Chris n’en revenait toujours pas. Et pourtant, la source de ses tracas remontait à plusieurs jours déjà. Cela remontait plus précisément au départ de Narmer, à ce jour où l’étalagiste avait reçu un message en provenance de Kat, qui lui demandait de la rejoindre à l’aéroport histoire de dire au revoir au petit garçon. Et comme un imbécile, il s’était exécuté. De toute façon, il ne pouvait rien refuser ni à Kat, ni à Narmer. Mais l’espace d’un instant, Chris avait cru que cette nouvelle rencontre avec son ex-petite amie puisse être le moment qu’il attendait tant. Et il l’avait été, jusqu’à ce qu’elle le repousse et qu’il tombe de haut… de très haut.

Il y avait eu ce chemin interminable qui les avait mené jusqu’à la voiture de Kat. Ce chemin sur lequel Chris avait enfin osé lui parler des lettres qu’elle lui avait faites parvenir à retardement. Mais contre toute attente, le jeune homme était allé bien plus loin que ça. Prenant son courage à deux mains, il avait offert une véritable déclaration à la jeune femme, histoire de lui faire comprendre qu’il n’avait définitivement rien à voir avec ce gars qui l’avait trompée avec la première venue. Et son audace fit d’ailleurs flancher Kat qui, sous le coup d’une pulsion que le canadien avait pu aisément distinguer, l’avait embrassé. Comme dans les rêves qu’il faisait depuis des mois, Chris avait donc pu ressentir le contact de leurs lèvres. Il avait pu enlacer Kat, la sentir se blottir contre lui et respirer son odeur pendant de longue minutes qui lui avaient néanmoins parues trop courte. Puis, comme un brusque retour à la réalité totalement incompréhensible, la jeune femme l’avait doucement repoussé, avant de se volatiliser. L’étalagiste était resté planté au milieu du parking de JFK pendant plusieurs dizaines de minutes, incapable d’amorcer le moindre mouvement, luttant à chaque seconde pour qu’aucune larme supplémentaire ne vienne mouiller ses joues. Des larmes de rage, de colère et même d’incompréhension. Il s’était fait roulé, comme un débutant, comme un pauvre gars totalement accro qui n’avait même pas vu venir la supercherie. Amer, Chris avait le sentiment de s’être fait manipuler. Kat avait joué avec son cœur comme avec un vulgaire hochet, et ça faisait mal.

Ne souhaitant pas particulièrement retombé dans les travers qui avaient failli causer sa perte après leur rupture, l’étalagiste décida de se noyer dans le boulot pour oublier. C’était une thérapie bien plus saine que le whisky, et elle avait l’avantage de ravir son patron… c’était déjà ça. Jour et nuit, Chris était donc plongé dans ses dessins, sur ses maquettes et autres pantins plus ou moins bien articulés qu’il confectionnait pour ses prochaines vitrines. Et à chaque fois que l’image de Kat reprenait le dessus, le canadien essayait de se concentrer un peu plus fort pour la dissiper.

Tous les média annonçaient l’arrivée prochaine de l’ouragan sur la ville et pourtant, Chris ne s’y était pas vraiment préparé. S’il sortait la tête de son travail, c’était simplement pour prendre une douche, ou se faire à manger. Et c’est justement ce qu’il était en train de faire lorsqu’il entendit un bruit suspect dans l’entrée de son appartement. Mais il eut à peine le temps de poser l’assiette qu’il venait de sortir du placard que déjà, une voix bien connue le pétrifiait. Figé au fond de sa cuisine, Chris serra la mâchoire en entendant Kat approcher. Que faisait-elle ici ? Après l’avoir repoussé en beauté, c’était elle qui revenait à la charge ? C’était à n’y plus rien comprendre. Totalement incapable de dire quoi que ce soit, le jeune homme resta tapi contre le plan de travail, attendant en silence l’inévitable arrivée de son ex-petite amie.

