Lorsque tout va de travers, revenir aux grands classiques. Cela vaut pour tout. En l’occurrence, Myrcella pouvait difficilement prétendre ne pas être d’accord puisqu’elle se rendait actuellement vers la fameuse librairie de Turtle Bay, où son « accompagnatrice » lui avait donné rendez-vous. Cette jeune femme restait un mystère aux yeux de la jolie seychelloise. Il faut dire qu’elle acceptait de taper scrupuleusement chacun des mots sortis tout droit de l’imagination de la scénariste, sans jamais broncher, avec un sens de l’exactitude proche de la maniaquerie. Jusqu’ici, Myrcella n’avait jamais eu à se plaindre et se rendait même à chacun de leurs rendez-vous avec une sorte de hâte brouillant toutes ses autres pensées. Cela lui permettait de songer à bien autre chose que sa vie d’aveugle, son manque affectif et tout ce qui s’était passé dans sa famille avant qu’elle ne quitte Los Angeles. Il valait mieux ne pas évoquer le sujet… d’ailleurs, elle poussait justement la porte de la fameuse librairie, sans l’ombre d’une hésitation, alors que cette pensée empoisonnée menaçait de pointer le bout de son nez. Elle demanda si Laura était arrivée au premier employé qu’elle trouva à sa portée, mais elle n’était manifestement pas encore là… tant pis. Myrcella n’hésita pas à se rendre dans les rayons, frôlant chaque ouvrage du bout de ses doigts, se désespérant de tomber, la plupart du temps, sur les tranches de livres n’ayant aucun relief. Impossible d’en lire le titre dans ces conditions puisqu’il ne s’agissait pas de livres en braille… difficile donc de passer le temps sans même avoir ne serait-ce qu’un ouvrage à se mettre sous la dent, mais voilà qui ne risquait pas de manquer de l’inspirer pour un prochain scénario…

Finalement, au bout de trois heures à faire le pied de grue dans cette fameuse librairie dont elle fit le tour au moins cinq fois, après avoir été interrompue à de nombreuses reprises dans le cours de ses pensées par les employés n’ayant de cesse de lui demander s’ils pouvaient la renseigner, Myrcella s’apprêtait à jeter l’éponge. Pire, elle se dirigea vers une jeune femme, sans même savoir à qui elle s’adressait exactement, ne reconnaissant la personne qu’elle était qu’au parfum : impossible qu’un homme puisse porter ce genre de fragrance. « Veuillez m’excuser… je suppose que vous ne connaissez toujours pas de Laura depuis tout à l’heure, mais j’avais rendez-vous ici avec elle aujourd’hui. Je suppose qu’elle ne viendra pas puisqu’elle n’a pas pour habitude d’avoir trois heures de retard… cependant pourriez-vous me dire où je peux utiliser un téléphone ? Mon scénario doit être écrit quoi qu’il en soit, avec ou sans sa présence. Bien que sans elle, la donne risque d’être plus complexe. » Myrcella esquissa un faible sourire, s’étant adressée à cette parfaite inconnue à l’aide de son génie du verbe certes, mais également aidée par une sorte de politesse prouvant qu’elle ne cherchait aucunement à se mettre en avant. Juste à trouver une solution… sans placer sa canne d’aveugle aux yeux de tous les voyants de cette étrange librairie à l’odeur de papier neuf très prononcée.

