Neuf jours.
Ca fait un truc pas loin de 216 heures non ? Quelque chose dans ce genre là si on met de côté les heures de rab comprises dans la soirée de son départ et ses quelques heures de vol.
Neuf jours.
Un certain tant en fait, même si tout est relatif et que ne pas voir une de mes étudiantes durant près de 220 heures, une grosse semaine, ne devrait pas me mettre dans un état de manque particulier : cet état est bel et bien là.
Neuf jours, et je bade déjà du contentement que je ressens. Ne puis-je pas être un professeur comme les autres ? Un homme comme les autres également ! J’ai toujours l’impression que j’en demande beaucoup ;
Neuf jours d’une séparation sur le point de prendre fin.

Me voici à l’aéroport. Même pas en retard. Il y avait de la place, je me suis donc garé sans problème et miracle j’ai trouvé la porte de sortie d’Elizabeth. C’est par là qu’elle doit arriver, j’ai vérifié déjà dix fois les infos qui passent sur leurs écrans dernier cri : je n’ai plus qu’à attendre.
Après cette dizaine de jours, je devrais pouvoir patienter quelques minutes.
…mais qu’est ce qu’ils foutent ? L’atterrissage était prévu à 19h05 et il est bientôt la demi que ; ah non, voilà quelques personnes qui retrouvent leurs enfants apparemment. Je souris et me déplace de quelques pas, prenant finalement appui contre un mur.
Je doute que ma chère miss Wellington soit du genre à arriver en courant !
Bingo ; elle me passe presque devant et je me racle la gorge afin d’attirer son attention.

« Je peux vous conduire quelque part belle demoiselle ? »

- Oh.... tu es là.

Me dit-elle avec un sourire qui éclaire subtilement son visage. La jeune femme m’apparait plus en forme que le soir de son départ précipité. Remarque, une semaine de voyage a toujours tendance à fatiguer mais il y a moins de frustration au fond de ses yeux, je crois.

« Oui j’ai hésité un instant à m’assoir tout devant la porte avec une énorme pancarte à ton nom en vêtements fluo mais…Je me suis ravisé. Ça a été ? Donne moi ton sac, je n’suis pas garé loin de l’entrée…»

Oui je dois bien l’avouer : ça fait plaisir de la retrouver. De savoir que nous allons reprendre notre rythme de travail en nous retrouvant dans un coin de la fac, de la bibliothèque ou dans un café pour parler physique, que nous allons peut être nous permettre d’autres sorties moins scolaires et…et c’est tout ce que je me permets d’imaginer.
Inutile de me prendre la tête avec un problème qui perdurera vraisemblablement jusqu’à la fin de mon existence ! – les femmes, pour ceux qui ont besoin d’un rappel.

Nous approchons doucement mais surement de la voiture et je pose mon regard sur elle dès que possible attendant une réponse. Est-ce qu’elle va bien ? Est-ce qu’elle est d’humeur à me parler ? Et puis ou veut-elle aller ça me parait primordial…

Quel est notre sujet de conversation pendant plus d’une heure de route ? Je vous le donne en mille : la physique mes amis ! Et ça n’est – visiblement – pas pour nous déplaire. J’aime ça, je ne l’enseignerais pas à des jeunes adultes autrement, et ma chère étudiante est l’une des plus brillantes et passionnées élèves que je n’ai jamais vue.
Du coup, le temps passe vite – malgré les abrutis qui pensent avoir mérités leur permis de conduire – et nous nous retrouvons devant l’immeuble ou Elizabeth vit.

« Euh …je ; ça ne dérange pas ? »

La question c’est un peu pour la forme. Paraitre poli tout ça…Si elle me demande j’imagine que ça n’est pas si dérangeant que ça ! A moins qu’elle aussi ne se fasse polie pour la forme et la autant vous dire que je suis perdu.
Ne cherchons pas le compliqué ! Que dit-elle ? :

- Non, pas du tout.

Bah ; il n’y a pas plus clair je crois. Et si au fond elle aurait préféré me voir partir tant pis pour elle, il fallait se montrer plus autoritaire, plus explicite
Je lui souris largement et me détache en guise d’acceptation. Enfin j’essaye, parce que la ceinture côté chauffeur est capricieuse depuis un moment et je dois m’y prendre à trois fois pour me libérer !
Génial, plein de classe Thomas, impressionnant.

