blablabla boulet blablabla drap de lit" voilà en gros ce que ça avait fait. Il n'avait absolument rien compris mais avait déposé une main sur l'épaule de Sweva en guise de soutient. Il n'était peut-être pas du tout doué en relation humaine, mais il était une épaule sur laquelle pleurer. Il avait l'habitude avec les femmes de les écouter sans comprendre un seul mot de leur charabia. Au final, elles n'attendaient pas véritablement de réponses, juste de quoi vider leur sac.

Une fois sa bonne action terminée, Luis devait se dépêcher de rentrer, il avait promis à sa nièce de rentrer tôt pour l'emmener voir Rebelle au cinéma. Il donna donc un baiser à son amie sur le pas de la porte (sur la joue évidemment) et il lui caressa la joue avant de lui pincer le nez en guise d'affection. Depuis le temps qu'ils se connaissaient, ils pouvaient bien se permettre ce genre de gestes. Même s'ils n'avaient pas gardé le contact sans arrêt, ils se connaissaient et se comprenaient mieux que quiconque. Luis tourna les talons avant de faire un dernier signe de main à Sweva. « Je reviendrais, enfin, avec une chemise de rechange la prochaine fois ! Ciao ! » lança-t-il avant de refermer sa veste sur ses épaules. Il fit quelques pas avant de sortir une cigarette de sa poche. Il chercha à tâtons un de ses briquets dans ses poches. Il avait au moins 5 briquets mais c'était toujours une mission que d'en trouver un... qui marche ! Il finit par extirper un briquet rouge de son jean et le secoua pour le faire marcher (cette technique ne servait pourtant à rien !). Il finit par réussir et en relevant le regard, il croisa quelqu'un qui l'observait. Il cligna des yeux, aucun homme n'aimait être dévisagé par un autre homme. Il fallut un moment avant de replacer Phoenix. Il avait l'air tellement pitoyable pour la peine que cet homme négligé et visiblement en manque de quelques heures de sommeil ne ressemblait en rien à son ami... il hésita avant de lui faire un signe de main ne sachant pas quoi faire d'autres. Il n'avait pas très envie d'être vu avec Phoe pour une fois. Puis quelque chose dans son regard ne le mettait pas à l'aise et une sorte d'alarme de défense retentissait en lui et lui indiquait qu'il était grand temps de partir. Très vite !

Phoenix jeta un coup d’oeil à sa montre, et lâcha un long et bruyant soupir. Lui qui, d’ordinaire, laissait le temps filer sans s’en soucier et ne jurait que par la maxime “carpe diem”, voilà qu’il avait adopté le mode de vie des gens stressés et accros aux cadrans. Cela faisait deux jours, deux jours entiers qu’il additionnait les coups d'oeil successifs à sa montre, dans l’espoir que l’aiguille se mette à tourner un peu plus vite. Mais en vain. Les secondes étaient toujours aussi longues, et Sweva toujours aussi loin. Il n’en revenait toujours pas de lui avoir dit qu’il était trop occupé pour la voir cette semaine. Pourquoi avait-il fallu que sa fierté décide de tout encore une fois ? Il était loin d’avoir un emploi du temps de ministre, pourtant. A dire vrai, il avait passé ces deux derniers jours à boire et fumer comme un pompier, et accessoirement à tenter de vendre quelques clichés pour se faire un peu d’argent. Le reste du temps, ses pensées avaient été obnibulées par Sweva. Mais encore une fois il avait joué la carte du gars détaché, et trop occupé pour lui accorder un peu de son temps. A croire qu’il aimait se faire du mal en se privant de la voir. Cinq jour, c’était le temps qu’il lui restait à tenir avant de revoir Sweva. Il ne savait pas comment il allait faire pour survivre jusque là. Il avait du mal à penser à autre chose qu’à cette nuit où il avait débarqué chez elle, complètement défoncé. Il avait du mal à oublier le verre d’eau qu’il s’était pris dans la tête en guise de réveil, et la douche torride qui s’en était suivie. Son esprit était hanté de tous ces souvenirs, toutes ces pensées, et pourtant il savait qu’il ne fallait pas qu’il craque. Il devait attendre cinq jours. Il ne fallait surtout pas qu’il craque.

