J'appuyai sur la gâchette et regardai ma victime tomber, plus blasée qu'autre chose. Quoique, peut être une pointe de regret. Il avait sourit pendant mon speech. Sourire stressé, certes, mais bon. Il m'a promis qu'il m'enverrait ma carte postale du monde de l'après-vie. Hâte de voir si j'allais la recevoir... ça serait assez drôle. Mais totalement impossible. Genre, c'était là qu'April revenait avec la carte postale en allant vérifier notre boîte aux lettres. Enfin... encore faudrait-il qu'elle se bouge jusqu'au rez-de-chaussée pour aller chercher le courrier. Et ça, mes amis... ce n'était pas gagné. Pas gagné du tout. « Belle journée n’est-ce pas ? Pardon pour le dérangement. » Je sursautai, rangeai mon arme dans mon sac à main et tournai la tête doucement. Non, c'est pas vrai ! Pas encore quelqu'un qui me surprend pendant mon travail ! Je ne pus m'empêcher de poser les mains sur mon visage comme pour le cacher, l'air totalement désespérée. Deux fois en moins d'un an. J'écartai discrètement les doigts afin de pouvoir le dévisager. Il était roux, avait les yeux bridés, portait un chapeau et mangeait une glace. Voilà qu'il me donnait faim... Une minute, là !! Qu'est-ce qu'il venait de me dire ? Belle journée n'est-ce pas ? Pardon pour le dérangement. Je me répétais mentalement sa phrase, inlassablement, en mélangeant les mots, en les remettant dans l'ordre, cherchant le truc qu'il cachait derrière ses mots. Mission impossible. Peut être que j'étais encore en train de rêver. Voyons voir, qu'avais-je fait ce matin ? J'avais dormi jusqu'à dix heures vingt-quatre très exactement, j'étais partie prendre ma douche puis j'étais sortie prendre mon petit-déjeuner avec Alison. Depuis que je l'avais laissée seule s'occuper du bar, on ne se voyait plus si souvent, donc j'avais décidé d'aller manger mon Nutella et mon croissant là-bas. Après, en début d'après-midi, j'avais reçu un message d'un client. Il insistait pour que je fasse mon travail cette après-midi même. Je n'en n'avais pas du tout envie, en raison de la chaleur... en plus, j'avais un livre à lire. Un livre de littérature autrichienne en allemand. Die Judenbuche de Annette von Droste-Hülshoff. Il avait l'air passionnant. J'avais donc décidé de me dépêcher le plus possible pour pouvoir le commencer. Voilà comment je m'étais retrouvée dans une rue de Manhattan et m'étais faite surprendre par ce... cet élément perturbateur. Je retirai mes mains rapidement, secouai ma tête ce qui fit bouger mes cheveux et l'empêcha sûrement de voir mon visage, me retournai puis sortit mon portable pour envoyer un message à l'un de mes « hommes de mains » pour lui dire de venir faire place nette avec l'adresse où je me trouvai. Puis je m'approchai du rouquin. Je cherchai quelque chose de cohérent à dire. « Whaaaat the fuck ? » Ce fut tout ce qui réussit à sortir, avec mon accent marseillais que je ne pris même pas la peine de dissimuler. C'était quoi cette histoire ? Depuis quand les gens ne paniquaient pas en voyant quelqu'un tuer une autre personne ? Peut être était-ce la chaleur. C'était vrai qu'il faisait chaud... mais bon, j'avais vécu à Marseille quasiment toute ma vie. La chaleur, je connaissais tout de même... Dès quinze degrés il faisait froid, d'après moi.

