Le samedi soir… Trop de monde, trop de bruits, trop de cons. C’était le pire soir pour Everleigh. Derrière le bar, c’était la course contre la montre. La plupart des clients se disaient pressés, alors qu’en fait la seule chose qu’ils faisaient, c’était attendre la prochaine chanson pour aller bouger leur cul en rythme, du moins pour les plus doués. La piste de danse était bondé, ce qui n’avait rien d’étonnant en fait. Le samedi était peut être une journée maudite pour la jolie blonde, puisque cela signifiait un boulot surhumain, mais pour tous les autres New Yorkais, c’était synonyme de liberté, de beuverie, et de fête interminable !
Un jeune s’approcha alors du bar, il avait une tête de gamin. Matthews lui donnait dix huit ans à tout péter… Le pauvre, il croyait vraiment qu’il allait passer comme ça ?

Le jeune : « une vodka orange stp »
▬ Désolée chéri, t’es trop jeune. Mais tu peux avoir le jus d’orange si tu veux…

Il soupira, insulta, mais resta planté devant la blonde plantureuse. Ever’ arqua un sourcil. S’il croyait qu’elle lui filer, il se plantait. Ouais elle aussi avait bu avant l’âge requis, seulement si elle servait un mineur, elle allait avoir de sérieux problème, et elle ne comptait franchement pas se faire renvoyer.

▬ Bon, je te l’ai dit gentiment… Mais t’aura rien. Donc soit tu dégages vite fait, soit j’appelle le gros monsieur que tu vois à l’entrée pour qu’il te fasse bouger… Parce que tu vois, je ne suis pas franchement sûre que tu sois déjà autorisée à être là !

L’insultant une fois de plus, le jeune sortit de son champ de vision. C’était toujours la même chose… Des jeunes trop jeunes, des vieux pervers posant leur regard sur sa poitrine plus que généreuse, des propositions fortement douteuses, et des cocktails balancés à la gueule des clients lorsque les nerfs lâchaient. Heureusement pour elle, Everleigh était dans les bonnes grâces du patron, mais elle savait aussi qu’elle ne devait pas trop abuser non plus.
Une musique beaucoup plus entrainant que la précédente se fit entendre, ce qui eut pour conséquences de faire déguerpir une bonne partie des personnes étant accoudés sur le comptoir. Prenant alors un torchon, la belle blonde s’empressa de nettoyer, ou du moins d’essayer, le bar… Collant, mouillé… Bref dégueulasse. C’est là qu’elle aperçut un mec assez imposant venir s’asseoir presque face à elle. Elle ne fit pas immédiatement attention, seulement elle sentait son regard perçant sur elle. La barmaid se retourna, et resta figée. Peter Sparks. Son ex, le mec dont elle avait été dingue, le père de sa fille… Il était là, assis dans son lieu de travail. Essayant de reprendre ses esprits, elle s’avança vers lui, le visage impassible. Mais merde ce qu’il était toujours aussi sex’.

▬ Qu’est ce que je te sers ?

Peter paya les doormen qui ne lui faisaient pas confiance et trop rapidement, la musique assourdissante se fit entendre. La petite rouquine lui cria quelque chose, et le tira vers les vestiaires. Peter l'observa enlever sa veste, et il devait admettre qu'elle était vachement bien foutue. Il avait envie de se faire une ligne, là, parcontre. Hazel, ou Hasey, ou il ne savait pas trop le prénom de cette fille, lui attrappa le bras et le tira bien rapidement de ses envies. Il avait donné son sac à la fille, avec ses vêtements à lui, parce qu'évidemment Truc-Machin ne voulait pas d'un type mal habillé pour sa virée en boîte de nuit. Bien habillé, coiffé relativement convenablement, Peter ne savait toujours pas ce qu'il faisait dans cette boîte où les jeunes se trémoussaient non-stop. Il bâilla, avant qu'il ne se dirige finalement vers le dancefloor, tentant de trouver un motif valable pour disparaître de la place. Il ne supportait pas cette ambiance qui conviendrait plutôt à un adolescent branché, et finalement, quand la rouquine sembla trouver plus intéressant, genre un ami quelconque pas trop loin, Peter prétexta être un peu fatigué et se dirigea vers les vestiaires. Il n'en pouvait plus de cette chemise très tight, de ces baskets trop ajustées, et de ces jeans trop neufs. Il attrappa son sac et alla se changer dans les toilettes, vautrant les vêtements chic dans celui-ci, et alors qu'il s'apprêtait à partir, il jeta un regard au bar. Son estomac se noua lorsqu'il aperçu la barmaid. Pas parce qu'elle était superbe, non. Pas seulement pour ça du moins. Il la connaissait, c'était son ex.

