Une autre journée vient de se terminer, et pas des moindres. Elle a été rythmée par mes cours de la matinée, par les cris des enfants de la garderie l’après-midi et par les sourires de la petite fille que j’ai gardé ce soir. Donc oui, la journée a été longue et je me pose de plus en plus de questions sur le sens de tout ça, en particulier en ce qui concerne mes cours. Contrairement à tous mes petits camarades que j’ai pu croiser durant ma scolarité, je n’ai jamais réussi à trouver avec exactitude le métier de mes rêves. Tout ce que je sais c’est que j’aime l’Art et que j’ai envie de travailler dans ce domaine. Peut-être bosser dans une galerie, pour de vrai, pas comme pour mon stage de deuxième année. Les cours commencent vraiment à me lasser à force, c’est dommage de le remarquer après avoir commencé l’année … Oui je sais, je me demande si je vais la finir d’ailleurs cette année. Du coup, j’arrêterais sûrement de bosser à la garderie … Pas que je n’aime plus les enfants non, je les adore mais je ne me vois pas du tout passer ma vie à travailler là-bas, Ô ça non. Hors-de-question que je fasse comme certaines de mes collègues. Enfin bon, c’est juste que j’y pense souvent ces derniers temps donc je pense sérieusement à commencer à chercher ou plutôt à continuer de chercher. Seulement on ne réfléchit pas à son avenir à presque minuit après une longue journée comme celle que je viens d’avoir.

Je n’ai pas pris ma voiture pour aller garder la petite Haley ce soir. Comme je le dis toujours, quand je peux éviter de la prendre, je le fais. Du coup j’ai pris le métro et forcément, je l’ai aussi pris pour rentrer. Je sors de la station, les mains dans les poches de mon manteau parce que j’ai oublié mes gants et gelée jusqu’à la pointe de mes cheveux. Il fait de plus en plus froid et mes doigts sont comme engourdis. Là tout de suite, je n’ai qu’une envie, rentrer chez moi et me mettre dans mon lit. A moins que Casey soit encore debout, ce qui ne m’étonnerait pas et dans ce cas, regarder un DVD me dirait bien … Mais avant de penser, faut déjà que j’arrive à l’appartement sans finir congelée. Plus je m’éloigne de la sortie du métro et moins je croise de passants. On pourrait penser qu’après avoir été agressée dans la rue pendant la nuit, ce genre de moment … enfin j’aurais évité quoi. Mais ça fait plus de cinq ans et c’était soit rester terrée toute ma vie sous mes draps ou continuer à vivre. J’ai préféré continuer, même si ça dépend du point de vue quand on sait ce qui s’est passé les mois qui ont suivi l’agression. Oh oui j’en ai bien profité là, surtout au niveau des conneries. Dépression, l’impression de perdre pieds … mais oui, ensuite j’ai repris ma vie. Et ce trajet-là, je l’ai fait un nombre incalculable de fois, même seule et en pleine nuit comme aujourd’hui. Et tout c’est toujours très bien passé, j’ai donc fini par ne plus trop penser au passé. Appartement-Métro. Métro-Appartement. Normal. Pourquoi je vous parle de ça ? Pour insister que jamais je n’aurais pu imaginer ce qui va se passer ensuite. J’ai cru que cette période de ma vie était définitivement derrière moi. Comme quoi, oublier le passé, ne plus se tenir sur ses gardes est une grossière erreur.

Je l’ai compris trop tard, quand, en tournant dans une ruelle plus étroite par rapport à la rue principale où j’étais jusque-là, une main surgissant de nulle part a attrapé mon poignet. Tout s’est passé tellement vite, je n’ai pas eu le temps de réaliser … J’ai été tirée dans un coin, mon dos a heurté un mur. Je n’ai été capable que de fermer les yeux, même pas un cri, seulement un gémissement qui n’a jamais pu franchir mes lèvres. Mon cœur est parti au galop sous l’effet du choc et de la peur. Non … Non ça ne peut pas se reproduire, c’est impossible … Pétrifiée, je suis pétrifiée. « Je t’ai manqué ? » Cette voix … Cette odeur de cigarette qui me pique la gorge. Mon sang s'est littéralement glacé dans mes veines. Brutalement, mes yeux se sont rouverts, ronds comme des soucoupes en reconnaissant les traits de mon agresseur. C’est à peine si j’ai réussi à réagir. « Lo … Logan ? » ai-je hoqueté sous le choc de la surprise. Oh putain … Oh putain … Oh putain … Je peux plus respire … Je peux plus … respire …Un sourire se dessine sur ses lèvres quand je lui confirme en quelque sorte, que je ne l’ai pas oublié. Oh mon dieu … Qu’est-ce qu’il se passe ? Qu’est-ce qu’il fout là ? « Bien, heureux de voir que tu n’as pas oublié le bon vieux temps et tes vieux amis. » continue-t-il son visage tout près du mien. Il fume toujours les mêmes roulées immondes qui me donnaient envie de vomir à chaque fois à l’époque. Mes poils se sont dressés sur mes bras quand tous les souvenirs de cette fameuse époque justement. Mes six mois de dépression, de totale folie, de junkie, de fêtarde, pauvre fille prise dans un tourbillon sans fin. L’époque où j’ai failli me perdre totalement. Qui sait ce que je serais devenue si je n’avais pas fait cette overdose devant les petits ce soir-là ? Je ne veux même pas l’imaginer. Tout ce que je veux c’est que ce fantôme du passé disparaisse. J’ai l’impression d’être véritablement congelée, de l’intérieur mais il faut que je réagisse. J’essaie de chasser ma peur, de rassembler mon courage. Ne pas trembler. J’essaie de partir en le contournant mais il me bloque le passage, m’emprisonnant entre le mur et lui. Je serre la lanière de mon sac et serre la mâchoire. « Laisse-moi passer. » ai-je réussi à faire sans trembler. Pas question d’être faible, pas question. Je ne suis plus la jeune fille qu’il a connu à l’époque, j’ai grandi, muri et je ne suis plus aussi influençable. Il faut que je lui montre mais à nouveau, un sourire narquois et amusé étire ses lèvres. « Tu ne vas pas me quitter si tôt n’est-ce pas ? Souviens-toi comment on s’amusait bien ensemble il y a encore quelques années … » souffle-t-il à mon oreille. Je réprime un hoquet de dégoût qui me monte dans la gorge. S’amuser ? Si on voit la situation à son niveau j’imagine que c’est vrai seulement moi ce n’est pas le souvenir que j’en aie. Je vous présente Logan Harris, autrement dit, ce lui qui me fournissait en drogues durant ma mauvaise période. Très mauvaise période. Je ne l’ai jamais revu depuis la fin … jusqu’à maintenant. « Qu’est-ce que tu veux ? » ai-je demandé à bout de nerfs. Je me sens pas bien du tout, bloquée dans une ruelle en pleine nuit, seule en sa compagnie … et ce froid. Qu’est-ce qu’il me veut, qu’est-ce qu’il me veut … J’ai envie de fondre en larmes mais rien ne sort, rien ne coule, j’ignore comment. Peut-être l’adrénaline et l’envie de ne pas craquer devant ce connard. Il m’a entrainée dans les bas-fonds durant cette fameuse époque. Faut dire que je n’ai jamais beaucoup résisté … Je m’imagine déjà allongée, près d’une poubelle, mon corps aussi froid que … Oooh … c’est pas devenu un tueur, si ?

