En rendant les clefs de sa petite maison de Riverdale, quelques mois plus tôt, Kiara s'était privée d'un bon endroit où se retrouver à New York. A la place, la jeune femme avait filé à l'hôtel dès sa descente d'avion pour aller déposer ses valises & autres bagages. Seule, elle avait l'impression de ne pas l'avoir été depuis longtemps, et il était difficile pour le moment de se dire qu'elle n'avait plus à s'inquiéter de l'état de santé de son petit frère constamment.

Et pourtant, elle ne le regrettait pas : c'était un mal pour un bien, du moins l'espérait-elle. Certes, elle arrivait dix ans après la guerre, mais mieux valait tard que jamais, n'est-ce pas ? Sa prochaine étape avait été dans le parking d son ancien lieu de travail, où sa moto se reposait silencieusement dans un coin. Dès qu'elle l'avait senti vibrer entre ses cuisses, un sourire avait pris place sur son visage et, presque avec habitude, elle avait pris le chemin du pont de Brooklyn, qui la mènerait non loin du quartier où vivait Austin.

Austin : elle n'arrivait pas à croire qu'elle faisait tout ça pour un homme & pourtant, elle n'arrivait pas à le regretter. Pendant un instant, elle se mit à penser à Michael, et au fait qu'elle n'avait pas regretté un seul instant de quitter Miami pour le Massachussetts, où elle était partie faire ses études alors qu'il l'avait demandée en mariage. Pour Austin, c'était différent : son travail, bien que toujours aussi passionnant, était presque devenu une corvée, et la magnifique ville de Sydney qu'elle avait toujours voulu visiter n'avait pas révélé les charmes qu'elle avait attendu, trop obnubilée qu'elle était par le souvenir de ceux de son mécanicien. Oui, il était mécano, et alors ? Elle n'aurait plus peur de vouloir être avec lui, de savoir ce que son père pourrait penser de ça : elle l'avait promis à son frère, désormais elle ne se préoccuperait plus que de ce qu'elle voulait, elle.

En garant sa moto devant chez lui, Kiara fut surprise de voir les volets de chez Austin fermés. Ne se décourageant pas pour autant, la jeune femme enjamba son engin et s'avança jusqu'à la porte de son appartement, qu'elle ouvrit en se rappelant du code de mémoire. Comment allait-elle engager la conversation ? Serait-il énervé contre elle ? Il fallait avouer que, dans la précipitation de vouloir le retrouver, elle n'avait pas vraiment pensé à ce qu'elle allait bien pouvoir lui dire. Ne se laissant pas le temps de regretter son choix, Kiara frappa nerveusement à la porte... Pas de réponse. Urh, et tant pis pour l'effet de surprise. « Austin ? » demanda-t-elle à travers la porte, la voix légèrement tremblante de stress.

La chute avait été lente, pénible et extrêmement douloureuse. Mais là, Austin avait touché le fond. Endormi sur son canapé, son appartement plongé dans le noir, la pagaille régnait dans les lieux. Cela faisait des jours qu'il n'avait rien rangé et l'endroit où il vivait de valait pas mieux que lui : mal rasé, le teint blafard, les yeux cernés, il ne mangeait presque rien depuis quelques temps et passait ses journées enfermé chez lui. Cela faisait depuis que Kiara avait quitté New York qu'il avait sombré, mais il était encore capable de sortir boire des coups et repartir au bras d'une jeune femme, il se rendait encore à son travail plus ou moins régulièrement. Cependant, depuis quelques jours, il n'avait plus mis les pieds dehors. La raison ? On lui avait enlevé son bébé.

Suite à sa descente fulgurante aux enfers, les services sociaux avaient évidemment demandé à le rencontrer, comme ils le faisaient toutes les deux semaines, afin de vérifier qu'il menait son rôle de père correctement. Sauf que là, tout leurs avaient sauté aux yeux : le bronx dans son appartement, le fait que Lua était constamment avait sa baby sitter et, principalement, le fait que le jeune père était retombé dans la drogues. Ni une ni mois, ils avaient pris la décision de le convoquer au tribunal, lui retirant la garde de sa fille provisoirement en attendant le verdict du juge. C'était la fin. On lui arrachait son enfant, sa raison de vivre, et, bien qu'il l'ait cherché - et il l'avouait volontiers -, le mécanicien s'était senti immédiatement tomber dans une dépression encore plus grande et toutes ses forces, toutes ses envies l'avaient quitté.

Ce n'est que lorsqu'il entendit frapper à la porte qu'Austin se réveilla. Grommelant, il passa ses mains fébriles sur son visage pâle. Bien que le ventilateur tournait à son maximum dans la pièce, la chaleur l'accablait et il mourrait d'envie de s'arracher la peau, n'étant déjà vêtu que d'un simple short. On frappa encore à la porte, mais il ne bougea pas, se contentant de refermer les yeux. C'était certainement Madison, sa soeur, qui venait prendre de ses nouvelles et s'occuper de lui, mais il ne voulait pas la voir. Il ne voulait voir personne. Pourtant, quand il entendit « Austin ? » au travers de l'entrée, il se redressa immédiatement, les yeux rivés sur la porte. Non, c'était impossible. Cela devait être son esprit embrumé qui lui jouait des tours. Mais cette voix lui semblait si familière... Dans le doute, il finit par se lever et traîna les pies jusqu'à la porte, percutant du pied une bouteille de bière vide qui traînait au sol. Ouvrant le loquet, il finit par tirer sur la poignée et son coeur se renversa immédiatement quand son regard croisa celui de la jeune femme qui se tenait devant lui. « Kiara ? » demanda-t-il, complètement perturbé, chamboulé. Elle lui avait dit qu'elle partait vivre définitivement avec Connor en Australie, elle lui avait brisé le coeur, ne lui avait pas donné de nouvelles et la voilà qui se tenait sur le pas de sa porte. Sans comprendre, il resta un instant silencieux et, sentant son coeur se tordre de douleur, il eut le réflexe de froncer les sourcils. « T'étais pas censée être en Australie ? » Son ton était loin d'être cordial. En même temps, comment pouvait-il réagir ? Elle l'avait détruit en le quittant, il avait sombré, touché le fond alors non, il ne pouvait pas simplement être heureux de la revoir.