Littéralement prostré dans sa cuisine, Chris agissait un peu comme si un cambrioleur venait d’entrer chez lui. Il ne savait pas s’il devait fuir, aller l’accueillir, prendre Kat dans ses bras ou au contraire ne pas la regarder… Mais pour sa défense, depuis leur dernière entrevue, Chris était totalement perdu. Il y avait tellement cru, il avait tellement espéré qu’ils puissent passer au-dessus de toutes leurs histoires au moment où ils s’étaient embrassés. Mais en une fraction de seconde, tout avait été terminé, plié, oublié. Comme si rien ne s’était passé, Kat l’avait laissé planté au milieu du parking… Autant dire que le retour sur terre avait été particulièrement brutal pour le canadien. Depuis ce jour, Chris n’avait eu de cesse de se poser tout un tas de questions, sans jamais parvenir à trouver une réponse. A chaque fois il en revenait au même point : pourquoi ? Pourquoi lui avait-elle laissé tant d’espoir pour ensuite s’envoler sans rien dire de plus ? Peut-être était-ce sa façon à elle de se venger… Mais dans ce cas-là, Chris trouvait sa solution particulièrement cruelle et blessante.

« Euh, désolée, j'ai... utilisé la clé sous le paillasson pour entrer. » Visiblement, Kat n’avait pas oublié les petites manies du jeune homme et dans un sens, ça le rassurait. Au fond, s’il s’obstinait à cacher la clé de chez lui sous le paillasson, c’était un peu pour elle. Depuis le jour où elle l’avait quitté il avait espéré la voir entrer de cette façon et pourtant, aujourd’hui, tout semblait être si différent… Et le malaise de l’étalagiste était apparemment communicatif puisque la jeune femme stoppa sa course à la porte de la cuisine, baissant même les yeux, les laissant dans un silence des plus pesants dont ils commençaient néanmoins à avoir l’habitude. Mais sans qu’il ne puisse empêcher ça, les yeux de Chris restaient figés sur Kat, attendant avec appréhension qu’elle dise ou qu’elle fasse quelque chose qui expliquerait sa venue. Dehors, le vent paraissait redoubler de force à chaque seconde et pourtant, le jeune homme ne l’entendait pas. Comme si le monde s’était arrêté de tourner autour de lui, il restait simplement pendu aux lèvres de son ex-petite amie, le cœur battant, et plein de curiosité et d’incompréhension.

Mais finalement, après plusieurs minutes de silence, Kat se décida à parler devant un Chris… perplexe. Son discours lui parut tellement décousu qu’instinctivement, il fronça les sourcils. Où voulait-elle en venir exactement ? Malgré les nombreuses pauses qu’elle marqua, il n’osa pas l’interrompre et resta toujours aussi immobile, se contentant d’écarquiller les yeux. Tout ce qu’elle disait était à peine compréhensible… Ou bien était-ce la surprise qui empêchait le jeune homme d’y voir clair ? Quoi qu’il en soit, il préféra la laisser complètement terminer avant d’oser esquisser un petit mouvement. Chris se détacha alors du plan de travail en baissant les yeux, et se racla la gorge, incapable de trouver le moindre mot à placer. Comme à chaque fois qu’il était mal à l’aise, il se gratta la nuque et laissa passer un nouveau moment de silence. « Kat, je… Je sais pas quoi te dire… Tu me manques aussi, tellement… Et c’est pour ça que la dernière fois j’ai… j’ai fait ce que j’ai fait. » Décidément, Chris se trouvait aussi clair que son ex-petite amie lorsqu’il lui parlait ! « Mais… tu m’as repoussé ! Comme si tu ne voulais plus entendre parler de moi, comme si on n’avait plus rien à faire ensemble… Pourquoi t’as fait ça ? » articula-t-i en relevant un regard quasi-implorant vers Kat. « Je ne te demandai pas de me pardonner, parce que je sais que c’est impossible. Mais j’essayai juste… je… je ne sais plus quoi faire… ».

