Dix minutes. J’avais dix minutes de retard. Bon j’avais un bonne excuse, je sortais, il y a cinq minutes, de mon premier service dans l’autre bar. Et j’avais au moins encore un bon cinq minutes de transport, mais il y a du monde et se frayer un chemin dans les rues de New-York n’est pas chose aisée. Je bousculais et essayais d’aller le plus rapidement possible, mais hélas j’étais déjà en retard. Tant pis. De toute façon ce n’est pas comme si je pouvais voler en plus. Je finis cependant par arriver à destination, je rentre précipitamment dans le bar avant de simplement saluer les clients déjà présents, avant de filer rapidement au vestiaire pour y déposer mes affaires avant de filer dans le bar. Je prends juste quelques petites minutes pour me vider la tête de la matinée qui était éreintante, il y avait eu pas mal de monde, à croire que tout le monde avait décidé de sortir au midi. Et je sais que cette après midi et soirée serait tout aussi fatigante. Mais je n’avais pas le choix, je devais jongler entre ces deux boulots pour pouvoir avoir un toit décent sur la tête. Mais je ne m’en plains pas, je n’avais peut-être pas fait d’études, mais j’avais au moins du boulot, je ne dois pas me plaindre. Même si, aux yeux de mes anciens camarades, j’étais la personne même qui ne glande rien parce qu’elle a une cuillère en or dans la bouche.. Pour voir où ça nous mène.... Je préfère encore être pauvre en fin de compte. Je finis par aller derrière le bar, où je sais que je trouverais raf. Je soupire longuement tout en me postant à mon poste. Je jette un coup d’oeil rapide à la salle avant de me présenter à un client qui me hèle pour une commande. Et c’est partis pour six heures de boulot.

Courir, j’avais l’impression de faire que ça entre deux service. Mais mon patron du premier bar avait refusé que je parte au moment où celle qui prenait mon relais est arrivée. Ce qui fait que je suis désormais complètement en retard. Un comble vu que je déteste être en retard ne serait-ce que d’une minute. Mais là je ne pouvais pas aller plus vite et surtout arrêter le temps pour arriver à l’heure. Alors je fonce le plus rapidement possible, bousculant des gens au passage et prenant à peine le temps de m’excuser. Mais je n’avais franchement pas le temps bon sang ! Puis les gens avaient apparemment décidé de sortir tous en même temps pour me faire encore plus galérer. Je finis tout de même par parvenir dans l’avenue du bar, sans rien de casser, ce qui relevait presque du miracle. C’est avec un bon quart d’heure de retard que je pénètre dans le bar, je me dirige à toute vitesse dans les vestiaires, il fallait quand même que je sois un minimum présentable pour prendre le poste. Une fois prête, quelques minutes plus tard, je reviens derrière le bar en me mettant rapidement à bosser. Torchon sur l’épaule, je file vers le client et lui prend sa commande avant de la préparer alors que Rafaello arrive. Je soupire doucement avant de simplement hausser les épaules. « Je sais, et je suis désolée. » soupirais-je. Que pouvais-je dire d’autre, après tout il ne fait qu’énoncer la pure vérité. Et lui dire que cela ne se reproduira pas, je ne préfère pas le dire. Car même si je ne le souhaitais pas, cela pourrait quand même se reproduire. Il allait d’ailleurs vraiment falloir que je trouve un moyen de concilier les deux. Je soupire en distribuant ma commande, puisque j’étais derrière le bar ce soir. Voyant revenir Rafaello, je pose mon regard sur lui « Si tu veux partir plus tôt ce soir, tu peux, ça me dérange pas d’être seule, et je te dois bien ça aussi ! » ajoutais-je tout en nettoyant la vaisselle.