Myrcella ne ressentait plus de gêne véritable vis-à-vis de son handicap, mais celui-ci s’avérait finalement traître dans les pires situations ; comme celle-ci, par exemple. La jeune femme fut accueillie par une employée fort aimable, lui indiquant qu’il lui fallait la suivre pour utiliser le téléphone de la boutique… en soit, ce premier challenge ne fut pas de tout repos. Myrcella dû se concentrer sur le pas extrêmement léger, heurtant à peine le sol en un bruit sourd, lui indiquant qu’effectivement, le sol de la librairie était exclusivement recouvert de moquette. Cette invention du diable avait toujours une fâcheuse tendance à lui compliquer la vie, le son ne retentissant pas de la même façon dans son ouïe qu’un parquet ou un carrelage. Une chance qu’elle ait une grande habitude de ce genre de situation et qu’elle n’ait pas hésité une seconde à tendre suffisamment l’oreille, sans quoi elle n’aurait tout simplement pas pu suivre son interlocutrice jusqu’au comptoir où se trouvait effectivement le téléphone. Jusqu’ici, la jolie seychelloise avait espéré ne pas devoir mettre en avant sa cécité, mais elle en fut contrainte en constatant que cette parfaite inconnue si aimable ne l’avait pas remarquée. Comment l’aurait-elle pu ? Avec la robe portée par la scénariste, impossible de remarquer sa grande canne blanche du premier coup d’œil, surtout avec la dextérité dont elle faisait manifestement preuve. Impossible de la blâmer, donc, loin d’elle cette envie. Hélas, il allait falloir s’exprimer autrement que par des gestes, et utiliser son habituel génie du verbe lui ayant été tellement utile jusqu’ici… surtout pour se retrouver dans l’immense ville qu’était New York. « Je vous remercie infiniment pour votre aide ! » s’exclama-t-elle d’un ton enjoué qu’elle ressentait parfaitement. « Malheureusement… je n’ai pas pour habitude de le dire à voix haute mais je suis parfaitement incapable de dire où est le combiné que vous avez pourtant posé sur le comptoir. A priori, il est en face de vous, mais plutôt que de me ridiculiser en tâtonnant… vous voulez bien me donner un dernier coup de main ? »

Afin d’aiguiller plus encore son interlocutrice dont elle ignorait le nom, Myrcella leva légèrement sa canne d’aveugle. Ainsi, elle ne risquait pas le moindre malentendu… même si la situation pouvait paraître atrocement gênante des deux côtés. « Autrement… connaîtriez-vous quelqu’un capable de travailler quelques heures par semaine dans cette librairie ? Puisque ma rédactrice m’a manifestement fait faux bond, il faut que je puisse compter sur quelqu’un. Je ne peux écrire moi-même les phrases et autres scenarii me venant à l’esprit, il faut donc que quelqu’un s’en charge pour moi. Vous comprenez ? » Cette inconnue allait définitivement la prendre pour une folle, mais il s’agissait d’un risque à prendre. Après tout, Myrcella était loin de rouler sur l’or et avait maladivement besoin de travailler… sans quoi elle allait finir siphonnée du bocal en moins de deux.

Que cette inconnue ne se méprenne surtout pas, ce n’est pas parce que Myrcella n’avait pas encore répondu à sa proposition alléchante qu’elle n’avait pas enregistré tout ce qu’elle venait de lui dire. Disons qu’elle priorisait les choses, comme toujours. Elle composa tout d’abord le numéro de son assistante habituelle, qu’elle connaissait sur le bout des doigts, tout en bénissant le fait que le responsable de la librairie ait acheté un téléphone aux touches en relief, sans quoi la jolie seychelloise aurait eut beaucoup de mal à composer quelque numéro que ce soit. Hélas, elle tomba sur le répondeur. Inutile de laisser un message à ses yeux ; si son assistante avait eu un tant soit peu d’intérêt pour la tâche qu’elle accomplissait avec la jeune aveugle, sans doute se serait-elle pointée à cette fameuse librairie, même si cela devait être avec du retard. « Répondeur » énonça-t-elle non sans soupirer, avant d’adopter un air particulièrement pensif face à cette vérité. « Je me nomme Myrcella Kervernaal » finit-elle par dire non sans tendre une main ferme à son interlocutrice, qui devait attendre non sans impatience la sentence qu’elle comptait prononcer prochainement. Une sentence, vraiment ? Disons une réponse quant à la proposition faite par cette employée de librairie, et qui lui donnait, pour l’instant du moins, une impression plutôt positive. Difficile de se faire une idée en quelques mots à peine, mais autant dire que la jolie seychelloise allait se faire un plaisir de creuser la question. « Ce que vous me dites m’intéresse. Mais il faut que je puisse compter sur la personne qui remplacera potentiellement mon assistante… je n’ai pas le luxe de pouvoir chercher sans arrêt quelqu’un tout en priant que le nouveau spécimen soit de confiance, vous me suivez ? Quelles études faites-vous, sinon ? Je suppose que vous aimez les livres pour travailler dans cette charmante librairie, mais j’aimerais beaucoup que vous m’en disiez davantage. » Myrcella n’aimait pas les livres, elle les adorait, tout comme elle idolâtrait le fait de jongler avec une langue, quelle qu’elle soit. Le fait d’être aveugle ne l’avait jamais empêchée d’être cultivée ni d’avoir de l’esprit, après tout.