« Du calme … Pourquoi commencer par des choses si sérieuses ? J’ai juste envie de m’amuser un peu, comme avant, et je sais que toi aussi .. » Je ferme les yeux, mon menton tremble et je secoue la tête. Non je ne veux pas, non je ne veux pas, lâche-moi … Mais je suis restée muette et prisonnière. Pétrifiée, je suis pétrifiée. Il a posé la main sur mon bras … et c’est là que le déclic a eu lieu. On dit parfois que l’adrénaline peut nous faire faire des choses étonnantes. Ou dans le cas présent, l’instinct de survie. C’est venu de nulle part, ou sûrement de ça en fait, l’envie de vivre. Je n’ai plus été pétrifiée et sans lui laisser le temps … mes réflexes de la boxe sont revenus. D’un geste vif, j’ai attrapé son poignet, l’ai tordu et alors que son visage se déforme, je lui fous un coup de genou là où tous les mecs adorent être frappés. Il n’a pas eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait et moi non plus d’ailleurs. J’ai fait ça sans réfléchir et à vrai dire, pour mettre un coup de genou comme je l’ai fait, pas besoin de faire de la boxe … Peu importe, mon cœur recommence à battre, mais cette fois, pas à cause de la peur. Logan pousse un cri de douleur et s’effondre sur le sol. Alors bien sûr, je commence à courir. Courir pour m’échapper. Courir pour mettre de plus en plus de distance entre lui et moi. Courir parce que c’est la seule chose à faire. Instinct de survie. Ne surtout pas regarder derrière. « JE TE RETROUVERAI MIA ! JE TE RETROUVERAI ! » ] hurle sa voix grave dans mon dos. Ne surtout pas se retourner. J’ai froid et chaud en même temps. M’éloigner de cette maudite ruelle. Ca va aller, ça va aller … Ne pas s’arrêter de courir parce que s’il te rattrape … Mais rapidement, l’air me manque et l’adrénaline retombe. Mes jambes commencent à trembler et … faut que je m’assoies, je pourrais pas … pas attendre chez moi. Ma tête en vrac a laissé place, pendant quelques instants à un moment de lucidité. Peter. Je … je suis dans le quartier de Peter … Je n’ai pas réfléchi. Tremblante à l’idée que Logan me rattrape, je réussis à me souvenir la direction de son appartement. Je ne pense même pas au fait que je vais lui devoir des explications, je veux juste m’écrouler quelque part, me sentir en sécurité, ne plus avoir froid … En quelques minutes, je me retrouve devant son immeuble, le souffle court, les jambes flageolantes. Pendant le trajet, je n’ai pas arrêté de regarder par-dessus mon épaule, craignant d’apercevoir l’ombre de Logan, d’entendre sa voix à tout moment … C’est un cauchemar, je ne peux pas être retombée là-dedans. Je me reprends à deux fois avant de réussir à appuyer sur le bon bouton de l’interphone et quand Peter répond, au bord des larmes, je murmure un pitoyable : « Peter … C’est … Mia … Ouvre-moi vite … »

Je sais plus où je suis, je sais plus quoi faire ... C'est comme si, en quelques secondes, j'avais fait un retour en arrière de cinq années. Un bon vieux retour à la case départ comme on en fait plus. Quand vous pensez vous être sorti du fond de votre trou, vous réalisez en fait que non, que la chance ne vous a pas souri et qu'elle vous même joué un mauvais tour. Revoir le visage de Logan m'a fait un choc, et encore, c'est un doux euphémisme. Je pensais pouvoir le garder définitivement rangé dans le rayon fantômes du passé, que jamais je ne le reverrais ... Non ce qui vient de se passer n'a pas pu être réel, non ... En courant pour échapper à mon ancien dealer, je me dis que cette scène a un air de déjà vu. Le froid. La peur. Le choc. Les tremblements. Les yeux qui brûlent. Le souffle court. La solitude. Mon coeur qui bat. A chaque intersection de rue, j'ai l'impression que je vais tomber sur lui. Je ne veux pas retomber là-dedans, je ne veux pas retomber là-dedans ... J'ai beau me répéter ça, que ça n'aura aucune signification que ... New-York est une grande ville, que si ça se trouve, je ne le recroiserais jamais mais je me suis déjà dit ça la première fois alors ... Je peux plus respirer ... Je peux plus respirer ... La peur est toujours là, intacte, parce que les souvenirs liés à Logan sont de retour alors que je pensais avoir réussi à les enfermer bien au fond, quelque part. Je ne veux pas redevenir cette personne, la personne que j'ai été durant ces mois où j'ai vraiment fait n'importe quoi. Il ne faut pas qu'il me rattrape ... Il ne faut pas que ça me rattrape !