Je n’aimais pas arriver de la sorte en retard, surtout si je sais que mon collègue se retrouve seul au bar en attendant que j’arrive. Ce qui était le cas en ce moment-même. C’était bien une chose que je détestais, même quand ça me dépassais largement. Parce que si ça ne tenait qu’à moi, je préférerais arriver au moins cinq bonnes minutes en avance. Mais ce matin mon patron avait refusé de me laisser partir avant que ma collègue ne daigner arriver à l’heure. J’avais pourtant clamer que l’on m’attendait ailleurs et que le temps de faire le trajet j’avais juste le temps, il était sourd d’oreille à mes arguments. Et voilà donc la raison de mon retard. Je préférais d’ailleurs travailler dans ce bar, où l’ambiance était nettement meilleure. Je m’entendais assez bien avec mes collègues, ce n’était pas des amis non plus, je n’en avais pas d’ailleurs, mais l’on ne se tirer pas dans les pattes au moins. Prenant mon services avec quelques minutes de retard, je trouve ça logique que Raf me fasse remarquer mon retard, mais je suis tout de même étonnée qu’il ne me fasse pas entrer dans la fosse aux lions pour cela. Je lui proposais même qu’il parte plus tôt, je pouvais assurer la fin de soirée seule, pour heure, ce n’était pas non plus le rush à ce moment-là. « Ca ne me dérange pas.... Et puis je sais me défendre... » assurais-je. J’avais beau être frêle, cela ne m’empêchait pas de rembarrer certains lourdingues comme il faut. Je ne pouvais peut-être pas frapper ou quoique ce soit d’autre, mais généralement une remarque bien sentie sortait de ma bouche et les calmait. Je tourne le regard vers lui alors que je terminais de laver les verres et de les essuyer. « Euh ouais ça va... » dis-je tout simplement en haussant les épaules. J’étais simplement débordée, et dans une impasse financière qui m’empêchait bien de faire autre chose que de bosser encore et toujours.

Je pouvais parvenir assez facilement à bosser seule si je ne pouvais pas faire autrement, ça m’était déjà arrivé quelques fois. Mais cela faisait quand même presque un an que je bossais dans les deux bars. J’avais appris à jongler entre deux boulots et parfois des services plus que limite. Mais je m’adaptais à tout, et je n’avais franchement pas le choix. Surtout que je devais aussi effectuer pas mal de soirées et de fermetures, afin d’avoir un salaire convenable. Et encore certains mois ce n’étaient pas suffisant. Et donc je ne pouvais vraiment pas me permettre de perdre un de mes deux boulots, soit à cause de l’autre, soit parce que je suis terriblement en retard. Ce qui avait été le cas ce soir. Malheureusement se perdre en excuse ne servirait strictement à rien. Pensant qu’il pourrait profiter un peu plus de sa famille, je lui propose de partir un peu plus tôt. Ce qu’il refuse, tant pis, après tout il est bien libre de choisir. Mais bon, d’un autre côté, je ne serais pas seule pour la fermeture. Je finis par secouer la tête à ses paroles, décidément le physique peut être très trompeur parfois ! « Peut-être pas dix, mais un ou deux oui. Et pas que par la parole » dis-je tout en haussant les épaules. J’avais juste appris quelques trucs de self-défense de base qui étaient très utiles. Mais généralement on préférait me croire comme une petite chose fragile incapable de se défendre. Parfois ça jouait en ma faveur laissant ainsi un moment de surprise qui me permettait de prendre le dessus, parfois c’était quand même vraiment lourd. Je finis par prendre le boulot, et de toute manière j’avais besoin de m’occuper les mains. Je hausse tout simplement les épaules à sa question « C’est juste que c’est de moins en moins évident de gérer deux boulots en même temps, surtout quand l’un a décidé qu’il fait ce qu’il veut, et tant pis si toi tu perds ton second poste... » maugréais-je doucement.

J’aurais pu tout à fait comprendre qu’il souhaite partir un peu plus tôt. Je savais qu’il avait un famille, et peut-être que ça pourrait leur faire plaisir de le voir arriver plus tôt que prévu. De mon côté il n’y a qu’un chat qui m’attend, et je suis certaine que ça ne lui fait strictement rien si j’arrive plus tôt ou non, du moment qu’il a de quoi se nourrir. Mais vu qu’il refuse, je n’insiste pas, après tout il fait bien comme il le souhaite. Même si ça ne m’aurais vraiment pas dérangé de mener la fermeture seule, ce ne serait d’ailleurs pas la première fois en plus. Donc me retrouver face à quelques abrutis était bien loin de me faire peur. Surtout depuis que je prenais des cours de self-défense, enfin depuis que j’avais quitté la famille. Car je sais de quoi ils peuvent être capable et vaut mieux savoir se défendre. Et tant pis si Rafaello ne me croyait pas, après tout ce n’était pas trop mon problème. Je finis par simplement hausser les épaules pour toute réponse, clôturant ainsi ce sujet. Après tout il n’y avait rien à dire de plus. Même si je suis loin d’être offusquée, il n’est pas le premier, ni le dernier à ne pas croire que je saurais me défendre. Il m’en faut bien davantage pour me vexer. Et puis, on avait bien assez de boulot pour se chamailler sur de telles futilités. Le quittant quelques petites minutes pour prendre une commande, je reprends le fil de la conversation en revenant vers le bar. « L’un comme l’autre n’ont pas eu cette possibilité là pour le moment, et je ne sais même pas si ça suffira... » expliquais-je simplement tout en préparant ma commande. « Enfin bref, je ne vais pas t’ennuyer avec mes problèmes ! » soupirais-je doucement alors que je faisais le tour du bar et glissant le plateau sur mon bras, je le quittais de nouveau pour servir les clients.