Le discours que venait de lui faire Kat l’avait secoué, indéniablement. Et à cet instant précis, Chris ne savait même plus exactement ce qu’il ressentait. Comme si ses sentiments étaient contradictoires, il se surprenait à détester Kat au moins autant que ce qu’il l’aimait. Elle n’avait pas le droit. Pas le droit de lui faire ça, de lui laisser espérer que tout pouvait s’arranger avant de rebrousser chemin et de le laisser encore plus seul qu’avant. Mais lui non plus n’avait pas eu le droit de la tromper alors qu’elle était celle qu’il aimait plus que tout. Alors, partagé entre la culpabilité et la rancœur, le canadien s’était finalement résolu à prendre la parole. En y mettant le plus de clarté possible, le jeune homme tenta d’expliquer à son ex-petite amie tout ce qu’il ressentait pour elle mais aussi tout le mal qu’elle lui avait fait sur le parking de cet aéroport, le jour où elle lui avait offert cette belle désillusion. Dans un premier temps, Kat baissa les yeux d’un air gêné. Mais contre toute attente, la jeune femme finit par relever la tête et avancer en direction de Chris.

Comme pétrifié, une fois de plus, l’étalagiste la regarda approcher sans broncher. Son seul réflexe fut de resserrer ses mains au moment où il sentit les doigts de Kat se glisser dedans. Elle était là, tout près de lui juste comme elle l’avait été à l’aéroport. Et pourtant cette fois-ci, Chris avait envie d’y croire. Il espérait assez la connaître pour savoir qu’elle ne pousserait pas le vice jusqu’à le décevoir une nouvelle fois. Alors, au moment où elle lia leurs lèvres dans un doux baiser, le jeune homme ne recula pas. Au contraire, il la laissa faire et s’autorisa même à prolonger l’instant. Mais alors qu’il était en train de se laisser emporter par ses émotions et ses sentiments, le canadien se força à ralentir la cadence. Se détachant lentement d’elle, il posa un regard à demi anxieux sur elle. « Attends, est-ce que… est-ce que tu es sûre de… ça ? Parce que… je veux pas me remettre à y croire si tu t’en vas encore… »

A peine eut-il terminé sa phrase qu’un craquement assourdissant se fit entendre dans l’appartement. Dehors, les bourrasques de vent ainsi que la pluie avaient redoublé d’intensité sans même que Chris ne s’en aperçoive, trop absorbé qu’il était pas la venue de Kat. Après avoir sursauté et cherché du regard la cause éventuelle de ce vacarme, le canadien fut contraint de lâcher les mains de la jeune femme sans manquer de lui lancer un regard inquiet et plein d’incompréhension. Prudemment, il avança vers le salon mais stoppa très vite sa course et resta un instant immobile et bouche-bée au milieu de la pièce. Sous les effets de l’ouragan, sans vraiment que Chris ne comprenne pourquoi, une des canalisations qui courraient au-dessus du faux-plafond avait du céder, et une partie de ce dernier venait de s’effondrer sur le bureau, déversant par la même occasion une sorte de rivière au milieu du salon. Ses croquis et quelques maquettes baignaient déjà dans l’eau et, totalement impuissant, Chris ne pouvait qu’observer la scène sans rien y faire. A tout moment, une autre partie du plafond pouvait très bien se détacher mais il était tellement abasourdi par ce qu’il voyait que l’idée de fuir l’appartement ne lui venait même pas à l’esprit. Même la présence de Kat dans la cuisine et de leur baiser semblait bien loin de ses considérations tant le fait de voir son travail réduit à néant le dévastait.

Le spectacle lui semblait tellement irréel, tellement digne d’un film de science-fiction que Chris avait du mal à y croire. Immobile devant son bureau et donc son travail de plusieurs mois qu’il voyait mourir sous ses yeux, l’étalagiste était comme pétrifié, anesthésié. Il se tenait là comme un spectateur, pratiquement inconscient du danger qu’il courait en restant dans ce salon que, peu à peu, l’eau commençait à envahir. Le seul élément qui sembla le ramener brusquement à la réalité fut le son de la voix de Kat qui s’était approchée. Chris lança vers elle un regard totalement perdu, presque paniqué alors qu’elle lui demandait de quitter les lieux avant qu’il ne soit trop tard. Mais, encore trop éberlué par ce qu’il voyait, le jeune homme resta irrémédiablement immobile, et Kat dut faire preuve d’autorité en agrippant sa main pour le tirer en direction de la porte. Dans un premier temps, le canadien suivit le mouvement sans vraiment y opposer une quelconque résistance. Mais en retournant une dernière fois la tête vers le spectacle désolant de son atelier, il lâcha la main de sa belle pour se diriger de nouveau vers le bureau. Fouillant frénétiquement dans les papiers détrempés qui y trônaient, le souffle court, Chris ne put que constater les dégâts et se rendre compte que rien n’était récupérable. Et, alors qu’il était sur le point de se résigner, une nouvelle partie du faux-plafond s’effondra juste à côté de lui, projetant des centaines d’éclaboussures vers son visage qu’il protégea d’un revers du bras. Cette fois il n’avait plus vraiment le choix. Pour sa propre sécurité mais aussi pour protéger Kat, il devait quitter son appartement, et l’abandonner à son triste sort, sans penser à ce qu’il se passerait lorsqu’il pourrait enfin y remettre les pieds.