En constatant avoir été surprise à nouveau par quelqu'un, je ne pu m'empêcher d'exprimer mon étonnement. Enfin, étonnement, c'était bien plus que ça... Si ça se trouvait, j'allais finir blasée de ce genre de situation. Et, ô pourquoi donc, à chaque fois c'était par des spécimens ? La première fois, c'était un blond sans aucun doute parisien qui si au début je l'avais tant effrayé que ça m'amusait, à la fin j'avais vraiment envie de le descendre. Il avait osé dire que le fait qu'April n'avait comme ami qu'un lapin en peluche était négligeable. Il m'avait fait perdre mon calme comme ce n'était pas arrivé depuis longtemps. La dernière fois que je m'étais énervée à ce point... c'était le soir où j'avais appris la vérité sur ce qu'il s'était passé il y a trois ans, cette maudite soirée de juillet. En baissant le regard un instant, tandis qu'il éclatait de rire, je remarquai qu'il avait un sac plein de glaces. Raaah... c'est qu'il me donnait envie le petit. April aurait été là, je suis sûre qu'elle lui aurait déjà sauter dessus pour lui en prendre une. Il lécha à nouveau sa glace me donnant encore plus envie de suivre la philosophie de ma folle de cousine, haussa les épaules et, ô miracle, me mit l'une de ses glaces dans la main. Non seulement par cette chaleur, c'était très pratique mais en plus, les glaces, c'était... exquis, délicieux, magnifique, et un tas d'autres synonymes que je pensais préférable de ne pas sortir. On y serait encore aux prochaines élections présidentielles. Sans attendre, je retirai l'emballage, le fourrai dans ma poche et enfourna ma glace dans ma bouche. « Tu devrais cacher ton accent français, niveau crédibilité, t’es un flop total. » Non, non mais, pour qui il se prenait pour me dire ça ? « Ah ouais ? Je sais très bien parler sans mon accent, m'sieur je sais tout ! » Je ne savais pas pourquoi j'avais ajouté un "m'sieur je sais tout". Une envie soudaine, comme ça, comme ça me prenait souvent. Peut être aussi pour lui prouver qu'il avait tort. La preuve, je venais de parler avec mon accent anglais. Non pas américain, mais anglais. L'accent anglais, j'ai toujours trouvé ça plus classe que celui américain... je m'étais longtemps entraînée avant de réussir à avoir une si bonne prononciation. Si là, même mon accent du Sud avait pris le dessus, c'était vraiment parce que j'étais hallucinée. C'était vrai quoi... Quoique, en y réfléchissant bien, peut être qu'il lui manquait quelque cases au cerveau... ça expliquerait sa réaction ! Oh, comment j'étais trop la meilleure. Trop logique... Ou pas, d'ailleurs. Il commençait à s'éloigner et se mit à rire. Je grognai tel un chien prêt à l'attaque... conséquence de vivre avec April, ça. Puis je le rattrapai et le retournai en le prenant pour l'épaule. « Qu'est-ce que t'as à rire comme ça ? Un peu de respect, je suis sûre que je suis plus vieille que toi, ça se voit dans la maturité de mes actes. », concluai-je d'un hochement de tête assuré. Je savais très bien que je n'avais pas toujours des réactions très très... adultes, mais ça il ne le savait pas et ça me donnait l'avantage. Sauf que... voyant une new-yorkaise passer avec une glace italienne encore plus grosse que la plus grosse que j'avais eu l'occasion de voir, je me mis à voir mes mimiques. Mimiques totalement débiles... me faisant, pour le coup, perdre toute crédibilité. Mais les glaces, c'était si bons...