Everleigh et lui, c'était une histoire de deux mois qui aurait pu aller beaucoup plus loin que ça. En fait, il avait réellement été amoureux d'elle. C'était seulement une question de confiance entre eux. Peter lui faisait confiance, et il ne demandait que la même chose du côté de la jeune femme. Il ne l'avait jamais trompée, contrairement à ce dont elle l'avait accusé. Il n'en pouvait plus de ces accusations, c'était pourquoi il était parti. Il n'avait jamais été mis au courant de la grossesse d'Everleigh. Elle n'avait jamais tenté de le contacter. Il n'avait jamais eu en tête qu'elle ait pu tomber enceinte, pour tout dire, et même s'il n'était pas toujours réfléchi dans ses actes, il n'aurait jamais cru qu'une telle chose se produirait. Alors, en voyant la jeune femme derrière le comptoir, un élan de nostalgie s'empara de lui. Gardant son sac avec les vêtements qui n'étaient pas à lui à l'intérieur, il se dirigea vers le bar, prenant la place d'un homme qui partait pour s'installer face à elle. Il ne cherchait pas les problèmes, loin de là. Il voulait prendre de ses nouvelles, car, même s'il ne le disait pas, Everleigh avait compté pour beaucoup pour lui. Pour tout dire, il aurait réellement aimé que les choses aillent plus loin. Il la fixait intensément, alors qu'elle ne semblait pas réellement se soucier qu'il soit là, jusqu'à ce que finalement elle lui demande ce qu'il voulait prendre. Il hésita quelques secondes avant de prendre la parole.

« Budweiser, s'il te plaît. Dans la bouteille, Ever. » Il se tut un instant et se mordit la lèvre inférieure, avant d'oser finalement prendre un ton plus intime. « Tu as droit à une pause bientôt? On pourrait parler, non ? »

Il n'y avait pas vraiment de raison à vouloir parler comme ça à son ex, quatre ans plus tard, mais pour Peter, c'était que, de cette façon, il pouvait garder contact, être certain qu'il n'avait pas fait de connerie. Même s'il savait qu'il avait fait une connerie. Everleigh était vraiment une fille super, et il s'en mordait souvent les doigts lorsqu'il subissait un nouvel échec avec une fille. Pour tout dire, il savait qu'il était parti bien trop tôt, pour des raisons beaucoup trop connes, et qu'il aurait dû s'expliquer à la place de lui dire qu'il n'en pouvait plus de sa jalousie stupide, et de sa paranoïa.

« Je veux seulement parler un peu. Voir ce que tu deviens. »

Peter Sparks. Le mec qu’elle avait aimé durant deux mois. Le mec dont elle n’avait pu se passer durant ce même laps de temps. Le mec à qui elle pétait des câbles continuellement à cause de sa jalousie. Elle n’avait pas confiance en la gente masculine, et ses sentiments envers lui l’aveuglait beaucoup trop. Elle avait été impulsive, beaucoup trop. Jalouse et possessive au point que ça en était devenu insupportable pour Peter. Elle s’en était voulu pendant des mois… La venue de sa fille n’avait fait que la plongée dans une dépression sans fin, avant de finalement, sans trop savoir ni comment, ni pourquoi, elle avait remonté la pente, et sa fille y était, là aussi, pour beaucoup. Seulement Peter ne savait rien de tout ça.