Généralement on ne s’intéressait pas vraiment à moi et à ce qui se passait dans ma vie, il faut dire cependant que je reste assez secrète sur celle-ci quand on m’interroge, donc ça a du en refroidir pas mal. Mais bon là il ne me posait pas de question vraiment trop personnelle. Je pouvais tout à fait comprendre que le fait que j’ai deux boulots en même temps puisse l’intriguer. surtout qu’effectivement j’avais des soucis de finance. Et quand on mettait à bout mes deux mi-temps, cela faisait nettement plus qu’un plein temps, et donc financièrement c’était plus avantageux. Et surtout, point non-négligeable, travailler énormément m’empêchait de faire les magasins et donc de craquer dans des choses inutiles. Mais même si notre discussion était très intéressante, je devais continuer mon service et donc aller prendre des commandes aux tables, ce qui me prit que guère de temps. Revenant avec deux commandes à effectuer, je m’applique directement à la tache, je n’aimais généralement pas que les clients attendent, et ça me permettait surtout de ne pas laisser mon attention baisser d’un cran. Je redresse le visage, continuant de préparer ma boisson avant de simplement hocher les épaules. « Comme tu le souhaites, si cela ne te dérange pas alors ça me va aussi ! » déclarais-je, aucunement effrayait par son regard qui se voulait noir. Au contraire, j’y restais plutôt indifférente. Mais j’appréciais son geste, peu de gens prenait vraiment la peine de savoir comment allait, vraiment, leur collègue. L’égoïsme était une part importante de notre société maintenant. Ce que je ne contredirais pas, parce que je l’ai été pendant bon nombre d’année. « À vrai dire, j’ai démarré, je n’avais rien en poche même pas un centime. Alors j’essaie d’économiser au maximum, pour déjà pouvoir me financer le permis, et un meilleur appartement. Donc je n’ai pas trop le choix, si je veux qu’il me reste des sous à la fin du mois. » expliquais-je. C’était surtout parce que je ne voulais rien demander à quiconque, et que j’avais quand même vécu dans un certain confort financier pendant toute mon enfance et adolescence. Alors peut-être qu’inconsciemment, j’essayais de retrouver cette aisance financière.

J’avais consenti à répondre un peu plus sérieusement à raf, car je savais qu’il ne posait pas de question en l’air, il s’intéressait vraiment à la personne. Avec les autres, je me contentais simplement d’un ‘ça va’ pur et simple. À croire que c’était désormais une marque de politesse et donc dénué de tout intérêt, ce que je trouvais complètement affligeant. Et généralement ça ne faisait que me renfermer davantage. Mais bon, je ne disais rien et me contentais de simplement répondre tout aussi hypocritement qu’eux. Et généralement la conversation n’allait pas plus loin. Heureusement avec la plupart de mes collègues ce n’était pas ainsi. On s’entendait tous plutôt bien, que ce soit dans ce bar là ou même dans l’autre, c’était vraiment un vrai bénédiction, ça me donnait réellement envie de bosser. Je dois dire que, même si je parlais rarement de mon passé, j’étais bien heureuse qu’on s’intéresse un tant soit peu à ma personne, non pas que je sois narcissique ou égoïste, c’est même tout le contraire maintenant, mais bon ça prouvait au moins que je n’étais pas complètement asociable, comme s’était évertué ma famille à me le faire croire. « Je dirais même carrément trop, en tout cas chez moi, je crois que ça vire presque à l’obsession » soupirais-je tout en ayant un maigre sourire. Je ne faisais que constater la stricte vérité. Le moindre centimes que je pouvais économiser, je le faisais, quitte à me priver. « Non, mais j’envisage peut-être de reprendre des études quand j’aurais assez d’économies et que je serais plus stable... » répondis-je simplement. Même si le métier de serveuse ne me déplaisait pas, ce n’était pas non plus un choix de carrière que j’avais fait. Mais je ne cessais de croire que ça pouvait être un bon tremplin pour l’avenir.