Kiara avait beau ne cesser d'inspirer profondément, elle n'arrivait pas à se calmer : et si Austin était parti ? Après tout, il ne l'aurait sûrement pas prévenu si ça avait été le cas, vu la façon dont ils s'étaient quittés. Et puis, c'était l'été, il aurait très bien pu emmener Lua à la plage, ou en vacances, quelque part avec quelques-uns des membres de sa fratrie aux noms de villes ou d'Etats américains. Prête à abandonner - mais à revenir le lendemain - la jeune femme fut interrompue par un bruit de verre qui roulait derrière la porte. Il y avait quelqu'un. Aussitôt, son coeur se mit à battre plus fort. Etais-ce lui, l'avait-il entendue ? Ses doigts vinrent de lier devant elle et se tordirent sous l'anxiété et la hâte de retrouver Austin.

Pourtant, un instant plus tard, la porte s'ouvrit sur un Austin... complètement décomposé. Lorsqu'elle posa les yeux sur lui, Kiara le reconnut instantanément mais son allure la laissa pantoise sur le pas de la porte. Les yeux cernés, décoiffé et probablement pas lavé, une barbe de plusieurs jours, des veines apparentes dans ses globes occulaires, la mine grise & fatiguée... Il était méconnaissable. « Kiara ? » Mais sa voix, bien que légèrement cassée, était toujours la même : elle l'électrifia. Pendant un instant, elle se demanda si ça allait se limiter à cet étonnement : même dans cet état, elle n'avait envie que de se blottir dans ses bras et d'oublier ces derniers mois pour reprendre là où leur belle histoire s'était arrêtée. « T'étais pas censée être en Australie ? » reprit cependant Austin, beaucoup moins avenant. Coupable, Kiara papillonna des paupières avant de baisser les yeux. Non : elle devait être courageuse, Connor n'était pas retourné à Miami & elle à New York pour rien. « Si... Si, je devrais. » dit-elle d'une voix tout de même moins assurée qu'elle l'aurait voulu.

Elle aurait très bien pu s'excuser, elle s'en sentait la force : pour retrouver la chaleur de ses bras, elle trouverait bien la force de tout. Seulement, quelque chose n'allait pas & c'était trop flagrant pour qu'elle se permette de passer à côté. Consciente que sa question ne serait peut-être pas particulièrement bien reçue, la jeune femme adopta un ton prudent et inquiet. « Austin, qu'est-ce qui se passe ici ? » demanda-t-elle en jetant un bref regard par-dessus son épaule pour discerner le capharnaüm de son appartement. « Où est Lua ? »

Se retrouver face à Kiara le déchirait de l'intérieur. Il était déjà anéanti, mais là, c'était pire que tout. Même s'il souffrait toujours de son absence, il s'était fait à l'idée qu'il ne la reverrait jamais. Sauf que là, elle se trouvait chez lui, sur le pas de la porte, visiblement horrifiée par l'état physique dans lequel il se trouvait. Et si seulement elle était capable de le voir intérieurement ! Son coeur battait à tout rompre, faisant la course avec les secondes s'écoulant tout en déchargeant des éclairs désagréables dans la totalité de son corps. Il hurlait d'amour pour la chercheuse, mais il crachait la douleur qui le faisait souffrir depuis des semaines. Et ce mal qui le torturait était tellement puissant qu'il ne parvenait même pas à ne ressentir ne serait-ce qu'une once de bonheur en revoyant la perfection de ses traits. Non, c'était trop dur de la revoir.

Et pourtant, il ne laissait rien paraître. Il ne se permit que quelques secondes pour se remettre d'aplomb avant de se montrer froid, se dissimulant sous la carapace qu'il s'était formé ces dernières semaines. Depuis le départ de sa dulcinée, il était redevenu le salaud qu'il avait toujours été au fond de lui, celui que Kiara avait réussi à faire disparaître mais qui avait trouvé une nouvelle porte d'entrée dés qu'elle avait plié bagage pour l'Australie. Et c'est ce mécanicien là qui lui faisait face en ce moment même : un homme perdu, solitaire, désagréable qui ne ressentait que la colère et la souffrance. « Si... Si, je devrais. » marmonna Salem, visiblement déstabilisée par la situation. Et pourtant, elle ne s'arrêta pas en si bon chemin : guignant par-dessus son épaule, elle s'empressa de lui demander « Austin, qu'est-ce qui se passe ici ? », une question qui refroidit directement le concerné. « Ce qu'il se passe ? Il se passe que tu m'as arraché le coeur pour le briser en mille morceaux ! Tu m'as abandonné, je suis mort d'amour pour toi bordel ! » mourrait-il d'envie de hurler. Mais ne voulant pas incendier la conversation dans l'immédiat, il trouva les moyens nécessaires pour tempérer et garder ses pensées pour lui, se contentant d'appuyer son avant bras contre le cadre de la porte en guise de barrage, passant sa langue sur ses lèvres. « Où est Lua ? » Là s'en était trop. Laissant un léger rire sarcastique s'échapper de sa bouche, le jeune père haussa les épaules. Les vacances qu'ils avaient passées ensemble avaient tourné au cauchemar : Connor avait fini par blesser Lua et Kiara n'avait pas montré de réelle détresse à son égard, se contentant de s'occuper de calmer son frère. Cela avait mis Austin hors de lui et il avait cru comprendre que jamais la vie à quatre ne leurs seraient possible, pas temps que la chercheuse resterait accaparée par son frère autiste. « Ah parce que tu t'inquiètes pour elle maintenant ? » demanda-t-il sur le ton de l'ironie. Son but n'était pas de la blesser. Il lui en voulait terriblement mais il n'était pas rancunier au point de vouloir la voir souffrir. Alors il soupira et finit par reculer d'un pas, lui laissant le passage libre. Puis il n'attendit qu'une poignée de secondes avant de s'engouffrer à nouveau dans l'appartement en répondant d'un ton froid « Elle n'est pas là. ». Supposant qu'elle le suivrait à l'intérieur, il marcha avec nonchalance jusqu'au salon, tentant vainement de calmer son rythme cardiaque saccagé.

Kiara n'aurait jamais pensé retrouver Austin dans cet état. Certes, elle ne s'était pas attendu à ce qu'elle l'accueille les bras ouverts, mais son visage, son corps ! Il était amaigri, la brune avait pu le remarquer en un instant. Ses yeux injectés de sang ne laissaient rien présager de bon non plus, et lorsque Kiara lui demanda où était Lua, elle savait que sa question n'allait pas avoir la réponse qu'elle escomptait. Sur la défensive comme il ne l'avait jamais été, Austin lui répondit avec ironie. « Ah parce que tu t'inquiètes pour elle maintenant ? » Le regard que Kiara avait laissé se promener dans l'appartement revint brusquement sur Austin et elle fronça légèrement les yeux : ça, c'était dur. Le jour où Lua avait été blessée par Connor, Kiara n'avait peut-être pas été très compatissante, mais ce n'était pas comme si Austin s'était préoccupé de la crise de son frère non plus ! Seulement... Seulement Lua était une petite fille, et Connor était malade. Dans sa tête, ils avaient le même âge, alors quand le grand gaillard de dix-neuf ans se mettait en colère pour un jouet... avec son caractère imprévisible & ses crises incessantes, ça pouvait vite tourner à la catastrophe. Ne préférant pas attiser la flamme, Kiara se garda cependant de répondre.