Peter : Budweiser, s'il te plaît. Dans la bouteille, Ever.
Il fit une pause, avant de reprendre. Tu as droit à une pause bientôt? On pourrait parler, non ?

La jeune femme avait son regard planté dans le sien. Everleigh n’était pas la femme la plus aimable, la plus sociable et encore moins la plus chaleureuse qu’il était donné de rencontrer. Avec la plupart des gens, c’était sa façon d’être. Elle était simplement naturelle. Mais lorsqu’il s’agissait de personnes qui lui étaient proches ou au moins qui l’avaient été, c’était une toute autre affaire. Elle arborait ce comportement tel une carapace. Peter ne ferait pas exception à la règle.
La jeune Matthews se retourna, attrapant la bouteille de bière qu’il souhaitait. Elle l’ouvrit puis posa la bouteille devant le jeune homme. Sans vraiment le regarder, elle lui précisa la note.

▬ 2$ s’il te plait.

Si elle avait le droit à une pause ? Oui. S’ils pouvaient parler ? Pour dire quoi ? Enfin si, elle avait pas mal de choses à lui dire. Reste à savoir si elle voulait le faire. Peter lui précisa alors qu’il aurait aimé savoir ce qu’elle devenait, comment elle allait…
Alors qu’elle rangeait les verres qu’elle venait de laver, Everligh se retourna brusquement, face à son ex.

▬ Ce que je deviens ?! Bah comme tu le vois je suis barmaid dans cette boite, j’habite toujours sur Park Avenue… Tu voulais savoir autre chose ?

Ne lui laissant pas le temps de répondre, elle s’en alla s’occuper d’un autre client. Lui servant un Sex On The Beach, la phrase qu’elle venait de sortir au jeune homme lui résonnait dans la tête. Elle y avait peut être été fort. Trop fort. Après tout, il ne l’avait pas agressé, il n’avait pas été désagréable et au contraire il s’était même montré intéressé. Demandant son dû au client, elle l’encaissa, et retourna vers Peter. Posant ses mains sur le comptoir, de façon à s’appuyer dessus, elle posa son regard sur celui de son ex, ce qui en soi, était assez perturbant. Pour elle du moins.

▬ Désolée. Ne s’étendant pas plus sur son comportement, après tout, il avait eu l’habitude il y a de cela quelques années, elle continua. Je prends ma pause.
Amber ! Tu prends le relais ! Cria-t-elle à l’adresse de sa collègue.

Everleigh passa de l’autre côté du bar, rejoignant ainsi Peter. C’était étrange de le retrouver après tout ce temps. Pas mal de questions, de regrets et de remords se bousculaient dans sa tête... Et en premier lieu, deux choses principales… La douleur de ne plus être avec, c’est à cet instant même qu’elle se rendit compte, plus que jamais, qu’il avait affreusement manqué, et la deuxième chose était Madison… Son existence. Sa fille.

Elle lui fit la gueule alors qu'il lui demandait simplement de ses nouvelles. Pourtant, Peter ne réagit pas comme une personne normale aurait réagi. Il laissa passer l'orage, comme il avait souvent l'habitude de le faire. Il avait appris avec le temps que laisser les femmes crier, c'était un must pour éviter les crises de nerfs. Et Peter n'avait pas l'intention de voir Everleigh en piquer une dans ce bar, alors il s'était contenté de payer sa consommation, et de boire tranquillement sa bière, observant la jolie blonde avec qui l'histoire n'avait duré que deux mois qui lui paraissaient si lointain. Avec raison, puisque cette histoire remontait à quatre longues années déjà. Quatre ans. Bon sang. Qu'avait-il fait depuis ces quatre années? Il lui semblait qu'il errait depuis longtemps dans une brume épaisse, et que chaque jour ressemblait au jour de la marmotte. Sans rebondissements, sans intérêt, sans aucune action vraiment marquante. Rien pour que tout ça lui semble avoir du sens. Peter était perdu, et ça le consolait en quelque sorte de revoir une silhouette qui n'avait pas vraiment changé, celle d'Everleigh. En l'observant servir les autres clients, cette mine renfrognée à son égart, il n'aurait jamais pu dire ce qui s'était passé après leur rupture. Il n'aurait jamais pu deviner sa grossesse, ou quoique ce soit. Il fallait dire qu'elle était toujours aussi jolie, mais ça, il s'efforcerait de ne pas le dire pour ne pas créer d'histoires. Elle revint finalement vers lui, et contre toute attente, elle décida de prendre une pause.

