Alaska pestait. Pourquoi avait-elle fait la connerie de prendre le métro alors que c'était l'heure de pointe ? Bonne question. Elle était retournée chez elle pour manger le midi et devait retourner presto à la salle de danse, avant ses danseurs de préférence. Elle avait encore beaucoup à préparer pour le spectacle qui devait bientôt être ouvert au public. D'ailleurs, elle apercevait dans toutes les rues de New-York des affiches qui présentait le spectacle nommé "Who's the devil ?". Voir son nom ainsi inscrit sur l'affiche, la rendait nerveuse mais fière en même temps. Elle savait qu'elle devait mettre ses tripes sur la scène et que les journalistes avaient le choix entre les lui rendre avec des fleurs ou les déchiqueter. Alaska ne savait d'ailleurs pas ce qu'elle ferait si son spectacle n'était pas apprécié. Elle hésitait entre partir aux Caraïbes (mais avec quel argent ?) et sombrer de nouveau avec son meilleur ami, l'alcool. Autant dire que sa vie se jouait ces jours-ci et que personne ne lui ferait de cadeaux. Elle était donc particulièrement stressée et sujette à de nombreux accès de colère. Il ne lui fallait qu'un rien pour qu'elle parte au quart de tour et ajoutez à cela son caractère impétueux et lunatique habituel...

Alaska, qui attendait sur le quai, monta dans la première rame qu'elle vit tout en vérifiant le niveau de batterie de son i-pod. Elle l'alluma et mit ses écouteurs sur les oreilles, balançant doucement la tête au rythme de la musique. Elle se cala contre la vitre et commençait presque à se détendre lorsqu'une foule de personne s'engouffra et la poussa encore contre la vitre. Ses écouteurs étaient presque sur le point de tomber lorsqu'elle sentit que son espace vital se rétrécissait de plus en plus. La jeune femme se retourna alors, histoire de voir qui matait ses fesses. Il existait tellement de malades dans les grandes villes qui faisaient semblant que le monde l'obligeait à la peloter qu'elle préférait être rassurée tout de suite. Malheureusement, elle ne le fut pas. Elle reconnut tout de suite celui qui était à quelques centimètres d'elle, Danjel. Malgré leur rupture et la rage qui l'habitait encore, elle fut frappée par sa beauté. Elle avait vraisemblablement oublié à quel point il était sexy et pourquoi elle avait réussi à craquer pour lui mais tout cela lui revenait en pleine figure. Malheureusement, il ouvrit la bouche et l'exaspéra en moins d'une seconde. « J’aurai dû reconnaitre tes fesses, quel idiot ! » Alaska retira ses écouteurs pour pouvoir mieux lui fermer le caquet. « Ca me m'étonne pas que tu n'ai pas reconnu mes fesses. Tu as dû tellement en malaxer. » Son ton se faisait alors incisif. Pourquoi avait-il la bonne idée de prendre le métro ? Pourquoi était-il d'ailleurs à New-York ? Elle avait décidé de prendre sa vie en main en venant ici, pas de la faire foirer. Il était vraiment trop proche d'elle et elle pouvait sentir son souffle sur sa peau. Elle réfrénait une envie à la fois de le frapper et de l'embrasser assez importante. Toutefois, elle demanda sans grande conviction car la rame était bondée « Tu peux reculer là ? »

Pourquoi devait-elle le croiser dans le métro, précisément en cette journée si importante et si énervante ? Elle ne pensait absolument plus à lui et voilà que le croiser remettait en mémoire tout ce qu'ils avaient vécu ensemble, les bons comme les mauvais moments, leurs engueulades comme leurs retrouvailles. A ce souvenir, elle ferma les yeux. Il ne fallait pas qu'elle pense à ça ou elle replongerait très facilement. « On a le temps de faire la liste peut être, tu descends où ? » Sa voix la fit sortir de sa torpeur et elle rouvrit les yeux pour les planter dans ceux de Danjel. Il était sérieux là ? Elle le lui fit d'ailleurs savoir en retransmettant parfaitement ce qu'elle pensait. Il y avait beaucoup de situations où ses pensées étaient également ce qu'elle disait et ça pouvait poser de nombreux problèmes. « T'es sérieux ? » Il pensait qu'ils pouvaient remettre ça comme ça ? En se retrouvant là, dans cette rame de métro ?