« Elle n'est pas là. » reprit finalement Austin en retournant vers le salon. Se supposant par là même invitée à entrer, la jeune femme pénétra dans l'appartement du jeune homme en découvrant de nouveaux dégâts à chaque fois qu'elle posait les yeux quelque part. Refermant la porte derrière elle, elle suivit les pas d'Austin et en arrivant au salon, tomba totalement des nues.

Sur la table basse, entre la télécommande et un jouet de la petite, des échantillons de toute une marchandise clandestine semblait s'être donnée rendez-vous : pilules, poudres, résine... Kiara pouvait même encore voir les traces de rails sur le verre de la table. Déglutissant une nouvelle fois, la brune ne mit pas longtemps à comprendre et à trouver toute seule la réponse à sa question. « Ils l'ont prise... » murmura-t-elle, d'abord pour elle-même. Austin avait tellement peur que les services sociaux lui reprennent Lua, lorsqu'elle avait eu ce petit accident avec une voiture, devant son école ! L'attirail de drogues ne laissait aucun doute et pourtant, Kiara dut poser la question. « Ils l'ont prise, c'est ça ? Parce que tu t'es remis à te droguer ? »

C'est en avançant en direction du salon qu'Austin se rendit compte à quel point son appartement était saccagé : des bouteilles de bière traînaient ici et là, des cartons vidés de leurs pizzas ou autre nourriture à commander, le cendrier débordant de cendres posé sur la table basse et entouré de son magot de pur drogué. D'un côté, il était honteux de laisser Kiara entrer, honteux de lui donner le droit de voir à quel point il était détruit, anéanti. Il ne voulait pas qu'elle le voit faible, il ne devait pas se montrer fragile comme il se sentait l'être depuis des semaines. Alors, il se montrait froid, désagréable. Et le pire était qu'il n'avait même pas à se forcer.

Arrivé près de la table basse, le mécanicien ne prit même pas le soin de tenter de cacher à la va-vite la drogue qui s'étalait sur la table. Il n'avait rien à cacher, il n'avait pas à mentir à la jeune femme : oui, il avait sombré, il était retombé dans ce cercle vicieux qui l'avait suivi des années durant et ce jusqu'à ce qu'il récupère Lua. Alors il se contenta d'attraper son paquet de cigarette et de s'en allumer une. C'est alors qu'il était en train d'ouvrir la baie vitrée donnant sur le balcon bordant le salon pour ensuite pousser les volets qu'il entendit Kiara prendre la parole. « Ils l'ont prise, c'est ça ? Parce que tu t'es remis à te droguer ? » Les mains du mécanicien se crispèrent soudainement sur les pans des rabats, ses paupières se fermèrent automatiquement pour retenir les larmes qui vinrent lui brûler les yeux. Il se rappelait de chaque seconde qui avait composé la scène des services sociaux débarquant chez lui au petit matin pour lui enlever Lua. Ils avaient frappé à sa porte, annonçant de qui il s'agissait en lui conseillant d'ouvrir vite s'il ne voulait pas être séparé de sa fille par des barreaux. Il leurs avaient ouvert, on lui avait directement annoncé la couleur avec un « Monsieur McDaniels, suite à votre situation complètement instable, nous vous retirons provisoirement la garde de votre fille. Votre cas sera reglé au tribunal dans quelques semaines. » complètement détaché de compassion. Ils faisaient leur job, les sentiments de pitié n'étaient pas au rendez-vous. Il se rappelait aussi précisément de l'enfant qui se débattait dans les bras d'un inconnu, appelant son père en pleurant. Et lui, il la regardait s'éloigner de lui, impuissant, des sanglots retenus secouant malgré tout son corps déjà amaigri. Refoulant ses images, Austin se mordit la lèvre inférieure. Surtout se montrer fort, ne pas craquer, ne pas montrer à la chercheuse dans quel état il était mentalement parlant.

Restant les mains appuyées contre les persiennes qu'il avait décidé d'ouvrir, le jeune père resta dos à Kiara. Son silence en dit long sur la réponse qu'il voulait lui fournir, mais aucun mot n'était assez fort pour exprimer ce qu'il pensait. « Ils n'ont eu aucune pitié. Elle pleurait, elle m'appelait et ils l'ont enlevée... » marmonna-t-il presque pour lui, mais suffisamment fort pour que Salem l'entende. Il prenait sur lui, se retenant d'éclater dans une rage incontrôlable. Il n'était même plus au bord du gouffre, il y était tombé depuis trop longtemps déjà et il n'était pas rare que des crises de colère le prennent, parfois pour rien, parfois pour beaucoup. Comme maintenant. Serrant les poings, il finit par les enfoncer avec violence contre les volets, les ouvrant par la même occasion. Le soleil vint éblouir ses iris qui s'étaient habitués à la pénombre surplombant son appartement. Mais il n'en prit pas rigueur et se retourna pour faire face à Kiara. Incapable de tout retenir en lui, elle pouvait aisément lire les traits de son visage, l'expression de son regard pour comprendre un tant soit peu comment il se sentait. « J'ai tout perdu depuis que tu es partie : toi, Lua. » grinça-t-il, poings serrés. Se sentant céder sous le poids de la souffrance, il passa machinalement une de ses mains sur son visage creusé par la fatigue et tenta de se ressaisir. Mais c'était impossible. « Tu te rends pas compte à quel point tu m'as fait mal... » laissa-t-il s'échapper, dents serrées, le regard fixé sur Kiara, le visage renfrogné. Et encore, "mal" était un terme bien plat pour décrire ce qu'il avait ressenti suite à son départ.

C'était un véritable désastre : aux yeux de Kiara, il n'y avait rien de plus inutile & destructeur que la drogue, et connaissant parfaitement la situation d'Austin, elle avait d'autant plus l'estomac retourné de penser à tout ce que sa rechute impliquait.

