« Sors Summ’, profite de ta soirée avec ton mexicain, je vais bien. Je vais sûrement me faire l’intégrale de ma collection Disney » tentais-je de lui sourire mais le cœur n’y était pas. Ou plus. Pas depuis que Jayden et moi avions rompu. Nous n’avions pas le droit de nous aimer, pas le droit de soupirer l’un après l’autre pour la simple et unique raison que nous partagions le même sang, le même ADN. Jumeaux. Le couperet était tombé sur notre relation. Fin de l’histoire, passons à autre chose mais voilà, je n’y arrivais pas. Je ne pouvais pas être près de lui et le considérer comme mon frère pour la simple et unique raison que pour moi, il était mon tout. L’homme que j’aimais, que je désirais, le seul que je voulais entre mes cuisses et dans mon cœur. Pourquoi le sort s’acharnait-il sur moi de cette manière ? Je n’en pouvais plus mais devant tous, je donnais le change. Même devant lui. Je lui souriais, je riais mais lorsque la porte de ma chambre se fermait, je pleurais. Je hurlais dans mon oreiller pour exprimer l’agonie de mon cœur, de mon âme. Dans l’intimité de ma chambre, je laissais tomber le masque, je laissais parler mon chagrin. Oui, on peut dire que j’étais à l’article de la mort, cernée par mes sentiments et cette foutue annonce. Comment renoncer à votre âme sœur ? C’était impossible tout comme je savais que cela me tuerait de le voir étreindre une autre femme, le voir l’embrasser, la toucher, être témoin de sa vie qui continue tandis que la mienne lui sera éternellement dédiée. Ce n’était pas une vie. Je refusais ce sort. La porte termina par se fermer sur ma meilleure amie et mon sourire se fana tandis que le silence régnait dans l’appartement. Je fermais les lumières. Je ne supportais pas la lumière. D’un pas las, je me dirigeais vers la cuisine pour me servir un verre de vin, buvant quelques gorgées avant de faire couler mon bain. Peut-être arriverais-je suffisamment à détendre mes muscles noués pour peut-être espérer dormir quelques heures. Même le sommeil me fuyait. J’étais fatiguée et ma tête me tournait la plupart du temps sans compter les nausées qui me prenaient à toute heure du jour comme de la nuit. Me déshabillant, je me plongeais dans la chaleur réconfortante de la baignoire, accaparée par mes idées noires qui une nouvelle fois arrachèrent à mes yeux des larmes de tristesse, d’amertume et de regret. Jayden me manquait tellement, j’avais l’impression de mourir sans son amour. Mon regard fut attiré par le rasoir. Je détournais les yeux de cette tentation. Ce n’était pas mon genre… Non… Pourtant, une nouvelle fois je l’observais comme s’il m’offrait cette paix que je recherchais. Je me souvenais alors des paroles que j’avais prononcées quelques semaines plus tôt à ma meilleure amie : Je préfère mourir que de vivre une vie sans Jay. Je ne crois pas en l’avenir sauf avec lui. Oui, je préfère mourir que de vivre sans lui. A quoi me servirait de vivre si je ne peux plus voir celui que j’aime ? A quoi bon avoir des mains si je ne peux plus caresser, si je ne peux plus le serrer dans mes bras ? Si son parfum n’est plus dans l’air, à quoi bon même respirer ? Oui, à quoi bon respirer si ce n’était que pour subir cette vie, cet enfer. Je me redressais dans le bain, attrapant le rasoir et ce fut comme une libération à mesure que le sang se répandait dans l’eau clair du bain. Puis, peu à peu, je sentis mes forces m’abandonner et je me laissais aller contre le fond de la baignoire, fermant les yeux comme pour m’endormir à jamais. Je n’entendis ni les coups frappés à la porte d’entrée, ni celle-ci s’ouvrir brusquement et encore moins les cris. La seule chose dont j’eu faiblement conscience c’était que j’avais retrouvé cette chaleur bienfaitrice comme si on m’entourait pour me protéger. Oui, je me sentais bien et je sombrais définitivement dans l’inconscience.

