Il est près de 22 h 00 quand j’arrive sur notre lieu de rendez-vous. Katy (ma collègue de travail et amie) m’a proposé de sortir boire un verre avec elle et, n’ayant pas mi les pieds dehors depuis plusieurs semaines, j’ai profité du fait que Soraya passe la nuit chez une voisine pour m’octroyer une petite soirée entre copines. Une soirée bien méritée où j’espère pouvoir décompresser. Mon état d’esprit? Tout dépend. Duquel parlez vous? De celui dans lequel j’étais avant de partir? Non parce que pour le coup, j’aurai été tenté de répondre: excitée. Ou alors s’agit-il de celui que j’avais en poussant la porte de ce petit bar de nuit? Là, j’aurai répondu: paniquée. Si toutefois vous parliez de celui dans lequel je me trouve actuellement, la réponse est simple: je suis terrorisée! Si c’est puéril? Ridicule? Complètement stupide? Probablement. Si je suis lâche? J‘imagine. Mais jusqu’à preuve du contraire, je suis belle et bien l’unique personne en fauteuil roulant ici. Et croyez-moi ce n’est pas une position facile. On vous dévisage, on chuchote à votre passage. Certains même, osent vous regardez dans le blanc des yeux, ils vous méprisent du regard et vous adressent des sourires de compassion tous plus faux les uns que les autres. Des sourires tout aussi ridicules qu’insoutenables. Des sourires en coin abominables. Un geste que j’ai pourtant appris à ignorer au final. Ca va faire un an que je me ballade en chaise roulante, autant dire que je suis rodée. Je commence à avoir l’habitude qu’on ait pitié de moi, qu’on se précipite pour m’aider, qu’on me considère comme la pauvre infirme de service et, c’est en partie pour cette raison que je refuse de m’exposer au regard des autres. C’est en partie pour ça que je ne sors plus autant. Pourtant, Dieu sait comme j’aime être au contact des gens. Comme j’ai pu faire la fête, m’amuser, comme j’ai aimé festoyer. Mais cette période semble définitivement révolue et j’imagine que ce n’est pas plus mal compte tenu du fait que je dois désormais assumer mes responsabilités de maman. Après qui dit mère, ne dit pas nécessairement nonne! On peut très bien être une bonne mère en s’amusant de temps en temps. D’ailleurs, il le faut, sous peine de reprocher à nos enfants d’avoir gâché notre jeunesse une fois qu’eux-mêmes seront adolescents! En ce qui me concerne, je refuse de me comporter de cette manière avec ma fille. Je préfère de loin être en bons termes avec elle, j’espère même qu’on sera complices. En attendant, je m’efforce de profiter de ma jeunesse en jonglant avec mes responsabilités de maman. Ce n’est pas une mince affaire, mais je commence à m’y faire. En tout cas, je suis bien plus à l’aise avec les caprices de ma fille qu’avec les jeunes qui m’entourent. Katy? Elle m’a déjà faussé compagnie et si je m’écoutai, je sauterai dans un taxi! Mais bon, ce serait bête de rebrousser chemin, pas vrai? Quitte à m’être déplacée, autant en profiter.

« Mademoiselle? Vous désirez? ». Le barman me demande ce que je souhaite boire et je m’empresse de commander un cocktail. Je ne sais plus où donner de la tête, il y a un monde incroyable ce soir. D’ailleurs, ce bar n’était pas aussi populaire dans mes souvenirs, mais étant donné que cela fait près d’un an que je n’y ai pas mi les pieds, j’imagine que les choses ont eu le temps de changer. Me voilà donc assise à une table avec pour toute compagnie ma téquila sunrise. Tu parles d’une soirée! « Génial… » je murmure en sirotant une première gorgée.