Nous arrivons finalement devant son appartement et – puisque j’ai insisté pour porter son sac – je le pose dans le couloir pour me soulager le bras le temps de la laisser ouvrir la porte.
Je me surprends à sourire bêtement pendant ce temps, et je me ressaisis quand nous entrons.

« En fait il est plutôt l’heure d’un truc, euh, nourrissant là non ? Tu as mangé dans l’avion ? »

- Ils servaient une petite collation... Tu as faim ?

Je hausse les épaules feignant le peu d’importance de mes envies culinaires. Si elle a mangé il est inutile qu’elle s’embête juste pour moi ! Je ne risque pas de mourir de faim je pense ; heureusement !

« Pas forcément. »

C’est convaincant ? Je crois. On verra bien.
Je réalise que le minuscule appartement est exactement dans le même état que quand je l’ai quitté la dernière fois. Pas très étonnant, j’aurai pu m’en douter, puisqu’Elizabeth a du partir au dernier moment et en vitesse rejoindre ses parents ;
Il y a bien des interrogations qui me sont venues depuis, qui ont évoluées depuis notre coup de fil, mais je les ignore et me contente de déposer ses affaires dans un coin ou il y a un peu de place…

Je n’ai pas su cacher que j’avais fait. Ca n’étonne personne j’imagine, je ne suis pas un ventre sur pattes et pourtant j’inspire souvent cette ridicule comparaison. Je suis simplement un type gourmand…Si j’étais vraiment goinfre ça se verrait non ? Je crois pouvoir me vanter d’arborer une silhouette acceptable ; au moins !
Enfin, je reste rassuré de voir qu’Elizabeth m’accorde deux minutes pour préparer de quoi remplir mon estomac. Si elle commence à séduire mon côté mangeur, elle prend sans aucun doute le bon départ

J’en arrive à me faire sourire tout seul alors qu’elle apporte sur la table basse devant laquelle je suis installé cette assiette parfumée. Des nouilles, rien de mieux pour combler une faim qui dure depuis ce matin. Mes cours étant extrêmement mal organisés dans l’emploi du temps quotidien, je me vois parfois dans l’obligation d’enseigner de 10 heures à 17 heures sans pauses et à part vider deux bouteilles d’eau ; je n’ai rien avalé.

Je la remercie et me permet une petite touche d’humour pour repousser ses excuses et sa modestie. Elle n’a pas à se faire pardonner alors que je lui impose un quart d’heure repas qu’elle n’aurait pas forcément suivi si je ne m’étais pas manifesté ;
Je m’empare de la fourchette naïvement sans m’attendre au geste qu’elle exécute, à ce baiser qu’elle dépose au coin de mes lèvres.
C’est doux, agréable, chaud, espéré…mais tellement étrange. Que dois-je faire ?
Je me contente de placer mon visage face au sien pour lui offrir un sourire reconnaissant – de plusieurs choses – avant de me concentrer sur mon assiette. Fuir a toujours été plus simple pour moi ;
Pour le moment je repousse. Simplement.

« C’est parfait. »

Dis-je alors que j’essaye de prendre mon temps pour manger. Inutile de paraitre affamé ce serait ridicule hein !
Je rempli la fourchette et la lui tend doucement en insistant avec un hochement de tête.

« Je connais une jolie brune qui veut manger, j’en suis sûr. »

Je réponds à son sourire et la laisse avaler la bouchée, réitérant le geste une seconde fois. N’a-t-elle pas dit qu’elle piquerait dans mon assiette ? J’ai donc cru comprendre que la jeune femme n’était pas contre l’idée d’avaler quelque chose et je refuse de la priver. Gourmand oui, mais ça ne m’empêche pas d’être un brin généreux
Mais lors de la fourchette suivante;

- Non, mange toi, j'ai vraiment pas faim.

J'acquiesce sans insister. Je ne vais pas la forcer hein, c'est une grande fille! J'espère simplement qu'elle ne se prive pas et qu'elle ne manque de rien.