Rapidement, Chris se retourna vers Kat et cette fois, ce fut à lui de l’entrainer vers l’extérieur. En liant sa main à celle de la jeune femme, il quitta l’appartement non sans lancer un dernier regard douloureux derrière lui. En déboulant dans le couloir, le canadien put constater que là aussi, le niveau d’eau commençait à monter. Visiblement, les dégâts dans son appartement n’étaient que la suite logique de ce qu’il se passait dans l’immeuble entier. Cherchant désespérément une issue ou un endroit où se mettre à l’abri, Chris opta finalement pour la montée d’escaliers. Inutile de se réfugier dehors par le temps qu’il faisait… A vrai dire, il se sentait comme pris au piège dans son propre immeuble mais au moins, Kat était là avec lui. Alors à ses yeux, la situation aurait pu être bien pire encore. Une fois arrivé en haut des escaliers, l’étalagiste fonça vers la petite fenêtre au fond du couloir, et constata avec stupeur que le quartier entier était plongé dans le chaos le plus total. La bouche entrouverte sous le coup de la surprise, et peut-être aussi de la peur, Chris se retourna pour chercher une nouvelle fois un peu de réconfort dans les yeux de Kat. Sa main serrait tellement la sienne qu’il doutait qu’une quelconque goutte de sang puisse encore y circuler mais qu’importe, il n’avait aucune intention de lâcher prise.

Kat lui avait tellement manqué, et Chris avait tellement attendu et espéré le moment où elle allait revenir qu’il aurait du sauter de joie à cette heure-ci. Ou du moins, en considérant son tempérament plutôt réservé, il aurait simplement pu profiter de leurs retrouvailles et s’occuper d’elle comme il avait l’habitude de le faire avant de commettre l’erreur qui avait tout gâché. Mais au lieu de ça, le canadien était en train d’assister impuissant à la destruction de son travail, de son appartement, et même d’une partie de son immeuble qui baignait déjà sous les eaux qui ne cessaient de s’infiltrer de partout. A part dans les films catastrophes, Chris n’avait jamais vu ça. Et honnêtement, il aurait préféré que ce scénario reste cantonné à son écran de télévision. Mais cette fois, c’était bel et bien réel, et tout ce remue-ménage avait quasiment effacé de son esprit le fait que ce qu’il attendait depuis des lustres s’était produit : Kat était là, avec lui. Et elle n’était pas venue récupérer la cage de Tiger, ni même sous les ordres d’une quelconque autre personne. Aujourd’hui, elle semblait avoir décidé seule qu’il était temps de réparer ce que Chris avait détruit. Et jamais le jeune homme ne pourrait lui en être assez reconnaissant.