« Super ! » Super ? Super ? C’était tout ce qu’il trouvait à dire ? Il n’était franchement pas marrant, un vrai rabat-joie... J’avais rarement eu l’occasion de rencontrer des gens de ce genre. Bon, c’était vrai qu’il m’avait offert l’une de ses glaces sans que je ne lui avais rien demandé, mais il m’avait l’air d’avoir mauvais caractère...« Si tu veux me tuer, tu le fais de suite, ou jamais. Ok ? » Je le regardai bouche bée. Il parlait français ? Et avec un meilleur accent que moi en plus ! Quelle était sa nationalité ? Lui aussi était du pays de la baguette de pain ? Mais non ! Je ne le voulais pas ! Je ne voulais pas qu’un tel rabat-joie soit de la même nationalité que moi... et pourquoi me parlait-il en français ? Il croyait que j’étais tellement pas douée que je ne savais pas assez parler anglais pour continuer l’échanger dans la langue de Shakespeare ? Vraiment, c’était très sympathique. Très agréable à entendre. Quoique, peut être me faisais-je des idées. Tout ce qu’il avait dit explicitement, c’était que si je voulais le tuer, je n’avais qu’à le faire maintenant. C’était tout. Il ne m’avait pas dit que j’étais incapable de parler correctement anglais. Qu... que... une minute, là. Il venait de dire que je pouvais le tuer ? Mais il était complètement malade ! Echappé de l’asile ! Quand je pensais que l’autre fois, l’autre était mort de peur à cette idée... « Mais... t’es pas bien ou quoi ? T’as pris un coup de chaud ? T’en as marre de ta vie ? En tous cas, si tu ne gardes pas le silence, j’hésiterais pas. » Il y avait forcément une explication. J’allais la trouver, je le savais, ça ne pouvait pas en être autrement. Et puis, maintenant que j’y pensais... s’il n’était pas français, où avait-il appris à parler si bien le français ? Attendant soudain tranquillement la réponse ma question, je continuai de déguster ma glace. Au moins, si je décidai de le tuer, j’aurais un beau payement en échange. Délicieux, surtout. Il en aurait pas une autre petite à me passer ? Il en avait un sac plein... il allait en avoir de trop. Epais comme il était, il n’allait pas pouvoir tout manger voyons. Quoique, je disais ça, mais quand on me voyait... mais non plus je n’étais pas bien épaisse, et pourtant, lorsqu’il s’agissait de Nutella, je pouvais m’en enfiler des pots.

Son sourire avait tout pour me faire croire que je m’étais trompée sur ses intentions. Bon, bon, je n’étais pas voyante non plus, j’avais bien le droit de me tromper. Il soupira ensuite, avant de continuer sa glace. Il était bizarre, le rouquin, faudrait qu’il se décide, soit il aimait sa vie, soit non, mais il ne pouvait passer ainsi d’un avis à un autre bon sang… Remarque, à sa place, j’aurais aussi pu d’abord dire que la vie était parfaite et que je comptais continuer le plus longtemps possible et, me souvenant de tous mes malheurs passés, je me serais ravisée. Avions-nous tous une vie comme ça, avec derrière l’impression de bonheur des malheurs venant le gâcher ? Il me semblait que oui… J’avais beau souvent me dire qu’il n’était pas possible d’avoir plus souffert que j’avais pu souffrir, mais dans le fond, je savais bien que d’autres gens étaient bien plus à plaindre. Après tout, contrairement à d’autres, j’avais encore mes deux parents et aussi la personne que j’aimais et j’étais sûre et certaine qu’il ne me quitterait plus jamais… C’était évident. De toutes façons, l’un sans l’autre, on était… rien. La question était réglée. Et de toutes façons, ce n’était pas le problème du moment. Le problème, c’était ce petit qui selon moi, me manquait de respect depuis qu’il m’avait interrompue. « Je vais parfaitement bien, tout va bien même. Et pas de souci, j’ai rien vu, je ne sais pas de quoi tu parles. » Encore heureux ! Manquerait plus que ça. [color=seagreen]« T’as intérêt, mon gars. Sinon je porte plainte pour abus de confiance ! ”, ajoutai-je en le pointant du doigt. Je savais très bien que s’il allait me dénoncer, il y en aurait encore qui allaient me rire au nez avec ma plainte pour abus de confiance. « Ça t’arrive souvent de te faire surprendre ? » Hein ? Quoi ? Mais comment avais-je été démasquée si vite, c’était inscrit sur mon front que je m’étais déjà faite surprendre ? « Pas du tout ! Eh oh, tu sais à qui tu parles ? » Je n’étais tout de même pas en bas de la pyramide, j’avais une place assez importante dans le milieu de la mafia… je ne pouvais pas le laisser dire de telles choses à mon compte, imaginons que cette mésaventure soit répétée… Je préférais ne pas imaginer.