« J’suis content de te voir…Il n’y avait plus personne à réveiller en cours. »

J’essaye toujours de me rattraper vous voyez. La fin de ma phrase n’annule en rien son début, je suis sincèrement content de la retrouver. Seulement la petite touche d’humour est là pour tempérer mes propos ; m’empêcher d’avoir l’air, romantique ?
Je poursuis sur son ton là avant qu’elle ne puisse prendre la parole, pas pour la fuir mais bien pour essayer d’instaurer une ambiance détendue, amicale ? Si je commence à être sérieux, je n’aurais pas besoin de repousser les choses c’est elle qui va fuir !

« Enfin pour tout dire il n’y a plus grand monde en cours. Les révisions sont leur prétexte ! »

J’ai déjà dit que j’aimais installer une certaine ambiance, une atmosphère détendue et joviale pour l’assemblée présente – en l’occurrence Elizabeth seule – afin que personne ne subisse la moindre gêne ?
En général je sais faire. J’ai de l’humour, je sais pour autant rester discret ou peser mes propos en fonction des réactions des autres et s’il faut encourager certains à parler pour ne pas monopoliser l’attention je crois aussi savoir faire mais…ça n’a pas l’air de fonctionner.
Sans doute parce que je ne suis pas totalement à mon aise, dans un premier temps, et puis Elizabeth ne va pas si bien que cela et je m’en rends à peine compte au moment ou elle se méprend sur mes remarques ;
Je plaisantais…Ca ne se voyait pas ? Je sais pourtant que j’affiche toujours le même sourire espiègle et taquin dans ces moments là !
Je la laisse me chercher un peu d’eau espérant qu’elle est simplement fatiguée.

« Eh Elizabeth ! »

Je me lève brusquement ; réveillé par le bruit d’éclat du verre sur le sol. Je ne l’ai pas vu faire, j’ai sursauté. Je laisse l’assiette et les couverts sur la table et fais en vitesse les deux pas qui me séparent du coin cuisine pour enfin admirer les dégâts…
Oh, ce n’est qu’une carafe brisée ; mais pourquoi pleure-t-elle ?
Je déteste la voir ainsi et culpabilise déjà de la preuve de maladresse que je vais faire par la suite. Je suis toujours maladroit quand les évènements me dépassent.

« Tu…Ne restes pas là tu vas te couper ; viens là. »

Je lui tends la main, mais avant d’attendre qu’elle ne veuille bien se bouger je prends la main de mon étudiante dans la mienne et l’attire à moi, veillant à ce qu’elle ne se blesse pas. Je dégage un morceau de verre du bout de la chaussure pour ce faire.

- Désolée...

Me dit-elle en s’essuyant les yeux humides. Je me mords la lèvre et ose refermer mes bras autour d’elle doucement. Qu’elle se calme, quel que soit le souci, je veux qu’Elizabeth se détende…Je peux en revanche comprendre une envie de pleurer et je ne l’empêcherais pas de le faire.
Mon index glisse contre sa joue et je nous fais reculer pour nous éloigner des bouts de verre qui trainent sur le sol ;
J’ai simplement oublié que l’endroit était minuscule et mon dos rencontre vite le mur. Je prends alors appui dessus et esquisse un maladroit – comme prévu – sourire.

« Tu vas aller te mettre sur ton lit, je vais nettoyer d’accord ?...C’n’est pas une vraie question, je veux que tu me laisses faire, s’il te plait. J’arrive, vas t’assoir. »

Je la laisse rejoindre le lit et je ne me mets pas au boulot avant de l’avoir vue s’assoir. Bon sang, qu’est ce qu’elle a d’un coup ? J’imagine qu’elle encaisse courageusement ses ennuis liés à Chicago depuis l’aéroport et qu’elle ne peut contenir ses sentiments plus longtemps ?
Mais quels sont-ils…elle parait triste. La demoiselle Wellington ; je n’aime pas ça. Pas du tout…

Je m’applique et n’oublie aucun morceau coupant de la mosaïque dessinée au hasard sur le sol en utilisant une éponge et un torchon. Lorsque j’ai terminé – en moins de trois minutes – je retire l’un des bouts de verre de mon doigt et reviens vers Elizabeth en ouvrant ma chemise après ce petit coup de chaud ;
Bah, je m’inquiète je le rappelle. Et puis ça va j’ai de quoi être couvert dessous ! Tss.