« En vérité, le travail sera simple… écrire scrupuleusement les phrases que je dicte. Ce n’est pas nécessairement glorifiant je vous l’accorde, mais cela peut mener plus loin au fur et à mesure du temps. Je compte bien tenter d’évoluer dans le monde de requins qu’est celui du cinéma, par conséquent… cela impliquera peut-être m’accompagner à des réceptions. Vous n’êtes pas effrayée par la description de la tâche, j’espère ? » La jeune femme esquissa un bref sourire avant d’attendre patiemment les différentes réponses de son interlocutrice… ainsi que ses questions, si toutefois elle en avait.

Myrcella avait toujours préféré qu’on ne lui fasse face plutôt que de la couver comme un pauvre petit oisillon tombé du nez. Cette presque inconnue, Anna, avait typiquement adopté le comportement adéquat face à la jolie seychelloise. Pas de réelle maladresse, un discours simple et des phrases ne cherchant pas à la perdre… pire, elle avait à peine cherché à se mettre en avant, en avançant des arguments brefs mais efficaces. A situation particulière, mesures particulières et puisque Myrcella avait besoin d’urgence de quelqu’un de fiable, leur discussion première s’était immanquablement transformée en une sorte d’entretien d’embauche nouvelle génération. La scénariste n’avait pas pour habitude de s’adonner à ce genre de procédés… souvent, elle préférait mille fois qu’une personne de confiance ne lui recommande quelqu’un, afin de ne surtout pas avoir à se mettre en avant, mais force est de constater que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. La preuve, il n’avait pas fallut cinq minutes aux deux jeunes femmes pour rentrer dans le vif du sujet et se donner mutuellement d’excellents arguments… dans ces conditions, il n’était pas utile qu’Anna reçoive quelque recommandation que ce soit. « En tant normal, sûrement aurais-je demandé à votre patron de me décrire votre façon de travailler, mais puisque ma situation est particulière… je préfère vous proposer l’option essai. » Quelqu’un d’autre ne saurait pas nécessairement lui rendre grâce comme elle le méritait et ça, nul n’en avait davantage conscience que Myrcella. Et puis… une étudiante en littérature et histoire ne pouvait pas avoir un mauvais fond ! « Voilà qui vous fera mettre un premier pied à l’étrier ! Vous aviez déjà décidé de votre futur parcours ou c’est encore nébuleux pour vous ? » Sait-on jamais, si en prime Anna pouvait trouver une quelconque révélation dans ce travail n’ayant pas grand-chose de glorieux… alors ce serait tout bénéfice pour tout le monde, vraiment.

« Sans même le savoir, je crois que nous étions destinées à avoir cette conversation. Bien sûr, ma bibliothèque à moi est remplie de livres en braille, mais je n’imagine pas une seconde un jour qui ne serait pas peuplé par de grandes phrases de génies littéraires… poésies, nouvelles, romans, quelque en soit le type, je me passionne ou déteste facilement un ouvrage. Il s’en faut toujours de peu… » Myrcella n’était pas geek, ou sportive, elle avait simplement l’écriture dans la peau. Bien qu’il lui faille quelqu’un pour parvenir à écrire véritablement ses scenarii, son propre génie du verbe restait indéniable. Il faudrait être fou pour ne pas s’en apercevoir.
« Seriez-vous pour faire un essai après votre travail d’aujourd’hui ou avez-vous un évènement déjà programmé ? Je puis vous attendre. Votre librairie est une mine d’or pour quelqu’un tel que moi… »

