En Génovia. En Génovia !! Petit pays n’ayant aucune portée médiatique, et qui pourtant avait remporté le luxe de recevoir tous les meilleurs patineurs du monde dans une ultime représentation avant une coupure de plusieurs mois. Elvia n’en revenait pas. C’était inconcevable pour quelqu’un de sa trempe, et pourtant, ce n’était pas faute qu’on lui ait rabaché à maintes reprises que le roi en personne serait là, qu’il était séduisant, célibataire, blablabla… « J’ai un tête à épouser un prince ? Avec leur protocole carambar et tout le tintouin, non merci !! En plus, j’suis pas princesse alors arrête de m’emmerder avec ça ! » grogna-t-elle, en fidèle oursonne mal léchée qu’elle était dès lors que l’on insistait auprès d’elle pour quelque chose, et tout spécifiquement avant une compétition. Autant dire qu’elle brilla tout de même pendant ladite représentation. Sa chorégraphie était parfaite, sa grâce indéniable et sa tenue… la meilleure qu’elle ait jamais portée. Elvia remporta le tout haut la main, sauf que cette fois, ce fut une véritable cohue dans sa loge suite à un manquement terrible du système de sécurité. La jeune femme parvint à s’éclipser non sans mal, longeant un couloir cette fois-ci désert pour mieux s’adosser au premier mur venu pour souffler. « Ah les fans, la barbe j’te jure ! Puis le système de sécurité, mais quelle cata !!! Même pas capable de protéger l’accès à ma loge pour m’éviter d’être étouffée par une marée humaine ! Dès demain je me casse de cet endroit maudit pour retourner en Suisse, ça va être vite vu ! »

Elvia grimaçait largement alors qu’elle se massait son cou devenu subitement douloureux, fermant les yeux un instant pour mieux s’adonner à un exercice de respiration sans même se douter qu’elle n’était pas seule dans le couloir. Elle sursauta largement, décollant subitement son dos du mur alors qu’elle lançait un regard surprit et énervé à la fois à l’attention de cet homme dont elle ignorait totalement l’identité. « Votre service de… ce sont des ânes ouais ! » La suissesse n’avait aucune douceur dans le fond de sa voix, et même le fait de savoir qu’elle était en vérité face au monarque de Genovia ne lui fit guère baisser sa colère. Il s’agissait davantage de l’humilité du roi qui la désarma soudainement. Pourquoi était-il si timide alors qu’elle n’était qu’une patineuse face à un membre de la royauté mondiale ? Étrange ! « Pourquoi vous excusez alors que vous n’êtes pas vigile, ça n’a pas de sens ! Vous ne tapez pas sur les doigts de vos employés normalement ? » Ceci étant, Elvia accepta le bouquet en le prenant dans les bras, ne sachant guère comment elle devait se comporter du fait qu’il n’était pas juste un fan… c’était LE ROI. Puisque la patineuse avait oublié d’être complètement idiote, ce n’était pas le moment de se le mettre à dos. « Je dois vous appelez votre altesse je suppose ? » demanda-t-elle, souhaitant ne pas commettre d’impair. Et pourtant, en demoiselle nature qu’elle était, elle déposa le bouquet au sol afin d’en extraire une rose en particulier avec laquelle elle joua quelques instants entre ses doigts fins. « Comment vous avez su qu’il s’agissait de mes fleurs préférées ? Pour la peine, mettez-la-moi dans les cheveux… votre altesse. »