« …Tu as besoin d’être seule ? Je reste joignable n’importe ou, n’importe quand si besoin…dis moi ce que je peux faire. »

Bouleversée, blessée, angoissée ou je ne sais exactement quoi, Elizabeth est bien mal et partir ne me tente en rien. Cependant je suis tellement renfermé et habitué à m’isoler, que j’ai pensé qu’il valait mieux la laisser tranquille…D’autant plus que la demoiselle n’est pas bien plus ouverte que moi. Je crois.
Je ne prétends pas la connaitre je sous entends simplement que…Depuis quelques semaines nous nous voyons souvent et je prends plaisir à la découvrir.
Ahem.

Je ne pars pas. Je reste près d’elle. Parce qu’elle me l’a demandé, parce que j’en suis flatté, parce que me rendre utile auprès d’elle est on ne peut plus plaisant.
Pourquoi cette peine dans son regard ? Que puis-je faire pour apaiser ses maux ? Maux dont je ne sais rien, rien du tout. Mais je les déteste, ces maux. Croyez-moi, je les déteste de tout mon cœur ;
On n’a pas idée de mettre une si gentille demoiselle dans un état pareil, c’est, révoltant !
Calme Thomas ; calme.

Alors qu’elle se relève, fragile, Elizabeth vient se blottir contre moi et je laisse mes bras imiter les siens en se plaçant autour d’elle pour la tenir au plus près de mon corps.
Je ne la laisserais pas, pas tant qu’elle ne m’aura pas demandé de quitter les lieux. Et poliment, je veux
Ma main droite remonte docilement le long de son dos jusqu’à ses cheveux que je caresse avec douceur avant de ramener mes doigts à son visage ; glissant un index tendre sur sa joue.

« Tu ne veux pas en parler ? »

- C'est compliqué... je me fais du souci...

Ah. Non je ne vais pas la forcer à me raconter ce qui la rend si malheureuse, abattue. Pourtant, sa phrase bien que floue me laisse penser qu’elle n’est pas entièrement réticente à l’idée de m’en dire davantage. Pas pour répondre à ma curiosité ! Mais bien pour apaiser un temps soit peu son esprit ;
Parler ça fait du bien. Il parait. Et j’ai tendance à faire parler ceux à qui je tiens lorsqu’ils souffrent…paradoxalement vous pouvez y mettre toute votre volonté je n’ouvrirais pas la bouche à moins d’être mourant !

Je me concentre sur la miss Wellington et j’acquiesce en me détachant légèrement. Bien, installons-nous confortablement pour commencer. Rien ne presse – pas dans l’immédiat quoi – rien ne nous attend ni ne nous conditionne ;
Prenons le temps.
Je déplace légèrement la petite table pour lui laisser accès au lit et je m’assois à ses côtés en la reprenant bien vite contre moi ;

« Pourquoi tu te fais du souci ?...Enfin ; pour qui ? L’opération de ton père ne s’est pas bien passée ?... »

Non vraiment la question est bonne : quelles retrouvailles est ce que j’espérais ?
Voilà dix jours qu’Elizabeth a quitté la grosse pomme en catastrophe sans que je ne sache les raisons avec la seule angoisse comme partenaire. Le coup de fil a heureusement permis de me rassurer : elle allait bien. A peu près, et j’ai pu comprendre pourquoi elle a du si précipitamment mettre sa vie new-yorkaise sur pause et se rendre aussi loin ;
Je suis embêté pour elle ; je ne sais pas trop quoi dire ni ou me mettre. Il faut dire qu’elle est en larmes alors que son père a subit une opération qui – apparemment – a réussi.
En même temps…si on se base si ma vision de la chose.

Les parents, un fléau non ? Un poids, un souci, un boulet solidement accroché à votre cheville qui vous attire vers le bas comme s’ils ne voulaient pas que vous risquiez d’avoir meilleure vie qu’eux…
Mon image de la famille est sombre et exagérée ? C’est fort possible ;
Je tente de poser un regard compatissant sur la jeune étudiante bien que je ne comprenne pas nécessairement cette tristesse qui semble venir de ses parents.
Après tout, elle les aime surement très fort malgré ce statut.