Mais les choses ne se passaient évidemment pas comme prévu, et les deux jeunes gens se tenaient à présent devant la fenêtre du couloir d’en-haut, observant tristement la scène qui se jouait en ville, juste sous leurs yeux. La pluie et le vent se déchainaient sans ménagement, emportant tout sur leur passage et laissant une bonne partie du quartier dans le noir le plus complet. Et outre le clapotis de l’eau dans le couloir du dessous, le silence qui régnait dans l’immeuble était tout bonnement effroyable. Un frisson parcourut d’ailleurs l’échine de Chris, tant à cause de l’effroi que de l’air glacé qui s’engouffrait dans le couloir. « Ca va aller... Ca va forcément se calmer... » tenta alors de le rassurer Kat. Mais même s’il acquiesça d’un signe de tête, l’étalagiste n’en était pas persuadé plus que ça. Et quand bien même, il avait déjà tout perdu. Mais alors que le bruit de l’eau se faisait de plus en plus pressant derrière eux, la jeune femme sembla paniquer un peu et demanda d’une voix qui voulait tout dire : « Est-ce qu'il y a... un grenier ici ? Je crois que c'est notre dernière chance. » Chris mit quelques instants avant de comprendre où elle voulait en venir, puis baissa la tête en signe de résignation. « Non… non, l’étage du dessus, c’est le toit. » déclara-t-il avant de relever un regard à la fois empreint de panique et de désolation vers Kat. « Il y a bien les escaliers de services, mais ils sont à l’extérieur…[Tu saiiiis comme dans F.R.I.E.N.D.S !!] Je ne suis pas sûr qu’on soit plus à l’abri là-bas… »

Chris ne savait absolument pas quoi faire, et commençait à se dire que s’il leur arrivait quelque chose ici, il se sentirait totalement responsable. En effet, si Kat n’était pas venue jusqu’à lui, elle aurait certainement été au chaud dans sa maison qui était de loin bien plus solide et rassurante que l’immeuble miteux du canadien. Alors, pour se rassurer plus qu’autre chose, Chris fit rapidement volte-face et prit la jeune femme dans ses bras pour la serrer contre lui, encore plus intensément que ce qu’il avait pu le faire jusqu’à aujourd’hui. « Mais t’as raison… ça va aller. » murmura-t-il sans desserrer son étreinte. « Je suis tellement content que tu sois là… » se hasarda-t-il ensuite à ajouter. Après tout, s’ils passaient leurs derniers instants ici, Chris tenait à ce que Kat sache tout ce qu’il avait sur le cœur.

Haaaaan ta sign'
Oh, et le gif du profil d'Ashton aussi !!

Chris sentait bien que sa petite amie paniquait et à dire vrai, il en était de même pour lui. Seulement voilà, ils étaient tous les deux, ensemble, et aussi stupide soit-il ce simple élément suffisait à le rassurer. La présence de Kat n’allait pas calmer la tempête, ni même faire redescendre le niveau d’eau qui avançait vers eux et pourtant, le fait de la tenir entre ses bras était absolument tout ce qui comptait aux yeux du jeune homme. Et au moment où elle déposa un baiser dans son cou, il ne put même pas s’empêcher de sourire. Dans un sens, Chris se sentait terriblement coupable. New-York était en train d‘essuyer un véritable déluge, lui-même venait de perdre tout le travail qu’il avait accompli en une année voire plus, et il était pourtant en train de sourire bêtement. Pire, son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine et au lieu de mettre ça sur le compte de la peur, le canadien savait pertinemment d’où ce regain de vigueur lui venait. Il avait attendu le retour de Kat avec tellement d’impatience et d’espoir que maintenant que ce moment était arrivé, plus rien ne comptait. Il n’y avait qu’eux, dan les bras l’un de l’autre. Et la Terre pouvait s’écrouler, ça ne lui faisait ni chaud ni froid.

Kat finit par se reculer un peu, et avant que Chris n’ait le temps d’esquisser le moindre mouvement, elle se précipita pour l’embrasser. Pour la première fois depuis des lustres, ils purent alors partager un VRAI baiser, sans que quoi que ce soit ne vienne les interrompre. L’étalagiste ferma d’ailleurs yeux pour mieux profiter de l’instant, et ne se priva pas non plus d’administrer quelques caresses à l’attention de Kat. Mais inévitablement, leurs lèvres finirent par se séparer, laissant le temps à la jeune femme de murmurer : « Et je t'aime aussi... J'aurais dû te le dire à l'aéroport. » Sans savoir si elle comptait en dire plus ou non, Chris repartit à l’assaut de ses lèvres. Après tout, ses baisers valaient bien mieux que tous les mots qu’il aurait pu trouver.