Sans savoir pourquoi, Elvia était légèrement plus impressionnée que d’habitude face à ce monarque alors qu’il lui donnait l’impression de se couper davantage en quatre pour ses sujets que l’inverse. Elle se renfrogna soudainement alors qu’il lui demandait plus d’indulgence, et ce fut dès lors un cri du cœur qui s’échappa de ses lèvres : « Manquer de finir écrasée par une marée humaine ne donne pas forcément lieu à beaucoup d’indulgence, pardonnez-moi ! » s’exclama-t-elle sans douceur car oui, elle avait eut peur et c’était un sentiment qu’elle détestait au plus haut point. Elvia aimait contrôler sa vie, cela lui donnait l’impression d’être autre chose qu’une toute petite demoiselle à la popularité hors norme. « Vous êtes monarque et vous venez en personne me saluer moi ? » demanda-t-elle subitement, s’était radoucie au passage. Comme toujours, son tempérament jouait aux montagnes russes pour la simple et bonne raison qu’il avait réussi à piquer sa curiosité au vif tout en la faisant frissonner légèrement au passage en touchant sa chevelure. Un exploit que nul n’avait jamais réussi à produire auparavant, du reste ! « Vous êtes en train de me dire que vous avez fait en sorte d’organiser la compétition dans votre pays ? J’aimerais bien en connaître la raison car d’habitude, les sportifs ne sont pas aimés à ce point ! On les juge arrogants et sans cervelle. Pourtant, le patinage est un art… en êtes-vous fan votre alt… Gabriel ? » Elvia ne s’était pas écartée d’un millimètre, impressionnée certes mais curieuse avant toute autre chose. « Appelez-moi Elvia » grogna-t-elle avec autant de douceur qu’elle le pouvait, et autant dire qu’il valait mieux noter l’effort.

« Il ne s’agit plus de modernité, on ne dirait pas que vous êtes roi ! » Elvia se racla aussitôt la gorge devant son tempérament un peu trop… franc. Après tout, même s’il n’en donnait pas l’impression, il n’empêche que c’était un monarque et qu’elle était censée lui devoir tout un tas de respect. « C’était déplacé » nota-t-elle avant d’être surprise qu’un léger rougissement ne pointe le bout de son nez sur les joues de Gabriel, au même titre qu’elle sentait sa gêne à des mètres même sans qu’il ne se soit raclé la gorge. Il était étrange qu’il fasse preuve d’autant de timidité envers elle car après tout, elle n’était ni princesse ni membre d’un quelconque parti politique, elle n’avait pas d’autre titre que celui gagné par le biais de son sport… « J’ignorais que votre mère était passionnée de patinage, elle a de très bons goûts dans ce cas » nota-t-elle non sans une pointe d’humour en vue de détendre l’atmosphère mais malgré cela, le monarque n’avait de cesse de reculer, à croire qu’elle lui faisait peur. « Je vais être peut-être brusque mais je vous fais peur ? Si vous continuez à reculer, vous savez, la discussion risque d’être vraiment… ardue ! Mais pour vous répondre en dehors de l’hôtel et de la patinoire je n’ai rien vu de votre Royaume et en soit… j’ai vu le même type d’environnement que partout ailleurs où je me rends vu que je n’ai rien vu d’autre. N’y voyez pas d’offense, je ne connais pas, voilà tout, votre altesse. » Puisqu’il semblait craintif, peut-être qu’adopter à nouveau un discours plus respectueux l’aiderait ?

Elvia ne manqua pas d’écarquiller à nouveau deux grands yeux surpris pour mieux regarder Gabriel, qui lui proposait d’être son guide personnel lors d’une petite balade à travers Genovia. La proposition était alléchante et ce fut sans doute ce qui la poussa à en sourire dans un premier temps. Mais il n’y avait pas de trace de moquerie dans cette marque sur ses traits, bien au contraire. Pour une fois, elle était sincère et non plus seulement l’arrogance personnifiée. « Gabriel, hein… me faire visiter Genovia sous entend sûrement une armée de gardes du corps juste derrière vous, pas vrai ? » La chose la dérangerait énormément et c’est sans doute la raison pour laquelle la jolie suissesse ne manqua pas de s’emparer de la main du monarque, faisant fi de toutes les convenances pour lesquelles on pourrait la blâmer de n’être qu’une patineuse sans respect, pour mieux quitter la patinoire. Elle n’était peut-être pas experte ès royaume, mais elle avait déjà remarqué l’issue de secours depuis bien longtemps. « Je ne suis pas du genre à me retenir longtemps mais vos gardes du corps vont vite gâcher ce que vous allez me montrer… dites-vous que mon coach doit déjà s’arracher les cheveux, ils n’auront qu’à se souvenir jusqu’à notre retour, ça vous va comme plan ? On ne vous donnera pas du « votre altesse » toute la journée et vous vous sentirez comme l’homme Gabriel que vous êtes. C’est du plan du tonnerre ! »