J'ignore si trouver refuge chez Peter est une très bonne idée mais je dois avouer que là, tout de suite, je ne pense plus à rien. Le moindre carré d'obscurité semble regorger de montres plus terrifiants les uns que les autres. Le but actuel de ma vie, c'est d'arriver en un seul morceau chez Peter. Ca peut paraître stupide mais je flippe tellement là ... Les passants doivent me regarder comme si j'étais une folle sortie de l'asile. J'arrive à peine à tenir sur mes jambes et vers la fin, je jette sans arrêts des coups d'oeil angoissés par-dessus mon épaule. Au bout de ce qui me semble être une éternité, l'immeuble de Peter est en vu, seul lumière dans la nuit noire si je peux dire. Dire que j'y suis allée qu'une fois dans ma vie et que j'ai réussi sans mal à retrouver le chemin ... Pourquoi je pense à ça ? Arrivée devant la porte, je tremble de partout, m'appuie sur un pied, et puis sur l'autre et ainsi de suite toutes les secondes pour ... je sais pas, me donner l'impression de courir et de m'éloigner encore peut-être. « M… Mia ? Entre ! Entre, c’est ouvert ! » La voix de Peter m'a faite sursauter. Sérieusement, j'ai limité fait un bon de trois mètres. Vite, qu'il ouvre la porte, vite qu'il ouvre la porte, j'en peux plus là ... Je sais ce que venir à une heure pareille chez lui dans cet état implique mais je n'y pense pas tellement pour le moment. La porte de l'immeuble s'ouvre enfin et quand je la referme derrière moi, avec un geste brusque et gauche, j'ai l'impression que je peux respirer à nouveau. L'angoisse retombe un peu, l'adrénaline aussi et je reste là pendant quelques secondes, adossée à la porte, avec cette phrase horrible dans la tête : Logan est de retour. Logan est de retour et sa dernière phrase m'indique qu'il n'en a pas encore fini et ... Oh mon dieu ! J'essaie d'avancer et réussis à faire quelques pas. Le calme rassurant et la chaleur du hall de l'immeuble ... Disons qu'il me faut un peu de temps pour m'habituer au nouvel environnement ... Est-ce que je suis vraiment en sécurité ? Je monte quelques marches, essayant de souffler pour retenir mes larmes. Tout va bien, tout va bien ... Une marche après l'autre, c'est ça ... Ma main posée sur la rambarde tremble. Il y a du bruit en haut. En relevant la tête, j'aperçois Peter arriver, descendre à ma rencontre ... Il reste en haut des escaliers ... « Mia ?! Est-ce que ça va ? Qu’est-ce que… qu’est-ce qu’il se passe ?! » demande-t-il inquiet. Mes yeux sont brouillés par les larmes. Logan est de retour, Logan est de retour, Logan est de retour. Fuck, LOGAN EST REVENU ! L'arrivée de Peter a donné le coup d'envoi pour les larmes, je n'ai pas pu me retenir plus longtemps. Je n'avance plus d'un pouce, le regarde tant bien que mal et reste cramponnée à la rambarde parce que sinon je vais tomber. C'est le choc. Les larmes ont besoin de sortir mais ... Pas devant Peter ... C'est juste ... Qu'est-ce que je vais lui dire ? « Je ... Je ... » ai-je commencé incapable d'enchaîner deux mots. Mais qu'est-ce que je fais là ? Je veux dire, on se connaît à peine lui et moi et je débarque comme ça, si tard et en mauvais état et ... Je sais qu'il y a un truc mais c'est ... c'est le meilleur ami de Sutton, c'est ... Respire, respire, respire ... Les larmes roulent, mon menton tremble trop fort et je me mords la lèvre pour me retenir. « Je suis désolée ... J'aurais p-pas dû venir à une heure pareille, je dois te déranger ... » ai-je murmuré entre deux sanglots. Et puis j'ai reculé d'une marche, puis de deux ... J'ai pris peur, tout simplement. Peur à l'idée qu'il me voit ainsi et qu'il en connaisse la raison. L'idée de lui raconter me semble tellement ... Nan quoi. Alors je vais m'en aller, oui c'est ça je vais m'en aller ... Pour faire quoi ? Retourner chez moi en marchant comme si de rien était ? Mais je suis déjà en train de faire demi-tour ... Aaargh calme-toi saleté de coeur. Arrête de battre si ça peut me permettre d'avoir moins mal.

C'est la première fois que je me sens aussi mal depuis des années. La première fois que ... j'ai aussi peur aussi. Ca fait ensemble. Un retour en arrière dont je me serais bien passée. Courir en pleine nuit par ce froid aussi. Une vraie scène de film. Alors arriver devant l'immeuble de Peter a été un véritable soulagement. Le mot soulagement est un euphémisme d'ailleurs. J'ai juste voulu ... ne plus avoir froid, être dans un endroit où je serais en sécurité et ne plus avoir à courir. Là tout de suite, j'ai envie de m'écrouler par terre, de ... de relâcher tous mes muscles, de fermer les yeux et de voir ensuite ce qu'il se passe. Mon coeur ne se calme pas, il va me rendre folle. même la vision de l'immeuble de Peter et d'entendre sa voix n'arrive pas à lui faire un rythme normal. Oui mais c'est normal Mia, tu viens de piquer un sprint de plusieurs centaines de mètres. Oui mais ... ça fait tellement mal. Mais je me suis défendue, il ne m'est rien arrivée, je vais bien alors ... pourquoi je me mets dans un état pareil ? Le choc. Tous les souvenirs qui reviennent en masse. Tout qui ... s'embrouille dans ma tête. Tout ce que pourra impliquer le retour de Logan dans ma vie dans un avenir proche. Aarrgh, pourquoi je pense une telle chose ? Non ... Je ferai en sorte que ça n'arrive pas, je peux pas laisser une telle chose arriver, je ... Ca n'arrivera pas. Mais si ... Tout est tellement mélangé dans mon esprit que je passe du mieux au pire la seconde suivante. C'est pire que tout et ce qui l'est encore plus ? C'est quand Peter apparaît en haut des escaliers. Mais qu'est ce que je suis en train de faire exactement ? Pourquoi je suis venue chez Peter alors que je suis dans un état aussi lamentable ? Si seulement ça avait été l'appartement de Sutton qui avait été plus près et non le sien ... Je vais quand même pas le mêler à toute cette histoire quand même. Il ne m'a vue que deux fois en tout et me voilà en train de frapper à sa porte à une pareille parce que ...

C'est pour ça que j'ai pris peur et que j'ai voulu faire demi-tour, avant de tout gâcher même si c'est sûrement trop tard. Les larmes roulent, roulent et je suis incapable de les arrêter ou mieux, de me calmer. Comme si je n'arrivais pas encore à réaliser que je suis en sécurité et que non, Logan ne peut plus m'atteindre chez Peter ... Alors pourquoi j'ai pris peur et fait demi-tour ? Je ne sais pas. Je vous ai dits, tout se mélange tellement que je ne réfléchis même plus de façon logique. Je suis comme un animal qui obéit à son propre instinct, des pulsions. Je n'écoute même pas Peter qui essaie de me retenir, je redescends juste une marche, puis une deuxième, en me disant que ... Oooh ... je vais retourner dans le froid ? Mais à nouveau, il apparaît dans mon champ de vision. Peter. Il pose ses mains sur mes épaules et me force à le regarder. Je n'ai pas la force de protester, j'ai la force de rien faire en fait parce que je sais même pas ce que je peux faire de toute façon et ... « Attends… » souffle-t-il en me sondant du regard. Forcément je baisse les yeux, à croire que je crains qu'il ait une espèce de pouvoir magique qui lui permette de lire dans mes pensées. « Tu ne me déranges pas… vraiment pas, je t’assure. » continue-t-il toujours aussi doucement. J'ose même pas le regarder en face en fait. Puis, il efface une des larmes du bout du doigt. Génial, je tremble maintenant. Et puis son regard sur moi ... Ca au moins ça ne change pas, même quand je suis dans un tel état. « Hé… Calme-toi… Viens, on rentre. » J'ai voulu lui dire que non, ce n'est pas la peine, qu'il n'a pas besoin de jouer les épaules pour pleurer mais bien sûr, rien n'est sorti de ma bouche. Rien ne sort de ma bouche quand il le faut vraiment. Sa main dans mon dos me pousse doucement à remonter les escaliers vers son appartement. Je me laisse docilement faire, n'ayant plus d'énergie. Mes sanglots se calment peu à peu, on va dire que j'arrive à nouveau à respirer. En quelques secondes, on arrive à son appartement. Silence. Tiens, me revoilà dans son appartement ... ça serait drôle si on n'était pas dans une telle situation. Enfin si j'étais pas dans une telle situation plutôt. Je commence à me sentir un peu mieux, c'est juste le fait que ... être dans son appartement me rend déjà mal à l'aise alors dans ses circonstances vous imaginez le truc. Son bras autour de moi. Je retiens mon souffle. Oui, je commence à réagir normalement quand il est à côté de moi, je vais définitivement mieux, haha. D'un revers de main, j'efface les dernières traces de larmes sur mes joues. Voilà, respirer, calmement. Logan ... Logan ne peut plus te faire du mal ici. « Mia… Dis-moi ce qu’il se passe… » Lui dire ? Est-ce que je peux vraiment lui dire ? Et lui dire quoi ? Que j'ai été accroc dans un autre vie ? Et quoi ? Que mon ancien dealer est en ville pour me dire bonjour ? Euh ... Je suis restée plantée, muette à l'idée de raconter ce qui s'est passé, il y a cinq minutes et il y cinq ans. Je me suis grattée la tête, ne sachant comment agir ou que dire. « Je ... Je ... peux pas ... » ai-je bégayé en sentant les sanglots revenir et me nouer la gorge. Je suis tellement bête. Bête de venir ici, de le déranger et de lui dire après que je ne peux pas lui expliquer pourquoi ... « Un truc ... il vient de se passer un truc ... » Pourquoi je me remets à trembler déjà ?