Puis, Alaska demanda s'il pouvait se reculer, sans grande conviction. « Comme tu vois, non ! » Elle jeta un regard derrière lui et vit qu'il y mettait du sien, qu'il n'avait vraiment pas de place même si, elle en était sûre, il était ravi d'être aussi proche d'elle. « A une époque ça te dérangeait pas trop ce genre de contact. » Elle leva son regard et croisa celui de Danjel, incroyablement provocateur et sexy. Elle devait avouer qu'il n'avait pas tord, l'été dernier, elle aurait presque tout donné pour être dans ce genre de situation. Afin de réfréner tous les souvenirs qui l'assaillaient, la jeune américaine se mordit la lèvre inférieure mais ne répondit rien. Elle voulait une nouvelle vie et ça n'allait pas être lui qui la perturberait. « Maintenant qu’on en a pour un bout de temps dans cette position, autant passer le temps agréablement… » Un léger sourire s'installa sur la bouche d'Alaska. Cette proposition, bien qu'elle soit vraiment tentante, devait être refusée par la jeune femme. Elle s'approcha doucement de lui et lui murmura dans l'oreille, malicieuse « Je suis sûre que la mamie là-bas serait ravie d'être aussi proche que moi de toi. ». Puis elle s'éloigna de lui, sourire en coin. « Tu fais quoi à New York en ce moment ? » Elle souleva un sourcil, il ne sortait jamais dans la rue ou quoi ? Il ne voyait toutes les affiches "Who's the devil" ? « Tu sors pas ou quoi ? Genre des affiches placardées partout ? Ca te dit rien ? » Puis le métro s'arrêta une fois de plus. Elle n'avait jamais remarqué qu'il s'arrêtait aussi souvent par ailleurs... La secousse poussa Alaska contre le jeune homme et elle prit quelques secondes avant de se détacher de lui, aimant particulièrement toucher de nouveau le torse très bien dessiné de Danjel, presque à regret.

Danjel prenait sans doute un malin plaisir à la mettre dans tous ses états et Alaska n'y pouvait rien. Elle avait un caractère particulièrement lunatique et démarrait au quart de tour dès qu'on la poussait un petit peu. Surtout qu'elle savait qu'elle pouvait se lâcher avec le jeune homme tant il était habitué. En effet, l'été dernier avait été le théâtre de leurs engueulades et leurs retrouvailles passionnées et Danjel avait eu le temps de s'habituer -ou non- au caractère particulier de la jeune américaine. « Détend toi, je plaisante ! Où est passé ton humour ma chérie ? » Pour toute réponse, elle lui adressa un regard noir. Question purement rhétorique dont elle n'avait nullement envie de répondre inutilement si c'était pour encore se prendre la tête.

Puis Alaska lui proposa de passer son trajet en métro en compagnie de la grand-mère, qui allait sans doute être ravie d'être si proche d'un si beau (et si chiant) jeune homme. Danjel se retourna pour voir de qui elle parlait avant de finalement s'exclamer en souriant « Peut être, mais perso je préfère cette situation là. Disons que tu as des atouts qu’elle n’a pas. Simple loi de la nature ! » Alaska, surprise, sentit ses joues se rosirent et elle répliqua, sans réfléchir, parce qu'il fallait bien répondre quelque chose ou sinon il allait gagner et avoir le dernier mot, sourire en coin « Peut-être bien mais ne t'attends pas à les voir de plus près, mes atouts... » Puis elle lui demanda s'il sortait un peu, pour ne pas voir toutes les affiches de son spectacle dans tout New-York. « Ca fait pas longtemps que j’suis à New York, si tu savais le nombre d’affiche et de publicité numérique que j’ai vu depuis que je suis arrivé ! Explique moi, ça m’intéresse… surtout si on est amené à se croiser à chaque fois comme ça. » Elle souleva un sourcil. Ca l'intéressait ? Qu'il ne fasse pas semblant, elle savait à quoi s'attendre avec lui, il ne s'intéressait sans doute pas à ce qu'elle faisait, pensait ou vivait. Alaska s'était d'ailleurs persuadée que tous les hommes avec qui elle avait vécu quelque chose étaient avec elle pour de mauvaises raisons et Danjel faisait parti de sa liste noire. « Ne fais pas semblant de t'intéresser, sérieusement... »

Finalement, une secousse du métro la poussa contre le jeune brésilien et il la plaqua contre la vitre, pour l'éloigner. « Ca va vraiment pas être facile ce trajet je sens… » Un sourire fleurit sur sa bouche et finit par se tordre en un particulièrement malicieux. « Pour reprendre tes mots, ça ne te dérangeait pas ce genre de contact avant... » « Puisque t’as l’air de t’y intéresser, je suis à New York surement définitivement ! J’ai rejoins un ami d’enfance ici et j’me suis inscris à la fac. » Surprise, Alaska resta un peu interloquée. « Tu t'inscris à la fac ? Tu sais ce que ça veut dire travailler ? Ou tu veux peut-être que je t'explique... » demanda-t-elle, malicieuse et ironique.