C’était quoi ce regard ? Non mais, pour qui se prenait-il pour penser avoir le droit de me regard d’un air si désespéré ? « Tu viens de quelle planète ? Sérieux là ? Abus de confiance, tu t’es cru dans un livre ou tout est beau tout est rose ? » Il n’avait vraiment pas de sens de l’humour ma parole ! Il ne s’était pas rendu compte que je plaisantais ? C’est bientôt moi qui allait finir par vraiment désespérer… « Pas du tout, je sais très bien que la vie n’a rien d’un livre où tout est beau, je sais bien que la vie est dure. » J’étais bien placée pour le savoir… malheureusement. J’aurais bien aimé ne pas avoir à le savoir. Garder mon insouciance d’enfant, à l’époque où je portais encore mes robes roses à volants, mes robes de sweet lolita… que cette époque me manquait. Il faudrait que je m’en achète une nouvelle… c’était ma mère ou ma grand mère qui me faisait mes robes, avant, mais à New York, il y avait sûrement une boutique vendant ce genre de tenues, non ? Dans le pire des cas j’emmènerais April à Tokyo. Elle me servira de traductrice-interprète mouahah. Je dévisageai discrètement mon interlocuteur. Et puis cette façon qu’il avait eu de remuer son doigt dans l’air… c’était ce que je faisais souvent à April. « Non, on a pas eu le temps de se présenter. Je m’appelle… Ulqui. » Ulqui ? C’était quoi ce nom ? Je ne savais pas, mais ça sonnait bizarrement, non ? Ulqui. On dirait un nom de robot. J’éclatai de rire à cette idée, et m’arrêtai aussitôt. Billy, c’était pas sympa de se moquer ainsi des prénoms des gens. Surtout que le tien n’était pas top… Bathilde, franchement, où est-ce que mes parents avaient été cherchés un tel truc ? A une lettre près, j’aurais un prénom banal, ou tout du moins normal, bien que je n’aimais pas beaucoup plus le prénom Mathilde. Mais je devais avouer que ça sonnait tout de même mieux et puis, de toutes façons, quasiment personne ne m’appelait par mon prénom… tout le monde m’appelait Billy. Je me souvenais encore avoir plusieurs fois écrit mon surnom à la place de mon prénom au collège ou au lycée… « Et moi Billy. Et qu’est-ce que t’as à me regarder comme ça ? », m’écriai-je en remarquant qu’il me regardait de haut en bas, comme si que j’étais un extraterrestre.

