«  Ez3kiel. Un groupe de musique assez… Perturbant. Si tu dois l’écouter un jour je te conseille l’album Naphtaline orchestra c’est… Un dévoilement de l’âme humaine, absolument magnifique. » Elle reprend la parole, heureuse de parler musique, domaine où la demoiselle possédait un certain nombres de connaissances. Quand bien même ne composait-elle pas, ne connaissait rien de l’art de la création la musique faisait, partie intégrante de sa vie, inspirait son quotidien lui permettant d’inventer de nouveaux spectacles toujours plus poignant, toujours plus vibrant. Car le corps, le mouvement ne faisait pas tout, la musique demeurait le fil conducteur de sa danse, l’émoi de sa transcendance si bien que la danseuse n’avait de cesse que découvrir encore de nouveaux sons, de nouvelles émotions, passant sans difficulté à la violence d’un son métallique à la pureté d’une envolée lyrique empruntée à la musique classique. Jénova aimait sans frontière, s’attachait aux émotions plus qu’à la qualité de la musique en elle-même abordant cette dernière de la même façon qu’elle abordait les gens : sans aprioris. Et puisque Liam lui demandait ce qu’elle aimait dans sa vie elle lui déballait les tranches de son existence non sans lui offrir un sourire extasié. En passionnée, Jénova parlait avec virulence des choses qu’elle aimait comme de celles qu’elle détestait. Pupilles dilatées et lippe vibrante, les mains se joignent à la danse pour donner consistance à ses mots dévoilées. L’effervescence de l’alcool coulant en ses veines sans doute, ça plus l’acceptation d’un moment de partage quand bien même Liam se moquait-il bien de ses aveux murmurés à demi-mots. Il demeurerait pour elle un inconnu, n’aurait sans doute jamais l’occasion de le recroiser ou de tisser le moindre lien avec lui. Perspective rassurante en un sens, J aimait tisser les mots dans le vide, des mots traçant le nuage d’un souvenir rejoignant le ciel de son existence. Quoi qu’il en fut, la blonde trouverait toujours une conclusion à tirer de cette rencontre. Elle aimait capturer un bout de l’autre, s’approprier un bout de l’âme venant nourrir son propre cheminement personnel. C’est ainsi qu’elle c’était toujours construire, une voleuse invisible car personne ne pouvait se douter de ses petites manigances compréhensibles pour elle seule.  « Pas vraiment non. » Réplique-t-elle, sourire amusée à la lippe. Des amies danseuses elle en eut peu. Les filles dans ce métier demeuraient des sauvages envieuses, jalouses prêt à tout pour vous poignarder dans le dos. Difficile de tisser des liens avec des âmes errantes qui, pour la plupart, n’avait absolument pas choisit leur place. D’autant plus que Jénova n’était pas comme elles, n’avait rien de la stripteaseuse ordinaire, perspective agaçante pour les filles de la nuit qui n’avait que leur corps comme arme. « Mais je pourrais toujours t’en présenter. J’en connais quelques unes qui ne cracherait pas sur un joli garçon comme toi. » La danseuse jouait son jeu quand bien même en eut-il rien à fiche. Après tout, il lui suffisait de se rendre au Miho pour satisfaire son regard curieux quand bien même dut-il aligner quelques billets supplémentaires s’il souhaitait s’obtenir les faveurs lubriques de ces comparses. Les vicieuses aimaient bien trop l’argent pour offrir leur corps gracieusement au premier garçon venu quand bien même fut-il plein de charmes. Les versatiles auraient moins de scrupule à coucher avec un cinquantenaire plein au as qu’un jeune loup sans le sou.

J arqua un sourcil à sa seconde question. Pencha la tête sur le coté et haussa les épaules.   « Je ne danse pas pour oublier. » Elle but une goutte de champagne, sortit une cigarette de sa poche, l’ébriété naissante lui donnant envie d’étouffer ses poumons dans un écrin de fumée. « Je danse pour me connecter. » Au monde, aux âmes, à elle-même. Pour se surpasser également, ne devenir qu’un corps, qu’une symbiose de muscles et de chair répondant aux ordres donnés par son cerveau. Ca sans compté sur la musique qu’elle sentait vibrer en elle. Jénova ne dansait pas pour oublier, elle dansait pour faire l’amour au monde. Et c’était suffisant. Finalement, danser lui offrait la même satisfaction que la prise d’une dose d’héroïne. Comme si son corps se scindait en deux, s’éparpillait pour mieux se rencontrer dans une explosion fantastique. Difficile à faire comprendre, difficile à expliquer, pour saisir la nuance il suffisait de la voir danser sur scène. Ce n’était pas pour rien si elle nourrissait les fantasmes des hommes, si elle parvint à percer dans un milieu où, d’ordinaire, seule la grosseur du sein et la vulgarité d’une croupe bien cambrée suffisait. Et puisque le mot d’ordre était de dévoiler l’autre J chercha à comprendre ses rêves et ses attentes. Devenir quelque chose, laisser une trace… Bien sûr. J n’était pas de ceux là. Elle laissait cette place aux génies et à ceux ayant le courage de leur ambition, observait dans l’ombre les changements non sans soupirer de dégoût. Les avancées de l’homme n’avait cessé de causer leur perte comme si l’être humain fut incapable de construire quelque chose de merveilleux sans détruire aussitôt autre chose. Alors, peut-être était-ce stupide de penser ainsi mais qu’importe, demeurer dans l’absurde demeurait la seule réponse à son existence qui lui semblait acceptable et supportable.
Quoi qu’il en fut. La danseuse respectait le souhait de Liam et leva son verre en son honneur. Non par moquerie, elle trouvait son souhait enviable et respectable, espérait réellement qu’il puisse trouver sa place, sa raison d’être et d’exister.

Elle renverse la tête en arrière, savoure sa légèreté alors que Liam reprend la parole. Les paupières se soulèvent, elle l’avise d’un regard paresseux non sans esquisser un sourire d’amusement, l’australien lui donne le même conseil que son cousin, pourquoi diable s’imaginait-ils qu’elle fut incapable de se contrôler ? J connaissait ses limites, heureusement sans quoi aurait-elle finit plus d’une fois la tête dans le caniveau lors de ses folles sorties parisiennes.
« T’en fais pas vas, tu n’auras pas à t’occuper de moi, je suis une grande fille. » Elle redresse néanmoins la tête, picore quelques tomates cerises et accepte volontiers le verre d’eau. « Le Bronx. Riverdale mais je ne finirais pas à moitié morte… D’ailleurs, ils viennent nous chercher quand les zigotos là ? » Pas qu’elle s’impatientait mais la douce commençait sérieusement à fatiguer.
« Et toi ? Tu vis où ? » Questionne-t-elle à son tour n’appréciant guère les silences gênants.