Depuis longtemps, un sourire honnête comme celui qui s'imprimait sur le visage trop souvent indifférent et renfermé de Peter Sparks ne s'était pas affiché. Lorsqu'Everleigh vint le rejoindre de l'autre côté du comptoir, il ne savait pas trop si c'était le bonheur, ou simplement qu'il était rassuré qu'elle ne le déteste pas pour son attitude d'autrefois qui le faisait sourire. Il se mordit la lèvre avant de prendre une nouvelle gorgée de sa bière, avant de s'essuyer la bouche sur son poignet, et il renifla avant de regarder la jolie blonde à côté de lui. Comment briser le silence. Pouvait-on apparaître après quatre ans et questionner une jeune femme sur sa vie personnelle, lui demander comment va la vie après que tant de choses se soient passées? Il ne connaissait pas les règles avec les exs, particulièrement celles aussi fortes de caractère qu'Everleigh. Elle pourrait trop bien lui casser la tête à la moindre question qui effleurerait un point sensible. Pourtant, il fallait bien qu'il fasse face à la bombe nucléaire qu'était la demoiselle Matthews. Il se râcla la gorge et se gratta la nuque.

« Il se passe quoi depuis le temps? T'as l'air d'avoir la forme en tout cas. Et t'as toujours ce caractère de pitt-bull. » Il lui adressa un sourire moqueur, bon, c'était pas très malin de l'énerver, mais il espérait détendre un peu l'atmosphère, de cette façon. « Mais bon. Un très joli pitt-bull, faut bien l'avouer. Sérieusement, Everleigh, t'es probablement la première personne que ça fait plaisir de croiser ce soir. Tu veux que je te paye un truc? »

Il sortit son porte-feuille, et plongea son regard dans celui de la jeune femme blonde à ses côtés. Il se demandait s'il pourrait terminer la soirée avec elle. Pas forcément au lit, mais il espérait avoir une vraie discussion, lui expliquer pourquoi il était parti, et qu'il n'avait pas voulu agir comme un parfait salaud. Même si bon, dans un sens, c'était comme ça qu'il avait agi. Il frôla sa main sans faire exprès du revers de la main, et attrappa sa bouteille pour en prendre une nouvelle gorgée. Comme si de cette façon-là, il s'évitait à lui-même de dire trop de conneries.

Il la connaissait bien. Trop bien. Alors qu’elle s’énervait de sa venue, il la laissa continué ses conneries. Ne rien dire, ne rien faire, et surtout, ne pas essayer de la calmer… Elle le ferait toute seule. Ou alors ferait tout exploser. Avec son caractère, tout était possible, et surtout, personne n’était pas à l’abri de ses foudres. Encore moins un ex qui avait autant compté pour elle.
Se calmant finalement comme il l’avait sans doute prévu, Everleigh prit sa pause, et rejoignit Peter, de l’autre côté du bar.

Peter : Il se passe quoi depuis le temps? T'as l'air d'avoir la forme en tout cas. Et t'as toujours ce caractère de pitt-bull.

Un sourire amusé se dessina sur les lèvres pulpeuses de la jeune femme, alors que lui, arborait un sourire moqueur. Il aurait pu l’énerver avec sa remarque, mais venant de lui, ça l’amusait.