« Il est vrai que vous êtes un people ! » lança Elvia avec un petit brin de moquerie dans la voix mais qui n’avait strictement rien de sinistre ou même de mauvais. Alors qu’elle s’amusait à briser le cœur d’autrui, à se jouer de la douceur de ses fans mais c’était sensiblement avec le roi de Genovia. Ce n’était pas tant parce qu’il était justement monarque mais plutôt parce qu’il dégageait une sorte d’aura faisant écho dans l’âme même de la suissesse. Elle avait du coup follement envie d’en apprendre davantage, comme s’il s’agissait d’une évidence, au point de craindre qu’il ne soit parti dans la direction opposée sans intention de revenir. Autant dire qu’elle éclata de rire aussi discrètement qu’elle le put en le voyant revenir tout fier sur un vélo qu’il avait dû chiper on ne savait pas où. « Vous savez que si vous n’existiez pas, il faudrait vous inventer ? » murmura-t-elle tout en grimpant sur le vélo avec souplesse et précaution, se lovant à moitié contre le dos du monarque tout en étant gênée et en trouvant cela parfaitement naturel. « Vous sentez bon, Gabriel… » murmura-t-elle subitement non sans se maudire au passage, car jamais elle ne faisait preuve de franchise dans le bon sens du terme… Elvia râlait, pestait, insupportait son monde comme jamais mais elle n’était que rarement « gentille ». « C’est moi qui vais finir par avoir des propos déplacés à force » nota-t-elle non sans un brin d’ironie car elle ne maîtrisait guère le terrain. Et quand elle ne maîtrisait pas le terrain… elle préférait s’abstenir ou dire une connerie.

« Aussi vrai que vous ne pouvez pas passez inaperçu dans votre royaume, j’avoue que vous m’avez surprise ! » s’exclama Elvia sans aucun mensonge dans le fond de sa voix. Comment le pourrait-elle ? Il la surprenait bien plus que n’importe quel homme avant lui. Il avait beau être un monarque d’un royaume, et avoir très certainement toutes les plus belles princesses de cette planète à ses pieds, c’était avec une patineuse sacrée à de nombreuses fois championne du monde qu’il avait décidé de déguerpir et de prendre somme toute un repos tout à fait mérité. Pourtant, face à ses paroles, la suissesse n’émit pas la moindre réponse. Il était étrange pour elle d’être aimée pour davantage que son talent… car c’était bien ce qu’il disait, n’est-ce pas ? Il ne l’appréciait pas uniquement pour ses formes élancées et divines ou pour sa popularité, mais bien en tant que personne alors qu’il ne connaissait strictement rien d’elle. Voilà pourquoi elle eut un bref silence avant de ne déposer l’une de ses mains délicatement contre ses lèvres. « Vous dites n’importe quoi » rétorqua-t-elle sans vraiment de douceur pour lui faire comprendre qu’il n’avait aucunement eut de propos déplacé. « Arrêtez-vous, s’il vous plaît… nous serons sûrement à l’abri dans ce petit bois » reprit-elle au bout de quelques secondes de silence, ne descendant qu’une fois qu’il fut effectivement arrêté. Elle fit quelques pas après avoir reprit sa main alors qu’ils s’étaient occupé de cacher habilement le vélo pour ne pas être retrouvés trop facilement. Mais elle finit par se retourner brusquement vers lui, prise d’une soudaine pulsion qu’elle ne comprenait pas et qui la dépassait ô combien. « Je ne vous comprend pas Gabriel. Bien sûr que si je me souviens de vous mais vous n’avez jamais dit être roi et si je me souviens bien, vous m’aviez promis que vous reviendriez… mais est-ce une vile manipulation de votre part que de ne m’avouer que maintenant votre position ? Soyons honnêtes envers nous-mêmes, vous devrez déjà être promis à un mariage royal depuis très longtemps et vous ne savez pas du tout qui je suis… mais je me souvenais de vous. C’était juste plus simple de grogner parce que je pensais que de cette manière, vous n’auriez pas envie de continuer à me voir. C’est de la folie votre altesse ! »