Bien loin de jouer les mouches du coche ou même les grandes curieuses devant l’éternel, Myrcella se contenta de trouver admirables les rêves de Chloe sans forcément la bombarder de questions : si elle voulait devenir écrivain, le plus beau métier du monde selon la jolie seychelloise, alors elle lui souhaitait toute la réussite du monde. Elle n’avait pas besoin de la connaître sur le bout des doigts pour lui souhaiter ce genre de choses… à quoi bon ? Depuis quand fallait-il connaître son prochain pour faire preuve d’un tant soit peu d’humanité ? Arthur avait prouvé à Myrcella à maintes reprises que quelqu’un vous ayant côtoyé peut vous faire bien plus de mal qu’une personne ne connaissant strictement rien de vous. La preuve avait été diablement difficile à avaler lorsqu’il l’avait cruellement repoussée alors qu’elle épanchait son pauvre petit cœur romantique après avoir retrouvé le jeune homme, toute persuadée qu’elle était que cela servirait à quelque chose maintenant qu’ils vivaient à nouveau dans la même ville… mais aussi incroyable que cela puisse paraître, on l’avait soigneusement mise sur de côté, comme un objet inutile ou une vérité que l’on veut à tout prix oublier. En sachant cela… difficile de faire preuve de la même cruauté envers cette jeune femme qui allait probablement être la personne la plus avenante qu’elle ait rencontrée dernièrement. « Si vous souhaitez publier un livre, alors je vous souhaite toute la meilleure chance du monde, si une telle chose est possible. Si je devais être honnête, retrouver la vue de mon côté ne me déplairait pas ! » Myrcella esquissa un bref sourire tandis qu’elle reprenait sa canne en main, capable de plaisanter de sa propre condition sans même éprouver de tristesse. Il existait certes un moyen de remédier à sa cécité… mais l’opération coûtait une fortune, ne se déroulait qu’à Washington et comportait de tels risques qu’elle méritait d’importantes considérations. « Je vais patienter durant cette demi-heure alors, et me faire toute petite n’ayez crainte. Si vous me dites que le thé n’est pas trop mal… je ne dis pas non si cela ne vous dérange pas de m’en offrir un ! »

Myrcella n’était pas anglaise, mais elle raffolait d’une bonne tasse de thé après une journée stressante ou désagréable. En l’occurrence, celle-ci prenait une tournure nettement plus agréable qu’elle ne le pensait de prime abord, mais contrairement aux idées reçues, la dose de stress qu’elle avait ressentie en se faisant poser un lapin était plutôt conséquente. Difficile de dire non à un petit effet placébo qui l’aida sans peine à patienter durant cette demi-heure alors qu’elle déplorait le fait que cette librairie ne vende pas un seul livre en braille qu’elle aurait pu se mettre sous la dent. Ses doigts parcoururent les tranches des ouvrages afin de tenter d’en deviner le titre, se surprenant à imaginer chaque histoire dissimulée derrière un simple mot, ou une phrase… finalement, le temps imparti passa à la vitesse de la lumière et Myrcella se trouva bientôt à attendre à l’extérieur que Chloe ne soit définitivement libérée par son patron. Contre toute attente, lorsqu’elle sortit enfin de la librairie, la jeune femme n’eut pas à prononcer un seul mot que la scénariste l’avait déjà reconnue : celle-ci portait un parfum hautement reconnaissable… « N’ayez crainte, dites-moi simplement si nous allons à gauche ou à droite et je pense pouvoir suivre. »

En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, Myrcella fut guidée vers un immeuble dont elle aurait rêvé de pouvoir imaginer les moindres recoins, pénétrant ainsi dans un environnement qu’elle ne connaissait pas du tout. L’appartement de Chloe était certainement sensiblement différent de celui de Diego, qui semblait avoir été pensé pour accueillir quelqu’un d’aveugle, mais la jolie seychelloise n’en fut aucunement dérangée. Bien au contraire, elle n’hésita pas à s’asseoir dès qu’elle fut invitée par Chloe à prendre ses aises et se fia à tous les bruits alentours pour deviner le moment où elle reviendrait auprès d’elle, armée de son ordinateur. Vraiment, son enthousiasme lui plaisait. On ne pouvait pas dire que son ancien assistant en ait déjà fait preuve, pas même lorsqu’elle l’avait engagé au tout début. Celui-ci traînait la patte, manifestement présent parce qu’il le faisait et que la paye n’était pas mauvaise. Myrcella avait la reconnaissance du ventre, après tout… si le scénario plaisait, elle n’était pas la seule à récupérer sa part du gâteau, surtout qu’elle estimait que tout travail ne pouvait que mériter salaire. En l’occurrence, l’habileté de Chloe à s’adapter à cette nouvelle situation en un temps record lui plu aussitôt… et l’inspira. Un quart d’heure durant, Myrcella s’amusa à occuper l’atmosphère, enchaînant les cent pas pour mieux se rasseoir sur le canapé… en vue de se relever encore. Les mots qu’elle énonçait semblaient être vécus avec force, sortant tout droit de ses tripes non sans une conviction totale. La demoiselle avait fait de courtes mais brillantes études de lettres, son talent s’y retrouvait donc forcément, et ce bien que son handicap fasse souvent croire qu’elle n’était pas plus douée qu’une mouche atteinte de strabisme. « Je trouve que la dernière phrase est bancale, il me semble… » commença-t-elle tandis que ses sourcils étaient froncés et qu’elle tripotait sa canne du bout de ses doigts fins. « Peut-être ne faudrait-il pas utiliser « beauté » pour décrire la puissance séductrice de cet homme mais plutôt… « charme hypnotique ». Qu’en dites-vous ? »