Après que Kiara ai posé sa question, elle n'eut aucun mal à deviner une nouvelle fois la réponse : la souffrance d'Austin était presque palpable et elle resta un long moment immobile, à l'observer en attendant qu'il se décide à dire ou faire quelque chose. Le brusquer, l'attendrir ? Kiara ne savait pas du tout comment gérer ce genre de choses, elle ne savait pas comment définir à quel degré Austin était retombé, même si elle ne doutait pas que pour rester inactif face à la perte de sa fille, il ne devait pas être loin des puits de pétrole. « Ils n'ont eu aucune pitié. Elle pleurait, elle m'appelait et ils l'ont enlevée... » dit-il finalement, faisant déglutir Kiara qui fronça les sourcils en imaginant parfaitement la petite Lua pleurer pour retrouver les bras & la protection de son père qui avait tellement accompli pour elle. La jeune femme aurait voulu pouvoir s'approcher d'Austin, le consoler, le rassurer aussi, comme elle avait pu le faire la dernière fois qu'il était venu chez elle, paniqué à l'idée de perdre Lua, mais elle n'en eut pas le temps : en un instant, Austin avait violemment tapé dans les volets qui s'étaient ouverts, dévoilant un peu plus le carnage de l'appartement.

Lorsque Kiara releva de nouveau les yeux vers le jeune homme, leurs regards se percutèrent & en lisant dans celui d'Austin, la jeune femme eut mal. Mal de le voir comme ça, d'imaginer ce qu'il ressentait, de le savoir sous influence & malheureux. « J'ai tout perdu depuis que tu es partie : toi, Lua. » Kiara baissa la tête : ne pouvait-elle pas seulement s'excuser ? Sûrement pas. Elle était coupable : comme toujours, elle avait choisi son travail, sa passion. Elle avait été le robot que son père rêvait qu'elle soit et elle avait laissé de côté la partie humaine, abandonnant Austin sans même se battre au premier conflit. « Tu te rends pas compte à quel point tu m'as fait mal... » Il l'accablait & elle ne pouvait rien redire de sa responsabilité, elle avait fui & elle lui laisserait tout le loisir de cracher son venin.

Seulement, la situation était plus grave que ça. Elle ne s'arrêtait pas à eux, en ce moment Lua était peut-être dans un foyer de la ville, ou pire, dans un orphelinat. Elle était seule, et son père ne faisait rien pour elle, trop brisé pour réagir. Kiara ne se prenait pas pour un quelconque superhéros, elle n'avait pas d'idée arrêtée sur la méthode à adopter, mais elle ne comptait clairement pas laisser Austin dans cet état. Elle était revenue pour lui, après tout. Elle voulait l'aider, mais comment regagner sa confiance ? Un simple "désolée" ne semblait vraiment pas suffire, aucun mot ne semblait juste dans la situation. Alors, les laissant tous les deux de côté, Kiara se concentra sur ce qui, elle le savait, avait la première place dans le coeur du mécanicien. « Ce n'est pas une raison pour abandonner ta fille... Si on te la prend, tu la récupères. » déclara-t-elle avec douceur avant de désigner la table basse du doigt. « D'abord, tu dois te débarrasser de ça. Définitivement. » Elle n"était pas là pour le blâmer, ou pour lui faire la morale sur le fait qu'il prenait de la drogue : seulement, il avait des responsabilités & l'Austin qu'elle connaissait & qu'elle aimait ne les aurait jamais abandonnées pour quelques grammes de poudre.

« L'absence est un acide qui peut tout effacer. Je suis tombé dans le vide que tu as laissé. » chante le breton Pierrick Lilliu. C'était tout à fait ça : l'absence de Salem avait été un véritable acide qui avait tout rongé de la vie du mécanicien, qui l'avait englouti jusqu'à la moelle pour le faire planer dans un vide sans fin. Sauf que ce soir là, il heurtait violemment le fond du trou en se trouvant à nouveau face à la chercheuse et il perdait complètement ses moyens, preuve en étaient les volets qu'il avait ouvert à coups de poing avant de commencer à cracher sa colère sur la jeune femme. Et malgré tout, elle restait face à lui, accusant visiblement le coup sans prendre mal la moindre parole prononcée par le jeune père. « Ce n'est pas une raison pour abandonner ta fille... Si on te la prend, tu la récupères. » Et s'il n'en pouvait plus de se battre ? Il n'avait fait que ça depuis qu'il avait récupéré Lua un an auparavant, lutter pour la garder près d'elle, pour prouver qu'il pouvait être un bon père. Mais chassez le naturel, il revient au galop comme on dit. Il avait suffi qu'il ouvre son coeur à une femme et que celle-ci le lui brise pour qu'il se retrouve sans une force pour continuer son combat. Traitez-le de lâche, il en assumait pleinement le titre. Oui, il avait baissé les bras, parce que l'amour avait eu raison de lui en finissant de l'achever.

« D'abord, tu dois te débarrasser de ça. Définitivement. » lui lança-t-elle en désignant la marchandise qui trônait sur la table basse. Qu'il jette cette fichue drogue et fasse comme si rien ne s'était passé ? C'était impossible. Quand il avait récupéré sa fille, Austin avait accepté l'aide de sa soeur qui, à force d'insister, l'avait convaincu de suivre une cure de désintoxication qui s'était montrée fructueuse. Mais aujourd'hui, c'était différent. Car si le jeune homme avait commencé à se droguer dans son adolescence pour fuir ses problèmes familiaux, il s'était cette fois tourné vers la cocaïne et autre marchandise de défonce pour oublier Kiara et panser ses blessures. L'effet avait été inverse : il pensait chaque jour à elle et sa souffrance s'accroissait de manière journalière. Et plus il souffrait, plus il consommait. Cercle vicieux dans lequel il s'était enfermé et duquel il serait très dur de se sortir. Il se pressa d'ailleurs de le faire remarquer à la chercheuse, ponctuant sa phrase d'un nouveau rire sarcastique. « Tu penses franchement que c'est aussi simple que ça ? » Elle ne s'était jamais droguée - du moins, à ce qu'il savait d'elle -, elle n'avait donc jamais été dépendante de substances illicites et ne connaissaient pas l'effet du manque, ce besoin constant de se défoncer pour oublier un tant soit peu sa douleur. Balayant l'air de sa main comme pour chasser ce qu'il venait de dire, il porta sa cigarette à ses lèvres, en aspira longuement la fumée nocive et finit par écraser le mégot dans le cendrier sans en avoir consommé la moitié. « Crois-moi, Lua est bien mieux là où elle est maintenant. » marmonna-t-il. Et il était sincère en prononçant ces paroles. Il était instable, la petite ne pouvait pas grandir convenablement avec un père comme lui. Les services sociaux avaient, selon lui, bien fait leur boulot et, même si lui souffrait qu'on lui enlève sa fille, il croyait dur comme du fer qu'elle était mieux dans ce foyer plutôt qu'ici, dans le quartier de Brooklyn, avec son père junkie. « Et puis je ne pense pas que tu sois la mieux placée pour me donner des conseils. » rajouta-t-il en croisant le regard de la jeune femme. Un contact visuel qui l'électrisa, comme à chaque fois, et qui eut le don de faire monter sa colère d'un cran. Fronçant les sourcils, il fusilla Salem du regard et, alors que les larmes lui brûlaient la vue, il se montra plus agressif. « Pour qui tu te prends ? Ma vie ne te regarde pas !Tu te casses et tu reviens des semaines après en pensant que rien n'a changé ? Eh bah désolée ma belle, tu t'es bien plantée ! » Il était cru et il n'arrivait même pas à s'en vouloir. Elle l'avait blessé et, même s'il se savait encore fou amoureux d'elle, il ne parvenait pas à se montrer cordial avec elle. L'amour rend fou, l'amour associé à la colère encore plus.