« Aussi vrai que je ne suis pas un ange, je suis désolée pour vos parents » annonça Elvia avec sincérité avant de n’être confrontée à la déclaration de Gabriel, qui ne faisait que poignarder littéralement son cœur déjà meurtri par l’abandon dont elle avait eu l’impression d’être la victime à vrai dire. Il n’avait pas eu le choix et si elle le comprenait tout à fait, la suissesse ne pouvait pas s’empêcher d’être amère, d’avoir l’impression d’être passée à côté de quelque chose… l’amour de sa vie, pour ne nommer que lui. « Stop, stop ! » Elvia s’écarta aussitôt, se mettant à faire quelques pas pour calmer les battements effrénés de son cœur. Elle avait follement envie de voir toute cette folie devenir sienne, de mettre à mal toute la bienséance qu’il devait certainement conserver et de l’avoir pour elle mais un brin de raison perdurait et tant que celui-ci brûlait en elle, Elvia avait un mal fou à se laisser aller, qu’importent les conséquences. « Mais vous avez mis le doigt dessus, vous êtes roi, blindé de responsabilités et promis à la princesse de Suède !! Gabriel j’ai chassé avec violence et méchanceté chaque homme qui a osé m’approcher parce qu’il n’était pas vous. Je sais que je ne pourrais jamais aimer que vous et le simple fait de vous savoir promis à une autre… c’est tellement cruel que je n’ose qu’à peine y penser. » Ah elle était loin, la patineuse grognon et insupportable avec le monde entier pour calmer une colère qui jamais ne se taisait ! Elvia fut incapable de se retenir de se rapprocher pour s’emparer de ses lèvres en un baiser qu’elle n’avait pas osé désirer tant celui-ci lui semblait hors de portée… « Accordez-moi juste quelques heures alors… juste quelques heures… »

C’était un beau rêve que de croire qu’ils pourraient vivre la plus petite histoire. Gabriel restait le roi de Genovia, promis à une princesse d’un rang au moins égal à lui et Elvia restait une roturière qui, malgré ses nombreux titres déjà gagnés en patinage, n’avait pas le moindre titre de noblesse. Ce fut sans doute la raison pour laquelle la déclaration du jeune homme lui fit autant de bien que de mal, car le lendemain, elle savait qu’il lui faudrait lui dire adieu. La jolie suissesse se voyait déjà partir au petit jour, sans un bruit, afin d’éviter les adieux déchirants auxquels leur situation les contraindraient. « Je voudrais qu’il soit possible que tu puisses m’enfermer dans une prison dorée justement, car elle me permettrait de ne jamais être séparée de toi. Mais puisqu’il me faut m’y résoudre, j’espère juste de tout mon cœur que cette princesse que tu épouseras te rendra aussi heureux que tu mérites de l’être. » Elvia ne pouvait pas lui rendre ces trois mots, même si elle les pensait comme jamais. La jeune femme l’aimait bien au-delà des mots et pourtant, elle se contenta de le suivre et, dès lors qu’ils furent arrivés jusqu’à la rivière, c’est un sourire à la fois mutin et éclatant qui peupla les lèvres de la suissesse avant qu’elle n’ôte sa robe pour plonger en sous-vêtements dans la rivière avec une grâce la caractérisant pleinement. « Rejoins-moi ta majesté » plaisanta-t-elle tout en l’éclaboussant vivement sans l’ombre d’une hésitation. « Enfin… si tu en as le courage ! »