Doucement mais sûrement ma conscience prenait le pas et me permit de reprendre pied en douceur. Tout d’abord, ce fut l’odeur aseptisée de l’hôpital que je reconnus. A force d’arpenter les couloirs depuis des années et des années, je la reconnaitrais entre mille. Ensuite, ce fut le bruit caractéristique d’un monitoring que je perçus. C’est étrange comme tout me semblait familier sans pour autant que je ne puisse me situer dans l’espace. Je bougeais mon bras droit et sentit comme une piqure : perfusion. Cela ne pouvait qu’être cela. Je bougeais mon bras gauche mais je compris rapidement que ma main était aux prises d’une main chaude, une main familière. Mes yeux papillonnèrent quelques instants, éblouis par la lumière vive de la chambre. Bordel comment faisaient les patients avec cette chose aveuglante ? Je devais aller bien pour commencer à râler. Qu’est-ce que je fichais dans un lit d’hôpital déjà ? Réfléchissant à mes derniers souvenirs, tout me revint en mémoire avec la vitesse de la lumière. Le départ de Summer, le verre de vin, la baignoire, la tristesse, l’envie de mettre fin à ce cauchemar et le rasoir. J’avais intenté à ma vie. Dans le fond, cela ne me surprenait pas vraiment tant le désespoir m’accablait depuis ma séparation d’avec Jayden. Je tournais la tête vers la gauche et mon regard accrocha une silhouette masculine. Mon Jay. Non, ce n’était pas mon Jay, cela ne l’avait jamais été mais c’était ok si dans ma tête et dans mon cœur il le restait hein ?! Profondément endormi, j’avais tout loisir de l’observer. Il était dans un état pitoyable et ne semblait pas vouloir me lâcher malgré mes tentatives. Celles-ci finirent par le réveiller et je n’osais rien dire. Je ne savais pas quoi dire mais après quelques minutes à nous regarder dans le blanc des yeux, je pris la parole. « Je ne m’excuserai pas » lui dis-je d’un ton ferme et sans réplique. J’avais toujours assumé mes conneries et il le savait. Je n’allais pas m’excuser d’avoir voulu fuir. Pourtant, sous son regard, je détournais le miens « Je suis désolée » murmurais-je néanmoins, me contredisant par la même occasion. C’était tout moi. « Je n’y arrive pas Jay… Je peux pas, je n’arrive pas à me dire que c’est fini, que je n’ai pas le droit de t’aimer. Le pire dans tout ça, c’est que je n’ai pas le choix. Je devrais me sentir dégoutée, j’ai couché avec mon frère je ne sais combien de fois mais en fait je m’en fou totalement car j’ai aimé chaque seconde passée auprès de toi que ce soit depuis notre rencontre ou depuis que tu m’as embrassé pour la première fois. Je… Je vais repartir en Afrique du Sud, c’est trop dur de rester ici à New York sans pouvoir être avec toi » continuais-je avant d’être interrompue par l’arrivée du médecin. Putain de merde, c’était mon ancien titulaire avant que je ne change d’orientation et me décide pour être médecin légiste. « Eh bien Harper, te revoilà parmi nous ! C’était limite ma grande… » Commença-t-il en me lançant un regard réprobateur auquel je faillis répondre par un doigt d’honneur. Je n’avais pas besoin d’une leçon de moral, pas maintenant « mais bon tes dernières analyses sont bonnes et vous êtes tous les deux en bonne santé ! » termina-t-il et je clignais des yeux « Tous les deux ? » je me tournais vers Jayden pour voir s’il était blessé avant que mon ancien titulaire ne reprenne la parole « Oui, le bébé et toi ! » Oh oui, ça coulait de source que j’étais enceinte. Oh bordel, j’étais enceinte de mon frère !! « Oh god de bordel de merde de sa mère qui tue son hamster ! » lâchais-je totalement paniquée.