Le moins que l’on puisse dire c’est qu’Alaska n’avait rien perdu de sa virulence dans ses répliques. Du tac au tac, elle me répondait, cachant tout signe de déstabilisation. Si je n’étais pas sorti avec elle pour le savoir, je penserais même que je ne lui faisais plus aucun effet. Seul son regard la trahissait. A sa remarque tranchante sur le fait que je ne reverrais pas de si tôt les beaux atouts de la brunette, je me mis à sourire. Elle avait peut être raison. Moi je pensais qu’elle avait tord.

Bizarrement, elle ne me prenait pas au sérieux. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Qui aurait éternellement confiance en moi, en ce que je pensais ou voulait ? Mis à part Ronan, personne. « Pardon ? C’était une question sincère pourtant, mais tu me connais assez pour savoir que je pose pas deux fois les questions. » Oui j’avais mon caractère. De cochon, de gamin, mystérieux ou autre peu importe. Je plaisais ou j’agaçais, mais je ne changeais pas. Ca m'avait apporté de nombreux ennemis mais au moins ça avait fait le tri dans mes vrais amis. J’avais laissé un blanc après ma réponse, peut être se lancerai-t-elle pour une dernière tentative d’explication. Puis une fois collé de nouveau contre elle à cause de la secousse, mon regard se posa immédiatement sur ses lèvres et son sourire malicieux. Un rien moqueur. « C’est toi que ça a l’air de gêner le plus Al’ »

« Mmh non non, me regarde pas comme ça ! Comme si j’étais un abrutit de première. J’ai fais mes preuves apparemment. Si je fais des études c’est uniquement parce que j’ai un but bien précis, donc oui je sais ce que c’est le travail, mais puisque t’as l’air de t’en inquiéter, je suis pas contre quelques cours en particulier ! » Soutenir le regard était la meilleure attaque dans ce genre de situation. Jusqu’à ce que la voix nasillarde du haut parleur annonça mon arrêt. Je regardai derrière moi pour m’en assurer. « Ne me dis pas que nos chemins s’arrêtent ici ? Après tout ce temps, on mérite de meilleures retrouvailles non ? Tu me suis ? »

« Pardon ? C’était une question sincère pourtant, mais tu me connais assez pour savoir que je pose pas deux fois les questions. » Surprise, Alaska leva son regard pour croiser celui de Danjel. Une question sincère ? Il voulait vraiment savoir ce qu'elle faisait ici, à New-York ? Ca la perturba un peu. Elle s'était obligée à penser que les hommes qu'elle avait connu ne lui avait fait que tu mal et qu'ils méritaient d'être expulsés de sa vie car il ne la comprenait pas et ne cherchait pas à le faire. Finalement, elle rendit les armes et répondit sans faire de bagues, une fois n'est pas coutume... « Je travaille au New-York City Ballet. J'ai crée un spectacle, la première c'est bientôt... » Son ton se fana et elle se mordit la lèvre inférieure. Devait-elle lui proposer de venir voir le spectacle ? Elle n'avait pas spécialement envie de replonger et surtout si Matthew venait à la première... Enfin, ça c'était encore indécis de ce côté-là et elle ne pouvait pas vraiment dire ce qui se passait réellement dans sa vie amoureuse. Alors, croiser un ex dans une telle situation, ça n'arrangeait rien...

Et puis une secousse les colla. En un instant, elle crut qu'ils étaient au même point qu'auparavant et elle détestait ça. Elle se détestait. « C’est toi que ça a l’air de gêner le plus Al’ » Elle leva les yeux au ciel. Bien sûr que ça la dérangeait et bien sûr que c'était la seule. Si Danjel était toujours le même, il était toujours à la recherche d'une nouvelle conquête alors ce genre de rapprochement, il devait jubiler, c'est sûr. Il devait même avoir prévu dans sa tête les scénarios les plus fous les imaginant eux deux, dans n'importe quel endroit, le plus proche possible, bien entendu.

Finalement, Danjel lui avoua qu'il reprenait les études et Alaska lui demanda s'il savait comment faire pour étudier. Elle ne l'imaginait pas vraiment en train de bachoter... « Mmh non non, me regarde pas comme ça ! Comme si j’étais un abrutit de première. J’ai fais mes preuves apparemment. Si je fais des études c’est uniquement parce que j’ai un but bien précis, donc oui je sais ce que c’est le travail, mais puisque t’as l’air de t’en inquiéter, je suis pas contre quelques cours en particulier ! » Alors qu'Alaska commençait presque à s'adoucir aux premiers moments de sa phrase mais elle eut un petit sourire vers la fin. « Tu ne changeras pas... » s'exclama-t-elle en secouant la tête, ne pouvant s'empêcher de sourire. Le métro annonça un arrêt et Alaska reconnut le sien. Malheureusement, c'était aussi celui de Danjel. « Ne me dis pas que nos chemins s’arrêtent ici ? Après tout ce temps, on mérite de meilleures retrouvailles non ? Tu me suis ? » Alaska lui emboita le pas sans lui répondre, prenant le temps de sortir de la rame. Une fois sur le quai, elle leva l'index droit, se tournant vers Danjel et dit, d'une voix assurée « Juste un café. » Elle se dirigea vers la sortie sans regarder s'il la suivait, mais elle ne doutait pas qu'il le fasse. Ils sortirent de la bouche de métro et se dirigèrent vers le café le plus proche où la jeune américaine s'installa à une table à l'intérieur.