Peter : Mais bon. Un très joli pitt-bull, faut bien l'avouer. Sérieusement, Everleigh, t'es probablement la première personne que ça fait plaisir de croiser ce soir. Tu veux que je te paye un truc?

Everleigh sourit. Un de ses sourires francs et sincères qu’il était rare de voir sur son joli visage. Elle ne pensait pas que le fait de la revoir lui plairait autant. Si au cours de des quatre dernières années on lui avait demandé si elle souhaitait revoir Peter, la jeune femme vous aurait sans doute répondu du tac au tac, non sans amertume que c’était hors de question qu’elle recroise son chemin. La fierté, l’orgueil… Appelez ça comme vous voulez, mais c’était un trait de caractère dominant chez la jeune Matthews. Puisqu’en réalité, elle voulait le revoir, elle voulait recroiser son chemin, comme au fond d’elle elle voulait le récupérer… Mais ça, c’était une autre histoire.
S’asseyant sur le tabouret à côté de Peter, elle se tourna vers lui.

▬ Puisque tu proposes… Je vais prendre un Blue Lagoon. La forme… C’est vite dit. Je fais des horaires de dingues. Et …

Ever’ se stoppa. Ce qu’elle allait dire ? « Madie m’en fait voir de toutes les couleurs… Donc en trop le boulot où je ne rentre qu’à sept heures du mat’ et Madie qui se réveille une heure plus tard... » Mais c’était pas forcément la meilleure chose à dire. Ou du moins, pas pour le moment.

▬ Disons que j’ai dû mal à récupérer… Mon caractère de pitbull ? Dit-elle avec un air indigné avant de sourire. Toujours présent, il n’y a aucune raison que ça change.

C’était étrange. Après quatre ans… Pas un mot, pas un coup de fil, et là, ils se parlaient comme de vieux amis. Ou presque. Trop de sentiments remontaient à la surface pour qu’ils ne soient que de simples vieux amis. Une certaine gêne était palpable. Sans doute par le fait qu’après ces quelques années il était difficile d’aborder son ex pour lui demander de ses nouvelles.
Peter avait entre temps appelé la collègue d’Ever’ pour prendre la commande de la jeune femme.

▬ Je… je dois bien avouer que ça fait plaisir de te revoir Pete. Mais, euh, sinon et toi, comment ça se passe ? Demanda-t-elle vivement, comme pour changer de sujet.

Il avait bien remarqué qu'elle avait arrêté au beau milieu de sa phrase, et bien sûr son attitude laissait deviner qu'il y avait autre chose, mais il ne lui posa pas plus de questions, parce qu'il devinait que tout ça, ce n'était plus de ses affaires, et ça ne le regardait plus à présent. Il ne savait pas quoi lui répondre et se contentait donc d'acquiescer, l'écoutant toujours alors qu'il faisait signe à la collègue de son ex-petite amie qu'il voulait commander quelque chose. Il payait bientôt la consommation, et répondit poliment au sourire qui bien entendu n'était que marque de politesse, parce que c'était toujours ainsi dans les bars. C'était un des trucs qu'il détestait, d'ailleurs. Toujours ces sourires faux, et pourtant, jamais personne ne semblait s'en soucier de ça. Et ce n'était pas le moment pour ce soir, s'en soucier. Le verre apparut finalement, alors qu'au même moment, elle lui demandait ce que devenait sa vie à lui. Il déposa le verre devant elle, muet. Ce que lui, il devenait? Il ne savait pas. Il avait toujours l'impression d'être cette même vieille épave. En fait, il n'avait même pas tord là-dessus, parce que c'était vrai. Il ne changeait pas. Tout ça, c'était la continuité. Il n'avait pas changé depuis leur couple. Quelques nombreuses aventures, des histoires qui n'avaient pas duré, des histoires qui n'avaient jamais eu leur chance... Rien n'avait changé, avec tout ce temps. En quatre ans, il n'avait pas évolué.