Kiara n'avait aucune idée de ce qu'elle était en train de faire : soutenant le regard d'Austin, elle attendait son verdict avec anxiété. Bien sûr, elle se doutait qu'il ne suffirait pas de lui dire d'arrêter pour qu'il le fasse - bien qu'un peu de bonne volonté ne lui aurait pas fait de mal, tiens - mais elle espérait qu'il comprenne pourquoi elle faisait ça. Pour se racheter ? Sûrement. Parce qu'elle aimait Austin, son rythme cardiaque le prouvait, son retour à New York & l'abandon de son programme avec Steven J. Steven au risque de décevoir son père, et qu'elle était incapable de simplement tourner les talons & le laisser croupir dans son malheur.

« Tu penses franchement que c'est aussi simple que ça ? » lui demanda pourtant Austin, ramenant durement Salem à la réalité. La jeune femme n'osa pas répondre : non, ce n'était pas aussi simple, mais que pouvait-elle faire d'autre ? Elle voulait aider. « Crois-moi, Lua est bien mieux là où elle est maintenant. » Cette fois-ci, elle n'eut pas besoin de parler : son regard, devenant brusquement accusateur, s'accrocha au mécanicien un instant. Comment pouvait-il dire ça ? Il aimait Lua, et il était capable de s'occuper d'elle, Kiara le savait & elle en avait été témoin. « Et puis je ne pense pas que tu sois la mieux placée pour me donner des conseils. » reprit-il, touchant cette fois-ci l'américano-philippine en plein coeur. Elle fut d'abord incapable de soutenir son regard colérique. « Pour qui tu te prends ? Ma vie ne te regarde pas !Tu te casses et tu reviens des semaines après en pensant que rien n'a changé ? Eh bah désolée ma belle, tu t'es bien plantée ! » Nouveau déglutissement. Il avait tapé juste, du moins dans une bonne partie de ce qu'il avait dit. Elle était partie, & en partant elle avait perdu le droit d'avoir son mot à dire. Il lui en voulait, et il était tout à fait dans son droit, mais Kiara était décidée à ce que la situation se décante.

S'humectant les lèvres, gênée, la brune sentit ses yeux la brûler lorsque son coeur se serra. Il ne voulait pas d'elle, cette idée s'était incrustée dans son esprit à l'instant où il avait dit que sa vie ne la regardait pas. Papillonnant des paupières pour empêcher une larme de quitter ses yeux, la jeune femme se lança : le regard fuyant, la voix légèrement tremblante, un vocabulaire doux contrastant avec la violence d'Austin, elle s'exprima enfin sur le plus brûlant des sujets. « Pour ce que ça vaut... j'ai eu tort de partir. » commença-t-elle avant de déglutir une nouvelle fois, la gorge définitivement serrée. Seulement, elle devait continuer : si Austin ne voulait vraiment pas d'elle, elle n'aurait peut-être pas de seconde chance pour pouvoir s'exprimer. « Après la crise de Connor, j'ai eu peur... et j'aurais pas dû choisir de partir. » Ca y est, la jeune femme allait craquer : des semaines de remords étaient en train de remonter à la surface et, dans un élan de sincérité, la jeune femme avança d'un pas en se forçant à soutenir le regard de l'américain. « Alors tu peux m'en vouloir, tu peux me détester, crois-moi, je connais le sentiment... et non, je sais sûrement pas comment te sevrer. » sourit-elle ironiquement avant de reprendre rapidement une mine anxieuse. « ... mais je suis là, je suis revenue. J'ai tout laissé, le programme, Connor, Sydney... pour toi, pour nous. » Les larmes menaçant sérieusement d'envahir ses joues, la jeune femme préféra s'arrêter et baissa les yeux. Son regard tomba sur la table basse, et avec lenteur, elle attrapa l'un des sachets remplis de cachets du jeune homme et, le coeur lourd, releva les yeux vers lui. « Alors je vais jeter ces pilules, et tout le reste, et... on improvisera après. Je te laisserais pas. » Oh, ça, non, elle ne le laisserait pas. D'un pas décidé, la jeune femme se dirigea jusqu'aux toilettes & ouvrit le sachet pour en faire tomber tout le contenu qui glissa au fond de la cuvette.

Salem pouvait bien le foudroyer du regard, le jeune père restait persuadé que sa fille était - pour l'instant - bien mieux dans ce foyer qu'ici. Là-bas au moins, ils prenaient soin d'elle et elle était en sécurité. Ici, elle se serait retrouvée seule, délaissée à la baby-sitter et aurait certainement pu être mise en danger. Après tout, sous l'influence de la drogue, Austin ne savait pas se contrôler. Il pourrait suffire d'une dispute avec la petite pour que sa main parte et ça, jamais il ne se le pardonnerai. Voilà certainement pourquoi il jouait le lâche, pourquoi il se détachait si facilement de ses responsabilités. Et pourtant, une voix au fond de lui lui hurlait de se battre de la récupérer, de ne pas lâcher. Il lui suffisait de l'écouter...