Myrcella pensait s’être tournée vers l’endroit où Chloe était toujours assise, son ordinateur portable sur les genoux, à tapoter vigoureusement chaque mot énoncé par sa nouvelle patronne et acolyte. Sans doute avait-elle très vite compris le sérieux et l’implication de la seychelloise à la tâche, et pour cause, de ce scénario dépendait un contrat particulièrement conséquent. Voilà qui sonnerait presque son heure de gloire… « Vous pouvez me donner votre avis à tout moment si vous estimez qu’un mot vaut mieux qu’un autre, ou qu’une phrase est bancale, voire même inutile. Au contraire, je suis persuadée qu’il y a plus dans deux têtes que dans une. Comment trouvez-vous ce début ? »

Myrcella esquissa un bref mais sincère sourire face à la réaction de sa nouvelle assistance, appréciant à la fois son enthousiasme et sa franchise. Il était presque dommage qu’elle n’ait pas fait sa connaissance quelques mois plus tôt, voilà qui lui aurait évité bien de l’inquiétude et du stress… son assistant n’avait eu de cesse de lui poser lapin sur lapin, mettant de fait en danger la fragilité de ses contrats et son avenir en tant que scénariste. Une réputation est malheureusement bien trop vite établie dans ce métier et la jolie seychelloise ne pouvait guère se permettre la moindre erreur, cécité ou pas. On ne la prendrait pas en pitié pour cette raison et encore heureux. Myrcella serait la première à être contre. Voilà pourquoi le courant était immédiatement passé entre les deux jeunes femmes, car Chloe n’avait pas fait preuve de pitié une seule seconde, et pour cause, elle n’avait même pas noté sa cécité au départ. « Vous avez déjà été face à un homme au charme hypnotique, vous ? » D’ordinaire, la jeune femme ne se permettait pas de s’introduire dans la vie personnelle d’autrui, mais elle s’inspirait de tout ce qui passait au travers de ses tympans pour écrire la suite de ses scénarios à vrai dire. Qu’il s’agisse de faits réels ou de purs détails de son imagination, Myrcella se nourrissait de nombreuses bribes l’intéressant. Puisque la somme de ses amies féminines était relativement peu nombreuse… ce n’est pas comme si elle pouvait avoir ce genre de conversation avec n’importe qui. « N’y voyez pas une intrusion dans votre vie privée, surtout. Je suis curieuse d’entendre ce que quelqu’un d’autre, de voyant qui plus est, ce qu’elle peut bien choisir comme charme hypnotique chez la gent masculine. »

Myrcella avait rejoint le premier fauteuil à portée de sa main afin de s’y asseoir et s’apprêtait à boire les paroles de son interlocutrice. Pour un peu, elle se sentait même d’humeur à donner sa propre définition du « charme hypnotique masculin » vu par sa personne. Certes, leurs deux perceptions ne pouvaient être semblables, mais c’était ce qui l’intéressant. « Personnellement, je trouve qu’une voix grave possède un charme capable de me stopper dans tout ce que je pourrais faire, action comme discours. Tout dépend bien évidemment de ce qui est énoncé par ladite voix grave… une connerie restera une connerie. » Il était presque choquant d’entendre un tel mot dans la bouche de la jolie seychelloise. Mais le sourire mutin qui suivit sa phrase signifiait qu’elle voulait simplement soutenir son point de vue…