Alors que je considère n’avoir aucune arme pour lutter contre sa peine, aucun argument sincère pour lui servir de vrai soutien ni même assez de courage pour lui redonner le sourire, ses bras viennent se nouer autour de mon cou et nos lèvres se rapprochent avec une timidité propre au couple maladroit ; voyez le genre.
Je ne laisse pas s’écouler très longtemps avant de répondre à son étreinte et joindre mes mains dans le bas de son dos pour inciter nos lèvres à se rapprocher un peu plus et enfin se frôler, se toucher, se gouter, se retrouver.
Le baiser langoureux est bien entendu délicieux et je l’aide à venir s’installer sur moi comme je peux en laissant une main s’aventurer sur le haut de sa cuisse.

Est-ce qu’elle m’a manqué, la demoiselle Wellington ? Je ne vois pas bien l’intérêt de faire durer le moindre suspens, je crois qu’en effet elle m’a manqué. Je suis heureux de la revoir et je comprends alors à quel genre de retrouvailles je m’attendais : j’aurais simplement voulu qu’elle ne soit pas triste.

Je n’ai pas pleuré son départ et je n’attends rien de son retour mais les habituelles heures passées à ses côtés à la bibliothèque je les ai passé vautré sur mon canapé, solitaire dans un coin d’un des parcs ou dans le bureau de la faculté ; ma passion pour déchiffrer son visage s’est vue remplacée par plus de temps dans les salles de sport, les dojos ; et si j’ai croisé quelques connaissances très agréables je crois n’avoir pas ressenti depuis dix jours ce que je ressens quand c’est Elizabeth qui me regarde.

Je laisse nos langues s’offrir un sulfureux ballet alors que mes mains parcourent les courbes séduisantes de son corps sans oser frôler le grain de peau autre que ses mains, ses bras ou ses douces joues.
Qu’est ce que je fais là ? Est-ce que je profite de son état de faiblesse ?...Je pense simplement que nous en avons envie mais, je mets doucement fin au baiser, mes caresses quand à elles s’efforcent à rester discrètes bien que mes mains rêvent de lui retirer ses vêtements.

« Elizabeth je… » Je je je, je bafouille. Voilà tout ce que j’arrive à faire. Mes doigts trouvent une faille dans sa tenue et glissent contre le bas de son dos, remontant sur ses côtes nues et je reviens à ses lèvres avec appétit, nous entrainant un peu plus vers le lit. Il n’y a qu’une vérité plausible : « …ces retrouvailles sont parfaites. »

Pas de doute, ces retrouvailles sont parfaites
Ah ne me prenez pas pour un type à l’humour gras. Ce n’était qu’une petite pointe de plaisanterie, pas totalement fausse. C’est réellement parfait de retrouver Elizabeth. Voilà une demoiselle qui me comprend lorsque je parle de physique et qui ne s’arrête pas là, puisqu’elle semble apprécier au moins autant que moi cette matière scientifique. Le petit plus, cerise sur le gâteau, elle est surdouée. Avouons-le.
Quand alors une étreinte si sulfureuse, exaltante et terriblement tendre nous permet de nous retrouver correctement, je ne peux faire autrement que de sourire bêtement. Satisfait. Comblé.

Pas bien le temps de me remettre de mes émotions pourtant, la demoiselle brise le silence alors que je l’observe s’amuser contre ma peau et je lui réponds avec…perplexité. A quoi riment ces questions ? Dois-je comprendre que la jeune Wellington prévoit de planifier un départ ? Organise déjà une vie loin de NY ? Est-ce qu’elle me teste !?!
Je tente de me calmer pour ne pas l’alarmer davantage alors que son visage se déplace au rythme des battements de mon cœur et je reprends de délicates caresses sur le bas de son dos ;
Elle n’a pas l’air trop déçue. Elle se serait levée sinon, j’ai l’impression d’avoir déjà vécu cette scène des dizaines de fois ! Or, la jolie brune reste contre moi à me caresser, puis s’immobilise et je retrouve un discret sourire quand…arg, elle se lève.

« …Tu me quittes déjà ?! » J’essaye de sourire le plus naturellement possible et je me relève une fois mon boxer renfilé. « J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? »

- Je dois partir.

« Mais ! »

Je fronce les sourcils en percutant que la miss met…des couverts en vrac dans son sac et se rapproche de l’évier pour prendre le produit vaisselle. Mon sourire deviendrait presque effrayant et je secoue la tête, hésitant à me mettre une claque.
Mais non je ne dors pas ! Qu’est ce qu’elle fait ?...Il se trouve que si je suis bien éveillé…elle, elle dort ?!