L'ambiance était pesante, entre Austin qui restait sur la défensive comme une bête féroce apeurée et la chercheuse qui semblait chercher ses mots alors qu'elle avait l'air touchée par ce qu'elle venait d'entendre. La situation était loin d'être agréable et le mécanicien n'avait envie que d'une chose : s'enfermer dans sa chambre, s'allonger, fermer les yeux et tenter d'oublier une fois de plus la perfection du visage de la jeune femme. Pourtant il reste face à Kiara, sentant un horrible mélange de sensations diverse le traverser. La colère avait commencé à prendre le dessus, il avait parler de manière froide et tranchante à la chercheuse et il savait que ses paroles lui avaient fait du mal. Ce n'était pas son intention, il ne faisait qu'être sincère envers elle. Elle mit cependant quelques secondes pour encaisser ce qu'elle venait d'entendre, luttant visiblement pour prendre la parole. « Pour ce que ça vaut... j'ai eu tort de partir. » Austin croisa les bras en fronçant les sourcils. Il mourrait d'envie de la rembarrer, de lui dire qu'elle avait eu tort, en effet, et que cela ne servait à rien de revenir maintenant. Mais il ravala ses mots et la laissa parler. « Après la crise de Connor, j'ai eu peur... et j'aurais pas dû choisir de partir. » continua-t-elle, visiblement au bord des larmes. Atterré, le mécanicien inspira, prêt à prendre la parole, mais il dût se retenir une fois de plus pour laisser la brune s'exprimer. « Alors tu peux m'en vouloir, tu peux me détester, crois-moi, je connais le sentiment... et non, je sais sûrement pas comment te sevrer. » La fin de sa phrase tira un grognement de mécontentement chez le mécano. Le sevrer, elle pensait sincèrement pouvoir y parvenir ? Temps qu'il n'en aurait pas la volonté, il n'y avait rien à faire. Et pour l'instant, il avait tout sauf envie de sortir du cercle infernal de drogué dans lequel il s'était enfermé. Pourtant, malgré l'agacement qu'il pouvait ressentir, il ne pouvait s'empêcher d'éprouver un certain soulagement. Il semblerait qu'au moins une personne sur cette terre avait la volonté de l'aider. « .. mais je suis là, je suis revenue. J'ai tout laissé, le programme, Connor, Sydney... pour toi, pour nous. » Sur le coup, elle eut le don de lui transpercer son coeur déjà broyé, avec une telle force qu'il sentit les larmes brûler ses yeux rougis. Bouche entrouverte, le bout de sa langue effleura sa lèvre supérieure alors qu'il soupirait doucement pour réprimer les pleurs qu'il sentait remonter dans sa gorge. Elle était revenue, elle lui avouait avoir tout laisser tomber pour le retrouver et, même s'il voulait se montrer froid et détaché, il en fut complètement bouleversé. Mais avant qu'il n'ait pu s'exprimer sur le sujet, Salem s'était déjà approchée de la table basse. Comme un lion prêt à l'attaque, l'américain la suivit du regard, sentant ses muscles se tendre quand il la vit tendre la main vers son magot qui s'étalait sur la table afin d'en attraper un des sachets. « Alors je vais jeter ces pilules, et tout le reste, et... on improvisera après. Je te laisserais pas. » Leurs regards se croisèrent et Austin fronça les sourcils, restant immobile.

Il lui fallut un certain temps pour comprendre les intentions de Kiara et, quand que l'idée percuta son esprit embrumé, la chercheuse avait déjà tourné les talons. « N'y pense même pas ! » lui lança-t-il d'un ton ferme, le regard la suivant. Elle s'éloigna pourtant, sans écouter ce qu'il venait de lui dire. « Kiara, je te préviens que... » continua-t-il, mais elle venait d'entrer dans la salle de bain. « KIARA ! » Il accourut dans la pièce voisine et s'arrêta net en s'accrochant à l'encadrement de la porte. Elle tenait le sachet vide par-dessus les toilettes, sont contenu s'étant déjà vidé dans l'eau. Le souffle soudainement coupé, le mécano sentit un étourdissement le prendre et, sans comprendre ce qui lui arrivait, il s'élança vers Salem et l'attrapa par les épaules pour la plaquer contre le mur sans grande tendresse. « Arrête bordel ! » hurla-t-il en lui lançant un regard foudroyant. Haletant, ses mains tenaient fermement les épaules de la chercheuse pour la garder bloquée contre la paroi de la salle de bain et ses pupilles dilatées ne quittaient plus les siennes. Ce n'est que quelques secondes après qu'il se rendit compte qu'il commençait à se montrer violent et, ne voulant pas lui faire du mal involontairement, il la lâcha subitement et recula d'un pas. Le souffle encore irrégulier, il déglutit et finit par s'assoir sur le bord de la baignoire, appuyant ses coudes contre ses genoux pour camoufler son visage contre les paumes de ses mains. « Tu peux retourner à Sidney. J'ai pas besoin de ton aide. » marmonna-t-il suffisamment fort pour que Kiara l'entende. Il voulait être seul, il ne supportait pas de l'avoir près d'elle, ça lui faisait bien trop mal.

Kiara n'était même pas sûre qu'Austin ai compris son discours, mais elle n'avait pas attendu sa réponse avant d'agir. Pour elle, c'était tout simplement évident : elle ne lui parlait que depuis quelques minutes mais elle savait que l'Austin qui se trouvait devant elle n'avait rien à voir avec celui qui avait su la charmer dès qu'il avait posé ses doigts sur sa moto. « Kiara, je te préviens que... » Sourde à son appel, la brune n'hésita pas avant de s'emparer du sachet qu'elle avait en ligne de mire pour se précipiter jusqu'à la salle de bain. « KIARA ! » s'exclama-t-il alors qu'elle voyait les premières pilules glisser dans l'eau de la cuvette. Elle devait le faire, ce n'était pas grand chose, c'était d'ailleurs sûrement plus symbolique qu'autre chose, mais à part ça, comment pouvait-elle l'aider ? Il ne voulait pas d'elle, elle s'imposait déjà.

D'ailleurs, il le lui fit bien vite sentir. A peine avait-il constaté son action en la rejoignant qu'il l'avait agrippée avec violence par les épaules pour la plaquer contre le mur le plus proche. « Arrête bordel ! » Prise de court, Kiara ne sut se défendre et laissa tomber le sachet vide à leurs pieds, complètement tétanisée. Austin ne faisait vraiment pas semblant de la serrer, et elle sentait ses doigts s'incruster dans sa chaire. Son regard rond et terrorisé ne quitta pas celui d'Austin durant tout le temps où elle resta bloqué & qui lui sembla une éternité. Salem n'avait jamais été une grande adepte de la violence, même si elle avait été élevée par un père profondément ancré dans la tradition militaire. Austin allait-il la frapper pour ces pilules ? Elle l'en sentait capable, ses épaules douloureuses parlaient pour lui. Retenant son souffle, Kiara était incapable de baisser les yeux ou d'esquisser un quelconque geste, bien que sa soeur lui ai très bien appris comment viser les "quatre globes" : les yeux, & les testicules.