Comment ma vie en était-elle arrivée à merder à ce point-là? Si quelqu'un possédait une réponse à cette foutue question, qu'il me la donne car j'en avais grandement besoin. Jayden était près de moi et je continuais d'en ressentir du plaisir alors que je n'avais pas le droit moralement parlant de ressentir ce genre de choses pour lui. Pourquoi m'avoir sauvé dans ces cas-là? Pourquoi ne pas m'avoir tout simplement laissé crever comme une chienne au fond de ma baignoire? Je lui en voulais pour cela car je savais que je n'aurais plus le courage de réitérer mon geste. "Tu n'avais pas le choix, c'est pas fréquent de se taper sa sœur de bon cœur... On a sacrement du emmerder quelqu'un là-haut pour que sur les soixante milliards d'êtres humains, on se rende compte que nous sommes frères et sœurs" déclarais-je avec un zeste d'humour noir, peu avant que le médecin n'entre dans ma chambre interrompant de ce fait, Jayden. Enceinte. J’étais enceinte. Ce n'était pas possible? C'était de l'acharnement pur et simple. Je ne pouvais pas être enceinte pour plusieurs raisons la première étant que cet enfant était de mon frère. La seconde raison était qu'il était hors de question que je tombe enceinte alors que j'étais toujours étudiante en médecine légale et obligée de cumuler deux jobs pour m'en sortir financièrement. Et puis, je n'avais jamais voulu d'enfant! Aussi lâchais-je tout mon ressenti vis à vis de cette annonce tandis que le médecin appliquait un repli stratégique vers la sortie. C'est alors que Jayden lâcha sa bombe. "Répète ce que tu viens de dire??" lui demandais- je sans aucune douceur dans la voix. Je n'osais pas croire ce qu'avaient entendu mes oreilles. "Nous ne sommes pas frères et sœurs? " ajoutais-je froidement avant de tout simplement arracher ma perfusion pour me jeter sur lui. Vu mon état de faiblesse générale, l'attaque ressemblait plus à celle d'un mignon petit chaton en colère mais je m'en foutais totalement. "Putain pourquoi? Pourquoi? " Pleurais-je dans ses bras après une petite lutte où il n'eut aucun problème à me maîtriser. "Jay... Connard de concombre, je t'aime.. Je t'aime et si tu me reprends pas, je ferais de ta vie un cauchemar...mais qu'est-ce qu'on va faire du bébé? je peux pas me permettre une grossesse. Je bosse comme une dingue... Je vais perdre mon boulot au Dream... Comment je vais payer mes études? Mais pitié dis-moi que tu me laisseras plus jamais...je suis pathétique à pleurnicher comme une gamine mais j'ai besoin de savoir" le suppliais-je sans aucune honte tant j'étais accro à cet homme. "Tu pues le fauve" grognais-je finalement après un petit temps de réaction.

Nous n’étions pas frères et sœurs, c’était tellement… tellement inouï. J’avais cru que jamais plus je n’aurais le droit au bonheur et voilà qu’on me rendait mon Jayden. J’étais en train de défaillir sur place mais l’effroyable nouvelle arriva tout aussi rapidement. Enceinte. Nous attendions un enfant et le moins qu’on puisse dire, c’est que je n’étais ni préparée ni emballée par cette idée. Je ne me voyais pas mère de famille alors que je venais de changer de spécialisation. Ma famille allait me tuer sur place, me déshériter. Enceinte sans être mariée mais autant me coller une balle, je gagnerai du temps et leur épargnerai le geste. Toutes ces émotions eurent raison de moi et je m’effondrais contre lui en pleure avant de laisser échapper un léger rire. « Je ne savais pas que me couper les veines te rendrait aussi loquace mon concombre » murmurais-je en me blottissant un peu mieux dans ses bras mais la perfusion me tirait, c’était désagréable mais les mots de mon Jay pansait toutes les blessures qu’il avait pu me causer en m’abandonnant dans ce parking. Je ne voulais plus revivre cette scène mais je savais qu’elle me poursuivrait. Il faut dire qu’il avait été si prompt à tirer un trait sur nous deux que je ressentais une certaine insécurité même blottie contre lui. Je l’aimais tellement mais tout avait changé avec cette histoire de bébé. « Une famille… » Murmurais-je piteusement en posant ma main sur la sienne qui reposait sur mon ventre encore plat. « J’ai peur Jay… Je crève de trouille à l’idée que tu te réveilles et que tu me dises que finalement, tu n’as pas envie de t’enfermer dans une histoire avec un gosse. J’ai été abandonnée à la naissance et même si les Harper se sont toujours montrés comme de vrais parents, je ne peux pas m’empêcher de me dire que quelque part, on n’a pas voulu de moi. Je ne veux pas que notre enfant connaisse ça… Je ne sais pas si je suis prête Jay… Je sais que je ne saute pas en l’air comme tu t’y attendais mais j’ai peur Jay… Peur de ne pas réussir à aimer cet enfant, peur de ne pas réussir à gérer cette grossesse » Soupirais-je avant de lâcher qu’il puait pour changer les idées. « On habite même pas ensemble sans parler qu’on est même pas mariés» râlais-je « Par contre, toi tu files sous une douche car tu pues et j’arrive plus à me concentrer » lui tirais-je la langue, fidèle à moi-même.