SERENA & NANAMI

Collaboration tendue

Le soleil était à son zénith, et les faibles rayons qui arrivaient jusque dans mon bureau ne me réchauffaient même pas. Soupirant faiblement, je tendis ma main pour caresser le doux rayon de soleil. Ma peau blanchâtre me fit plisser le nez. J’étais blanche, tellement blanche que s’en était affolant. Il fallait dire que peu de nippon était matte de peau, du moins chez les femmes. En général ce sont surtout les hommes qui sont assez matte de peau. Enfin bref, le sujet n’était pas ça. Mon éventuel souci était que je devais me rendre dans la section des romans pour faire un travail avec une éditrice de roman. Jusque-là rien de bien méchant, c’était loin de me dérangeait, mais bon. Je savais parfaitement qu’en général ils n’aimaient pas forcément les mangas. Pourtant ça demandait quand même beaucoup de travail, surtout dans les dessins. Ce n’était pas de tout repos, mais j’étais tout de même chanceuse, pour ma part je ne faisais que traduire les mangas, au Japon, les éditeurs travaillaient encore plus allant même jusqu’à aider le mangaka à dessiner si celui-ci est en retard. Bref ce n’était pas en Amérique qu’on trouvait une foule de mangaka. C’était déjà ça. Bayant rapidement, je me levais en prenant mes affaires, il fallait que je me bouge. Quittant mon bureau, je filais alors en direction de l’autre étage, prenant l’ascenseur. La flemme de prendre les escaliers. Si c’était pour arriver en suant et respirant comme un bœuf, non merci. Une fois dans les couloirs de l’édition de roman, je plissais le nez avant de chercher le bureau de la fameuse Serena. C’était avec elle que je devais bosser. C’était une fille assez sympa de ce que j’avais pu voir, elle n’était pas méchante, et puis elle était toute mignonne, je trouvais. Enfin, je n’étais qu’une enfant face à elle dans tous les cas, ce n’était pas du haut de mes vingt-trois ans que j’allais pouvoir rivaliser avec elle. J’espérais juste que cette collaboration puisse juste marcher haha. Une fois devant son bureau je frappais trois coups assez forts pour qu’elle entende avant d’entrer. Fermant la porte derrière moi, je me tournais vers elle avant de sourire en coin. « Bonjour, j’espère que je ne dérange pas ? Je viens pour la collaboration, j’ai déjà commencé à faire quelques planches. » soufflai-je en m’approchant d’elle en attendant son feu vert. J’arrivais peut-être trop tôt, je ne voulais pas déranger.

« Je vous demande pardon ? C’est hors de question ! Et pourquoi ne pas me demander de devenir rédactrice en chef du Picsou magazine, vous y avez pensé à ça ? » Lorsqu’on lui avait annoncé qu’elle devrait collaborer avec une spécialiste des mangas, Serena avait immédiatement tenté de trouver un prétexte pour y échapper. C’était une blague, n’est-ce pas ? Comment diable la noble littérature pouvait-elle se mélanger avec … « ça » ? C’était un véritable affront ! Entendons-nous bien : la jeune femme n’avait strictement rien contre ce type de … d’ouvrages … mais elle estimait que mélanger les mangas aux œuvres littéraires dont elle défendait la cause depuis toujours était un affront monumental. Alors certes, d’un point de vue purement commercial, le chiffre d’affaire généré par les ventes de mangas n’est pas négligeable, ce serait même un très bon filon. Mais merde !! Cela faisait des années qu’elle se battait pour la beauté de la littérature anglaise et voilà que d’un coup, on lui annonçait qu’elle allait devoir se pencher sur l’épineuse question du manga. De manière générale, Serena lisait tout ce qui lui passait sous la main : sa passion pour la lecture ne semblait avoir aucune limite. Enfin, presque. Comment était-il possible de prendre du plaisir à feuilleter un bouquin à l’envers, suivre une histoire tordue et déchiffrer des dessins d’une laideur à couper le souffle ? (Objective, elle ? Naturellement !! ) Pieds et poings liés, Serena n’eut d’autre choix que celui de jeter un œil au dossier. PARDON ? Elle était à deux doigts de frôler la crise cardiaque ! En gros, il s’agissait de transposer l’une des plus grandes œuvres littéraires du XVIIème siècle à cet univers japonais qu’elle méprisait tant. Quel était l’abruti ayant eu une idée si saugrenue ? « C’est moi. » Dixit le patron. Forcément, ça change la donne…

Le jour du rendez-vous avec Nanami Ayasegawa arriva enfin. Serena avait eu l’occasion de rencontrer la jeune femme à plusieurs reprises par le passé. Elle l’appréciait beaucoup même si de toute évidence, leurs univers étaient diamétralement opposés. Mais soit ! Il fallait qu’elles essaient de faire du bon boulot ensemble et étant donné qu’elles étaient les meilleures dans leurs domaines respectifs, il n’y avait aucune raison pour que cela ne fonctionne pas. Avec quelques minutes d’avance, Serena entendit frapper à la porte de son bureau et vit alors la ravissante asiatique faire son apparition. « Bonjour, j’espère que je ne dérange pas ? Je viens pour la collaboration, j’ai déjà commencé à faire quelques planches. » Serena aurait préféré une bonne nouvelle du genre « j’ai finalement abandonné l’idée et je n’ai plus besoin de toi … ». Toutefois, Nanami n’était pas responsable de son aversion pour les mangas et c’est avec un réel plaisir qu’elle l’accueillait dans son bureau. La jolie blonde se redressa, passa une main sur son tailleur pour en faire disparaitre les plis inexistants et souria de bon cœur à son interlocutrice. « Bonjour Nanami, installe-toi je t’en prie. Tu veux boire un café ? Un jus de fruit, peut-être ? » Oui quitte à travailler sur le projet le plus ennuyeux de la création, autant prévoir de quoi se requinquer. Mais en grande professionnelle, Serena avait également travaillé sur le projet. Elle avait relu l’ouvrage version roman pour en tirer les moments clés que Nanami pourrait ensuite retravailler. « Je suis curieuse de découvrir tes planches. J’ai relu l’ouvrage hier et je t’avoue que je ne vois pas trop comment tu vas pouvoir retranscrire les subtilités littéraires propres à l’auteur. A mon sens, ce projet est insensé. »

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SERENA & NANAMI

Collaboration tendue  

Lire et relire ce bouquin, m’avait pris de mon temps, surtout lorsque je m’étais mise à dessiner certaines parties. Il fallait que je retrace parfaitement les moindres détails du livre. Et parfois un détail oubliait pouvait tout faire foirer. Un grain de beauté, une couleur, un sentiment, un regard, un geste… Ce n’était vraiment pas facile, je préférais largement dessiner un manga tiré de mes propres idées, de ce que je ressentais vraiment, que de faire un manga tiré d’un roman. C’était toujours plus difficile à retranscrire. Enfin, pour moi. Après peut-être que d’autre n’avaient pas forcément de souci à faire cela, chacun son domaine après tout… Mais pour l’heure, je devais collaborer avec Serena, et j’avais peur que cela ne soit pas une partie de plaisir. Une intuition féminine si je puis dire… Vraiment féminine. « Bonjour Nanami, installe-toi je t’en prie. Tu veux boire un café ? Un jus de fruit, peut-être ? » M’avançant, je posais ma sacoche sur la chaise avant d’enlever ma veste que j’avais mi au cas où. Non parce qu’il fallait être réaliste. Si on chauffait nos bureaux, les autres ne chauffaient pas forcément les couloirs, et autant dire que je ne voulais pas chopper un rhume. « Un café je veux bien s’il te plait. » Je pense que j’en aurai cruellement besoin. J’avais besoin de beaucoup de force et de vitamines pour ce projet, non pas que je sentais que ça allait être tendu mais presque en fait. J’avais comme une impression que ce projet ne plaisait pas à Serena, ce qui en soit, je pouvais parfaitement comprendre, ça n’était pas pratique ce genre de chose, mais nous n’avions pas trop le choix non plus. Certes j’aurai pu refuser, mais quand le grand patron parlait, il n’était pas aisé de lui dire non… Enfin, pour ma part, je ne me voyais pas du tout lui dire non, ça serait surement mal vu, surtout que je n’étais pas dans l’entreprise depuis longtemps alors… Je n’étais pas bien placée. « Je suis curieuse de découvrir tes planches. J’ai relu l’ouvrage hier et je t’avoue que je ne vois pas trop comment tu vas pouvoir retranscrire les subtilités littéraires propres à l’auteur. A mon sens, ce projet est insensé. » voilà, ça commençait. Inspirant profondément, je cherchais comment la convaincre que je pouvais parfaitement retranscrire ce roman dans un manga fabuleux. Il suffisait de bien dessiner et surtout de bien faire retranscrire les émotions des personnages. C’était ça la clé d’un manga. Parce que dessiner, ça tout le monde pouvait le faire, enfin… Mais l’essentiel c’était de faire ressentir des émotions aux lecteurs à travers ces dessins. « Il suffit de bien faire ressentir les émotions dans les personnages. Je suis sûre que les lecteurs vont aimer tu sais. » soufflai-je en sortant alors mes planches. Il fallait que je lui montre clairement que j’étais capable de bien faire les choses, et que par conséquent elle allait aimer mon travail, pas vrai ? Je veux dire… Je n’étais pas prétentieuse, loin de là, mais quand même, j’avais fait mon maximum dans ce boulot, j’avais bossé dessus pendant des heures, je connaissais limite le bouquin par cœur tellement je l’avais lu et relu pour bien cerner les personnages, les moindre détails et tout ça…J’étais très sûre de moi, ça ne pouvait quand même pas rater, non ? « Puis tu sais, je pense que ceux qui liront ce manga, la plus part ne connaitront pas forcément le roman, alors ils ne pourront pas juger. Ais dans tous les cas, je suis sûre de moi, si j’ai accepté, c’est bien parce que j’ai confiance en mes compétences. » ajoutai-je avant de lui faire glisser mes planches vers elle, pour qu’elle puisse les voir.

Convaincre Serena et de l’importance d’un tel projet n’était pas chose aisée. La jeune femme était assez réticente à l’idée de transposer un chef d’œuvre de la littérature anglaise à ce qu’elle pensait être une vulgaire bande dessinée. Ce n’était clairement pas son domaine et elle avait beaucoup de mal à comprendre que l’on puisse renoncer au pouvoir de l’imaginaire pour se focaliser sur des dessins peu réalistes et stéréotypés à souhait. En somme, ce projet ne l’emballait pas des masses et elle faisait un réel effort pour demeurer professionnelle dans son jugement. Tout en servant une grande tasse de café chaud à la belle asiatique, Serena écouta son argumentation. « Il suffit de bien faire ressentir les émotions dans les personnages. Je suis sûre que les lecteurs vont aimer tu sais. » Possible. Surtout si l’on considère qu’une grande partie de la population est clairement inculte. Oui bon… disons que Serena n’était pas franchement disposée à accepter ce projet sans rechigner.  « Forcément, un livre sans image c’est bien trop compliqué pour leurs cerveaux atrophiés. Puisqu’ils ne sont pas capables de faire appel à leur propre imagination, ils préfèrent se focaliser sur celle de l’auteur. Par conséquent, ils acceptent tout ce qu’on leur montrer. Y compris si c’est d’une médiocrité incontestable.» Serena ne parlait absolument pas des planches de Nanami, mais bel et bien de toutes ces imbécilités que le grand public était capable d’acheter. Pour sa part, la jeune femme ne cherchait pas à vendre pour vendre. Elle défendait une cause qui lui semblait plus noble : elle défendait les auteurs de talent et les ouvrages ayant ou ayant eu un impact considérable sur le monde de la littérature. Avant de rejoindre Nanami, la jeune femme se servit un verre de jus d’orange et s’empara d’un dossier comportant tout ce dont elle aurait besoin pour travailler. Voilà, elle était enfin prête. S’approchant de sa collaboratrice, Serena déposa la tasse de café devant elle et s’installa à son tour. « Puis tu sais, je pense que ceux qui liront ce manga, la plus part ne connaitront pas forcément le roman, alors ils ne pourront pas juger. Ais dans tous les cas, je suis sûre de moi, si j’ai accepté, c’est bien parce que j’ai confiance en mes compétences. » Oh le mauvais argument !! Serena redressa vivement la tête vers Nanami. Elle pensait vraiment tout ce qu’elle venait de dire ? Auquel cas, c’était encore plus dramatique que tout ce que Serena avait pu imaginer. « Vois-tu, c’est précisément ce qui me pose problème ; la plupart des gens vont lire un manga au lieu d’une œuvre littéraire incroyablement fascinante. Tout le travail de l’auteur va être anéanti au travers de dessins et d’un remaniement qui ne correspondra pas forcément à l’ouvrage. Alors permets-moi d’être inquiête.» Le regard de Serena passa de la jeune femme aux planches dont elle s’empara. Indéniablement, cette demoiselle avait du talent. Beaucoup de talent même. Un don. « Et bien je … en effet, c’est très réaliste. Tu as un talent incroyable.»