Woah, elle se débrouillait plutôt bien la petite. Monter un spectacle sur New York ça paraissait être un rêve qui s’accomplit. Je lui souris, assez sincèrement pour le coup. Peut être même que j’irais voir ce que ça donne. « Et tu joues dedans ? », surtout si elle joue dedans. J’avais jamais été très branché « art ». Mon enfance me l’avait pas trop permis. Mes parents adoptifs ne m’avaient jamais inculqué ça. Mais j’allais pas lui dire que j’y connaissais rien en spectacle ou quoi.

Il y avait des choses qui ne changeaient pas, d’autres qui ne changeraient probablement jamais. Je n’échappais pas à la règle. J’avais donc plus ou moins fait comprendre à Alaska que ce serait dommage que nos chemins se séparent si rapidement. New York étant une grande ville, c’était peu probable que je la recroise prochainement. Or s’il y avait ne serait-ce qu’une seule chance pour qu’elle accepte une partie de jambe en l’air, c’était maintenant. Plus le temps passerait, plus elle s’en servirait pour réfléchir et se dire que ce n’est pas du tout une bonne idée. Personnellement je ne savais pas si c’en était une bonne idée ou pas. Ce que je savais c’est que j’en avais eu envie à partir du moment où je m’étais retrouvé collé contre elle. Envie tout à fait justifiée du coup !

Je la suivis donc, jusqu’à la petite table qui se trouvait à la terrasse d’un café. Je m’installai et attendit le serveur. « Tu veux boire quoi ? Je t’invite ! ». Biensure j’étais un minimum gentleman, j’avais une éducation derrière mes airs de petit con. Très vite, j’enchainais. « Tu fais quoi ce soir ? Je demande parce que je connais pas encore les endroits sympas pour sortir ici. » Faux. « C’est une grande ville et je m’y perds un peu… enfin c’est si jamais t’as envie de bouger ce soir quoi, tu pourrais me rendre service. »

« Et tu joues dedans ? » Alaska ne put retenir ses yeux qui se levèrent directement au ciel. C'était quoi cette foutue question ? JOUER dedans ? jouer dans un ballet ? Il était sérieux ? Il n'avait donc rien écouté à ses discours passionnés l'été dernier sur la danse ? Sur sa passion ? Celle qui lui tenait tout ? Sa raison de vivre ? C'est pourquoi elle lâcha dans un soupir « T'es sérieux là ? » Suivi d'un regard désespéré. Son cas était vraiment désespéré. « Je DANSE dedans, oui. Je l'ai crée ce spectacle de mes propres mains et je danse en tant que première danseuse. C'est à moi, rien qu'à moi. » déclara-t-elle, un peu possessive. Ce spectacle représentait beaucoup pour elle et elle n'accepterai pas qu'il lui enlève ce plaisir. Tout allait bien se passer, il le fallait. Elle le sentait et faisait tout pour. C'est pourquoi elle était un peu susceptible sur ce point. Il lui en fallait peu pour qu'elle parte d'un seul coup et Danjel pourrait être la perfection absolue pour cela. Pour la mettre en furie.

Finalement, ils descendirent du métro avant de se diriger vers le café le plus proche et de s'y installer à une table. « Tu veux boire quoi ? Je t’invite ! » Alaska souleva un sourcil avant de déclarer d'une voix tranchante « T'as pas besoin. Je ne te donnerai en échange, je préfères prévenir avant. Tu peux oublier ce que tu as en tête. Genre, tout de suite. » Elle savait parfaitement à quoi il pensait et n'avait nullement envie de finir dans une telle situation. En d'autres temps ou circonstances pourquoi pas, mais pas maintenant, pas aujourd'hui. Surtout avec la relation compliquée qu'elle vivait avec Matthew. Il n'y avait pas besoin d'en rajouter. « Tu fais quoi ce soir ? Je demande parce que je connais pas encore les endroits sympas pour sortir ici. C’est une grande ville et je m’y perds un peu… enfin c’est si jamais t’as envie de bouger ce soir quoi, tu pourrais me rendre service. » Cette fois-ci, Alaska éclata complètement de rire tant il semblait peu crédible. « Ce soir, je dors parce que demain je commence très tôt. Et surtout, tu n'es pas du tout crédible. Tu aurais pu arriver hier soir que tu connaitrais déjà tous les endroits sympa de la ville... »