« Donc si je comprends tout, vous êtes ma mère ? Enfin, ma génitrice » Eden avait beau être simple et tout ce qu'il y a de plus gentil, il en voulait à sa famille biologique de l'avoir abandonné à sa naissance. C'était bien quelque chose qu'il ne comprenait pas... Comment pouvait-on abandonner un être aussi chétif et inoffensif qu'un enfant ? Il avait longtemps recherché ses parents et maintenant que c'était fait, il avait mal au cœur, horriblement mal. Elle lui avait tout expliqué, le pourquoi du comment, mais le jeune américain n'arrivait pas à y croire. Il avait été abandonné après un déni de grossesse et, le pire dans l'histoire, c'était que cette femme avait eu un enfant quelques mois après. Une petite Inès qui vivait désormais à New York. Comment allait-il faire face à ça ? À elle ? Il avait déjà ses deux petites sœurs – une adoptée, l'autre génétiquement reliée à ses parents – et il s'entendait à merveille avec elles... Faire une place pour Inès semblait pourtant indéniable. Il devait le faire, il devait apprendre à la connaître, à l'apprécier ou à la détester, mais avec toutes les cartes en mains. Quand il entendait sa mère parler de sa fille, un sourire se dessina sur ses lèvres. Elle semblait aussi fofolle et heureuse de vivre que Jane, l'aînée de ses deux soeurettes. Elles pourraient totalement s'entendre à la perfection et pas que... Doucement, Eden passa une main dans sa nuque et dit « Votre fille est au courant ? Pourrais-je avoir son numéro pour prendre contact avec elle ou je dois garder ce secret ? » L'américain était distant et personne ne pouvait l'en blâmer. Son cœur se serrait à chacun de ses mouvements, il avait l'impression que ce dernier allait exploser dans son petit corps. Il sentait ses mains trembler et tout ce qui allait avec. Il était mal, horriblement mal et allait donc rapidement coupé court à la discussion. La voyant griffonner un numéro sur la serviette du café, il l'attrapa et l'enfonça dans sa poche. Se levant, il déposa un billet sur la table et dit « Vous avez fais une énorme erreur il y a vingt quatre ans vous savez. Je suis le plus heureux des hommes dans ma famille mais vous n'imaginez pas ce que j'ai pu souffrir en me demandant ce que mes parents m'avaient trouvé de mal pour m'abandonner » Eden avait souffert de cet abandon pendant de nombreuses années. Il avait longuement subi les moqueries de ses camarades sur son adoption et tout ce qui allait avec. Enfilant sa veste, il croisa une dernière fois le regard de sa mère biologique et dis « Vous avez une petite fille de quatre ans, maddison. Je voulais vous le dire mais vous n'êtes pas sa grand mère à ses yeux, autant qu'on ne se voile pas la face » Aux yeux d'Eden, elle n'était même pas sa mère alors en ce qui concernait son petit bijou, il ne fallait pas trop rêver non plus.. la saluant d'un signe de tête, il quitta rapidement le café et composa tout aussi rapidement le numéro de sa petite sœur. Voie guillerette au téléphone, un sourire se dessina sur ses lèvres. L'apprécier allait être plus facile qu'il ne le pensait. Se raclant la gorge, il dit « Bonjour, excusez moi de vous déranger mais je voulais savoir si votre cabinet était ouvert » La brunette lui répondit à l'affirmative et il se dirigea donc vers le cabinet de sa sœur. « J'arrive sur le champ » lâcha-t-il avant de raccrocher. Il ne venait pas pour un animal mais ce n'était pas franchement le plus important à ce moment même...

Après quelques minutes de marche, il prit une grande bouffée d'air frais et poussa la porte du cabinet vétérinaire. Regardant à droite puis à gauche, il attendit quelques longues secondes avant de dire « Inès ? » Il s'était peut être trompé de vétérinaire après tout, doué comme il était... Eden est un jeune homme intelligent mais quand on le déboussole, c'est tout autre chose...