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SERENA & NANAMI

Collaboration tendue  

« Forcément, un livre sans image c’est bien trop compliqué pour leurs cerveaux atrophiés. Puisqu’ils ne sont pas capables de faire appel à leur propre imagination, ils préfèrent se focaliser sur celle de l’auteur. Par conséquent, ils acceptent tout ce qu’on leur montrer. Y compris si c’est d’une médiocrité incontestable. » Me pinçant les lèvres, il fallait que je sois clairement dotée d’une patience à toute épreuve pour ne pas m’énerver sur ce qu’elle venait de dire. De plus quand je m’énervais je parlais en Japonais, alors ce n’était pas mieux si je me mettais à lui parler en Japonais. Elle pourrait aussi mal le prendre. Plissant le nez, je tentais de ne pas m’énerver. Je ne pouvais pas dire qu’il n’y avait pas de manga immonde mais il y avait tout autant de roman immonde dans ce monde. Soyons honnête, il n’y a pas que des chefs d’œuvre. « Chacun ses goûts comme on dit. Il y a bien des romans qui sont incontestablement des médiocrités aussi qui sont lu par des cerveaux tout aussi atrophiés. Ne nous leurrons pas, dans les deux camps il y a des livres qui sont débiles et ne valent pas le coup d’être lu. Mais il faut savoir faire la part des choses et ne pas tout mettre dans le même panier ! » annonçai-je en soupirant pour garder mon calme. Non parce que c’était un peu comme si elle m’insultait à moi… Sans le vouloir surement, mais c’était tout de même assez blessant et vexant… J’avais autre chose à faire que de me faire rabaisser… M’apportant ma tasse de café, je lui fis un faible sourire en guise de remerciement. Cette collaboration allait être plus que tendu… « Vois-tu, c’est précisément ce qui me pose problème ; la plupart des gens vont lire un manga au lieu d’une œuvre littéraire incroyablement fascinante. Tout le travail de l’auteur va être anéanti au travers de dessins et d’un remaniement qui ne correspondra pas forcément à l’ouvrage. Alors permets-moi d’être inquiète. » Elle avait raison sur un point, la plupart des gens qui liront ce manga n’auront pas lu l’œuvre d’origine, mais juste la plupart d’entre eux, seront curieux et iront l’acheter. Je la trouvais quand même dur. Ce n’est pas parce qu’on lit des mangas qu’on est forcément inculte, j’avais toujours un roman comme manga. Je voulais dire, tous ceux qui lisaient des mangas n’étaient pas non plus centrés que sur ça. Je connaissais plein de monde qui lisait autant de romans que de mangas. Si la population japonaise l’entendait, je doutais fortement, qu’ils restent silencieux, comme j’étais en train de le faire actuellement. « Et bien je … en effet, c’est très réaliste. Tu as un talent incroyable. » Un faible sourire se logea sur mon visage. Au moins elle aimait les dessins, que j’avais faits. Bon je ne m’attendais pas à ce qu’elle me dise que j’avais un talent incroyable, mais au moins elle aimait, c’était un bon début dans la conception de ce projet. Je n’aurai pas à débattre dû au fait que mes dessins étaient quand même pas mal. Surtout avec ce qu’elle avait dit tout à l’heure sur les dessins. Elle aurait pu m’envoyer une réflexion du style que c’était trop commun, ou dieu sait quoi. « Merci Serena. Mais tu sais, je pense que la plupart des gens qui liront ce manga, seront curieux et vont acheter le roman pour le lire. Il ne faut pas que tu centres les lecteurs de manga dans une catégorie d’inculte. Je ne dis pas qu’il n’y en a pas. Mais beaucoup lisent autant manga que roman. » Annonçai-je pour clarifier les choses. Et puis je n’allais pas non plus faire mon hypocrite comme un simple baiser de Judas… Hors de question. « Et puis, je ne vais pas anéantir l’œuvre de l’auteur, hum. Tu as l’air plutôt satisfaite de mes planches non ? Alors ne critique pas avant d’avoir vu le boulot… » soupirai-je avant de prendre la tasse de café pour en boire une gorgée. J’en avais bien besoin, au vu de comment cette collaboration s’annonçait…

Incontestablement, Serena ne souhaitait pas se montrer offensante d’une quelconque manière. En dépit de toutes ses appréhensions, elle ne souhaitait absolument pas dénigrer le travail de Nanami. Elle estimait juste qu’il ne fallait pas mélanger deux styles n’ayant strictement rien à voir l’un avec l’autre. Il y avait d’un côté la littérature qu’elle défendait avec ferveur et de l’autre, cette touche de modernité qui la dérangeait beaucoup. Elle n’était pas réfractaire à l’idée de faire du neuf avec du vieux, pas du tout même. Mais elle avait clairement peur de toucher à la beauté littéraire du roman qu’il fallait transposer et ne supporterait pas l’idée que son nom soit associé à un tel massacre. « Chacun ses goûts comme on dit. Il y a bien des romans qui sont incontestablement des médiocrités aussi qui sont lu par des cerveaux tout aussi atrophiés. Ne nous leurrons pas, dans les deux camps il y a des livres qui sont débiles et ne valent pas le coup d’être lu. Mais il faut savoir faire la part des choses et ne pas tout mettre dans le même panier ! » Aussitôt, Serena constata que la jeune femme était légèrement sur la défensive. La collaboration promettait d’être haute en couleur. Mais soit ! On ne peut pas plaire à tout le monde et Serena avait des idées bien arrêtées au risque de mettre les pieds dans le plat. « Certains romans sont d’une médiocrité indiscutable, tu as entièrement raison. Sauf qu’ils ne sont généralement pas issus de notre maison d’édition. » Et là, Serena faisait exclusivement allusion aux romans. Elle ne savait pas ce qu’il en était de la section dont s’occupait Nanami puisque ce n’était absolument pas son domaine. De toute façon, la jolie blonde ne connaissait rien aux mangas et ça ne l’intéressait pas le moins du monde. Pourtant, Serena était loin d’être étroite d’esprit. Elle aimait s’ouvrir aux nouveaux projets, à la nouveauté, à toutes ces choses qu’elle ne connaissait pas. Le seul problème avec ce bouquin, c’est qu’on le lui avait imposé sans même lui demander son avis. Si elle avait pris le temps d'en parler et d'étudier le projet avec Nanami, peut-être que les choses se seraient mieux déroulées, allez savoir. « Entendons-nous bien Nanami ; j’ai un profond respect pour ton travail et je pense être une personne apte à faire la part des choses lorsque c’est nécessaire. Toutefois, j’ai du mal à comprendre comment on peut s’amuser à dénaturer autant une telle œuvre. C’est mon petit côté conservateur qui parle. Je ne dis pas que le résultat sera mauvais. Il se peut qu’il soit excellent … mais pour l'instant, j'ai un peu de mal à visualiser la chose.» Bon, elle avait au moins l’honnêteté de reconnaitre que son jugement n’était pas forcément le plus objectif, c’était déjà ça.

Examinant les planches de Nanami avec attention, Serena fut dans l’obligation d’admettre qu’elle avait un talent fou. Prétendre le contraire serait faire preuve d’une mauvaise foi évidente. « Merci Serena. Mais tu sais, je pense que la plupart des gens qui liront ce manga, seront curieux et vont acheter le roman pour le lire. Il ne faut pas que tu centres les lecteurs de manga dans une catégorie d’inculte. Je ne dis pas qu’il n’y en a pas. Mais beaucoup lisent autant manga que roman. Et puis, je ne vais pas anéantir l’œuvre de l’auteur, hum. Tu as l’air plutôt satisfaite de mes planches non ? Alors ne critique pas avant d’avoir vu le boulot… » L’éditrice leva les yeux des planches pour observer son interlocutrice. Avait-elle prétendu cela ? Ou alors, elle l’avait fait sans s’en rendre compte car ce n’est vraiment pas ce qu’elle pensait des lecteurs de mangas. « Non tu n’y est pas du tout, je … je ne pense pas que les lecteurs de mangas soient des incultes. Absolument pas, même. Je dis juste que tes lecteurs et les miens sont très différents. C’est comme être fan de musique classique ou de hard rock. La passion de la musique est bien là dans les deux cas. Sans compter que tu es la preuve vivante qu’on peut aimer les mangas et être doté d’une remarquable intelligence. Je n’en ai jamais douté.» Elle esquissa un léger sourire, confuse que Nanami ait pu interpréter ses paroles de la sorte. Serena était loin d’être une personne désagréable ou impolie. Elle respectait sincèrement le travail de chacun. Peut-être était-elle simplement effrayée à l’idée de travailler sur un projet qui ne lui parlait pas vraiment. « J'aime beaucoup tes dessins... sincèrement.»

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« Certains romans sont d’une médiocrité indiscutable, tu as entièrement raison. Sauf qu’ils ne sont généralement pas issus de notre maison d’édition. » Elle avait tout de même une fierté mal placé, ou alors je ne sais quoi, mais elle était tenace comme pas possible ça c’était clair et net. Le jour où la maison d’édition allait sortir une médiocrité, elle n’allait jamais s’en remettre, c’était certain ça. « Je te crois. » soufflai-je en souriant amusée. Elle aimait trop son boulot, c’était presque affolant, mais elle n’était pas la seule de la sorte dans ce monde. « Entendons-nous bien Nanami ; j’ai un profond respect pour ton travail et je pense être une personne apte à faire la part des choses lorsque c’est nécessaire. Toutefois, j’ai du mal à comprendre comment on peut s’amuser à dénaturer autant une telle œuvre. C’est mon petit côté conservateur qui parle. Je ne dis pas que le résultat sera mauvais. Il se peut qu’il soit excellent … mais pour l'instant, j'ai un peu de mal à visualiser la chose. » Tapotant des ongles sur la table je restais silencieuse un instant avant de sourire faiblement. Je pouvais parfaitement comprendre son côté conservateur, et je le respectais tout autant. Mais il fallait pouvoir faire confiance et s’ouvrir aussi. C’est sûr que c’était un peu risqué comme projet, mais c’était aussi une bonne chose, même si au fond c’était plus argent qu’autre chose ce projet. On le savait toutes les deux. Le patron ne nous faisait pas faire ça pour le pur plaisir de la chose. L’argent était derrière tout ça. « Ne t’inquiète pas, je comprends parfaitement ton avis, et pour tout te dire, pour moi ce projet n’est qu’argent. Si ça n’allait pas rapporter, il ne se serait pas impliqué là-dedans. » On savait toutes les deux de qui je parlais. Maintenant il ne restait plus qu’à voir ce que ça allait donner, et surtout voir, si ça pouvait parfaitement coller, ce qui j’espérais aller pouvoir se faire tout de même. A nous deux, on en était capable non ? En tout cas pour moi c’était largement faisable, je nous faisais confiance, peut-être trop mais j’avais foi en nous deux dans tous les cas. « Non tu n’y est pas du tout, je … je ne pense pas que les lecteurs de mangas soient des incultes. Absolument pas, même. Je dis juste que tes lecteurs et les miens sont très différents. C’est comme être fan de musique classique ou de hard rock. La passion de la musique est bien là dans les deux cas. Sans compter que tu es la preuve vivante qu’on peut aimer les mangas et être doté d’une remarquable intelligence. Je n’en ai jamais douté. » Inspirant doucement, un faible sourire se logea sur mon visage. Elle marquait un petit point, il est vrai que l’on n’est pas forcément fan de tout, mais il existait bien des personnes qui pouvaient l’être. Je faisais partie de cette catégorie de personne. En fait, au fond, j’étais une bonne auditrice. J’aimais autant les romans que les mangas, j’aimais autant la musique classique que le bon vieux rock, voir métal. Je n’étais pas difficile à satisfaire en soit. « J'aime beaucoup tes dessins... sincèrement. » Bien, de toute façon, je savais que ça ne pouvait pas plaire à tout le monde dans tous les cas, mais quand même. Je ne voulais pas qu’on en vienne non plus à se fritter tout ça car toutes les deux ce boulot ne nous plaisait pas. Enfin, la collaboration ne nous plaisait pas… Mais n’importe quel projet pouvait me plaire pour ma part. Mais c’est vrai que celui-là, c’était un poil complexe. Je le savais depuis le départ et j’aurai pu parier un million de dollar que j’aurai gagné mon pari. « Je te crois et merci, sincèrement ça me touche. » Ce qui était vrai. Pourquoi mentirai-je ? « Je vois ce que tu veux dire et je peux parfaitement comprendre, mais tu sais il y a des gens qui lisent manga comme roman. Tu sais que j’ai des études littéraires ? A la base je voulais être éditrice en roman tout comme toi, sauf que je suis venue en Amérique et ne sachant pas trop parler la langue je me suis dirigeais vers les mangas car j’adore énormément ça. Ce que je veux te dire, c’est que certains lecteurs de manga peuvent très bien lire des bons romans. Et la plus part des Japonais sont comme cela. Arrête n’importe quel japonais il te dira qu’il a lu les prix Nobel en littérature japonaise. Certes ce n’est pas forcément Américain, mais ils lisent en général les prix Nobel et cherche à se cultiver… » marmonnai-je doucement. Ça faisait partie de la culture en même temps, que de lire. L’école au Japon était tellement plus sévère qu’ici, c’était un autre monde à mes yeux. Inspirant profondément, je sortis de quoi dessiner et les posa sur la table avant de boire une nouvelle gorgée du café. Je n’étais pas venue ici pour débattre de nos sentiments, mais pour dessiner et voir ce qui n’allait pas. Même si mes dessins étaient beaux, il fallait que j’aie son avis pour savoir s’il y avait des choses à changer ou pas. « Sinon à part ça, est-ce que tu vois quelque chose qui ne colle pas avec les personnages principaux sur les dessins ? » demandai-je pour avoir son avis.