« Bah. J'chante encore. Dans les bars. Rien a vraiment changé en fait. J'ai l'impression qu'on s'est vu encore hier. »

Il réalisait l'ampleur de ses mots et se sentit mal. Il ne voulait pas qu'elle pense que pour lui, leur histoire n'était pas terminée, mais il ne voulait pas non plus qu'elle pense qu'il s'en foutait. Il n'était pas un de ces types qui pouvaient se vanter de passer au travers des ruptures sans aucun problème. À vrai dire, il regrettait parfois d'être parti. Seulement, ses crises de jalousies le blessaient trop. Il n'était pas un infidèle, contrairement à certains. Il aurait été simplement incapable de la trahir. Il attrappa une nouvelle fois sa bière et en prit une gorgée, la gorge serrée. Il vit s'approcher une fille, avec un autre type. La rouquine de tout à l'heure. Il devinait ce qu'elle voulait, et il lui tendit le sac, se foutant éperduement du reste. Elle lui lança un regard noir, et il prit une nouvelle gorgée de bière, avant de croiser le regard d'Everleigh. Pour sa simple défense, il bredouilla, maladroitement :

« J'étais apparemment un danseur pourri, en plus d'être mal fringué. » Il lui adressa un sourire, avant de s'appuyer au comptoir, l'observant. Il aurait beau nier, c'était stupide. Elle lui manquait, parfois. Ce soir faisait partie de ces parfois. « Tu termines à quelle heure? On pourrait faire un truc, je sais pas, je passerais te prendre à la limite, non? »

La collègue d’Ever’ revint vers eux lorsque Peter commanda le cocktail de la belle blonde. Des sourires forcés sur le visage des deux. Ca la fit sourire, amusée. Elle avait l’impression de retrouver son Peter. Celui d’il y a quatre ans. Et pourtant, celui qu’elle avait en face de lui n’était pas si différent.

Bah. J'chante encore. Dans les bars. Rien a vraiment changé en fait. J'ai l'impression qu'on s'est vu encore hier.

Sa gorge se noua. Que devait-elle comprendre ? Il s’en foutait ou leur relation n’était pas finie ? Non. L’un comme l’autre était impossible. Elle savait que leur relation avait compté, leur rupture aussi… forcément. Du moins elle l’espérait. Quand au fait qu’il aurait pu penser que leur relation n’était pas totalement finie… Elle n’y croyait pas tellement. Sinon ils se seraient revus avant… avant que quatre ans ne passent. Son impression ne devait être du qu’au fait que le temps passait à une vitesse hallucinante, comme la jeune Matthews le répétait souvent. N’empêche qu’il avait raison sur un point. Rien n’avait vraiment changé. Que ça soit pour lui, ou pour elle. Il chantait dans les bars, elle bossait dans les boites de nuit… Quant à leur vie en générale, elle semblait être la même qu’il y a quatre ans. A un détail près pour la jeune femme. Et ce détail se nommait Madison. Everleigh savait très bien qu’elle devait lui dire. Seulement elle ne savait ni comment, ni quand. Comment dire à son ex qu’il a une fille de quatre ans et que vous lui avez caché ? Il lui en voudrait c’était certain… elle devait lui dire, et pourtant, elle n’avait pas envie qu’un froid apparaisse. Ils venaient seulement de se retrouver, essayant tant bien que mal d’engager une conversation banale. Du moins autant qu’elle pouvait l’être entre eux.
Une rouquine s’approcha alors de l’ancien couple, mitraillant Peter du regard. La jeune Matthews arqua un sourcil, et tourna son regard vers son ex, qui tendit un sac à la nouvelle arrivante. Cette dernière repartit aussitôt, une fois le colis récupéré.