« Bonjour, vous m’avez demandé, je suis Inès Avery-Smith, et vous êtes ? » Me pointer de la sorte à son cabinet était vraiment étrange, très étrange quand on y pensait. J'avais l'air d'un petit fou furieux qui débarquait sans rien demander, sans rien dire et surtout sans animaux ! Autant dire que se pointer chez un vétérinaire sans animaux était plutôt... tordu. Mais je ne savais pas comment faire et je ne pouvais pas rester dans cette situation bien longtemps. Je devais profiter du fait que Mady était occupée pour 'régler' mes petits problèmes. Inès n'était pas un problème, loin de là, mais je voulais lui annoncer la 'nouvelle', même s'il y avait bien une chance sur deux qu'elle ne me croit pas et me prenne pour un fou, chose que je pouvais totalement comprendre... Me raclant légèrement la gorge, je dis « Eden Anderson. On ne se connaît pas, je sais bien mais je pense que cela va changer » Souriant légèrement, je compléta rapidement « Je ne suis pas un fou furieux, ne vous inquiétez pas pour ça.. » J'accompagnais ma phrase d'un léger sourire et très léger rire. Elle ne devait pas avoir peut même si, il fallait bien l'avouer, je passais pour un détraqué mental à ce moment précis. Cependant, ma petite sœur – c'était dur d'avoir une troisième sœur – n'en tenais pas compte et m'indiqua rapidement le lieu où se trouvait son bureau pour que l'on puisse discuter un peu plus 'secrètement'. Je n'avais guère envie de lui balancer que j'étais son grand frère – biologique s'il vous plait – devant une inconnue. Elle était déjà une inconnue pour moi alors autant éviter de me rendre la tâche encore plus difficile et étrange ! Posant mes fesses sur la chaise en face de son bureau, je l'écouta attentivement.. « Alors dites moi la raison de votre visite. » Me raclant la gorge, je passa une main dans mes cheveux et pris une grande bouffée d'air. Tout lui annoncer comme ça allait être plutôt difficile et 'étrange' mais si je ne lâchais pas tout maintenant, j'allais finir par mourir de stress sur place ! « Comment dire... J'ai rencontré ta mère aujourd'hui et elle m'a annoncé que... Bah c'était ma mère biologique aussi... ce qui fait de nous, des frères et soeurs » C'était sorti assez rapidement mais mes mains tremblaient de stress. Passant une main dans la nuque, je continua rapidement, pris d'un élan de force et de courage... « A l'époque, elle voulait pas d'enfant, elle a fait un déni de grossesse, elle a accouché et puis elle est partie en Afrique avec ton père, enfin notre père... Et puis elle est retombée enceinte dans les semaines qui ont suivi et ça c'est vu donc elle t'a gardé et... voilà » C'était sorti et en y repensant, cette histoire était vraiment très, très étrange... Mais j'avais fais des recherches et avais joué de mes 'contacts' au presbyterian hospital et le seul accouchement qui concordait avec le mien était celui qui me reliait aux Avery-Smith...

Face à la jeune africaine, je me sentais mal à l'aise. J'allais foutre un gros coup de pied dans les bases solides de sa vie et je m'en voulais. Seulement, j'avais été clair avec sa mère, notre mère ; il était hors de question que tout cela soit caché à la jeune femme. Je n'avais pas envie de recevoir des flots de haine lorsque l'histoire sortirait parce que j'avais su toute la vérité et n'avait rien dis. Je voulais avoir la conscience tranquille. « Mon frère ? Ma mère qui vous a dit ça… Je suis désolée je ne remets pas votre parole en doute mais j’ai du mal à y croire… Mon père a toujours voulu un fils et ma mère ne lui a jamais révélé qu’en fait il en avait un… Enfin voilà, j’aurais pensé qu’elle l’aurait fait dans cette situation … Mais euh elle vous a dit ça quand ? Comment ? » La réaction de la jeune demoiselle ne me choquait guère. Elle remettait plus ou moins tout ce que je venais de dire en cause et c'était compréhensible. À vrai dire, à sa place j'aurai ris à en mourir étouffé en plein bureau. Il y avait une chance sur un million pour que je retrouve ma famille biologique et cette chance avait pointé le bout de son nez il n'y a pas longtemps. Grimaçant légèrement, je passa une main dans mes cheveux afin de trouver mes mots. Il y avait beaucoup de questions, trop de questions pour que je me souvienne de tout. Enfin, j'allais essayer de répondre à tout pour qu'elle ait toutes les cartes en main et puisse juger la situation comme elle le voulait. « Je n'ai pas trop compris toute l'histoire avec ton père. Elle m'a expliqué qu'à l'époque, elle ne voulait pas d'enfants et elle m'a donc abandonné. Ça la rongeait donc elle n'a jamais rien dit à personne parce que ton père lui en voudrait plus que tout, justement. Je ne prends pas sa défense, à aucun d'entre eux, mais je dois avouer que j'aurais pété les plombs si ma femme m'annonçait avoir abandonné mon fils » Je comprenais donc pourquoi elle n'avait rien dit. Mais, étrangement, j'aurais préféré qu'elle ne me retrouve jamais. J'avais des suspicions sur la jeune femme mais tout de même, rendre tout cela réel était complètement fou. Je n'avais même pas prévenu Jane... Il ne le fallait peut être pas à vrai dire. Elle allait péter un plomb en m'entendant dire que j'avais cherché ma famille biologique alors qu'on s'était promis de ne jamais le faire. Déglutinant difficilement, je dis « Je l'ai appris il y a quoi, une heure. On s'est croisé par hasard et elle m'a proposé d'aller boire un café et elle m'a tout avoué de A à Z » Déni de grossesse, le seul moment où elle a eu à se soucier de moi était lorsqu'une douleur abdominale l'a pris en plein boulot. Je soupira légèrement. Franchement, j'aurai préféré ne jamais savoir parce que là, c'était du grand n'importe quoi. Je voulais juste qu'elle soit au courant mais j'en voulais tellement à cette mère qui ne s'était pas une seule fois souciée de moi dans toute sa vie. Elle m'avait dis avoir suivi la procédure de loin – ce qui voulait dire qu'elle savait où j'avais vécu et grandi – mais elle n'avait pas bouger le petit doigt. Je lui en voulais tellement. Comment pouvait-on abandonner un enfant ? Je ne pouvais pas m'en plaindre parce que j'avais une famille formidable mais tout de même. Passant une main sur mon visage, je tenta de reprendre une certaine contenance et dis « Désolé de gâcher ta journée mais j'estimais juste que tu devais être au courant et je doute qu'elle crache le morceau de si tôt » Vingt quatre ans de silence, elle pouvait bien continuer ainsi pendant quelques années encore...