Des perles de sueur se mélangent à mes larmes. Mon souffle redevient peu à peu normal, enfin je crois. Une voix dans ma tête me souffle de me calmer car je suis à nouveau en sécurité chez Peter, seulement c'est plus facile à dire qu'à faire. Je viens d'avoir la peur de ma vie enfin si ce n'est l'une des plus grosses peurs de ma vie plutôt. Je me suis revue cinq ans plus tôt, après mon agression, rentrer chez moi en courant. A l'époque j'habitais encore chez mes parents et heureusement ce soir là, il n'y avait personne à la maison. Je m'étais mise sous ma couette, tremblante, et le lendemain matin en me réveillant, ce qui s'était passé la veille était devenu comme un cauchemar, un lointain souvenir qui ne me semblait plus vraiment réel, alors que ça l'était. Mais cette fois, ça ne sera pas comme il y a cinq ans, je ne vais pas me mettre à faire n'importe quoi, je ne suis plus une adolescente. J'ai pensé que j'allais réussir à me calmer, vraiment. A croire que j'avais oublié que quand Peter est dans le coin, me calmer justement est chose impossible, encore plus dans un tel moment. Je me sens perdue à propos de la marche à suivre. Je ... Je peux pas lui dévoiler cette partie de mon passé merde ! Hey, salut Peter ! T'as en face de toi une ancienne junkie ! Pfff. Et pourquoi pas ? Il va bien falloir lui dire quelque chose de toute façon. C'est juste que j'ai pas envie que son regard change après ça. La Mia que j'étais pendant ces quelques mois, je préfèrerais l'oublier mais le retour de Logan chamboule tout. Autant dire qu'il la connaît très bien, la Mia de l'époque. Un peu trop même. J'ai eu le choc de ma vie en le revoyant tout à l'heure dans la rue et la dernière phrase qu'il m'a lancée ne présage rien de bon. Toujours le même j'imagine.

Peter doit me prendre pour une folle. J'aurais pu lui épargner cette situation si j'avais un peu réfléchi, ce qui n'a pas vraiment été le cas. Durant ma course folle pour rejoindre un lieu sur, mon cerveau s'est mis en mode pause et l'instinct a pris sa place. Ce dernier s'est tout de suite rappelé que l'endroit le plus proche ... l'appartement de Peter. Au fond de moi, je sais que je ne pouvais pas faire autrement, qu'il fallait que je me mette en sécurité au plus vite avant que Logan ne me retrouve, même si je me doute qu'avec le coup que je lui ai foutu il se soit lancé à ma poursuite. Ne pas prendre de risque. Seulement me voilà face à la conséquence : devoir lui expliquer ce que je fous là dans un tel état. Prends ton courage à deux mains Mia, ne réfléchis plus. Mais je n'ose même pas le regarder dans les yeux. Je ne parle jamais de cette période de ma vie normalement avec une personne que je n'aie vu que deux fois dans ma vie et une personne ... enfin parler de ça à Peter quoi. Pourtant il fait de son mieux pour me mettre à l'aise, je le sais et ça marche. Malgré toute la peur que j'éprouve encore, depuis qu'il est là, je me sens mieux. J'essaie de me concentrer sur ça d'ailleurs, la tranquillité de son appartement, la chaleur que je ressens et lui qui reste à côté de moi ... Il faut que je sois capable de lui raconter, pas le choix. Je me laisse à nouveau guider vers le canapé. Dis quelque chose. Mais je reste encore bloquée. Inspire, expire, inspire, expire. Je n'ai pas envie de me remettre à bafouiller comme une gamine de quatre ans devant lui.