J'étais apparemment un danseur pourri, en plus d'être mal fringué. Il lui sourit, Ever’ aussi. S’appuyant sur le comptoir, il l’observait. Elle porta son cocktail à ses lèvres, avant de lui sourire timidement. D’habitude si sure d’elle, elle avait l’impression de perdre ses moyens en sa présence. « Tu termines à quelle heure? On pourrait faire un truc, je sais pas, je passerais te prendre à la limite, non? »
Reposant son verre, elle l’observa, avant de finalement sortir son portable pour y regarder l’heure. Il était une heure. Pour une fois, elle ne finissait pas trop tard.

▬ Je finis dans deux heures. Sûr que tu seras pas endormi ? Demanda-t-elle amusée.

Finissant son verre, elle repassa de l’autre côté du bar, son regard toujours posé sur Peter. En fait ça lui plaisait bien qu’il soit là. Ca faisait du bien. Contrairement aux premiers ressentis qui étaient apparus en le voyant, là c’était plutôt agréable.
Un client la sortit alors de sa rêverie. « Un mojito chérie ». Un s’il te plait connard. Everleigh prit sure elle. Mais avant de s’occuper du looser qu’il l’avait appelé, elle glissa quelques mots à Peter.

▬ Soit pas en retard Sparks.

Sparks acquiesça lorsqu'elle lui dit d'être à l'heure, et de cette façon il comprenait qu'il ferait mieux de disparaître d'ici là, parce que s'il restait au bar, d'ici deux heures il serait sans doute saoul, et se serait probablement engagé dans une bagarre, parce que Sparks n'aimait pas que l'on manque de respect à la jolie barmaid derrière le comptoir. Terminant sa boisson, il laissa la bouteille sur le comptoir, et ramenant sa guitare, il passa par le vestiaire avant de quitter, se dirigeant à l'extérieur du bar ou des jeunes faisaient encore la file à cette heure. Des jeunes un peu trop jeunes qui gloussaient pour rien, bref, Sparks était heureux d'être parti, même s'il ne savait pas trop où il s'en allait à présent. Il fallait dire qu'il ne savait jamais où il s'en allait, dans des cas pareils. Il décida alors de faire ce qu'il faisait souvent, c'est à dire errer comme un type un peu perdu qui n'avait pas d'attaches. Ces moments de solitude profonds avaient toujours pour résultat des questionnements, des réflexions aussi sur ce qu'il faisait, où tout ça le menait. Il lui restait deux heures, pour récupérer Everleigh. Deux heures à tuer le temps, tout seul, à ressasser des échecs et des choses trop tristes. Après un petit moment de bonheur, il en revenait à la tristesse, mais n'était-ce pas une stupide routine chez lui? Plus qu'il ne le croyait, même, à vrai dire. Il s'alluma une cigarette en traversant la rue, et ajusta sa veste marron, plissant les yeux sous la lumière des réverbères qui tapait un peu trop fort. Il hêla un taxi, et se dirigea vers Central Park. Il ne savait pas trop où il s'en allait, mais il savait qu'il se dirigeait vers le plus grand espace vert de New York, passer un peu de temps en solitaire. Tuer deux heures de sa vie. C'est à Strawberry Fields qu'il s'allongea près de la plaque IMAGINE, un hommage à Lennon. S'il étirait le cou, il pouvait même voir l'endroit où il avait rendu l'âme. Pas mal. Il était une heure trente du matin, et il pensait à John Lennon. Il sortit sa guitare, se mit à gratter quelques accords, après tout c'était mieux que ne rien faire non?