Etais-je maudite ? J’allais vraiment finir par m’habituer à être toujours interrompue en plein travail… maintenant que j’y pensais davantage, cet Ulqui était la troisième personne qui venait me déranger. Le tout premier avait été cet homme dont je n’avais jamais connu le nom, l’année dernière ; et avec qui je m’étais retrouvée bloquée dans l’ascenseur à la banque, au printemps deux mil douze… Rah, je devrais peut être penser à changer de travail, si on finit par remarquer cette mauvaise habitude je pourrais avoir des problèmes, car bon, j’avais beau être assez haut placée, il y avait tout de même des gens au dessus de moi. Chose qu’il m’arrivait souvent d’oublier… L'homme que j'avais appelé tout à l'heure pour qu'il vienne faire le reste de mon travail aller bientôt arriver et le rouquin était toujours là. Et en plus, il m’énervait celui-là ! Pourquoi avais-je l’impression qu’il se pensait supérieur à moi ? Pff… je n’avais vraiment pas de chance.  « Absolument rien. Et t’as quoi à rire là ? Tu crois que Billy c’est mieux comme prénom ? Mon prénom entier c’est Ulquiorra. » Ah, déjà ça faisait moins bizarre comme prénom. C’était espagnol ou quelque chose du genre, non ? Ce n’était pas le second prénom de l’hispanique de ma classe, en CE2 ? Je ne m’en souvenais plus… Mais il me semblait que c’était quelque chose comme ça. Je ne savais pas pourquoi, mais j’avais l’habitude de toujours m’interroger sur l’origine du prénom des gens que je rencontrais, lorsque ce prénom était peu courant. « Pourquoi je riais ? Eh bien… je trouve que Ulqui pourrait être un bon nom pour un robot. Qu’en pense-tu ? En tous cas, moi je le pense. Et entre nous, Billy est bien mieux que Bathilde, ne me dis pas le contraire. Bathilde, ça fait vieux, c'est moche, on dirait le prénom de... de quoi ? Je le sais même pas. » Et voilà que je lui disais la vérité et que moi aussi je lui donnais mon vrai prénom... mince, déjà qu'Ulquiorra m'énervait assez comme ça, je lui donnais des raisons de continuer à m'ennuyer. Bathilde... ça irait bien à un tigre. Ou à une otarie. Bathilde l'otarie... oh mon Dieu ! Ça y est, je devenais folle. Je commençais à penser comme ma cousine. Pitié, non ! Pas April ! Il y avait des limites ! « Tu comptes me suivre longtemps ? Je cours très vite. Je suis doué. », déclara-t-il en commençant à partir.Whaaaat ? Non mais il abusait là ! Qu'est-ce qu'il venait de dire ? Que je lui suivais ? [color=seagreen]« Mais tu débloques mon vieux ! C'est toi qui est venu me chercher des noises. Tu t'es pointé en me faisant remarquer que la journée était belle, m'as certes passé une glace délicieuse mais c'est toi qui m'empêche de retourner vaquer à mes occupations ! Je comptais commencer à lire Die Judenbuche de Annette von Droste-Hülshoff en version allemande... », désespérai-je le poing sur la poitrine, l'air totalement désespérée. « Et moi aussi je cours très vite, j'ai toujours été dans les dix premières au cross au collège et au lycée ! » Non mais oh, je n'allais pas me laisser faire ainsi par un petit prétentieux de son genre ! Enfin, prétentieux ou n'importe quel mot que j'avais utilisé pour parler de lui... je n'était pas sûre que c'était ceux qui lui correspondaient le mieux, mais je n'en n'avais pas trouvé d'autres.

Pourquoi lui avais-je filer mon vrai prénom ? Comme je m’en doutais, il ne tarda pas à répliquer: « Ah et tu te moquais de mon surnom ? Haha. Tu me bats sur ce coup-là. Bathilde… Ça semble français. » Heureusement qu’il m’avait parlé français, tout à l’heure… s’il n’était même pas capable de reconnaître que Bathilde sonnait typiquement français, il n’y avait vraiment plus rien à faire. Et puis, pourquoi ça semblait tant le surprendre ? « Ce n’est pas parce que j’ai les yeux bridés que je suis née en Asie ou en Islande, tu sais ! C’est la génétique, ma mère est totalement française, et moi aussi ! » Ces clichés… pourquoi est-ce que lorsqu’on avait les yeux bridés, on devait forcément être né en Asie ? En plus j’aurais préféré avoir la tête d’une vraie française… non pas que je n’aimais pas avoir des origines ‘exotiques’, mais surtout pour ne pas avoir ce lien de parenté autrichien. Même si ça, je me gardais de le dire, ce n’était pas facile à vivre. « Et ça, tu devrais le savoir, va pas me dire que Ulquiorra c’est asiatique quand même ! », affirmai-je . Par la suite, il soutint le fait que c’était moi qui l’empêchait de partir : chose absolument fausse. C’était lui qui continuait à me chercher des noises, lui et uniquement lui ! A cause de lui, je ne pouvais pas commencer mon roman, ce que je m’empressai de lui annoncer, totalement désespérée. Il fallait dire que pendant mon enfance et mon adolescence, mon père n’avait eu de cesse de faire des éloges sur ce livre… « Écoute, va lire ton… livre au truc imprononçable là. » Mon livre au truc imprononçable ? Mais… il était même pas capable de reconnaître cette belle langue qu’était l’allemand ? Il était sérieux ? Non, ce n’était pas possible. [color=seagreen]« Die Judenbuche. De Annette von Droste-Hülshoff, écrivain allemande.  » Vraiment… il me désespérait. « T’es une fille, je te sèmerais rapidement la naine. » Non mais… il se moquait de moi ou quoi ? Il croyait vraiment qu’il avait besoin de me rappeler mon petit mètre soixante ? Franchement… la génétique faisait vraiment mal les choses. Quand je pensais que même ma mère mesurait aux alentours d’un mètre soixante-dix… Mais le bon côté des choses, c’était que je pouvais narguer April avec mes quelques centimètres supplémentaires. « Faut vraiment être débile pour avoir de tels dires. », soupirai-je. Faudrait pas lui montrer qu’il a touché un point sensible...