Comme si ces retrouvailles avaient littéralement effacé tout le reste, Chris semblait se trouver sur une autre planète. Il ne ressentait soudain plus aucune inquiétude, et ce n’est que lorsque Kat reprit la parole que la réalité refit brusquement surface dans son esprit. « Ca va aller… On est tous les deux, ça pourrait être pire pas vrai ? Ca va bien finir par se calmer…” répondit-il en affichant un petit sourire timide, simplement destine à la rassurer. Puis, il se retourna une nouvelle fois vers la fenêtre et réprima un frisson en constatant que non, la tempête n’avait pas l’air de vouloir se calmer. D’un geste un peu plus vif qu’il ne l’aurait escompté, Chris attira Kat vers lui et se posta juste derrière elle. Il l’enlaça de nouveau, puis posa sa tête sur l’épaule de la jeune femme en soupirant. De toutes ses forces, il tentait de se persuader que tout irait bien et pour ce faire, l’idée de changer de sujet lui paraissait particulièrement appropriée. « Est-ce que… tu as eu des nouvelles de Narmer ? » se hasarda-t-il avant de grimacer. Comme sujet pour remonter le moral de sa belle, il aurait difficilement pu trouver pire ! Mais il avait parlé sans réfléchir, et après un bref regard de côté en direction de Kat, il murmura : « Désolé… T’es pas obligée de répondre. »

Avec une rapidité et une assurance quasi-déconcertante, Chris retrouvait peu à peu ses réflexes avec Kat. La façon qu’il avait de la prendre dans ses bras, les regards qu’il lui offrait et qui en disaient long sur ce qu’il ressentait pour elle… Tout un tas de petits détails qu’il osait s’autoriser à nouveau alors qu’il pensait avoir définitivement tout gâché par sa bêtise. Alors le reste du monde pouvait bien s’arrêter de tourner, à l’heure actuelle c’était le cadet de ses soucis. Pourtant, le jeune homme venait de perdre ce qu’il y avait de plus précieux à ses yeux après Kat. Ce travail qui lui avait permis de remonter la pente tant bien que mal quand il était au plus bas. Celui-là même pour lequel il s’était creusé la tête tant de fois, cherchant toujours l’idée géniale qui ferait de lui l’étalagiste affichant ses créations dans tout New-York. Bien sûr, il ne faisait pas encore partie des grands noms du métier que les plus grands magasins de la ville s’arrachaient, mais il était en bonne voie. Après le petit temps d’arrêt du à sa « dépression », Chris avait su rebondir et reconquérir les faveurs de son patron qui lui avait finalement accordé une deuxième chance. Désireux de la saisir, Chris s’était donné énormément de mal à travailler ces derniers mois. Et en une fraction de secondes, une vague d’eau sortie de nulle part avait tout emporté. Mais comme si le choc était encore trop frais et trop grand pour qu’il réalise vraiment qu’il avait tout perdu, Chris préférait s’occuper de sa petite amie. Après tout, avec elle aussi il avait du temps à rattraper et des choses à se faire pardonner…

Histoire de la mettre plus l’aise, le canadien entreprit donc de changer de sujet mais sa maladresse le fit une nouvelle fois grimacer. Le regard inquiet et plein d’appréhension, Chris fut finalement soulagé de constater que Kat ne semblait pas être attristé de ce revirement de conversation. Bien au contraire, il aperçut même un sourire pointer au coin de ses lèvres, et ne put s’empêcher de laisser échapper un petit soupir de soulagement. « Il vit dans le New Jersey, à peine à une heure d'ici. Il adore sa nouvelle famille, même si il ne comprend pas encore tout de leur culture, il s'adapte plutôt bien. Et puis, j'ai entendu qu'il était vraiment très gâté ! » déclara-t-elle devant un Chris soudain particulièrement attentif. Il fallait dire qu’en très peu de temps, le jeune homme s’était réellement rapproché de Narmer et le fait de le voir partir à l’aéroport lui avait serré le cœur même s’il n’en avait rien montré. Il fut donc ravi d’entendre que le petit n’était pas si loin que ça, et qu’il avait trouvé une famille aimante et attentionnée, comme il semblait le mériter. « Oh, et il a accroché ton avion dans sa nouvelle chambre ! » Cette fois, une vague de fierté vint envahir le canadien, qui afficha un large sourire en imaginant leur « œuvre » dans la chambre de Narmer. Il se recula légèrement de la jeune femme et planta son regard soudainement pétillant dans le sien. « Est-ce que… on pourra aller le voir ? Je veux dire… tous les deux ! » Comme s’il avait été âgé de cinq ans et demi, la perspective de ce voyage le ravissait par avance. « Moi aussi je serai ravi de le revoir… Je suis content pour lui ! Il est vraiment chouette ce petit bonhomme !» finit-il par ajouter un peu plus calmement, avant de froncer les sourcils en se souvenant qu’au final, il ne connaissait pas grand-chose de la vie de cet enfant. « Tu ne m’as jamais dit… comment vous vous êtes rencontrés exactement ? »