Phoenix atteignit Murray Hill plus vite qu’il ne l’avait prévu. Posant un pied à terre, il éteignit le moteur de son scooter et le gara à deux immeubles de chez Sweva, avant de marcher dans la direction de son appartement d’un pas déterminé. Il ne savait pas vraiment ce qu’il faisait, mais il se sentait guidé par une force indescriptible, il avait l’esprit et le corps enflammé à l’idée de la revoir et il ne pouvait plus contrôler ses pas. Il fallait qu’il la voie. Arrivant au coin de son immeuble, il releva les yeux, un sourire plein de hâte s’étant dessiné sur ses lèvres. Mais son sourire s’éteignit en une seconde. Il n’avait pas rêvé. Un brun aux airs latinos venait d’embrasser Sweva sur la joue. Sweva. Sur la joue. « Je reviendrais, enfin, avec une chemise de rechange la prochaine fois ! Ciao ! » déclara ce dernier, et aucune syllabe n’échappa l’oreille de Phoenix. Pas une seule. Quand Phoenix croisa le regard du brun, Sweva était déjà rentrée chez elle. Il ne détourna pas les yeux. Ce brun là, c’était Luis. Comment avait-il osé …Phoenix prit une lente et profonde inspiration, fronçant un peu plus les sourcils en tentant d’effacer les images qui lui venaient à l’esprit. Sweva et Luis. Son sang ne fit qu’un tour. Il se rua sur Luis sans le quitter des yeux, et lorsqu’il arriva à sa hauteur, il l’empoigna par le col et le poussa violemment contre le mur. Le dos de Luis cogna la facade de l’immeuble dans un bruit sourd et Phoenix tira un peu plus sur son col, lui pressant le cou avec une force démesurée, sans se soucier du fait qu’il allait finir par lui couper la respiration. Il avait envie de le frapper. Il mourrait d’envie de lui coller son poing dans la figure. Il voulait frapper ces lèvres qui avaient effleurées la peau de Sweva. Mais il se retint, du moins pour l’instant, tout en s’exclamant « Qu’est ce que tu fous avec elle ?! »

Luis avait su qu'il était dans la merde au moment où il avait vu le regard de Phoe. Il aurait pu fuir ou quitter les lieux, mais il se demandait surtout ce qu'il avait fait. Puis il n'était pas lâche, il n'avait jamais eu peur de recevoir des coups, il était habitué. « Qu’est ce que tu fous avec elle ?! » Luis prit le temps de réfléchir... de qui il parlait ? Parce que "elle" c'était vaste pour un gigolo. Il n'avait pas une "elle", il en avait beaucoup trop pour sa santé mais pas assez pour son porte-monnaie. Puis répondre n'était pas tellement dans ses cordes au moment où on lui enserrait la gorge just saying.

Donc Luis bougea les lèvres sans qu'un seul son ne sorte, il voulait que Phoe se penche vers ses lèvres assez... pour pouvoir lui faire un coup de boule. Il se détacha alors du jeune homme qui devait être légèrement assommé. Luis compatissait, d'ailleurs, il se rapprocha de lui et lui tapota l'épaule. Même s'il avait essayé de l'envoyer sous terre, il restait son pote. Puis bon, il avait couché avec sa soeur... et peut-être même sa petite-amie sans le savoir, c'était pour ça qu'il acceptait souvent la colère des hommes et leurs coups. Mais bon, pour continuer de vivre, il finissait tôt ou tard par riposter. « ça va vieux ? Fait beau hein aujourd'hui ? J'ai entendu les oiseaux chanter ce matin, c'était magnifique ! » dit-il avec un sourire moqueur inscrit sur les lèvres. « Bon, ok, tu t'en fous, je comprends. Mais sincèrement, je ne vois pas de qui tu parles en disant "elle" ? Je peux avoir une précision ? Âge ? Taille ? Couleur de cheveux ? De peau ? Grosse ou petite poitrine ? » demanda-t-il de façon intéressé. Maintenant, il voulait savoir qui était ce "elle" qu'il avait encore dû amené dans son lit. Mais était-ce de sa faute si la libido des femmes étaient si développée ? Il n'y pouvait rien lui si son boulot consistait à être un vibro-masseur humain. Puis une idée saugrenue se mua dans son esprit et il se tourna vers là d'où il venait, un sourire énigmatique se dessina sur ses lèvres. « Sweva ? » demanda-t-il à tout hasard. Si c'était Sweva, ce serait très... étrange. Mais Phoe était un brave type non ? Après, peut-être pas au point d'accepter le passé de la péruvienne... mais si ce n'était que ça. Luis se referma quelques instants en pensant à son amie, elle était triste à cause d'un gars. Son regard se durcit alors et il croisa les bras au niveau de son torse. Il n'avait plus envie de plaisanter si c'était Sweva, elle était son amie et personne ne lui faisait du mal. Elle en avait assez chier toute sa vie pour qu'on lui foute la paix.