« Ecoute… Quoi qu’il se soit passé, sache que tu peux m’en parler. Je peux tout entendre d’accord ? Et… je suis persuadé qu’au fond, ça te ferait du bien d’en parler. » dit-il en s'asseyant à côté de moi et ... en posant la main sur mon genou. J'ai jeté un coup d'oeil dans sa direction avant de me mettre à regarder ailleurs en remarquant qu'il me fixait. Hum. Avec tout ça je ne sais plus où me mettre. Mes mains tremblent toujours un peu mais je me suis calmée, je crois. Pour le moment, il n'y a plus de larmes qui roulent sur mes joues et les traînées humides laissées par les anciennes commencent à sécher. Ca me ferait du bien d'en parler ... Oui, il a sûrement raison sauf que justement c'est plus facile à dire qu'à faire quand on est à ma place. J'arrive à soupirer sans tremblements. Je ne sais même pas par où commencer dans ce bordel que me semble soudain être devenu ma vie. « Quoiqu’il en soit… prends ton temps, installe-toi. Tu peux rester tu sais… je te répète que tu ne me dérange pas du tout. » a-t-il continué alors que je suis toujours incapable d'ouvrir la bouche. Je lui ai souri doucement, ne doutant pas de sa sincérité. Le sujet est tellement tabou pour ma famille et moi qu'à force de ne jamais en parler, les mots ne veulent plus sortir. Okay ... Sa main sur mon genou. Elle me perturbe. « Tu… tu veux qu’on appelle Sutton ? » Ma soeur sait vaguement toute l'histoire. Je ne crois pas m'être beaucoup étendu sur le sujet. Je venais juste de la retrouver après autant de temps et l'idée de tout lui raconter dans les moindres détails sur cette époque me stresse toujours autant. J'ai donc hoché la tête négativement, sentant mon coeur palpiter dans ma poitrine, à croire qu'il ne s'arrête jamais de battre, c'est fatiguant. Mélange entre l'angoisse et le fait que sa main soit sur mon genou. Va falloir y faire quelque chose parce que là, ma gorge reste nouée. Du coup, calmée, je prends la décision de me lever du canapé, en me disant qu'il va peut-être le prendre mal mais ... il faut juste que je prenne un peu de tout pour tout remettre dans l'ordre, et sa proximité a toujours eu tendance à foutre le bordel dans la tête. Sans un mot, je ... Oh, il neige. J'ai eu un infime sourire en voyant les flocons blancs tomber tranquillement du ciel noir encre nocturne. Quelques secondes à les observer et ça m'a donnée un peu de courage. Long soupire et ma gorge s'est dénouée. C'est officiel, Peter doit vraiment me prendre pour une folle et encore, ce n'est sûrement que le début. Le moment est venu d'ouvrir la bouche Mia. J'ai regardé les flocons encore quelques instants, histoire d'être sure que ma voix ne tremble pas, avant de tourner la tête vers Peter. « Il y a quelques années ... » ai-je commencé. Ma voix s'est bloquée et je me suis forcée à continuer. « Il y a quelques années j'ai été agressée en rentrant chez moi un soir ... j'en ai parlé à personne et je l'ai très mal vécu, du genre ... » On rentre dans la partie sensible là. Je suis restée appuyée contre le mur près de la fenêtre, en face de Peter et du canapé. Sentant les tremblements revenir, je prends mon temps pour continuer. « ... Genre dépression. Et puis j'ai fait n'importe quoi aussi ... vraiment n'importe quoi, tu m'aurais pas reconnue par rapport à aujourd'hui. » ai-je fait avec un sourire désabusé. Ce qui est vrai vu toutes les conneries que j'ai pu faire à l'époque. Enfin ... voilà le sommet de ma connerie qui arrive. « Et un soir un pseudo pote à moi m'a fait essayer des trucs ... et je suis tombée dedans. Puis le mec qui le fournissait s'est mis à me fournir et ... » Tout s'est enchaîné ai-je failli dire mais rien n'est sorti. Geste d'impuissance. « Cette période de ma vie a duré quelques mois avant que je n'arrête mes conneries et coupe tout contact ... Et en fait ce soir y a le mec qui me fournissait à l'époque que j'avais revu depuis tout ça qui m'est tombée dessus dans la rue et ... enfin il m'a foutue la trouille. » C'est le cas de le dire et encore je n'ai pas dit à Peter qu'apparemment, il n'en a pas fini avec moi. Tremblement de mon menton et je me mets à me toucher les lèvres nerveusement en repensant à tout ça. Je n'ose même plus regarder Peter dans les yeux en fait. « Voilà ... tu sais tout. Enfin t'en sais autant que Sutton. » ai-je murmuré.

Je n'ai pas envie de mêler ma soeur a toute cette histoire. Peter c'est déjà trop alors Sutton ... Mais je vais lui en parler hein. Je crois ... enfin je sais plus pour être honnête. Je n'arrive pas à penser logiquement pour le moment. Malgré que je me sente un peu mieux, établir un plan pour me sortir de cette merde reste impossible pour le moment. Je n'ai aucune envie de perturber qui que ce soit avec une histoire qui ne regarde que moi et dont je suis la seule fautive. Si à l'époque, je n'avais pas flanché et agi de la sorte, je n'en serais pas là aujourd'hui, terrorisée à l'idée que mes vieux démons me rattrapent. On referait le monde avec des "si", me répondrait ma mère. Je soupire, désabusée en pensant à toute cette histoire. Je ne peux définitivement pas en parler à mes parents ou à mon frère et ma soeur ... Surtout pas à mon frère et ma soeur. Jamais de la vie. Ils m'ont déjà vue une fois dans cet état le soir où j'ai fait mon overdose et plus jamais je ne les mêlerai à tout ça. Oh putain ... j'ai envie de me frapper la tête contre le mur quand je m'entends penser ce genre de choses. L'impression de revenir cinq ans en arrière. Le point de départ. L'idée que tout ça n'est peut-être en fait pas terminé me donne envie de fondre en larmes et de me laisser tomber sur le sol. Restée terrer dans mon trou pour que Logan ne me retrouve pas. Idée tentante mais impossible, tout simplement parce que je ne peux pas lui faire ce plaisir. C'est ce qu'il cherche, que j'aie la trouille et que je n'ose plus sortir de mon appartement, mais cela n'arrivera pas ... n'est-ce pas ? Ma tête va exploser à cause de toutes ces questions et ses incertitudes. J'ai l'impression que tout ma vie vole en éclat mais me concentre sur le fait que ça aurait pu plus mal se passer ce soir et qu'il y a encore de l'espoir.

Seulement le regard pervers de Logan et sa dernière phrase me sont restés dans la tête. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi. Pourquoi il réapparaît maintenant ? Pourquoi il a éprouvé la soudaine envie de revenir me hanter ? Je veux dire c'est un dealer, il doit avoir renouvelé son stock de clients depuis le temps ... Donc voilà, j'ai raconté toute l'histoire à Peter, sans oser le regarder dans les yeux. Je n'ai pas envie de voir le regard qu'il m'a toujours réservée jusque là changer. Parce que forcément il va changer, ça se passe toujours comme ça. Je viens de passer de l'étudiante sans histoires à une ancienne junkie en quelques secondes, sacré changement ! Je n'arrive pas à croire que je suis en train de parler de ça avec lui, c'est juste ... Je n'avais jamais pensé que notre relation pouvait prendre une telle tournure ou plutôt que cette partie de mon passé prenne place entre nous. Qu'est-ce que je raconte ... « Je… je suis désolé Mia… Je ne savais pas que… tout ça… » fait Peter quand je terminer de lui raconter. Je relève les yeux vers lui et fais un pauvre sourire. « T'as pas à t'excuser. Je ne parle jamais de tout ça normalement, c'est du passé ... enfin c'était supposé être du passé. » ai-je fait maussade. Non, ce n'était définitivement pas du passé en fait. Ai-je été si bête que ça il y a cinq ans de penser que ça pouvait l'être ? Je me sens tellement impuissante soudainement, je ne sais pas quoi faire pour que tout redevienne comme avant. Me débarrasser de cette époque de ma vie a été si difficile à l'époque, je sais vraiment pas si je pourrais le faire une deuxième fois ... Et voilà, gagné, je sens les larmes revenir. « Hey… » murmure Peter puisque ce détail ne lui a pas échappé. La tête baissée et tachant de me reprendre, je reste immobile, incapable de bouger tandis qu'il se lève du canapé et s'avance vers moi. Ma gorge est nouée par les sanglots qui menacent, à un tel point que j'ai l'impression de ne plus pouvoir respirer. Dans un geste de réconfort, il me frotte l'épaule. « Ça va aller… Personne ne viendra te trouver ici, t’es en sécurité. » Ma gorge se dénoue brusquement en entendant ces mots. La proximité de son corps me fait du bien et m'apaise. Mon menton arrête de trembler. Il a raison. Je n'ai pas envie qu'il me voit réellement pleurer donc j'essaie de prendre sur moi. Grande inspiration. Mes yeux restent hypnotisés par la chute des flocons de neige pendant quelques instants. Eux aussi semblent avoir un effet positif sur moi. La menace de nouveaux sanglots semble s'éloigner peu à peu.