Vraiment, Serena allait devoir apprendre à faire la part des choses et cesser de s’accrocher à ce qu’elle savait déjà. C’était une solution de facilité qui n’était pas digne d’elle. Sans compter qu’elle n’était pourtant pas du genre à avoir des œillères quand il s’agissait de s’intéresser à un univers littéraire qui n’était pas le sien. Alors pourquoi se montrait-elle si étroite d’esprit ? Elle n’était malheureusement pas capable de répondre à cette question. D’ordinaire, Serena tâchait toujours de se montrer juste dans son travail. Y compris lorsqu’elle endossait son terrible rôle de critique littéraire. Elle écrivait pour de nombreuses revues littéraires publiées à échelles nationales et était celle qui avait le pouvoir de lancer une carrière ou au contraire, de la faire voler en éclats. Elle était celle qui pouvait faire de vous le nouvel auteur en vogue ou au contraire, ruiner votre carrière en l'espace de quelques semaines. Elle ne récompensait jamais le plus populaire mais bel et bien celui qui était selon elle le plus méritant. Ainsi, elle n’hésitait pas à discréditer la carrière d’un célèbre auteur en publiant de lamentables critiques à son sujet ou au contraire, à attirer l’attention sur de jeunes auteurs encore dans l’ombre s’ils étaient talentueux. Au cours de sa carrière, elle avait souvent donné un coup de pouce à des auteurs autres que des romanciers. Mais là, ça passait difficilement … très difficilement même. A n’en point douter, le problème venait probablement de la contrainte : le fait que ce soit « lui » qui ait demandé à ce que l’on travaille sur un tel ouvrage. Cet homme n’avait aucun goût et plus d’une fois Serena avait dû rattraper ses erreurs. Peut-être que c’était différent cette fois … En tout cas, Nanami semblait y croire. Elle avait probablement raison. Comprenant toutefois que la conversation n’était pas au goût de la jeune femme, Serena tâcha de ne pas en rajouter une couche et se plongea aussitôt dans le travail. « Sinon à part ça, est-ce que tu vois quelque chose qui ne colle pas avec les personnages principaux sur les dessins ? » Hum, oui ! Ils étaient … des dessins ? Une adaptation cinématographique aurait sans doute été plus appropriée. BON SANG SERENA !!! L’éditrice se pinça les lèvres, visiblement concentrée. Au fil des années, elle savait réussi à se faire une image précise des protagonistes. Image qui ne ressemblait en rien à ce qu’elle avait sous les yeux, naturellement. « Tout, en réalité. Mais avant que tu ne dises quoi que ce soit, sache que c’est une bonne chose. Je veux dire … c’est marrant, je n’avais jamais envisagé qu’ils puissent ressembler à cela. J’ai l’impression de redécouvrir les personnages et … j’avoue que c’est plutôt sympa. » Levant son regard teinté de vert des planches, elle adressa un vague sourire à la jeune femme puis s’empara du roman original et le feuilleta. Elle relisait certaines descriptions de l'auteur puis examinait avec attention les dessins de Nanami. Son regard passait du roman aux planches, inlassablement. Même si elle avait cherché à pinailler sur certains détails, Serena n'aurait pas été en mesure de le faire. Nanami avait véritablement cerner le plus important. « J’aime les détails sur les visages … ce côté vraiment expressif. Tu penses que tu pourrais me dessiner version manga ? J’aimerais bien voir à quoi je ressemblerais. » Sérieusement, ce n’était pas une blague. A croire qu’elle allait finir par y prendre goût. Elle observa de nouveau Nanami puis son sourire se dissipa aussitôt. « Pardon, oui, revenons-en au livre. Hum et bien …  en fait, je pense que c’est parfait. Tu as bien cerné l’émotivité des personnages. Celui de Nina surtout … c’est fou, cette expression souriante alors qu’elle est emplie d’une effroyable tristesse. J’aurais pourtant juré que ces émotions-là étaient difficiles à retranscrire sur un dessin mais tu t’en tires merveilleusement bien.»

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SERENA & NANAMI

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« Tout, en réalité. Mais avant que tu ne dises quoi que ce soit, sache que c’est une bonne chose. Je veux dire … c’est marrant, je n’avais jamais envisagé qu’ils puissent ressembler à cela. J’ai l’impression de redécouvrir les personnages et … j’avoue que c’est plutôt sympa. » Il fallait dire que je les avais fait comme je les imaginais en lisant le livre. On se faisait chacun sa propre vision, même si on respectait les données de l’auteur il serait plus que surprenant que plusieurs personnes puissent dessiner la même chose si on donnait un crayon à tout le monde pour représenter leur vision des personnages. Mais j’étais tout de même contente que ça lui plaise. Au moins je n’avais pas les dessins à refaire c’était toujours une bonne chose. « Vraiment ? Je suis contente en tout cas. J’avais peur que ma vision ne te plaise pas trop. Tu les voyais plutôt comment toi ? » Demandai-je un tantinet curieuse pour le coup. La laissant s’emparer du roman pour le feuilleter, je l’observais faire. Un coup le roman, un coup mes planches, elle analysait les personnages pour voir si j’avais respecté les détails et tout ça. « J’aime les détails sur les visages … ce côté vraiment expressif. Tu penses que tu pourrais me dessiner version manga ? J’aimerais bien voir à quoi je ressemblerais. » Hein ? Surprise de sa demande, je lui lançais un faible regard assez furtif en essayant de savoir si elle se fichait de moi ou pas. Mais au vu e son expression et de son regard, je pouvais clairement voir que non. C’était rare que l’on me demande ce genre de chose. C’était même la première fois que l’on me demandait de dessiner quelqu’un que je connaissais. Si j’avais déjà dessiné quelqu’un de moi-même, le fait que l’on me demande était totalement différent. Inspirant faiblement, je me sentis tout à coup mal à l’aise. « Pardon, oui, revenons-en au livre. Hum et bien … en fait, je pense que c’est parfait. Tu as bien cerné l’émotivité des personnages. Celui de Nina surtout … c’est fou, cette expression souriante alors qu’elle est emplie d’une effroyable tristesse. J’aurais pourtant juré que ces émotions-là étaient difficiles à retranscrire sur un dessin mais tu t’en tires merveilleusement bien. » Me pinçant les lèvres, je fixais la planche de mon regard vide avant de sourire en coin. Bien sûr que c’était faisable, je vivais de la sorte depuis pratiquement dix ans maintenant… Alors n’était-ce pas facile pour moi que de dessiner ce genre d’émotion ? Sourire, alors qu’au fond, on est littéralement détruit ? Je savais faire… C’était si facile de mentir aux autres. De dire oui ça va alors que non ça ne va pas. De sourire alors qu’on a envie de pleurer… « Eh bien… Quand on passe par ce genre de période dans la vie, je pense que c’est plus facile à retranscrire que quand on ne l’a jamais traversé. Bizarrement, je n’ai eu aucun de mal à la dessiner. » Marmonnai-je en attrapant un crayon pour gribouiller le coin d’une feuille. Après plus d’un an à sombrer dans l’alcool et à vivre l’enfer suite au coma de Kisuke j’avais su m’en relever plus ou moins depuis son réveil. Même si c’était tout de même assez dur je me relevais doucement. « N’as-tu jamais été triste, triste a un tel niveau que le seul moyen de t’en sortir c’était simplement de sourire et de montrer aux autres que tout allait bien ? Il parait que ça aide. Je ne sais pas si c’est vrai. » Annonçai-je en soupirant tout en dessinant sur la feuille. Ce que je dessinais ? Serena bien évidemment. C’était assez facile de la retranscrire, elle était tellement mignonne. « Et pour info, oui je peux te dessiner en version manga, par contre si tu te trouves plus belle en version manga là je ne pourrais rien pour t’aider ! » soufflai-je en riant doucement.

Comment voyait-elle les personnages ? Difficile à dire … Serena se faisait sa propre vision des différents protagonistes et bien entendu, ils avaient dans son esprit l’allure de personnes réelles. Bien vivantes. Non de simples dessins. C’est aussi pour cette raison qu’elle avait beaucoup de mal à regarder l’adaptation cinématographique de romans qu’elle avait déjà lu : elle se faisait une idée trop précise des héros et lorsqu’elle les voyait à l’écran, les acteurs n’étaient généralement pas à la hauteur de ses attentes. On lui avait conseillé de faire l’inverse : de voir le film et de le comparer ensuite à l’ouvrage. Facile pour un lecteur lambda. Beaucoup moins lorsque l’on travaille dans le monde de l’édition. « En chair et en os. C’est une vision assez précise, en réalité. A la fois très différente et très ressemblante à la tienne. Comme quoi, les descriptions de l’auteur sont suffisamment claires pour que l’on cerne plus ou moins les personnages. » Certes, les descriptions physiques étaient nombreuses et devaient certainement beaucoup aider Nanami dans son travail. Mais cela ne faisait pas tout. Du moins, Serena était fascinée par son coup de crayon… les émotions surgissaient du papier, poignantes et intenses. Un véritable régal pour les yeux, y compris pour les profanes du manga comme Serena. « Eh bien… Quand on passe par ce genre de période dans la vie, je pense que c’est plus facile à retranscrire que quand on ne l’a jamais traversé. Bizarrement, je n’ai eu aucun de mal à la dessiner. » Ses propos ne tombant pas dans l’oreille d’une sourde, Serena reposa délicatement la planche qu’elle tenait entre ses mains pour focaliser toute son attention sur la jeune femme. Bien entendu, elle n’osa pas poser la moindre question par peur de se montrer intrusive mais son silence laissa entendre à Nanami qu’elle pouvait continuer si elle le souhaitait. Elle l’écoutait. « N’as-tu jamais été triste, triste a un tel niveau que le seul moyen de t’en sortir c’était simplement de sourire et de montrer aux autres que tout allait bien ? Il parait que ça aide. Je ne sais pas si c’est vrai. » Serena baissa le regard un court instant. Elle comprenait parfaitement où son amie souhaitait en venir, car cela faisait une éternité qu’elle vivait de la sorte. Serena était très douée dans l’art de manipuler son entourage. Elle passait toujours pour cette adorable jeune femme dynamique et souriante alors qu’en réalité, son cœur était partait en lambeaux depuis trop longtemps déjà. Elle prit une profonde inspiration et remit une mèche de ses longs cheveux blonds en arrière. Que répondre à cela ? « Je ne suis pas certaine que ce soit vrai. Pour tout dire, cela n’a jamais réellement marché pour moi. Sourire n’est qu’une façade. Dans le fond, la peine est toujours bel et bien présente. Intense, lancinante, effroyablement douloureuse. On peut tromper bien des gens, mais on ne peut pas se tromper soi-même. Faire semblant d’être heureux alors qu’on ne l’est pas… » Elle s’interrompit un court instant tandis que son regard passait du vide, au dessin de Nanami. Qu… quoi ?! C’est elle qu’elle était en train de dessiner, non ? « Et pour info, oui je peux te dessiner en version manga, par contre si tu te trouves plus belle en version manga là je ne pourrais rien pour t’aider ! » Aussitôt, Serena se mit à rire de bon cœur. A en juger par le coup de crayon sensationnel de Nanami, il y avait effectivement de fortes chances pour que son alter égo version manga lui plaise davantage que le reflet dans le miroir. « Je suis certaine que je vais m’adorer !!» Quand on vous dit qu’elle était sérieusement en train d’y prendre goût. Elle observa Nanami dessiner durant de longues secondes puis finalement, décida de se lancer à son tour : « Et toi Nanami ? Qu’est-ce qui a bien pu t’inciter à endosser ce masque ? Tu n’es pas obligée de … enfin… d’évoquer cela si tu n’en as pas envie.» Mais si elle le souhaitait, Serena était là pour l’écouter.