Apparemment, le jeune homme finit par se ressaisir de lui-même car en un instant, Kiara était délivrée de la prison de ses mains et Austin s'éloigna d'un pas avant de s'asseoir sur le bord de la baignoire, apparemment essoufflé par son emportement. La brune, elle, se contenta de déglutir, ne pouvant empêcher ses muscles de trembler et son corps de rester plaqué contre le mur. « Tu peux retourner à Sidney. J'ai pas besoin de ton aide. » Et après la douleur physique, c'était moralement qu'il l'attaquait de nouveau. Passant sa langue sur ses lèvres en accusant le coup, la jeune femme chercha à retrouver un pouls le plus régulier possible en s'appliquant à respirer doucement. Dans sa précipitation et sa violence, il l'avait totalement tétanisée, et elle reprenait tout juste possession de son corps. Et avec ça, sa lucidité - ou bien étais-ce au contraire sa folie ? - revint et elle se raisonna : pouvait-elle seulement avoir confiance dans le jugement de l'américain, avec tout ce qu'il avait sûrement pris avant son arrivée ? Se massant les épaules douloureuses en grimaçant, elle tenta de le raisonner à son tour. Il lui faisait mal, et elle craignait profondément un nouveau rejet, mais elle ne pouvait tout simplement pas se résoudre à tourner les talons comme il le lui demandait. Il n'en avait pas conscience maintenant - elle pouvait d'ailleurs presque se demander s'il était conscient - mais ça allait bien au-delà de la rancune qu'il pouvait bien avoir pour elle. « Et qu'est-ce que tu comptes faire ? Terminer tout ce qu'il y a sur la table basse, t'en racheter, jusqu'à finir par être expulsé de chez toi ? Ou tu comptes simplement attendre l'overdose dans ton taudis, pendant que ta fille croupit dans ce qu'une gosse comme elle associerait tout de suite à une prison, abandonnée par la seule personne en qui elle a vraiment confiance ? » déclara-t-elle, n'osant néanmoins pas s'approcher de peur de la réaction que pourrait encore avoir le mécanicien. « Tu t'es battu pendant des mois, Austin, pour la garde de ta fille, pour arrêter la drogue une première fois. J'étais pas là, mais est-ce que toi t'as la mémoire aussi courte que ça ? »

Assis sur le rebord de sa baignoire, tenant son visage contre ses mains, Austin n'en revenait pas. Il ne pouvait pas croire qu'il était devenu violent en l'espace de quelques secondes, d'autant plus que la personne contre qui il s'était lancé n'était pas n'importe qui : elle était la femme qu'il aimait éperdument et, même s'il était en colère contre elle, qu'il lui en voulait comme jamais d'être partie, il ne pouvait pas se résoudre à accepter le comportement qu'il venait d'avoir vis-à-vis d'elle. Le regard choqué et apeuré de Salem qu'il avait croisé au moment où il l'avait saisie avec force pour la plaquer contre le mur restait encré dans son esprit. Il fallait qu'il se calme absolument, qu'il canalise sa colère, sinon la situation allait lui échapper et un dérapage allait survenir. Ceci était hors de question. Alors, luttant contre la part de lui même qui le forçait à extérioriser sa colère, il ferma les yeux à s'en fendre les paupières, soufflant lentement et péniblement alors qu'il n'entendait plus aucun son ne provenant de la chercheuse. Pas un mouvement, à peine un souffle encore retenu par la crainte qu'elle avait ressentie au moment où il s'en était pris à elle.

Puis il finit par entendre qu'elle bougeait, mais il ne la sentit pas s'approcher pour autant. Tant mieux, il ne pourrait pas supporter une quelconque proximité physique avec elle, ce serait bien trop douloureux et difficile à supporter pour lui. « Et qu'est-ce que tu comptes faire ? Terminer tout ce qu'il y a sur la table basse, t'en racheter, jusqu'à finir par être expulsé de chez toi ? Ou tu comptes simplement attendre l'overdose dans ton taudis, pendant que ta fille croupit dans ce qu'une gosse comme elle associerait tout de suite à une prison, abandonnée par la seule personne en qui elle a vraiment confiance. » Se crispant, Austin se mordit la lèvre inférieure. Elle avait raison, sur toute la ligne. Quel père responsable et aimant son enfant abandonnerait sa fille comme il l'avait fait, après s'être battu des mois durant pour elle ? Mais voilà, pour la première fois depuis longtemps, le mécanicien se montrait faible et ne trouvait plus la force de mener encore à bien son combat incessant pour la garde de Lua. En quittant New York, en l'abandonnant lui, Kiara avait emporté tout ce qu'il y avait de bon en elle, tout ce qu'elle avait réussi à faire naître en lui, cet amour, cette tendresses, cette force, ces sourires qu'elle lui avait connus. Face à l'évidence de sa lâcheté, Austin sentit son coeur se crisper et les larmes chatouiller les pointes de ses sourcils. Alors qu'il était en train de se morfondre sur son sort, Lua était enfermée dans un foyer, certainement à se demander quand est-ce qu'elle pourrait revoir son papa, quand est-ce qu'elle pourrait rentrer à la maison. Cette image s'accrocha soudainement à lui comme un aimant à un tableau et une larme finit par rouler le long de sa joue sans qu'il puisse la retenir.

Il ne fallut cependant pas plus que les nouvelles paroles de Kiara pour le faire à nouveau réagir. « Tu t'es battu pendant des mois, Austin, pour la garde de ta fille, pour arrêter la drogue une première fois. J'étais pas là, mais est-ce que toi t'as la mémoire aussi courte que ça ? » Atteint moralement parlant par ce qu'elle venait de lui dire, Austin se redressa subitement, fixant ses yeux rougis et débordant de larmes sur la jeune femme qui était toujours appuyée contre le mur face à lui. « Ouais justement, t'étais pas là ! » cracha-t-il, profondément blessé. Le souffle difficile, il s'accorda une poignée de seconde avant de continuer sur un ton qui était loin d'être agréable. « Tu connais quoi de ma vie, de ce que j'ai traversé ? Tu connais seulement ce que j'ai bien voulu te raconter, mais ce que j'ai pu ressentir durant cette période, t'en sais rien ! T'as jamais vécu ça, tu sais pas ce que c'est ! » Il avait été sincère avec elle et lui avait tout raconté de son passé : ses histoires de famille, pourquoi il était tombé dans la drogue, ce qu'il s'était passé durant cette période et comment il avait trouvé la force d'arrêter. Mais aujourd'hui, tout était différent. Clignant des yeux pour refouler un tant soit peu les larmes de colère et de souffrance qui lui broyait la vue, le jeune père finit par se lever et fit un pas en direction de Kiara, laissant cependant la distance à ne pas franchir s'il ne voulait pas exploser et s'emporter. « Alors ouais, peut-être bien que j'ai arrêté une première fois. Mais ça n'avait rien à voir avec aujourd'hui ! Parce que je me droguais pas pour oublier que j'étais en train de me noyer en pleine dépression pour une fille à l'époque ! » termina-t-il sur un ton agressif qui laissait pourtant paraître toute la détresse qui emplissait son coeur. Il était retombé dans la drogue à cause d'un amour qu'il avait cru vrai mais qui s'était évaporé encore plus vite qu'il n'était apparu. Et c'était ce détail qui faisait toute la différence.