« Tu sais quoi ? Il est tard, reste ici cette nuit. Et demain, je prendrai un taxi avec toi pour te raccompagner. » lance soudain Peter. Sur le coup, je ne sais pas quoi répondre et reste la bouche ouverte. J'ai comme qui dirait, oublié ce petit détail quand j'ai eu l'idée d'aller me réfugier chez lui. Ce détail comme tous les autres détails d'ailleurs vu que je n'ai pas penser à grand chose. Le poids qu'il y avait sur ma poitrine jusqu'ici s'est allégé depuis que je lui ai raconté toute l'histoire, même si ça ne me plaît toujours pas qu'il sache cette partie de mon histoire. Le mettre au courant a été une chose vraiment douloureuse mais malheureusement nécessaire. Ce que je redoute le plus c'est que sa façon de me regarder change. J'imagine que je serai rapidement fixée même si pour le moment, Peter semble rester Peter. Bref ... je ne veux plus penser à cela. « T'es sure que ça te dérange pas ? » ai-je demandé en levant les yeux vers lui. C'est la seule chose que j'ai trouvé à répondre. Parce qu'au fond, je sais qu'il a raison. Le truc c'est que ça reste Peter quoi. Déjà que quand on est tous les deux ... enfin vous voyez ce que je veux dire quoi, alors dormir chez lui c'est carrément ... enfin voilà quoi. Mais je ne me vois pas retourner dehors pour rentrer chez moi maintenant. Je ne sais même pas si je retournerais dehors un jour d'ailleurs. Dormir chez Peter, sachant que quand il est là je ... du grand n'importe quoi. « Donc… ce gars-là vient de te retrouver c’est ça ? Est-ce que tu sais ce qu’il te veut ? Qu’est-ce qu’il t’a dit exactement ? » Restant malgré tout près de lui parce que ça semble être la meilleure place pour le moment, je ne peux m'empêcher de soupirer. C'est que j'ai craint, qu'il veuille en savoir plus. « J'ai aucune idée de ce qu'il veut non et ... » Il a dit qu'il me retrouverait parce qu'il veut qu'on s'amuse comme avant. Mais je me suis arrêtée à temps. « Enfin le connaissant ça va sûrement lui passer. » ai-je continué en voulant y croire de tout mon coeur. Je refuse d'inquiéter Peter un peu plus en lui disant que Logan ne me lâchera pas. « Ta salle de bain est toujours au même endroit ? Je vais aller me passer de l'eau sur le visage pour me remettre les idées en place je crois. » ai-je demandé avec un semblant de sourire.

Moi acceptant de dormir chez Peter après ... enfin après aussi peu de temps je dirais et puis sachant que parfois j'ai du mal à le regarder dans les yeux alors ... Oui je sais, j'ai l'air d'une gamine de quinze ans dans ce genre de moment. Mais devrais-je dire merci à Logan de faire avancer les choses si vite entre nous ? Haha, non je ne crois pas non ... Ça y est, le contre coup de ce qui vient de se passer. L'adrénaline ne coule plus à flot dans mes veines. Il ne reste plus que la peur, la frustration et d'autres sentiments amusants dans le genre qui vont me mener la vie dure jusqu'à la fin de tout ça. Je me sens soudain très fatiguée. La chaleur ambiante dans l'appartement et le calme qui règne n'arrangent rien forcément. J'ai l'impression qu'on a essayé de m'assommer en fait. Claque mentale. Mes yeux sont secs parce que j'essaie de me rassurer comme je peux et surtout, parce que j'essaie de ne plus y penser, de me concentrer sur ... la proximité de Peter par exemple. Hum. Oui, bon moyen d'essayer de se changer les idées, tout aussi perturbant mais ... enfin voilà. Mais j'ai avant tout voulu m'assurer que ça ne le dérange pas de m'héberger cette nuit. Je déteste m'imposer de la sorte, même si ce soir les circonstances sont spéciales, si je puis dire. Honnêtement, j'aurais préféré le revoir dans une autre situation parce que là, c'est quand même moyen. « J’en suis certain. Et puis… je préfère te savoir ici plutôt que… dehors. » finit-il pas répondre. Petit sourire. Il a raison, c'est le problème auquel j'ai pensé d'ailleurs. Le chemin entre l'appartement de Peter et le mien me semble soudainement beaucoup trop long et je n'ai plus le courage de l'affronter, plus ce soir en tout cas. Je me dis que j'aurais pu appeler Casey mais ... mais je sais pas. J'aurais dû lui raconter tout à lui aussi j'imagine et puis si ça se trouve il aurait été occupé et ... De toute façon la question ne se pose plus. Et moins de personnes seront au courant de cette histoire, mieux ça sera.

C'est mon instinct qui me pousse de garder certaines choses qui se sont passées pour moi. Raison pour laquelle je donne une réponse assez vague quand Peter me demande si j'ai une idée de ce que Logan me veut. Si sa soudaine nouvelle obsession pour moi va lui passer ? J'en doute, mais l'espoir fait vivre. Mais ce qu'il veut ? Ce qu'il veut c'est que tout redevienne comme avant, comme elles l'ont été pendant ces quelques mois de pure folie et de débauche qui me donnent l'impression de ne jamais avoir existé. Un très lointain souvenir, très obscur où je me vois emportée par un tourbillon qui n'a aucun sens. Je ne veux pas mêler Peter à tout ça plus qu'il ne l'est déjà, je ne veux pas l'inquiéter. Ce qu'il a fait et ce qu'il fait pour moi ce soir est déjà beaucoup. Les flocons de neige tombent toujours dehors et je m'imagine un instant, dans la rue, en train de rentrer chez moi, totalement terrorisée et n'arrêtant pas de regarder par-dessus mon épaule. Mais non, je suis en sécurité. Et je vais passer la soirée avec Peter ... Sachant que parfois, on a du mal à se faire la conversation tous les deux, ça promet. Histoire de partir du bon pied, je lui demande l'autorisation d'emprunter sa salle de bain pour pouvoir me rafraîchir un peu. « Bien sûr, vas-y… Fais comme chez toi. » fait-il en s'écartant de moi. Un hochement de tête et je me dirige vers la pièce en question. Une fois dedans, je m'adosse contre un mur et pousse le plus gros soupir du monde. Mes mains sur mon fronts. Je suis contente d'avoir ce petit moment de solitude. Je prends donc quelques secondes avant de m'avancer vers le lavabo et de faire couler l'eau. Je m'asperge copieusement le visage et ça me fait du bien. La voix de Logan en train de hurler qu'il me retrouvera résonne tout de même dans mon esprit. S'il n'a pas changé, ce dont je doute, je suis obligée de prendre la menace au sérieux. Ma vision des choses s'est soudainement obscurcie. Logan n'est qu'un petit dealer certes, mais quand il veut une chose, je sais qu'il l'obtient. L'eau coule sur mon visage et entreprend de nettoyer mes mauvaises pensées. Si ça marche ? Plus ou moins. La peur est toujours là. En relevant la tête dans le miroir je m'aperçois que mon mascara a coulé avec l'eau. Logique. J'ai juste l'air d'une déterrée là, même à moi je me fais peur. J'ai pris un bout de papier toilette du rouleau et ai commencé à enlever tout le noir des mes joues, histoire de redevenir présentable. La dernière fois que j'ai été dans cette pièce, c'était quand Peter s'est occupé de ma main. C'est étrange de repenser à cet instant.