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« En chair et en os. C’est une vision assez précise, en réalité. A la fois très différente et très ressemblante à la tienne. Comme quoi, les descriptions de l’auteur sont suffisamment claires pour que l’on cerne plus ou moins les personnages. » « C’est ce qui me plait dans les romans, quand tu as assez de description pour te faire une réelle idée du personnage. Le look, le style, la façon d’être, jusqu’au grain de beauté… Je trouve ça fabuleux de pouvoir se créer son propre personnage… » C’était en quelque sorte la même rengaine pour les mangaka. Créer son propre personnage, le rendre beau, idéalement un fantasme pour les lecteurs… Un personnage simplement fictif qui ferait tourner le cœur de nombreuses personnes. C’est ce que j’aimais que ça soit dans les romans ou dans les mangas… Et c’était d’autant plus vrai lorsque l’on avait nous-même ressentis les émotions. Comment dessiner un manga d’amour si on ne connait pas l’amour ? Comment dessiner un manga pour adulte si on est vierge et sans expérience ? Comment dessiner un manga pour gay si on n’a pas un minimum de connaissance ? Je suis de celle qui est persuadé que l’on ne peut pas réellement écrire ou dessiner quelque chose sans plus ou moins avoir vécu quelque chose de similaire. L’imagination c’est bien, mais c’est mieux quand il y avait du vécut derrière. Ou des lectures approfondis sur le sujet exploité. « Je ne suis pas certaine que ce soit vrai. Pour tout dire, cela n’a jamais réellement marché pour moi. Sourire n’est qu’une façade. Dans le fond, la peine est toujours bel et bien présente. Intense, lancinante, effroyablement douloureuse. On peut tromper bien des gens, mais on ne peut pas se tromper soi-même. Faire semblant d’être heureux alors qu’on ne l’est pas… » Elle avait raison, sourire alors qu’on est triste est plus trompeur pour les autres que pour soit même. Au fond, la tristesse reprend toujours le dessus mais c’est toujours mieux de sourire. Enfin pour ma part je ne voulais pas non plus que tout le monde puisse voir que j’avais des soucis. Même si j’avais eu une année difficile à boire comme pas possible et me planquer derrière l’alcool, maintenant ça allait mieux. J’allais mieux. Même si au fond je souffrais quand même encore. Je me demandais par contre ce qu’elle avait bien pu vivre pour faire la même chose. Peine de cœur ? Problème familiale ? Je ne savais pas trop, de toute façon il n’y avait pas trente-six milles choix pour être malheureux à ce point. « Peut-être oui… Le temps panse les peines ceci dit. Même si je me demande de quelle notion de temps on parle. C’est toujours plus facile de faire croire que tout va bien de toute façon. On n’a pas forcément envie d’ennuyer les gens avec nos histoires. » Ce qui était vrai, rare étaient les personnes qui montraient réellement leur tristesse. Il y en avait, mais moins que ceux qui souriaient alors que rien ne va chez eux. Par la suite, je me mis à dessiner Serena, tout en lui susurrant que si elle venait à se préférer en mode dessin, là je ne pourrais rien pour elle. Son rire me fit chaud au cœur. Ça faisait plaisir de l’entendre rire. Elle avait un joli rire en fait. Sa voix était féminine un peu cristalline, une belle voix oui. « Je suis certaine que je vais m’adorer !! » Riant doucement, je continuais à dessiner, la regardant de temps en temps pour ne pas rater de détails. Je me concentrais plus sur le corps qu’autre chose, les finitions seront pour la fin, toujours. Enfin, c’était ma façon de faire, après les autres faisaient comme bon leur semblait. « Bizarrement on s’adore toujours plus quand on est en dessin ou prit en photo par un photographe professionnel. La vie est bizarre hum ? » C’était vrai, si on se prenait en photo il est rare que l’on s’aime. « Et toi Nanami ? Qu’est-ce qui a bien pu t’inciter à endosser ce masque ? Tu n’es pas obligée de … enfin… d’évoquer cela si tu n’en as pas envie. » Souriant en coin, je cessais de dessiner avant de poser mon crayon à côté de la feuille. Parler de tout ça ne me dérangeait en aucun cas, c’était du passé, n’est-ce pas ? Tout ça c’était derrière moi, il valait mieux que je pense de la sorte de toute façon, pour pouvoir réellement tourner la page. « Bah, tu sais comme la plus part des humains l’amour. C’est le sentiment qui fait le plus souffrir l’être humain. Je pourrais écrire un roman avec mon histoire. »[/color] soufflai-je en riant. Le pire c’est que c’était vrai. « Rien de bien méchant, mon fiancé est resté un an dans le coma, et quand il s’est réveillé il avait perdu la mémoire. Il est rentré au Japon chez sa famille c’est mieux ainsi. » Enfin, c’était l’une des choses qui me faisait souffrir ainsi. Mieux ne valait pas parler de Yano, qui lui était le principal auteur de mon mal être depuis mes dix-sept ans. Mais bon on avait tous notre part de souffrance. Vivre sans souffrir n’était pas une vie. Comment connaitre le bonheur si on ne connait pas le malheur ? Ça n’aurait aucun sens à mes yeux. « Et toi ? Si bien sûr tu veux en parler. » soufflai-je en reprenant le crayon pour continuer mon dessin.

Il n'y avait pas à dire, Serena la trouvait touchante. Elle était d'un naturel déconcertant, et sa douceur et sa gentillesse faisaient d'elle une jeune femme indéniablement sensible et délicate. Laissant de côté l’aspect purement professionnel de leur rencontre, l’éditrice essaya donc de comprendre qui était véritablement Nanami. Et plus elles avançaient dans leur conversation et plus Serena comprenant que malgré son regard pétillant et son adorable sourire, quelque chose lui manquait. Elle n’aurait pas su dire quoi, mais cela se voyait. Quoi qu’après ce qu’elle venait de lui dire, son opinion penchait de plus en plus vers les malheurs de la vie qui n’est pas toujours tendre. Serena trouvait cela injuste. Mais hélas, personne ne pouvait rien y faire. « Bah, tu sais comme la plus part des humains l’amour. C’est le sentiment qui fait le plus souffrir l’être humain. Je pourrais écrire un roman avec mon histoire. » Serena baissa les yeux un instant, songeuse. Nanami ne croyait pas si bien dire… Attentivement, la jolie blonde se concentra sur ses propos afin d’essayer de comprendre un peu mieux le passé de la jeune femme. Elle espérait ne pas se montrer trop intrusive, la curiosité n’étant vraiment pas son principal défaut. « Rien de bien méchant, mon fiancé est resté un an dans le coma, et quand il s’est réveillé il avait perdu la mémoire. Il est rentré au Japon chez sa famille c’est mieux ainsi. » Serena avait l’impression d’avoir pris un coup de massue sur la tête. Ça, elle ne s’y était pas attendu. Mais ça expliquait beaucoup de choses en tout cas. « C’est terrible. Excuse-moi d’avoir fait remonter tous ces mauvais souvenirs.» Serena faisait souvent preuve d’une maladresse exemplaire, c’était un fait notoire. Mais là, elle venait de commettre un véritable impair et se sentait navrée d’avoir ravivé de douloureux souvenirs. « Et toi ? Si bien sûr tu veux en parler. » Hésitante, Serena se pinça les lèvres. Elle trouvait que son histoire était bien ridicule au regard de ce que Nanami venait tout juste de lui confier. Avait-elle le droit de se plaindre alors que la situation aurait pu être bien pire que cela ? Quoi que le destin de Serena était semé d’embûches. A croire qu’elle était la femme la plus malchanceuse de la création. En amour, bien entendu. Pour le reste, elle n’avait pas trop à se plaindre. « Et bien … mon mariage était en train de voler en éclats car mon époux et moi n’étions pas d’accord sur le fait d’avoir un enfant. Je veux fonder une famille mais il ne partageait pas ce désir. Nous nous sommes séparés. Puis revus. Et je suis tombée enceinte … je suis morte de peur car je sais qu’il ne voudra pas de ce bébé. TADAM ! C’est joyeux, je sais. » Faire de l’humour dans les pires circonstances possibles était sa manière bien à elle de ne surtout pas sombrer. Montrer ses faiblesses n’était pas dans ses habitudes. Serena était celle sur qui l’on s’appuie. Pas celle qui s’appuie sur les autres. Du moins, elle avait toujours fait en sorte qu’il en soit ainsi. Contrairement aux apparences, Serena était loin d’être un modèle parfait de réussite. Sa vie professionnelle était parfaite mais sur le plan personnel, c’était un véritable désastre. Catastrophique, même. Il était fort étonnant qu’elle ait accepté de se confier à Nanami sans rechigner car d’ordinaire, elle conservait toujours son expression souriante et prétendant que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. A croire que les deux jeunes femmes se ressemblaient bien plus qu’elles ne l’imaginaient. Posant un regard sur le dessin de son amie, Serena ne put s’empêcher d’esquisser un sourire radieux. « Y’a pas à dire, je suis vraiment à tomber en version manga. Mais tu sais quoi ? J’aimerais que tu te dessines également. Juste à côté. Comme ça, je conserverai une trace de notre précieuse collaboration dans notre bureau. Qu’est-ce que tu en dis ? Il aurait plutôt fière allure, dignement accroché sur mon mur !! » Son sourire se transforma en un rire doux et cristallin. Finalement, son regard s’attarda davantage sur Nanami et elle reprit : « En fait, je suis contente qu’on puisse travailler ensemble. »

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« C’est terrible. Excuse-moi d’avoir fait remonter tous ces mauvais souvenirs. » Secouant la tête négativement je me mordis la lèvre inférieure. « Non, non ne t’excuse pas. Vraiment, ce n’est pas grave. Dans un sens c’est mieux pour lui de m’avoir oublié, c’est pour ça que je n’ai pas cherché à ce qu’il se souvienne de moi. Et je sais que le jour où il se souviendra de moi si ça arrive… Il me pardonnera… Et comprendra. Je n’en doute pas un seul instant. » Il fallait qu’il m’oublie pour son propre bien. Et qu’il vive enfin sa vie, pas la mienne. Mais parler de moi c’était bien, mais parler d’elle, c’était tout aussi bien, enfin, si bien sûr, elle le voulait je ne la forçais pas, mais je lui suggérais. Après tout parfois ça fait du bien de parler et de se confesser à quelqu’un qu’on ne connait pas forcément. « Et bien … mon mariage était en train de voler en éclats car mon époux et moi n’étions pas d’accord sur le fait d’avoir un enfant. Je veux fonder une famille mais il ne partageait pas ce désir. Nous nous sommes séparés. Puis revus. Et je suis tombée enceinte … je suis morte de peur car je sais qu’il ne voudra pas de ce bébé. TADAM ! C’est joyeux, je sais. » surprise de l’annonce, je posais mon crayon sans plus pouvoir dessiner. Je n’avais pas rêvé ? Elle avait bien prononcé le mot bébé et enceinte ? Elle … Baissant un rapide regard sur son ventre, je penchais la tête en essayant d’imaginer le bébé là, dans son petit ventre. Oh… Elle allait donner la vie, la chose la plus merveilleuse au monde. Haaaan, j’avais envie de sauter tout partout et de hurler. J’avais envie de la prendre dans mes bras et de coller mon oreille sur son ventre. Ah, elle allait avoir un bébé ! Ah je l’enviais. Les bébés c’est mignon, c’est tout beau. Oh un bébé… « Y’a pas à dire, je suis vraiment à tomber en version manga. Mais tu sais quoi ? J’aimerais que tu te dessines également. Juste à côté. Comme ça, je conserverai une trace de notre précieuse collaboration dans notre bureau. Qu’est-ce que tu en dis ? Il aurait plutôt fière allure, dignement accroché sur mon mur !! » Secouant la tête pour en revenir à mes idées, je tourner un vague regard sur le dessin avant de froncer les sourcils. Que je me dessine ? Ah… Je ne savais pas trop comment me dessiner, mais oui, je pouvais parfaitement le faire, c’était loin d’être un souci pour moi. Une petite blonde et une petite brune côte à côte, un échange, un souvenir, elle avait raison, c’était toujours plaisant d’avoir des souvenirs. « En fait, je suis contente qu’on puisse travailler ensemble. » Et c’était réciproque. Souriant en coin je me levais en souriant en coin. « C’est réciproque. Et oui, je me dessinerai à côté alors. On va tout décoiffer sur ce dessin tu verras ! Les autres vont te jalouser d’avoir un si beau dessin sur ton mur ! » soufflai-je en lui donnant un faible coup de coude dans son bras. Me penchant je posais mon oreille sur son ventre l’air de rien en souriant franchement. « Tu es a combien de semaines exactement ? Je présume que tu ne le lui as pas encore dit ? C’est ça ? » Demandai-je en me relevant. Ça ne devait pas être facile, surtout s’il ne voulait pas fondait de famille. L’annonce pourrait bien amener à une nouvelle dispute, la pauvre. Mais elle ne pouvait pas le lui cacher plus longtemps… ça serait surement pire… « Y’a que les hommes pour réagir ainsi… Ils pourraient quand même essayer de nous comprendre et de ne pas faire les enfants… Et après ça dit que c’est plus fort qu’une femme. Emotionnellement parlant, j’en doute. » 

« Non, non ne t’excuse pas. Vraiment, ce n’est pas grave. Dans un sens c’est mieux pour lui de m’avoir oublié, c’est pour ça que je n’ai pas cherché à ce qu’il se souvienne de moi. Et je sais que le jour où il se souviendra de moi si ça arrive… Il me pardonnera… Et comprendra. Je n’en doute pas un seul instant. » Mille et une questions étaient en train de se bousculer dans l’esprit de Serena. Elle aurait beaucoup aimé rebondir sur les propos de Nanami mais elle jugea que cela aurait été parfaitement inapproprié. La curiosité est un bien vilain défaut et elle redoutait fort de commettre un nouvel impair. L’espace d’un instant, elle essaya d’imaginer la douleur endurée par son amie. Ce devait être terrible. Vraiment. Voir ses souvenirs voler en éclats, tout un passé disparu dans le néant le plus total. Sans parler de ce sentiment d’impuissance qu’elle devait ressentir … c’était vraiment terrible. A défaut de continuer la conversation sur ce sujet peu reluisant, Serena ne tarda pas à lui faire remarquer que son dessin était une pure merveille. Elle le pensait réellement. C’était amusant de découvrir sa propre version manga. Jamais encore Serena ne s’était laissée dessiner par qui que ce soit. Il faut dire aussi qu’elle n’en avait jamais eu l’occasion. Forcément, c’était amusant de découvrir cela. Cela dit, elle préférait que Nanami prenne le temps de se dessiner également. « C’est réciproque. Et oui, je me dessinerai à côté alors. On va tout décoiffer sur ce dessin tu verras ! Les autres vont te jalouser d’avoir un si beau dessin sur ton mur ! » Serena se mit à rire et approuva ses dires. A coup sûr, ce dessin allait véritablement en mettre plein la vue à quiconque entrerait dans son bureau.