« Hey l’amie, contrairement à toi je suis cent pour cent asiatique… coréen et Japonais, j’ai juste un père qui donne des prénoms chelou à ses gosses… Mais contrairement à toi j’ai beaucoup voyagé et je parle plus de huit langues. Ah, nous ne sommes pas du même monde. » Des prénoms chelous… ah ça il l’avait dit. Franchement, qui irait donner un tel prénom ? Et puis, il avait dit “à ses gosses” ? Parce qu’il y en avait plusieurs ? Nyah, j’aimerais entendre ça. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi il se vantait d’être entièrement asiatique… moi, l’Asie, à part les robes sweet lolitas et à la limite les sushis et les makis, ça ne me tentait pas vraiment. Après, c’était sûr que s’il avait été élevé par deux asiatiques, il devait être davantage attiré par tout ça. Moi, mes deux parents étaient européens, j’avais toujours vécu en France, à Marseille… c’était normal que je préfère la culture de l’Europe je pensais. « Huit langues ? Seulement ? Mon meilleur ami en parlait quinze. Et bam ! » Cette dernière phrase n’avait rien de bien mature, mais bon… c’était vrai qu’au niveau des langues, Edouard battait Ulquiorra sur toute la ligne. Enfin, je disais Edouard, mais en fait, c’était toute ma belle-famille, même Ian… « Amen ! Je n’irai vraiment pas le lire tu sais… Je suis un mec après tout… Moi la lecture… », s’empressa d’ajouter Ulquiorra après que j’eus répété le nom du roman qu’il m’empêchait de lire. Sa remarque me fit désespérer… Quel cliché. Edouard pouvait s’enfiler un pavé de mille pages en un jour. Je m’étais toujours demandée comment il pouvait faire. Il m’avait promis qu’un jour, il me répondrait mais… autant dire que maintenant, je ne suis pas prête d’avoir une réponse. Peut être que Ian, lui, le savait ? Non, je ne le pensais pas. « C’est sûr que t’as pas une tête à t’y connaître en littérature. » Je disais ça, mais moi, le français… ça ne m’avait jamais branché. J’avais toujours préféré les sciences. J’avais sûrement déjà fait des exercices de français pour mon simple plaisir mais par rapport à ceux des autres matières, ils devaient être comme un galet sur un plage... Peu après, il ne trouva rien de mieux que de me rappeler ma taille. Ce à quoi je répliquai que c’était vraiment pas intelligent de s’arrêter sur ce genre de détail. « Allez avoue, que tu détestes le fait d’être petite ! », dit-il en m’ébouriffant les cheveux. Non mais pour qui il se prenait pour se montrer si sans gênes ? « Bas les pattes toi, y a que mon mari qui a le droit de faire ça. » J’ôtai aussitôt sa main et essayai de me recoiffer aussi bien que possible avec mes doigts. C’était dans ces moments que je regrettai de ne pas avoir toujours une brosse dans mon sac...