Après quelques minutes enfermée dans la salle de bain, je suis sortie. Peter allait sûrement finir par se demander si je ne préférais pas rester toute seule plutôt qu'avec lui ce soir. Je le retrouve comme prévu dans le salon. Nouveau sourire. Il me semble que la taille des flocons ont grossi. Et maintenant il faut trouver de quoi nous occuper ce soir. L'envie de prendre une douche. Mon ventre est noué. Pourquoi je pense à tout ça moi ? Je m'avance vers la fenêtre, aimant regarder la course des flocons vers le sol. Je doute de toute façon que trouver un bon sujet de conversation fasse disparaître cette gène qu'il y a entre nous à chaque fois que nous sommes tous les deux. Je réalise soudain quelque chose. Je ne l'ai pas remercié. Faut croire que j'ai le cerveau tellement en vrac que je ne l'ai même pas fait. « En tout cas merci pour tout ce que tu fais pour moi ce soir ... ça veut dire beaucoup. » ai-je murmuré doucement avec un sourire sincère aux lèvres. Sa proximité me manque soudainement, mais je n'ose pas chercher à renouer le contact physique et reste bloquée près de la fenêtre. « Juste ... enfin, si tu vois Sutton avant moi tu ... tu voudras bien me laisser lui raconter tout ça ? Elle va me tuer si jamais elle l'apprend par quelqu'un d'autre. » Honnêtement, à ce moment je ne suis pas sure que je vais le raconter à ma soeur encore. Pas totalement sure mais il faudrait car après tout, Sutton est au courant de plus de choses que Peter donc ça sera moins difficile à raconter. Et puis Peter et Sutton ... enfin c'est pas comparable. Mais juste au-cas-où, comme il est son meilleur ami ... Même si je doute que Peter lui en aurait parlé.

Les quelques minutes enfermée dans la salle de bain me permettent de reprendre mon souffle si je puis dire. La présence de Peter me fait du bien mais elle m'oblige aussi à avoir un minimum de contrôler. Si j'étais rentrée à l'appartement et que Casey n'avait pas été présent, j'aurais sûrement laissé libre cours à mes larmes pour terminer dans un état encore plus bas que celui dans lequel j'étais il y a encore quelques minutes. La peur a été tellement puissante sur le moment que ... Mais c'est fini maintenant, c'est fini. Je me répète cette phrase encore et encore jusqu'à en devenir persuadée. Et demain alors, quand je serai à nouveau chez moi et qu'il faudra recommencer à vivre ? Je ne veux pas y penser. Il ne faut pas y penser parce que ça ne sert à rien. Je soupire, inspire et expire plusieurs fois. En tous les cas, le point positif c'est que ce qui est arrivé s'est passé de chez Peter. Sans lui, je ne sais pas ce que j'aurais fait ce soir, même le mêler à tout ça ne me ravie pas vraiment. Je lui ai raconté ma mauvaise période et il n'a pas changé son comportement avec moi, il ne m'a pas renvoyée dehors sous la neige ... J'ai presque souri en pensant à ça. Est-ce que c'est vraiment ce que j'ai cru ? Qu'il me fouterait dehors en apprenant les sources de toute cette histoire ? N'importe quoi ... Enfin c'était peut-être possible, qui sait. Sutton le tuerait sans doute mais ça reste une possibilité. Devant le miroir, je me vois lever les yeux au ciel. Logan a transformé mon esprit en un bordel sans nom, à tel point que j'ai l'impression que mes pensées n'ont plus aucun sens. Nouveau soupir avant de retourner dans le salon pour rejoindre Peter. Avant, je me remémore notre première rencontre devant le club et la suite, au bar. A quel point rien ne s'est passé comme prévu.

Donc en sortant de la salle de bain, je peux dire que je me sens mieux oui. Je retourne me placer près de la fenêtre, à croire que je retrouve un intérêt particulier pour les flocons de neige. Puis je finis enfin par remercier Peter pour tout ça, pour ne pas avoir pris peur ou ne pas m'avoir prise pour une folle en venant à une heure pareille pour lui déballer ma vie. Alors que quand on y pense, on se connaît à peine. C'est sûrement le plus étrange je pense, cette impression qu'à la fois, tout va trop vite et trop lentement. « C’est normal Mia… Tu as bien fait de venir ici, vraiment. Si tu as besoin de quoi que ce soit… je suis là. » déclare-t-il. Que puis-je répondre de plus, à part un énième hochement de tête de remerciement ? En tous les cas, depuis que je le connais j'ai la certitude que Sutton est entre de bonnes mains avec un tel meilleur ami. En parlant d'elle, je sens que je vais devoir lui parler de tout ça même si l'idée qu'elle s'inquiète ne me branche pas vraiment. Disons qu'il va falloir que j'en parle à quelqu'un quand je vais en avoir envie et besoin. Même si Peter sait tout à présent, je ... me vois mal revenir frapper à sa porte pour me confier. Je sais, il a dit qu'il serait là, je sais mais ... Enfin d'ailleurs j'apprécie énormément hein. Bref, peu importe. Ne pas penser à demain et aux jours suivants mais plutôt à ce soir. Je vais passer la nuit chez Peter ... Dit comme ça, ça sonne étrange, mais pas déplaisant, au contraire ... Hum. Restons sur Sutton plutôt. « T’en fais pas pour ça. C’est à toi de le lui dire… Tout ce que tu m’as raconté ne sortira pas d’ici. » répond Peter quand je lui demande de garder ce que je lui ai raconté pour lui, surtout en ce qui concerne ma jumelle. Vraiment touchée par le geste et ses mots, je prends la peine d'ouvrir la bouche cette fois. « Merci. » ai-je souri sincèrement. Ouah Mia, ta capacité à tenir une conversation est vraiment ... renversante. C'est encore pire que d'habitude. Lui et moi seuls dans son appartement. Et j'ai beau me creuser la tête, rien ne vient, à mon grand désespoir.