L’espace d’un instant, Serena se figea. Ne comprenant pas trop ce que Nanami était en train de faire, elle cessa tout mouvement. « Tu es a combien de semaines exactement ? Je présume que tu ne le lui as pas encore dit ? C’est ça ? » Serena retrouva aussitôt le sourire. C’était étrange comme situation … c’est bien la première fois qu’on portait autant d’intérêt à ce bébé qui grandissait en elle. Jusqu’ici, les réactions avaient été plutôt timides. En même temps, elle n’avait pas encore eu l’occasion de l’annoncer à grand monde. « Un peu moins de trois mois. Je l’ai découvert assez tardivement car logiquement, je n’aurais jamais dû tomber enceinte. Quant à mon époux et bien … il est au courant mais … il prétend avoir besoin de temps pour réfléchir. Nous savons parfaitement ce que cela signifie… » Serena ne pensait pas devoir s’attendre à un quelconque revirement de situation. Elle savait qu’elle allait finir par se retrouver seule avec son bébé et que par conséquent, elle allait devoir recommencer sa vie à zéro. Voilà un échec clairement reluisant pour celle qui rêvait depuis toujours de fonder la famille idéale. « Y’a que les hommes pour réagir ainsi… Ils pourraient quand même essayer de nous comprendre et de ne pas faire les enfants… Et après ça dit que c’est plus fort qu’une femme. Emotionnellement parlant, j’en doute. » Serena acquiesça avec un léger sourire nostalgique. Le pire dans cette histoire, c’est qu’elle aimait toujours profondément Vitaly. Elle aurait pu le détester après tout ça, après sa réaction, après ce qu’elle avait enduré ces dernières années et tout ce qu’elle ignorait. Mais non. Elle voyait juste qu’elle était amoureuse de cet homme et quand bien même lui prendrait-il soudainement l’envie de lui faire subir les pires atrocités que l’on puisse imaginer, elle trouverait toujours la force de lui pardonner. Pourquoi ? Elle ne saurait dire, en réalité. « Parfois j’en viens à me dire que c’est moi qui suis trop idéaliste. Peut-être que j’en demande beaucoup trop alors que je devrais simplement me contenter de ce que j’ai. Tu penses que c’est aussi compliqué pour tout le monde ? J’ai parfois l’impression que je suis la seule à m’enliser dans la complexité. Tout semble tellement simple pour les autres … ou alors ce n’est peut-être qu’une simple impression liée aux apparences, je ne sais pas.»

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« Un peu moins de trois mois. Je l’ai découvert assez tardivement car logiquement, je n’aurais jamais dû tomber enceinte. Quant à mon époux et bien … il est au courant mais … il prétend avoir besoin de temps pour réfléchir. Nous savons parfaitement ce que cela signifie… » Hum, ce n’était pas facile du tout… Son mari ne m’étonnait guerre, combien d’hommes sortaient cette phrase à l’annonce d’une éventuelle grossesse ? Je me le demandais bien. Entre ceux qui faisait comme lui, ceux qui étaient content puis fuyaient le jour j, et ceux qui partaient directement, je me demandais combien en pourcentage cela pouvait représenter. Comme si nous, les femmes n’étions pas aussi effrayé. C’était un cercle vicieux, chez tout le monde, un éternel cycle, qui ne se finirait surement jamais. Le doute et la peur faisaient partie de nous. « Je vois… Ce n’est pas facile tout ça… Mais tu sais, tu ne devrais pas baisser les bras pour autant. Il faut que tu le convainques de le garder. Essaie de jouer sur les bonnes raisons de garder le bébé et de l’avoir… Je veux dire… être parent c’est quelque chose de fabuleux… Je ne vois pas pourquoi tu renoncerais au bébé car il dit non. Vous êtes deux… » soufflai-je en la regardant longuement. Je trouvais ça immonde que les hommes puissent être de la sorte. Demander l’avortement sans se soucier de ce que la femme pouvait penser… Egoïste… Voilà ce qu’ils étaient à mes yeux… Parlant toujours de sa grossesse, mais surtout des hommes, je ne pus m’empêcher de faire une remarque sur les hommes qui se croient plus fort, alors qu’émotionnellement parlant les femmes étaient les plus forte… « Parfois j’en viens à me dire que c’est moi qui suis trop idéaliste. Peut-être que j’en demande beaucoup trop alors que je devrais simplement me contenter de ce que j’ai. Tu penses que c’est aussi compliqué pour tout le monde ? J’ai parfois l’impression que je suis la seule à m’enliser dans la complexité. Tout semble tellement simple pour les autres … ou alors ce n’est peut-être qu’une simple impression liée aux apparences, je ne sais pas. » Fronçant les sourcils à ses paroles, je restais silencieuse, la regardant simplement en réfléchissant. Je ne savais pas trop ce qu’elle vivait, ou avait vécu pour penser de la sorte, et elle avait surement ses raisons, c’était même forcément compréhensif… Surtout si son mari avait l’air de ne pas trop vouloir de cet enfant… Elle devait passer par une phase assez dure émotionnellement… Et physiquement. Être enceinte n’était pas de tout repos non plus. Ça aussi les hommes ne s’en rendait pas réellement compte. Attrapant sa main, je la tirais doucement pour qu’elle s’assoie sur la chaise à côté de moi. Il fallait déjà qu’elle se ménage, elle était enceinte, et même si ça ne faisais pas trois mois, elle devait tout de même rester sur ses gardes. On n’était jamais trop prudente. « Tu sais Serena, je pense que chaque personne est différente. C’est ce qui la rend encore plus jolie aux yeux des autres. » Ce qui était vrai dans un sens. « Dans la vie, je pense qu’il faut savoir être égoïste au bon moment. Il faut toujours se contenter de ce que l’on a, c’est vrai. Mais toi, au fond de toi, n’as-tu jamais rêvé d’avoir cet enfant ? Il faut que tu penses aussi à toi… Sache que toute personne sur cette terre a ses secrets, son jardin à lui… Dire je vais bien alors qu’on est littéralement mort intérieurement, beaucoup de monde savent le faire. Tu n’es pas la seule. Crois-moi. » Soufflai-je en tenant toujours sa main, comme pour la rassurer. « Je pense que dans ce genre de moment, tu ne dois pas penser aux autres… Pense à toi, juste à toi. » Rajoutai-je en la regardant dans les yeux tout en lui serrant doucement la main.

La question de savoir si elle allait ou non garder ce bébé ne se posait même pas. A vrai dire, l’idée d’avorter ne lui avait même pas traversé l’esprit un seul instant. Aussi étrange que cela puisse paraitre, Serena était déjà véritablement attachée à ce bébé. Elle savait qu’elle l’aimerait d’un amour à la fois inconditionnel et démesuré. Sans compter qu’elle rêvait depuis toujours de devenir maman … alors si elle se devait de choisir entre une vie avec Vitaly et une vie avec son enfant, elle n’hésiterait pas un seul instant. Naturellement, elle aurait aimé que les choses se passent autrement et que son futur ex-mari partage son bonheur et se rende compte de l’immense chance qui leur était offerte, mais elle connaissait suffisamment bien Vitaly pour savoir qu’il n’aspirait pas à une vie parfaite et rangée. Elle ignorait d’ailleurs pourquoi il était tellement réticent à l’idée de devenir père et en venait même à croire que le fond du problème venait d’elle. Peut-être n’était-elle pas à la hauteur ? « Je vois… Ce n’est pas facile tout ça… Mais tu sais, tu ne devrais pas baisser les bras pour autant. Il faut que tu le convainques de le garder. Essaie de jouer sur les bonnes raisons de garder le bébé et de l’avoir… Je veux dire… être parent c’est quelque chose de fabuleux… Je ne vois pas pourquoi tu renoncerais au bébé car il dit non. Vous êtes deux… » Serena esquissa un sourire résigné. Malheureusement, les choses n’étaient pas si simples et quand bien même trouverait-elle tout un tas d’arguments valables, cela ne changerait strictement rien au fait que Vitaly ne se sentait pas prêt à devenir père. « Malheureusement, c’est beaucoup plus compliqué que ça. Mais rassure-toi, je n’ai absolument pas l’intention de renoncer à ce bébé. J’ai toujours appris à ne compter que sur moi-même, alors je pense être capable de m’en sortir toute seule. Disons juste que j’ai toujours cru que Vitaly serait toujours à mes côtés … qu’on finirait par fonder une famille et trouver un certain équilibre. Me retrouver face à l’inconnu me fait un peu peur, je l’avoue. Mais ça va aller.» Après tout, elle ne serait pas la première femme à donner la vie seule, à élever un enfant en tant que mère célibataire etc… Serena se savait capable d’affronter tout cela. Mais il est vrai que ces derniers temps, ses hormones avaient tendance à prendre le dessus et elle se mettait souvent à pleurer pour un rien, à avoir les idées noires ou encore passer du rire aux larmes et inversement en une fraction de seconde.

Sentant Nanami lui prendre la main, Serena ne se fit pas prier pour s’installer à ses côtés. « Tu sais Serena, je pense que chaque personne est différente. C’est ce qui la rend encore plus jolie aux yeux des autres. Dans la vie, je pense qu’il faut savoir être égoïste au bon moment. Il faut toujours se contenter de ce que l’on a, c’est vrai. Mais toi, au fond de toi, n’as-tu jamais rêvé d’avoir cet enfant ? Il faut que tu penses aussi à toi… Sache que toute personne sur cette terre a ses secrets, son jardin à lui… Dire je vais bien alors qu’on est littéralement mort intérieurement, beaucoup de monde savent le faire. Tu n’es pas la seule. Crois-moi. Je pense que dans ce genre de moment, tu ne dois pas penser aux autres… Pense à toi, juste à toi. » Ses paroles étaient à la fois sages et extrêmement justes. Serena savait qu’il était temps pour elle de ne songer qu’à sa personne, sans se soucier de ce que les autres allaient bien pouvoir en penser. Les propos de Nanami la confortaient dans son idée initiale : tout plaquer du jour au lendemain pour s’octroyer le droit de recommencer sa vie à zéro, loin de New York et de sa vie actuelle. Plongeant son regard dans celui de la jeune femme, elle esquissa un tendre sourire. « Merci. Tu ne t’en rends probablement pas compte mais tout ce que tu dis m’aide beaucoup. Notamment pour y voir plus clair. Tout est assez confus dans mon esprit en ce moment et … vraiment, ça m’aide beaucoup. » Elle était on ne peut plus sincère. « Je peux te poser une question … disons … délicate ? » Naturellement, Serena faisait allusion à tout ce que son amie lui avait confié quelques minutes plus tôt concernant son propre passé. Il y avait certaines zones d’ombre que l’éditrice aurait aimé éclaircir, notamment car elle ne savait pas comment Nanami parvenait à être aussi … parfaite. Entendons par là qu’elle semblait pleine de vie en dépit des peines et des malheurs qu’elle avait pu connaitre par le passé. Elle faisait preuve d’une grande sagesse et Serena l’admirait beaucoup pour cela. « Comment fais-tu pour être sure de prendre les bonnes décisions ? Comment fais-tu pour savoir que tu ne regretteras pas d’avoir agi de telle ou telle façon plutôt qu’une autre ? »