En venant taper à la porte de chez Austin, Kiara ne s'était clairement pas attendue à ce qu'il lui saute dans les bras, ou même qu'il soit cordial dès le début. La chercheuse, elle, admettait aisément ses torts : comme toujours, elle avait fait passer son travail avant les autres aspects de sa vie mais pour la première fois, elle l'avait regretté & avait senti - aidée de Connor - que sa place n'était pas à Sydney, entourée de chercheurs, mais à New York, auprès d'Austin. Elle avait fui au premier ennui, avait saisi une occasion qui n'en valait peut-être pas tant la peine que ça & elle s'était comme toujours étalée devant son père plutôt que de se dire que le conflit entre Austin & elle était mineur & qu'ils le régleraient vite, reprenant leur quotidien qui ressemblait de près au paradis selon Kiara. Elle avait eu tort, elle était revenue sur ses pas... Pour retrouver Austin dépendant de drogues, séparé de sa fille, amaigri & violent. Welcome home, sweetheart.

Et pourtant, Salem n'abandonnait pas : il était clair qu'Austin ne voulait pas la savoir chez lui, et qu'il ne voulait surtout pas de son aide, mais elle continuait d'enchaîner. Si ce n'était pas en jetant des cachets dans les toilettes, ce serait par les mots... Qui n'eurent encore une fois pas l'effet escompté. « Ouais justement, t'étais pas là ! » lui répondit Austin en lui crachant ses paroles, son regard transperçant littéralement la jeune femme. « Tu connais quoi de ma vie, de ce que j'ai traversé ? Tu connais seulement ce que j'ai bien voulu te raconter, mais ce que j'ai pu ressentir durant cette période, t'en sais rien ! T'as jamais vécu ça, tu sais pas ce que c'est ! » Kiara ne savait plus vraiment pourquoi elle avait le coeur serré, si c'était à cause de l'apparence d'Austin ou pour les paroles qui sortaient de sa bouche. Que pouvait-elle répondre à ça ? Il avait raison, elle ne savait pas ce qu'il pouvait bien ressentir, ce à quoi la sensation de manque ressemblait vraiment, mais ça ne l'empêchait pas d'avoir voulu aider Austin avec les maigres ressources qu'elle possédait - soit, des toilettes.

Finalement, Austin se releva : si Kiara avait pu reculer, elle l'aurait sûrement fait. A la place, elle se contenta de ne pas le lâcher des yeux, ne pouvant s'empêcher de penser au moment où il exploserait de nouveau, espérant qu'il s'en prenne au mobilier plutôt qu'à elle. « Alors ouais, peut-être bien que j'ai arrêté une première fois. Mais ça n'avait rien à voir avec aujourd'hui ! Parce que je me droguais pas pour oublier que j'étais en train de me noyer en pleine dépression pour une fille à l'époque ! » reprit Austin, provoquant un nouveau mal-être chez la jeune femme. Elle n'avait pas besoin d'être une surdouée pour comprendre où il voulait en venir, d'autant plus que son regard était tellement expressif qu'il aurait presque pu se passer de mots.

Avec ces paroles, l'américain l'accablait : il la mettait au centre de sa dépression, au centre de son malheur, mais même si il réussissait parfaitement à rendre Kiara coupable, ça ne l'empêcha pas de s'emporter à son tour - néanmoins, rien de comparable à Austin. « C'est ton excuse ? » demanda-t-elle, osant un ton ironique, en s'écartant légèrement du mur. Elle ne comprenait tout simplement pas qu'Austin ne visualise pas sa façon de voir les choses. « Moi ? » reprit-elle, pesant ses mots avant d'attaquer, toujours sans lâcher du regard le mécanicien. « J'admets que j'ai mes torts, j'aurais pas dû partir, et je suis désolée, mais... » S'approchant encore un peu, la jeune femme secoua doucement la tête et sa voix reprit « Il y a tellement plus que moi dans ta vie ! T'as une famille, un travail qui te passionne, t'as une fille... magnifique et adorable, et je sais que tu l'aimes. Et me dis pas qu'elle est mieux là où elle est, elle le serait si t'étais incapable d'être père, mais tu l'es, je t'ai vu l'être, et t'en es un bon. » Incapable de savoir comment allait réagir Austin face à l'insistance de Salem, la jeune femme s'arrêta d'avancer à quelques pas de lui et lui adressa un regard presque suppliant. Elle devait terminer, avant qu'il ne trouve le temps de lui répondre & de la rejeter une bonne fois pour toutes. « Comme tu dis, je connais pas ce que t'as traversé, & je sais pas ce que tu ressens. Tout ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui ta vie se résume à ce taudis, et à tes pilules. Tu préfères vraiment ça à la vie que t'avais avant, avec Lua, avec moi ? » La jeune femme se mordit la lèvre inférieure, consciente qu'elle allait peut-être trop loin en parlant d'eux. « J'ai compris, rien ne s'arrangera tant que tu l'auras pas décidé. Mais quand ça te prendra, quand tu te lasseras de passer tes journées à demi-conscient sur ton canapé, dans le noir, et que tu te demanderas dans quel foyer dérangé ta fille a atterri... Je suis au Helmsley Park Lane jusqu'à ce que je trouve un nouvel endroit où vivre, chambre 4202. » termina-t-elle. Elle savait qu'il ne servait à rien d'insister, & elle ne tenait pas à être la victime d'un nouveau coup de colère d'Austin. Adressant un dernier regard entendu au jeune homme, Kiara secoua doucement la tête et finit par tourner les talons pour quitter l'appartement.

TO BE

CONTINUED