Ai-je omis de dire que si je n'ai pas osé renouer le contact physique, Peter l'a fait lui ? Il s'est juste approché pour venir me rassurer et sa main à l'air de trouver ma hanche confortable. Sur le coup, je n'ai pas réagi, comme si le geste ... Le geste est tout ce qu'il y a de plus naturel. Comme si sa main était à sa place. Je remarque sa main réellement quand ses doigts commencent à tracer des petits cercles par-dessus mon haut. Je retiens ma respiration et ne bouge plus d'un centimètre. Vague de chaleur. Peter réalise à son tour. Je ne sais plus où me mettre. Nos regards se croisent et ne se quittent plus. Jusqu'à ce que ... jusqu'à ce qu'il franchisse le premier l'espace qui sépare nos lèvres. Surprise mais pas vraiment. Le contact est doux et fort à la fois. Un long frisson parcourt mon corps et mon coeur ... mon coeur recommence à faire des siennes. Je me laisse aller, fermant même les yeux. Juste me laisser aller et profiter et ... Oublier tout le reste. Le temps semble s'être arrêté d'infimes secondes. J'ai même peur, un instant que ça s'arrête et ce que je crains arrive trop tôt. Quand il sépare nos lèvres, je reste encore quelques secondes les yeux fermés, comme pour mieux profiter des dernières sensations de ce premier baiser. Okay, j'ai totalement l'air d'être un ado là mais on s'en fout. C'est aussi à ce moment que je réalise que ça fait longtemps qu'on se retient tous les deux. Je rouvre les yeux et le temps semble à nouveau s'écouler normalement. Mon esprit était parti à des kilomètres d'ici. Mes lèvres esquissent un sourire gêné et même un petit rire. Le regard interrogateur de Peter est posé sur moi, il a sûrement peur que je lui foute une baffe ou quelque chose comme ça mais il n'en est rien. Je baisse les yeux. Des vagues de chaleur affluent dans tout mon corps alors que nos corps sont toujours si près l'un de l'autre. Je ne pense même plus à ce qui est arrivé avec Logan ou du moins, c'est passé au second plan. Seulement là il va falloir dire quelque chose et ... je reste sans voix. « Je ... » ai-je voulu commencer sans savoir quoi dire ensuite. Mon coeur tambourine toujours dans ma poitrine. Et là je sais pas ce qui m'a pris, le fait d'être sans voix peut-être. Et puis sans doute ... tout ça. Je me sens grisée par tout ça, ce baiser, le sentiment de sécurité, la chaleur ambiante de son appartement, l'odeur de sa peau. Du coup, ça a été mon tour de franchir l'espace entre nos lèvres. Je dirais pas que je me suis jetée dessus hein mais ... hum ... une sorte de pulsion peut-être ? Nos bouches sont à nouveau scellées et sur le coup, je me dis que je ne me laisserai jamais de ces sensations. Une main sur son torse, l'autre dans ses cheveux. Le rassurer sur le baiser précédent et me rassurer moi car ça me fait du bien. Je prolonge encore la chose, n'ayant aucune envie que ça s'arrête et quand le moment est venu ... je laisse quelques instants mon front en contact avec le sien. Mon coeur bat la chamade, je suis sure qu'il a explosé. Nouveau petit rire gêné quant à ce qu'il vient de se passer. « Bien ... Je crois qu'on a dit tout ce qui avait à dire. » ai-je soufflé avec un sourire tout en tâchant de reprendre mon souffle.

J’ai pas très bien compris sur le coup, comment la situation a pu évolué ainsi … enfin si je sais mais … enfin … En me souvenant de nos précédentes rencontres, ça paraissait inévitable que ça se passe autrement. Il a franchi le pas en premier, mettant un terme à toutes ces questions qu’on se pose lui et moi, toutes les retenues qu’on avait jusque-là, et je dois dire que ça fait vraiment du bien de lâcher prise sans penser au reste du monde et aux problèmes. C’est … apaisant, c’est ce que son baiser m’a fait, ça et surtout l’envie d’en avoir plus. Surtout l’envie d’en avoir plus en fait. Parce que j’ai envie de me sentir mieux, parce que j’ai l’impression d’y avoir pensé dès la première seconde où j’ai vu Peter … c’est pour toutes ces raisons que cette fois, ça a été moi qui ai à nouveau franchi le vide entre nos lèvres pour nous offrir un second baiser. Une envie, un pulsion. Ne me demandez pas la raison parce que je ne peux vous répondre. Ce genre de chose ne s’explique pas. Et puis je suis aussi sûrement rassurée de voir que tous ces regards et ces frissons et … enfin tous ces moments comme suspendus dans le temps les dernières fois où on s’est vus, je ne les ai pas imaginés. Ils étaient réels. Réels. Ouah … De toute façon à un moment il faut se lancer et visiblement, c’était celui-là. Logan m’a parue bien loin tout d’un coup. Je sais pas si c’est moi qui me monte la tête mais … enfin non, je ne veux pas commencer à imaginer des choses. A un moment, il a bien fallu se séparer, enfin séparer nos lèvres plutôt qui étaient pourtant très bien ensemble. Après ça, j’ai du mal à le regarder tout de suite dans les yeux, même si maintenant je sais que … enfin il n’y a pas que moi quoi, c’est partagé. Qu’est-ce qui est partagé ? Ca je ne sais toujours pas.

Toujours grisée par ce qui vient de se passer, je mets un certain temps avant de revenir sur terre. Nos fronts collés l’un contre l’autre et un léger silence étrange s’installe. Quand nos yeux se rencontrent, on échange un bref rire gêné. Me voilà comme d’habitude, incertaine sur la marche à suivre mais très légère en voyant comment les choses évoluent … c’est Sutton qui va se marrer quand je vais lui annoncer ce qui s’est passé … juste après lui avoir annoncé pour Logan, bien sûr. Tu parles. J’essaie de faire un pseudo trait d’humour douteux pour combler le blanc, en disant qu’il n’y a pas grand-chose à dire de plus que ça. Il paraît que les paroles ne sont pas toujours utiles, je suis d’accord. « Euh… ouais… je… » dit-il après un nouveau rire gêné. Je crois qu’on ne sait plus vraiment ou se mettre mais bon ça va passer j’imagine. Le voir aussi gêner me fait sourire. Wow, dire que Peter et moi on vient de s’embrasser. « Hm, on va pas rester plantés là toute la soirée, si ? Viens… » continue-t-il en me prenant la main. Je me laisse naturellement faire, soudainement fatiguée après tout ce qui vient de se passer. Arrivés au canapé, il m’invite à m’asseoir, ce que je fais. Mes yeux s’alourdissent de plus en plus, encouragés par la douce chaleur qui règne dans l’appartement, le cadre qu’offre la fenêtre où on voit la neige tomber, le calme et … la proximité de Peter. Lui et moi à l’autre bout du canapé, ne sachant pas comment … c’est presque comique. Alors Peter jette un coup d’œil en ma direction, encore un échange de sourires et les vagues de chaleur m’envahissent à nouveau quand il se glisse contre moi. Mon cœur bat un peu beaucoup tandis que nos têtes se touchent. Je me repose contre lui, bercé par la chaleur de son corps et malgré moi, j’étouffe un bâillement du revers de la main. « J’avais oublié qu’il était si tard … » ai-je murmuré doucement. Je me sens trop bien, là maintenant, pour esquisser le moindre geste …

HJ : bof, pardon