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SERENA & NANAMI

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« Malheureusement, c’est beaucoup plus compliqué que ça. Mais rassure-toi, je n’ai absolument pas l’intention de renoncer à ce bébé. J’ai toujours appris à ne compter que sur moi-même, alors je pense être capable de m’en sortir toute seule. Disons juste que j’ai toujours cru que Vitaly serait toujours à mes côtés … qu’on finirait par fonder une famille et trouver un certain équilibre. Me retrouver face à l’inconnu me fait un peu peur, je l’avoue. Mais ça va aller. » La pauvre… J’avais l’impression de me voir à travers elle quand Yano… M’a littéralement abandonné sans même me le dire. Baissant un peu le regard je ne savais pas trop quoi dire à part insulter ce fameux Vitaly. Mais bon ça serait fortement déplacé de ma part de faire ça quand même. « Je vais être France Serena, je pense que personne ne connait personne sur cette terre. On a beau vivre avec des personnes pendant x temps, au fond, qu’est-ce qu’on connait d’eux ? Seul eux se connaissent bien. Un jour ou l’autre, on se rend compte qu’on ne connaissait pas bien la personne. On se sent comme trahit, comme impuissant, on se sent faible et stupide. Parfois on se sent idiot d’avoir eu ce genre d’envie et d’idée quand on voit certaines choses… Mais je crois que c’est la vie. On ne montre pas forcément notre vrai nous aux gens. » soufflai-je doucement. « Ce n’est pas mal de penser que Vitaly serait toujours à tes côtés. Tu es amoureuse, c’est normal de le penser. Et je suis sûre qu’au fond Vitaly ferait un bon père. Je ne le connais pas, mais pour vivre avec toi, j’ai le sentiment sincèrement qu’il ferait un bon père avec toi comme bonne mère. L’inconnu nous fait tous peur. Cette sorte de néant cette spirale qui effraie tout le monde… C’est la peur du commun des mortels. Mais bats toi pour les choses que tu aimes, ne laisse pas les choses se faire, bats toi et ne regrette rien. » ajoutai-je en souriant en coin. C’était tout ce que je pouvais faire, je me devais de m‘encourager, de lui faire comprendre qu’elle devait tout essayer pour garder ce bébé et si jamais… Elle ne le gardait pas, malgré sa tristesse de ne pas l’avoir, elle aurait en moins sur son cœur, ces regrets de ne pas avoir essayé. C’était toujours ça en moins comme peine. Il fallait minimiser… J’avais surement une méthode un peu bizarre, mais c’était comme ça que je fonctionnais… « Merci. Tu ne t’en rends probablement pas compte mais tout ce que tu dis m’aide beaucoup. Notamment pour y voir plus clair. Tout est assez confus dans mon esprit en ce moment et … vraiment, ça m’aide beaucoup. » J’étais contente, vraiment, car si cela pouvait l’aider, ne serait-ce qu’un peu, alors ça me rendait heureuse aussi. « Je peux te poser une question … disons … délicate ? » fronçant les sourcils surprise, je me mordis les lèvres en la regardant droit dans les yeux. « Comment fais-tu pour être sure de prendre les bonnes décisions ? Comment fais-tu pour savoir que tu ne regretteras pas d’avoir agi de telle ou telle façon plutôt qu’une autre ? » Entrouvrant la bouche, je souris faiblement avant de me redresser. Cette question je ne m’y étais pas attendu. Je devais bien l’avouer. Le visage de Yano me vint alors à l’esprit. Cet homme… qui m’avait tout appris. Cet homme qui m’avait rendu ainsi, c’était grâce ou à cause de lui que j’étais ce que j’étais aujourd’hui. Je ne pouvais pas lui en vouloir, c’était impossible d’ailleurs. J’avais du mal à lui en vouloir, parce que malgré tout je l’aimais encore, je n’arrivais pas à l’oublier et je ne savais même pas si un jour, je pourrais l’oublier. Vivre ainsi n’était pas forcément bon pour moi, mais je m’en accommodais. « Tu n’as pas à me remercier, c’est quelque chose de naturel. Je ne suis pas forte pour ça mais je fais de mon mieux quand je vois quelqu’un qui souffre. » soufflai-je en souriant doucement. « Quant à ta question… » Marmonnai-je faiblement. Dur d’y répondre. Fermant les yeux j’inspirais doucement pour me donner du courage. « J’ai rencontré un garçon au lycée. Tu sais ce genre de rencontre. Le premier amour. Et sa petite copine a été tué dans un accident de voiture il était sens dessus dessous. Alors j’ai tenté de lui remonter le moral comme j’ai pu. Et c’est lui qui m’a fait comprendre une chose. On n’est pas éternel. On peut mourir à n’importe quel moment. Alors il faut savoir faire un choix et ne jamais regretter. Quoi que tu fasses, il faut le faire sans aucun regret et ne pas se poser de question. Car on sait très bien, que si on ne le fait pas, on aura aussi des regrets. A avoir des regrets, pourquoi ne pas agir ? » soufflai-je en souriant un peu plus. « Agir de tel ou tel façon, pourquoi réfléchir ? Suis ton instinct ta première intuition sera toujours la bonne, même si tu le regrettes. Quel que soit l’âge qu’on a, on doit apprendre de nos erreurs. Tu sais, je regrette beaucoup de chose dans ma vie. Mais je suis fière de les avoir vécus, car sans cela, je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui. » Tapant dans mes mains je soufflais un bon coup souriant de toutes mes dents avant de me lever et m’approcher d’elle. La prenant dans mes bras, je la serrais doucement contre moi. C’était le meilleur remède pour chasser la tristesse et les peines. « Avoir des regrets, c’est le privilège de l’être humain. Dis-toi cela, et avance sans réfléchir. » murmurai-je doucement.

Il n’y avait pas à dire ; sa philosophie de vie était merveilleuse. Serena aurait aimé pouvoir faire preuve d’une telle sagesse, écouter son cœur et ne pas être effrayée par les éventuels regrets qui pourraient en découler. Hélas, elle était une jeune femme beaucoup trop cérébrale qui aimait avoir la main mise sur tout ce qu’elle entreprenait. Serena ne supportait pas de ne plus avoir le contrôle sur sa vie et c’est très précisément ce qui était en train de se produire à son insu. Elle aurait aimé que son mariage soit parfait et que sa vie de famille le soit également. Elle voulait être amoureuse et heureuse. Hélas, elle avait compris depuis longtemps que l’amour et le bonheur ne vont pas ensemble. Totalement incompatibles. Comment pourrait-elle reprendre sa vie en main si elle s’évertuait à toujours vouloir regarder en arrière ? Vivre dans le passé n’était clairement pas la solution. Ainsi, elle allait devoir apprendre à se montrer plus courageuse face aux différentes épreuves de la vie. Apprendre à lâcher prise et à être elle-même, sans se soucier de l’avis des autres ou des erreurs qu’elle serait susceptible de commettre. Personne n’est parfait. Nanami avait entièrement raison sur ce point. Tout son discours la conforta dans son idée première : accepter de suivre son cœur, tout plaquer et recommencer une nouvelle vie dans un autre pays. C’était sans doute radical comme décision mais Serena était persuadée que c’était la meilleure chose à faire. Elle avait envie d’aller de l’avant, de ne penser qu’à elle. Voilà une manière bien égoïste de voir les choses, mais pour une fois dans sa vie, n’avait-elle pas le droit de s’accorder un peu de répit ? Serena s’était toujours souciée du bonheur des autres, il était grand temps qu’elle se posa une question de la plus haute importance : qu’est-ce qui pourrait la rendre ELLE heureuse ? Cette réflexion prenait tout son sens suite aux propos de Nanami et c’est tout naturellement que Serena en vint à lui demander comment elle faisait pour être certaine de ses choix. Son récit la troubla plus que de raison. Cette demoiselle était décidément pleine de bon sens… incroyablement surprenante et courageuse mais ça, Serena l’avait compris depuis une éternité. Elle n’était pas seulement touchante, elle était carrément … poignante. « Crois-moi Nanami, la personne que tu es est tout simplement incroyable. Tu es dotée d’une très belle âme … je t’admire beaucoup. Vraiment.» Elle lui adressa un sourire sincère avant de la serrer dans ses bras à son tour. C’est fou, elle était véritablement en train de s’attacher à elle comme si elle la connaissait depuis toujours. Sa présence était vraiment apaisante et elle savait trouver les mots justes pour lui permettre de relativiser face à toutes ces choses qui la perturbaient depuis quelques temps. « Avoir des regrets, c’est le privilège de l’être humain. Dis-toi cela, et avance sans réfléchir. » Serena esquissa un sourire. Effectivement. Vu sous cet angle-là, sa vision du monde était différente. Merci Nanami… S’éloignant doucement de la jeune femme, Serena essuya d’un revers de main une larme qui venait de perler sur sa joue et se mit à rire. « Fichues hormones ! Je ne suis jamais passé si facilement du rire aux larmes que depuis que je suis enceinte. C’est terrifiant. » Son rire cristallin et doux à la fois se fit de nouveau entendre et elle remit une mèche de ses cheveux en place avant de retourner s’installer à son bureau. Bien. Il fallait vraiment qu’elles songent à se mettre au travail avant que le grand patron fasse son entrée et ne les découvre enlacée l’une contre l’autre à philosopher sur le monde et l’esprit humain. « Au moins, nous savons désormais que Nina n’est pas la seule femme à devoir supporter tous les maux de la terre sur ses frêles épaules. » Elle se remit à sourire et s’empara des planches de Nanami qu’elle contempla durant un long moment avant de tordre légèrement la bouche. « Tu sais quoi ? je pense que nous devrions finalement apporter une petite touche de fantaisie à l’histoire. Tu sais, une touche personnelle n’appartenant qu’à nous. Je suis certaine qu’en mêlant nos compétences respectives, nous serons capables d’y arriver. Et tu sais quoi ? Lorsque nous aurons suffisamment avancé dans notre travail, je t’invite à diner au restaurant histoire de décompresser un peu. Qu’est-ce que tu penses de mon programme ? Plutôt pas mal, non ? »

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« Crois-moi Nanami, la personne que tu es est tout simplement incroyable. Tu es dotée d’une très belle âme … je t’admire beaucoup. Vraiment. » Rougissant sur le coup, je raclais ma gorge, assez mal à l’aise pour le coup. C’était la première fois que l’on me disait ce genre de compliment. J’étais loin d’être une habituée… ça me rendait juste… Nostalgique. Si j’étais celle que je suis aujourd’hui c’était purement et simplement grâce à Yano… Sans lui je n’aurais pas cette mentalité, je n’aurai pas cette façon de vivre qui m’était propre. Je savais qu’au fond, à présent, je pensais comme lui, comme s’il m’avait convertit… Dans un sens c’était un peu ça. Birdie qui l’avait connu en Amérique avait elle aussi changeait sa façon de voir la vie. On changeait tous après l’avoir rencontré… « Merci beaucoup Serena… A vrai dire, tu es la première personne à me le dire. Tu me vois sous un bon jour et en meilleure forme. Je ne sais pas si tu aurais dit la même chose si on s’était rencontrée l’an dernier… Mais je suis contente de pouvoir t’aider et apaiser un tant soit peu ta tristesse. Sincèrement. Et sache que toi aussi tu es une personne formidable, et n’en doute pas un seul instant. » marmonnai-je en souriant de façon sincère. J’étais vraiment sincère. Je détestais le mensonge de toute façon. Par la suite j'ajoutais l’air de rien, que les soucis, c’était le privilège de l’être humain, et je pus la voir se frotter doucement le visage de sa main tout en s’éloignant de moi. Elle était une belle vraiment belle… « Fichues hormones ! Je ne suis jamais passé si facilement du rire aux larmes que depuis que je suis enceinte. C’est terrifiant. » En effet, ça ne devait pas être pratique, un coup de pleurer, un coup de sourire… Je n’aimerai pas vivre ce genre de moment, du moins pas encore, ce n’était pas dans mon idée. « Tu ne peux rien faire pour contrer ça ? Ça ne doit pas être pratique… » marmonnai-je faiblement en plissant le nez. Pas facile du tout. La regardant prendre sa place, je soupirais doucement en regardant un peu plus le bureau, de celle-ci. « Au moins, nous savons désormais que Nina n’est pas la seule femme à devoir supporter tous les maux de la terre sur ses frêles épaules. » Non, elle n’était malheureusement pas la seule. Nous avions tous notre lot de malheurs… C’était un marché plutôt concluant, souffrir pour avoir la joie, être malheureux pour être heureux. Sans ce sentiment, est-ce que nous connaitrions réellement le mot bonheur ? Je me le demande sincèrement. Mais pour le moment, il ne fallait pas penser à cela, il fallait se concentrer réellement sur les planches, et sur le boulot que nous devions faire toutes les deux ensemble, pour mener à bien ce projet. « Tu sais quoi ? Je pense que nous devrions finalement apporter une petite touche de fantaisie à l’histoire. Tu sais, une touche personnelle n’appartenant qu’à nous. Je suis certaine qu’en mêlant nos compétences respectives, nous serons capables d’y arriver. Et tu sais quoi ? Lorsque nous aurons suffisamment avancé dans notre travail, je t’invite à diner au restaurant histoire de décompresser un peu. Qu’est-ce que tu penses de mon programme ? Plutôt pas mal, non ? » Plongeant mon regard dans le sien, un sourire se logea sur mon visage, j’étais très contente qu’elle m’annonce ça, réellement. Je ne m’y attendais pas et je trouvais que vraiment, nous allions surement passer de bons moment ensemble, sur ce projet. Même s’il allait y avoir quelques désaccords, je savais que nous nous entendrions bien. Il fallait croire que ce genre de petites confessions était le top pour se rapprocher des gens. M’asseyant sur la chaise d’une façon un peu lourde, je croisais les jambes en posant mes coudes sur la table. « Je valide ! J’adhère totalement. » soufflai-je enthousiaste à souhait. « De plus je suis vraiment contente que mes dessins te plaisent, et que tu puisses proposer ça ! Vraiment ! Tu n’as pas idée, comme tout à coup j’ai cruellement envie de bosser à fond sur ce projet. » soufflai-je en riant doucement. Fouillant dans mon sac je pris les autres planches cette fois. Les planches des décors. J’avais dessiné surtout les décors les moins importants de tous. Mais qui l’était quand même un minimum, ce n’était que des croquis mais je n’étais pas réellement sûre de moi. « Regarde, j’ai dessiné quelques arrière plans que l’on voit un peu souvent dans le livre. Qu’en penses-tu ? Pour les lieux plus importants, je voulais voir cela avec toi, histoire qu’on soit d’accord, et puisse y mettre des détails en commun. » soufflai-je en regardant mes planches. On voyait qu’elles étaient faite un peu à la vas vite, mais ce n’était qu’un modèle, ce n’était pas réellement ce que j’avais décidé.