Quelques heures plus tard, il se réveillait en sursaut. Il était... Merde, il lui restait vingt minutes pour retrouver Everleigh au bar. Attrappant ses affaires, il hêla un taxi, et se dépêcha de retourner vers le bar où son ex travaillait. Il ne pouvait pas entrer ,c'était la fermeture. Il se tuait à expliquer au doorman ce qui se passait, sa situation, sans succès. Finalement, la jeune femme sortait du bar l'air fâché. Il ne pouvait pas vraiment juger simplement comme ça, mais il était persuadée qu'elle le détestait parce qu'elle croyait qu'il lui avait fait faut bond. Piquant un sprint jusqu'à elle, se sentant particulièrement stupide, il bafouilla, maladroitement :

« Désolé, j'voulais pas te poser un lapin.. J'étais à Central Park. Tu me pardonnes? Pour l'attente, on fait c'que tu veux, promis. »

La boite n’allait pas tarder à fermer et toujours pas de Peter. Regardant l’horloge pour la dixième fois en moins de deux minutes, l’aiguille n’avait franchement pas avancé. Elle ressemblait à une adolescente stressée par son premier rencard. Pathétique. Tout d’abord parce qu’elle aurait été loin d’être à son coup d’essai, mais surtout parce que ça n’avait rien d’un rencard. Ever’ soupira, elle ferait mieux de s’occuper plutôt que de surveiller la porte d’entrée. Le temps passerait sans doute plus vite…
Elle s’attela alors à nettoyer le bar… Sans grande conviction. Tous les employés préparaient leurs affaires, prêt à partir dès que les trois heures du mat’ seraient atteints. Un videur était assis à une table, discutant avec une blonde siliconée. Quoique discuter était un bien grand mot. Elle avait l’air totalement ivre.
Sentant une main sur son épaule, la jeune Matthews se retourna. Un collègue qui lui précisait qu’elle n’avait plus besoin de s’acharner sur le comptoir. Elle pouvait partir. Mais toujours personne. Pas de Peter Sparks en vu. Elle balança son torchon, avant d’aller récupérer son manteau, fulminant. Elle était énervée. Ever’ pensait réellement qu’il viendrait. Merde. Après tout peut être qu’il avait trouvé mieux à faire. N’empêche qu’elle s’énervait quand même. Pas contre un Peter absent, mais contre elle-même. Allez savoir pourquoi.
Sortant de la boite de nuit, sa veste sur le dos, et son sac à bout de bras, elle accéléra le pas en direction du coin de la rue. Elle n’avait pas envie de marcher pour rentrer, elle trouverait un taxi. Même si ce n’était que pour cinq minutes. Quelqu’un la rattrapa soudainement. Relevant la tête, elle reconnut la voix de son ex.

Désolé, j'voulais pas te poser un lapin.. J'étais à Central Park. Tu me pardonnes? Pour l'attente, on fait c'que tu veux, promis.

Elle poussa un soupir, non pas d’agacement, mais de soulagement. Il était venu. Un sourire amusé mais timide s’installa alors sur les lèvres de la jeune femme.

▬ Ca va… T’es pardonné. Répondit-elle amusée. C’que j’veux ? Hum je sais pas… Un bar, Central Park ou chez moi ?

Il ne fallait pas y voir de sous-entendu, elle voulait juste passer un bon moment en sa compagnie. Combler ce vide qu’elle avait ressenti pendant quatre ans. Mais ce n’était pas pour autant qu’elle était contre retrouver son corps et sa tendresse. Un bar ? Certes ce n’était pas très différent de son lieu de boulot, mais pourquoi… Ils avaient l’habitude les fréquenter à l’époque. Quant à Central Park, ça restait un lieu agréable de jour comme de nuit, quoique beaucoup plus calme une fois le soleil couché… Et pour ce qui était de chez elle. C’était pour le confort. Et puis Madison n’était pas là, c’était Rayan qui la gardait. Son oncle… Etant en Irak lorsqu’elle est née, il n’a pu la connaître… Monsieur voulait alors rattraper le temps perdu. Peu importe, ça permettait à Everleigh d’éviter de trouver une baby-sitter lorsqu’elle bossait.

▬ Sachant que dans un bar ou chez moi… Il y a des bières. Mais que si tu préfères un côté nature… Central Park est pour nous. Sinon, reste à savoir si tu préfères l’odeur du tabac et de l’alcool ou mon appart’.