Une fois de plus, Chris faisait totalement abstraction du déluge qui sévissait autour d’eux en ce remémorant les brefs moments qu’il avait passés avec Narmer. Et autant dire que la perspective de retrouver le petit garçon dans sa nouvelle vie l’enchantait. Même si elle s’efforçait visiblement de ne rien laisser transparaitre, Chris put clairement voir que Kat était elle aussi particulièrement excitée par leur projet. « Je lui préparerai autre chose !Une voiture peut-être… ou un animal ! » s’exclama le canadien qui fourmillait d’ores et déjà d’idées pour faire plaisir à Narmer. Mais bien vite, le bruit de l’eau derrière lui et l’humidité dans ses chaussures le ramena à la réalité. Le jeune homme laissa alors échapper un long soupir avant de murmurer : « Enfin… si j’arrive à sauver quelque chose chez moi… » Au fond, il savait bien qu’il avait très peu de chances de retrouver quelque chose d’exploitable dans son atelier, mais il préférait espérer encore un peu. Tant qu’il n’avait pas la certitude et la preuve visuelle d’avoir tout perdu, Chris essayait de se persuader qu’il n’y avait rien de grave dans ce qui était en train de leur arriver.

Une vague d’inquiétude vint envahir le canadien lorsqu’il vit la jeune femme détourner les yeux. Chris venait de lui demander comment elle avait rencontré Narmer, et une sorte de malaise semblait s’être installé chez Kat. Tout à coup, la jeune femme était ailleurs et même si elle lui expliquait ce qu’il voulait savoir, Chris sentait bien que quelque chose n’allait pas. Alors, comme pour lui montrer qu’il était bel et bien là pour l’écouter et la soutenir, le canadien resserra son étreinte autour de sa taille. Mais avant même qu’il n’ait eu le temps de dire quoi que ce soit, Kat retrouva le sourire et déclara : « C'est quand même fou, la vitesse à laquelle vous vous êtes attachés, tous les deux. Je te savais pas aussi doué que ça avec les enfants ! Enfin, je veux dire, vu comme tu t'occupes des chats... » En écoutant la première partie de sa phrase, Chris afficha un sourire empreint de tendresse et de fierté. Mais ce dernier se transforma vite en une mine faussement outrée, lorsque la jeune femme évoqua ses capacités à s’occuper d’un chat. Brusquement, le jeune homme se retourna vers elle afin de se venger mais en se retrouvant face à son grand sourire, il n’eut d’autre choix que de sourire à son tour. Elle était tellement irrésistible quand elle le regardait comme ça… « C’est pas pareil. » déclara-t-il finalement en faisant mine de se renfrogner. « Et puis… je dois dire que j’ai été aussi surpris que toi… Je me suis trouvé plutôt doué moi aussi ! » avoua-t-il d’un air particulièrement sérieux… avant de craquer et d’esquisser un sourire. Néanmoins, cette aise avec laquelle il s’était comporté avec Narmer avait éveillé en lui une multitude d’idées. Et même si Chris était conscient que ce n’était pas spécialement le bon moment pour en parler, il ne put s’empêcher d’adresser un regard plein de sous-entendus vers Kat. « Tu crois que… on pourrait être… » Chris se tut brusquement en réalisant ce qu’il était réellement en train de lui demander. Et, reculant au dernier moment, il secoua la tête en souriant. « Pff… non, rien. »