Malheureusement, Serena n’avait strictement aucun contrôle sur ses émotions et était condamnée à avoir des réactions totalement inattendues durant quelques mois encore. Elle haussa donc les épaules avec amusement, signifiant à Nanami qu’elle n’y pouvait rien si ce n’est prendre son mal en patience. C’était une toute nouvelle expérience pour elle mais elle allait sans doute finir par s’y habituer même si certains risquaient de faire les frais de ces manifestations étranges de l’humeur. Serena allait donc essayer de tempérer les choses et de ne surtout pas se surmener au cours des prochains mois. Son boulot était davantage un loisir qu’une profession contraignante mais tout de même ! Il était question de sa santé et de celle du bébé. Il fallait donc qu’elle prenne le temps de s’octroyer du bon temps et c’est précisément ce qu’elle ne tarda pas à proposer à son amie. « Je valide ! J’adhère totalement. De plus je suis vraiment contente que mes dessins te plaisent, et que tu puisses proposer ça ! Vraiment ! Tu n’as pas idée, comme tout à coup j’ai cruellement envie de bosser à fond sur ce projet. » Après tout, un peu de fantaisie ne pouvait faire de mal à personne et étant donné les libertés qu’elle s’autorisait à prendre en temps normal, le grand patron ne verrait pas d’inconvénient à ce qu’elle prenne des initiatives un peu … originales. Serena était clairement beaucoup plus motivée à travailler sur ce projet qu’elle ne l’avait été au départ. Il faut dire que son adorable collaboratrice y était pour beaucoup. Pas sûr qu’elle se serait montrée si conciliante avec quelqu’un d’autre. « Disons que face à toi, mes préjugés sont condamnés à voler en éclats. Ne pas reconnaitre ton talent serait une grave erreur de ma part. Et un manque évident de professionnalisme. Tout ce que tu viens de dire est réciproque, j’ai vraiment envie de m’impliquer pleinement dans ce projet et voir où tout ceci va bien pouvoir nous mener. Et qui sait ? Si le résultat est convaincant, peut-être serons-nous amenées à réitérer l’expérience à l’avenir ? » Chose dont elle ne doutait pas un seul instant. Elles venaient à peine de commencer leur travail que déjà, Serena voyait les choses en grand pour la suite. Il faut dire que leur projet était amitieux et il y avait fort à parier qu’elles s’en sortiraient à merveille. Attentivement, Serena observa les nouvelles planches que lui présentait la jeune femme. Les croquis étaient excellents. « Regarde, j’ai dessiné quelques arrière plans que l’on voit un peu souvent dans le livre. Qu’en penses-tu ? Pour les lieux plus importants, je voulais voir cela avec toi, histoire qu’on soit d’accord, et puisse y mettre des détails en commun. » L’éditrice observa tout cela avec attention. Elle tordit légèrement la bouche et souria en reconnaissant certains décors. Elle aussi les avait imaginés ainsi. Il faut dire que la richesse des descriptions de l’auteur y était pour beaucoup. « C’est excellent… toutefois, si je peux me permettre une légère remarque, la demeure familiale est un peu plus ancienne que cela me semble-t-il… il s’agit d’un manoir qui se transmet de génération en génération, doté d’une prodigieuse architecture ayant traversé le temps et les époques. Je verrais bien quelque chose d’un peu plus … sombre et mystique, qu’en dis-tu ? » Ce n’était qu’une suggestion, Serena s’était toujours représenté la demeure familiale de la sorte. « Le reste me parait plutôt bon… excellente en réalité. J’aime la richesse et la finesse des détails. Ton coup de crayon m’épate véritablement. Où as-tu appris à dessiner ainsi ? J’imagine qu’un tel talent n’est pas donné à tout le monde. Personnellement, je suis bien incapable de dessiner quoi que ce soit. Le résultat serait lamentable. Mais toi … c’est juste somptueux. »

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Collaboration tendue  

« Disons que face à toi, mes préjugés sont condamnés à voler en éclats. Ne pas reconnaitre ton talent serait une grave erreur de ma part. Et un manque évident de professionnalisme. Tout ce que tu viens de dire est réciproque, j’ai vraiment envie de m’impliquer pleinement dans ce projet et voir où tout ceci va bien pouvoir nous mener. Et qui sait ? Si le résultat est convaincant, peut-être serons-nous amenées à réitérer l’expérience à l’avenir ? » Ce qu’elle venait de me dire me plaisait atrocement, vraiment et j’étais bien contente que finalement, notre collaboration, ne devienne pas une guerre ouvert entre nous deux, au point de devoir se crêper le chignon. Ça aurait pu dégénérer ainsi. Avec les filles on pouvait s’attendre à tout, parole de fille. « Arrête de me complimenter, je vais gonfler et m’envoler à force. »[/color] soufflai-je en riant faiblement. « Plus sérieusement, je pense la même chose, et j’espère sincèrement que ce qu’on fera au final plaira, et pourquoi pas en effet, réitérer l’expérience, si ça marche, je suis sûre que monsieur boss voudra bien qu’on refasse ce genre de boulot. » soufflai-je en souriant. Dès qu’il y avait une rentrée d’argent, les supérieurs étaient toujours pour de toute façon. Tout n’était que question d’argent, toujours. L’argent et seulement l’argent. Nous vivions dans une société un peu bizarre, mais c’était ainsi. Par la suite, je sortis mes planches, je voulais lui montrer les décors cette fois, et là, j’avais clairement besoin d’un avis. Si j’avais fouiné le net et quelques bouquins pour m’inspirer, je savais que ce n’était pas du grand art, je n’avais pas visé trop haut pour ne pas avoir tout à refaire. Mais j’espérais tout de même que dans l’ensemble cela puisse lui plaire. « C’est excellent… toutefois, si je peux me permettre une légère remarque, la demeure familiale est un peu plus ancienne que cela me semble-t-il… il s’agit d’un manoir qui se transmet de génération en génération, doté d’une prodigieuse architecture ayant traversé le temps et les époques. Je verrais bien quelque chose d’un peu plus … sombre et mystique, qu’en dis-tu ? Le reste me parait plutôt bon… excellente en réalité. J’aime la richesse et la finesse des détails. Ton coup de crayon m’épate véritablement. Où as-tu appris à dessiner ainsi ? J’imagine qu’un tel talent n’est pas donné à tout le monde. Personnellement, je suis bien incapable de dessiner quoi que ce soit. Le résultat serait lamentable. Mais toi … c’est juste somptueux. » Rougissant faiblement encore à ses compliments, je me grattais faiblement le cuir cheveux avant d’arranger mes cheveux. Plus un tic de nervosité qu’autre chose. Mais c’était quand même plaisant d’avoir ce genre de compliments. Ce n’était pas tout le monde qui le faisait et puis qui pouvait réellement voir mes dessins, je n’étais pas encore très connu en tant que mangaka. En fait, personne ne savait que j’étais mangaka, puisque j’utilisais un pseudo, histoire qu’on ne sache pas que j’étais aussi éditrice. « J’ai appris au lycée, puis après toute seule, je me suis améliorée au fil des années, je présume. » marmonnai-je en souriant faiblement. Attrapant la planche dont elle me parlait, je l’examinais longuement en réfléchissant. Je n'étais pas une experte dans ce genre d’architecture, j’avais fait de nombreuses recherches pour pouvoir dessiner convenablement, mais il fallait croire que ce n’était pas encore ça. Seule l’architecture Japonaise était mon domaine, après le reste c’était un peu plus compliqué pour ma part. « A vrai dire, je ne connais pas réellement ce type d’architecture, j’ai fouiné un peu le net pour pouvoir me faire une réelle idée… Tu n’aurais pas des dessins à me montrer pour que je puisse m’inspirer ? » Demandai-je en me demandant comment je pouvais la rendre plus ancienne que ce que j’avais fait à présent.

Autodidacte en plus d’être remarquablement intelligente … décidément, Nanami était dotée de bon nombre de qualités enviables. Pour sa part, Serena ne s’était jamais essayée au dessin et il faut dire qu’elle n’était pas vraiment douée pour les activités manuelles. Elle aurait pourtant adoré savoir esquisser quelques traits de crayons pour immortaliser de précieux instants de sa vie ou tout simplement pour donner vie à certaines images issues de son imagination. Elle ne pouvait qu’être admirative face au talent de la jeune artiste qui se trouvait face à elle. Il y avait fort à parier que dans les mois et les semaines à venir Serena lui propose une nouvelle collaboration. A croire qu’elle commençait véritablement à prendre goût à tout cela. Puis il fallait bien reconnaitre que la présence de Nanami était fort agréable. Il émanait d’elle une sorte de douceur et de tranquillité qui avaient le don de l’apaiser immédiatement. Autant dire que ce n’était pas chose aisée ces derniers temps puisque ses nerfs étaient mis à rude épreuve. « A vrai dire, je ne connais pas réellement ce type d’architecture, j’ai fouiné un peu le net pour pouvoir me faire une réelle idée… Tu n’aurais pas des dessins à me montrer pour que je puisse m’inspirer ? » Il est vrai que l’architecture anglaise de l’époque peut paraitre fort complexe pour quelqu’un n’y étant pas été initié. Serena acquiesça donc à la demande de la jeune femme et alla rapidement s’installer derrière son bureau pour pianoter sur son ordinateur. Elle avait une idée très précise de cette demeure, pour la simple et bonne raison que l’auteur s’était inspiré d’un lieu réel. « Viens, je vais te montrer. » Serena cliqua sur une image de manière à ce qu’elle s’affiche en grand sur l’écran puis tourna son portable vers Nanami. La bâtisse était somptueuse et dans le fond, pas totalement éloignée du dessin de la jolie brunette. En fait, c’était même plutôt ressemblant. « L’auteur s’est fortement inspiré de la maison de ses parents, dans le sud du Yorkshire. Là-bas, l’architecture est tout à fait singulière, les bâtisses sont reconnaissables entre mille. J’ai eu l’occasion de le constater par moi-même lorsque je vivais en Angleterre. C’est absolument somptueux. » Serena était tombée amoureuse de l’Angleterre une quinzaine d’années plus tôt, lorsqu’elle était partie étudier à Londres. Du regard, elle désigna l’image à l’écran et reprit ses explications. « Cette demeure est celle de l’auteur. Tu vois la colonne cassée sur la droite ? C’est précisément la même que dans le livre … c’est une maison magnifique mais relativement lugubre quand on y regarde de plus près. Je pense que c’est le climat qu’il a souhaité reproduire dans son livre. » La jeune femme repoussa en arrière une mèche de ses longs cheveux blonds et revint vers les planches de Nanami qu’elle examina soigneusement une nouvelle fois. Inutile de tergiverser durant des heures ; c’était somptueux. Quelques retouches seraient largement suffisantes pour obtenir le résultat escompté. « Si je peux me permettre de donner mon avis, ton dessin est beaucoup trop parfait. Il faudrait justement qu’il ne le soit pas. La bâtisse est un lieu clé dans l’histoire, il faudrait modifier quelques détails pour la rendre plus mystérieuse. A l’instar de celle que tu vois à l’écran. Autrement, c’est vraiment parfait. » Serena plongea son regard dans celui de Nanami et lui adressa un nouveau sourire. Il n’y avait rien à ajouter, son talent allait faire tout le reste.

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SERENA & NANAMI

Collaboration tendue  

« Viens, je vais te montrer. » La suivant je la regardais pianoter sur son ordinateur. Je me demandais bien à quoi pouvais réellement ressembler la fameuse maison. Une boule au ventre se forma, comme stressé, pourquoi ? Je ne savais pas trop. « L’auteur s’est fortement inspiré de la maison de ses parents, dans le sud du Yorkshire. Là-bas, l’architecture est tout à fait singulière, les bâtisses sont reconnaissables entre mille. J’ai eu l’occasion de le constater par moi-même lorsque je vivais en Angleterre. C’est absolument somptueux. Cette demeure est celle de l’auteur. Tu vois la colonne cassée sur la droite ? C’est précisément la même que dans le livre … c’est une maison magnifique mais relativement lugubre quand on y regarde de plus près. Je pense que c’est le climat qu’il a souhaité reproduire dans son livre. » Ecarquillant les yeux, je regardais la demeure comme fascinée, elle était vraiment somptueuse, et encore le mot était pas assez fort. Mystérieuse aussi, j’avais déjà vu ce style de maison, dans les films que j’avais vu à la télévision. Mais jamais je n’aurai cru que ça serait la maison dans le livre. Comme quoi, vraiment, Serena était foutrement bien calée, et j’étais vraiment contente qu’elle soit avec moi sur ce projet. Ça allait rendre littéralement ce projet, le meilleur de l’année je crois à mes yeux. Ah, j’étais vraiment contente, non pas que je doute des compétences des autres éditrices… Mais Serena paraissait parfaite à mes petits yeux. « Si je peux me permettre de donner mon avis, ton dessin est beaucoup trop parfait. Il faudrait justement qu’il ne le soit pas. La bâtisse est un lieu clé dans l’histoire, il faudrait modifier quelques détails pour la rendre plus mystérieuse. A l’instar de celle que tu vois à l’écran. Autrement, c’est vraiment parfait. » Hum, je voyais à peu près ce qu’elle voulait dire, et c’était une très bonne idée même. Il fallait juste que je trouve le moyen de faire ça. Créer des ombres un climat assez mystérieux, etc, ce n’était pas courant que je fasse ça, mais j’allais le faire et y arriver. Quitte à dessiner trente-six mille fois le même dessin pour y arriver. C’était comme ça qu’on progressait et qu’on s’améliorait d’ailleurs. « Je vois ce que tu veux dire, je vais tenter, mais je garantie rien, hésite pas à me faire refaire les dessins autant de fois qu’il le faudra. Il a eu une bonne idée je trouve. Il faut dire que quand on connait un lieu, ou qu’on raconte quelque chose qu’on a vécu, c’est toujours plus vrai, dans les descriptions je trouve. » soufflai-je en retournant m’assoir. Ça allait être des semaines chargées à venir, mais ça ne me dérangeait pas plus que ça dans le fond. « Tu pourrais m’imprimer la photo s’il te plait ? Ça sera plus facile pour moi. » ajoutai-je en me pinçant les lèvres. J’avais tellement de plan à faire, et de liste à faire, que j’allais avoir mal aux poignets pendant un bon moment. C’était loin d’être quelque chose de facile que de dessiner, contrairement à ce que bon nombre de gens pourraient penser. Fouillant dans mon sac je sortis des photos que j’avais prises dans des boutiques. Choisir les vêtements était loin d’être une partie de plaisir, mais j’avais au mieux cherché ce que les personnages principaux portaient dans le livre. « Regarde, j’ai commencé à prendre en photo des tenus pour les dessins, je ne sais pas si ça pourrait coller au style, je t’avoue que la mode et moi… » soufflai-je en souriant en coin. Il fallait dire que je suivais plus la mode japonaise que la mode américaine, qui était tout à faire différente. Un jour peut-être que je m’y intéresserai. Oui… Un jour.