Eh mais, c’est super flippant cette histoire ! Pourquoi elle me fait ça hein ? C’est pour me punir ? C’est parce que j’ai mal répondu à ses questions tests quand au potentiel bon petit ami que je peux être ? Elle veut faire de moi le père de famille de rêve ?! Je suis son prince charmant mais je viens de briser ses mielleux rêves et…STOP.
Arrête la parano, et bouge.

« …Elizabeth…tu, attention, viens là, j’ai peur que tu te fasses mal… » Je m’approche d’elle avec plus de tendresse encore que pendant nos ébats et je pose une main sur chaque épaule. « Je suis là calme toi…viens, allons nous coucher tu as besoin de sommeil. »

La pauvre demoiselle, voilà qu’elle est somnambule ! Non mais, n’importe quoi ! Le somnambule ce n’est pas censé être le copain de la voisine de l’amante du demi-frère ? Genre la personne dont on entend tous parler mais qu’au fond, on ne rencontre jamais ?
Eh bien moi je l’ai trouvée, ma somnambule, elle s’appelle Elizabeth Wellington et m’a fait une sacrée frousse, je suis forcé de l’admettre.
Elle se réveille devant l’évier et je resserre l’étreinte de mes doigts sur ses fines épaules nues afin d’éviter l’accident ; manquerait plus qu’à cause de moi, elle se blesse.

Alors qu’elle me propose une cigarette au moment ou nous allions nous replacer sur le lit, je fais une tentative d’humour…on ne peut plus ratée. Faut dire qu’elle était mauvaise, et ça n’était pas drôle. Du tout. De plus, il est évident que la jeune femme est toujours aussi bouleversée par ce qu’elle a traversé ces dix jours passés loin d’ici…
Hum, notre étreinte délicieuse n’aura pas suffit à lui rendre le sourire et je viens me placer près d’elle, clope au bec, pour la regarder attentivement quand elle reprend la parole. Ma main vient danser dans son dos mais s’arrête assez vite, comme si l’attention dont je fais preuve méritait toute ma concentration.

« …tu redoutes qu’il arrive quelque chose d’autre à ton père ?... »

- À lui ou à ma mère. J'arrête pas de me demander si ça avait été plus grave, est-ce qu'on m'aurait prévenue plus tôt ou est-ce que j'aurais dû attendre de recevoir leur putain de lettre ! Je suis responsable d'eux.

Me dit-elle en acquiesçant. Je vois.
Ça parait évident maintenant qu’elle m’éclaire quand à la responsabilité qu’elle détient. Seraient-ils…sous tutelle ou curatelle ? La jolie brune est légalement responsable, visiblement. Ou alors je me vautre totalement et elle a dit ça pour me donner les grosses lignes ; auquel cas je suis un vrai boulet. Mais non. Je me souviens de la lettre, je sais ou se trouve la photographie avec ce couple que doivent être ses parents.
Je caresse à nouveau son dos en grimaçant ; compatissant.

« Et…Est-ce que tu as signalé ça à l’établissement qui t’a écrit ? Pour qu’ils ne commettent plus la même erreur ? Ne t’inquiètes pas je pense qu’ils ne peuvent se permettre de taire un problème…en attendant tu peux tenter d’appeler très souvent… »

Supers méthodes Thomas. Clap clap.
Inspirant un grand coup je retire la cigarette d’entre mes lèvres et tourne le visage pour expirer la fumée, avant de poser un regard quasi incompris, perdu, sur mon étudiante ;
N’y avait-il pas de faculté plus proche ? Depuis quand est elle si loin de ses parents dont elle est responsable ? Puis-je l’aider ?...

Je fais face à l’étrange vide que je ne connais trop bien lorsque j’essaye d’envisager, d’imaginer ou de me souvenir d’un quelconque attachement à des parents. Mon père, du moins. Sachant que je n’ai jamais eu de mère.
C'est frustrant, blessant et à la fois distant. Je m'en fous, autant que j'en souffre et en ce moment aux côtés de la jeune femme je suis impuissant.
Pourtant je fais mine d’être présent et je ne la quitte pas des yeux. S’il faut qu’elle parle, je suis là. Qu’elle n’hésite pas. Malgré l’inutilité la plus parfaite de mes remarques, j’ose espérer que se vider lui permettra de respirer…