Durant plusieurs heures, Nanami et Serena travaillèrent sur le projet jusqu’à obtenir une ébauche de résultat extrêmement satisfaisante. Il n’y avait pas à dire, les deux jeunes femmes formaient une équipe extraordinaire. A coup sûr, le projet allait être bouclé bien en amont du temps qui leur était imparti. Afin de fêter dignement leur merveilleuse collaboration, elles avaient décidé de passer la soirée ensemble afin de partager un verre après un bon restaurant. A priori, la soirée devait être formidable … à priori seulement… « Allez démarre, je t’en prie !! » Rien de tel pour agacer Serena qu’une panne de voiture. Se tournant vers Nanami, elle haussa les yeux au ciel puis tenta une nouvelle fois de tourner la clé, en vain. En entendant le bruit du moteur, n’importe qui aurait rapidement compris que cette voiture était bonne pour un petit séjour chez le mécanicien. « Si j’étais l’un de tes prétendants, tu serais en train d’imaginer que je te fais le coup de la panne. » La jeune femme adressa un sourire complice à son amie avant de regarder autour d’elles. Mince ! La voiture avait décidé de lâcher au beau milieu du trajet, alors que Serena avait décidé d’emprunter un raccourci qui sortait de la ville. Génial ! Dehors, le temps était en train de virer à l’orage et il fallait impérativement qu’elles repartent avant que la route ne soit plus praticable. Non mais quelle idée de tomber en panne dans un endroit pareil !! La ville était à plusieurs kilomètres de là, il commençait à faire nuit et la seule chose qu’elle pouvait distinguer autour d’elle était une vaste forêt, sombre et lugubre. Vraiment, elle ne serait pas étonnée que le grand méchant loup surgisse soudainement devant la voiture. Une fois de plus, Serena tourna la clé et lorsqu’un voyant rouge lui indiqua qu’il s’agissait d’un problème de moteur, la jolie blonde soupira et tapa doucement ses mains sur le volant. « Tu crois qu’ils accepteraient de nous livrer une pizza jusqu’ici ? » Elle esquissa un sourire ironique et sortit son téléphone portable de son sac à main. Non pas pour commander une pizza, mais bel et bien pour appeler une dépanneuse. Comme elle s’y attendait, elle ne captait aucun réseau. Quelle poisse !! Alors quoi ? Elles étaient condamnées à passer la nuit sur une route déserte, perdue au beau milieu de nulle part par une nuit orageuse ? Certainement pas ! « Nanami, pourquoi lisons-nous respectivement des romans et des mangas ? Je pense que nous devrions très sérieusement songer à ouvrir des bouquins de mécanique … tu sais, juste au cas où se genre de pépin de reproduirait. » Elle se mit à sourire de bon cœur, rien ne semblait pouvoir entacher sa bonne humeur.

Serena ouvrit la portière et posa un pied à terre. Ses talons résonnèrent tandis qu’elle marchait jusqu’à l’avant de sa voiture pour ouvrir le capot. Bon, elle n’y comprenait rien mais ça valait tout de même le coup d’y jeter un œil. Après tout, elle était intelligente et la mécanique ne devait pas être si compliquée que ça. Oui, enfin … La jeune femme tordit la bouche et chercha désespérément un élément suspect. Rien ne fumait, rien ne semblait déplacé et rien ne manquait. Alors pourquoi ce fichu tas de ferraille ne voulait pas démarrer ???? Il y eut un éclair et un grondement sourd. Merde, merde !! A peine eut-elle le temps de lever les yeux au ciel qu’une pluie diluvienne vint s’abattre sur elle. En moins de deux secondes, Serena fut trempée de la tête aux pieds. Des mèches de cheveux humides tombaient devant son visage et il lui était désormais extrêmement difficile d’apercevoir quoi que ce soit dans ce satané moteur ! Elle était sur le point de remonter à l’intérieur lorsqu’elle distingua les phares d’une voiture au loin. Sauvées. Elle poussa un soupir de soulagement et fit signe au conducteur qui ne tarda pas à s’arrêter. Finalement, elles n’étaient peut-être pas si malchanceuses que ça. Serena s’apprêtait déjà à expliquer leur situation quand la fenêtre s’ouvrit. La jolie blonde s’approcha mais son sourire se dissipa bien vite. Oh non !! Non, non, non !! Tout mais pas ça. Tout mais pas lui !! Elle le reconnaissait. Aussitôt, elle observa Nanami, la sommant du regard de venir à son secours. Ou de trouver un moyen miraculeux de refaire démarrer la voiture. C’était définitivement un véritable cauchemar. Elles étaient perdues au beau milieu de nulle part avec … lui !! Durant quelques secondes, Serena demeura figée, sans voix. La lumière d’un autre éclair vint donner un éclat particulier au visage de cet homme et instinctivement, elle recula d’un pas. Le voilà son grand méchant loup. Serena remonta dans sa voiture et ferma les portières avant de regarder Nanami et de se mettre à rire. Un rire nerveux, manifestation de son incontrôlable appréhension. « Tu crois qu’il nous a suivi ? Ce typa m’a toujours flanqué la chair de poule. Tu te souviens de la fois où nous avons cru qu’ils nous suivaient dans l’ascenseur ? Si ça se trouve, nous n’avions pas rêvé. Qu’est-ce qu’on fait Nanami ? On ne va tout de même pas monter avec lui, si ? »

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SERENA & NANAMI

Collaboration tendue  

« Allez démarre, je t’en prie !! » Fronçant les sourcils, je regardais le comptoir de la voiture, comme si ça allait l’aider à s’allumer. Mais bon, de ce que j’entendais, la voiture n’allait pas démarrer de sitôt… Pas de chance, en plus nous étions loin de la ville… Super, dans le genre pas de chance, il fallait l’avouer, nous n’en avions pas. « Si j’étais l’un de tes prétendants, tu serais en train d’imaginer que je te fais le coup de la panne. » Riant sans pouvoir m’en empêcher, je lui lançais un regard tout aussi complice que le sien avant de sourire franchement. On ne m’avait jamais fait le coup de la panne en plus alors… pour dire… Mordillant mes lèvres, je me demandais bien ce qui pouvait coincer avec la voiture, mais j’étais littéralement nulle en mécanique… « Surtout qu’on ne m’a jamais fait le coup de la panne ! » lâchai-je en riant. Il valait mieux prendre la situation de façon dérisoire que de désespéré et de craindre le pire. Fallait relativiser, nous n’étions pas si loin que ça de la ville et nous pouvions toujours appeler un dépanneur si jamais il y avait besoin, pas vrai ? Ça marchait comme ça dans le film, je crois. La regardant essayer de démarrer la voiture à nouveau, un voyant rouge s’alluma sur le tableau de bord. Je n’y connaissais pas grand-chose, mais de ce que je compris, c’était le moteur qui déconnait. De toute façon, le voyant rouge n’était jamais un bon signe… c’était ce qu’on m’avait appris quand j’avais passé le permis, il y a belle lurette. « Tu crois qu’ils accepteraient de nous livrer une pizza jusqu’ici ? » « À mon avis ça sera la pizza la plus chère de l’année ! » Lâchai-je en riant faiblement. Il fallait qu’on trouve quelque chose, et comment pouvoir repartir et vite. Non seulement le temps se dégradait, on voyait très bien les nuages noirs arriver, annonçant un orage des plus horrible, et surtout… surtout… La nuit allait arriver. Ah, non je ne voulais pas être dans la voiture quand l’orage allait éclater… J’en avais une peur bleue… Impossible que je reste là, non j’allais crever de peur ! La voyant sortir son téléphone, je fis de même, mais… aucun réseau. Je tentais de le mettre partout dans la voiture, en haut, en bas, sur la gauche, à droite, sait-on jamais. Parfois une barre de réseau faisait toute la différence. « Nanami, pourquoi lisons-nous respectivement des romans et des mangas ? Je pense que nous devrions très sérieusement songer à ouvrir des bouquins de mécanique … tu sais, juste au cas où ce genre de pépin de reproduirait. » Elle marquait un point-là. Vraiment. Il fallait qu’on s’y mette, au moins pour ne pas reproduire ce jour-là un jour prochain. Il manquerait plus que ça. Après tout nous étions des femmes, et malgré qu’elle soit marié, ça n’avait vraiment pas l’air d’aller bien, il fallait que l’on sache s’en sortir seule, sans compter sur l’aide de qui que ce soit. « Le prochain manga que je ferai sera sur une nana qui fait de la mécanique ! » Lâchai-je en hochant la tête. Et puis ça pouvait être drôle à faire comme manga. Et je lui ferai lire pour qu’elle se cultive haha. La regardant sortir, je restais à l’intérieur, je ne savais même pas si je pourrais l’aider, j’avais jamais ouvert de capot de toute ma vie. Et elle ? J’espérais tout de même qu’elle en avait ouvert un ? Sinon on était vraiment dans la merde. Continuant de chercher du réseau, je bougeais dans la voiture, allant même sur la plage arrière pour voir si jamais sa captait par là. Un éclair brisa le ciel avant qu’un coup de tonnerre de résonne. Hurlant en même temps, je me cachais la tête comme si ça allait me tomber dessus. Yabai… Je n’aimais pas ça du tout… Vraiment pas. Entendant la pluie s’abattre sur nous, je me tournais pour la voir sous la pluie. Elle était folle ? Qu’elle vienne dans la voiture ! Enlevant ma veste prête à lui mettre dessus pour la sécher, je vis des phares au loin. Oh super ! Revenant devant, je regardais ce qui se passait avant de la voir figé. Quoi ? Quoi ? C’était qui ? Un tueur ? Me cœur se serra, je ne savais pas trop ce qui se passait, je ne voyais rien avec cette pluie de merde. Croisant le regard de Serena, je fronçais les sourcils, quoi ? Il se passait quoi ? Merde. Ouvrant la boite à gant, vide. Merde, pourquoi elle n’avait pas un flingue ? On était en Amérique, ça aurait pu nous servir tiens… Un éclair fendit le ciel me faisant frissonner. Je veux rentrer maman. Entendant la porte s’ouvrir, je vis Serena fermer à clé. Quoi ? Quoi ? « Tu crois qu’il nous a suivi ? Ce typa m’a toujours flanqué la chair de poule. Tu te souviens de la fois où nous avons cru qu’ils nous suivaient dans l’ascenseur ? Si ça se trouve, nous n’avions pas rêvé. Qu’est-ce qu’on fait Nanami ? On ne va tout de même pas monter avec lui, si ? » Hein ? Lui ? C’était lui ? Oh non… Tout mais pas lui, non hors de question ! Il avait une tête qui disait, simplement, je vais te violer, puis te tuer, puis te manger, puis te vomir et te revioler, te remanger et ainsi de suite. Non. Non. Tout mais sauf ça. « Surtout pas ! Non, plutôt mourir. Enfin, non. Mais pas lui quoi. Plus suspect que lui tu meurs. Hors de question. Il nous a suivi ou bien ? C’est loin d’être une coïncidence… » Marmonnai-je faiblement en me mordiller le pouce. « Je préfère pousser la voiture sous cette pluie battante que monter dans sa caisse. On est à combien de kilomètre de la ville ? » Demandai-je en fronçant les sourcils. Attrapant mon parapluie dans mon sac, vieille habitude, au vue du climat Japonais, j’ouvris ma porte avant de sortir. Cherchant du réseau dehors, je sentis mes pieds patauger dans l’eau. On se croirait dans un film de peur. Tournant un faible regard vers les phares qui faisaient peur, je vis le regard sombre de cet homme. Mon dieu. Il était dans quel secteur de l’édition lui ? Horreur ou quoi ? J’en étais sûr. Il devait y être par expérience… Mon Dieu. Lui faisant un faible signe de la main, je cherchais toujours du réseau mais en vain. M’approchant de lui je le regardais avant de sourire en coin. J’allais me pisser dessus. « Vous avez du réseau ? On va attendre les dépanneurs, on n’est pas pressé… Ou au pire… Euh… Allait en ville et envoyez-nous quelqu’un ? » Demandai-je d’une toute petite voix. Son regard perçant, me fit frissonner. Pourquoi il ne répondait pas ? il me regardait comme si j’étais une bête de foire. Eww. Reculant je filais à nouveau dans la voiture avant de tirer mes cheveux en arrière. « T’as une arme ? Ce type est bizarre… » murmurai-je en guettant sa voiture, au cas où il sortirait nous rejoindre.