« On parle de nous et toi tu me sors ton meilleur ami. Toi à part le français et l’anglais que parles-tu ? » Quel rabat-joie ! Et puis, on parlait de nous, nos connaissances font partie de nous, non ? C’était ce dont j’étais persuadée, mais puisque monsieur n’était pas d’accord avec moi… je n’allais pas débattre avec lui. A part me provoquer il ne me semblait pas capable de grand chose. « Moi ? Je n’en parle pas beaucoup. Un peu d’italien, mais je suis bilingue allemand. Mais c’est sûr que ça pèse pas lourd par rapport à toi. Mais les langues ne m’intéressent pas plus que ça. », soupirai-je. Je parlais aussi quelques mots de japonais, mais vraiment pas beaucoup, à peine une trentaine. Le minimum pour être poli au Japon. Le japonais était une belle langue mais trop compliquée pour moi, surtout avec tous ces symboles… comment s’appelaient-ils, déjà ? Kandy ? Kami ? Oh, je ne m’en souvenais plus… et je n’en n’avais rien à faire. « Non mais je suis calé en informatique, chose que toi n’es surement pas calé, on a chacun son domaine. » Informatique ? Avec le système binaire et tout ça ? Je n’avais pas le niveau d’un informaticien, mais je m’en sortais au niveau html. C’était intéressant, mais je n’avais jamais pris le temps d’approfondir mes connaissances dans ce domaine. « Détrompe-toi, je ne suis pas pro mais pas débutante non plus. Et je ne suis pas si calée en littérature. Je préfère largement les maths. », répliquai-je. Peu après, il osa toucher à mes cheveux. Je m’empressai de lui hurler dessus. « Mon Dieu, que cet homme soit béni des dieux pour t’avoir épousé. Il te supporte ? Il ne t’a pas encore tué ? OU même tenté ? » Mon Dieu… mais qu’est-ce qu’il pouvait m’énerver, cet Ulquiorra. Il n’avait rien d’autre à faire que de me déranger ainsi ? A dire de telles sottises ? Je ne pensais pas avoir mauvais caractère, enfin pas tant que ça… il y avait pire. Oui, j’étais menteuse, râleuse par moment et je tenais à mon argent comme à mes enfants si j’en avais eu. Ah, si j’en avais eu… « Oui, il me supporte. Et réfléchis un peu, enfin, si tu as un cerveau bien sûr ; si je suis là c’est qu’il ne m’a pas tué. » Quel idiot. Il me bouffait mon temps et était d’une puérilité… et comment osait-il poser ce doigt sur mon front ? J’allais le tuer, sérieusement, j’allais le tuer.

« italiano è una bella lingua. Mais tu sais, c’est parce que j’ai voyagé dans pas mal de pays, alors chaque fois j’apprenais la langue… Ce n’était pas un choix, mais un mode de vie. » Le fait qu’il parlait lui aussi italien m’agaça. Il n’avait rien dit sur l’allemand, mais à tous les coups il le parlait aussi… C’était vrai que par rapport à lui, je n’avais rien d’intéressant. Je ne parlais pas beaucoup de langues, je n’avais pas beaucoup voyagé, je n’étais pas pro en informatique mais bon… j’étais bonne en maths, en course aussi et j’étais assez intelligente sans vouloir me vanter. Ce n’était pas pour rien que j’avais sauté l’année de première. De toutes ma vie, je n’avais rencontré qu’une personne qui avait aussi sauté cette année, pour dire… « Les maths… Ah, je suis asiatique mais je déteste ça… L’informatique est plus mon fort… Si je voulais je pourrais clairement pirater ton ordi ou ta cam et t’espionner sans que tu ne le saches. » Oh l’inconscient. Comme pouvait-il détester les maths et l’avouer si facilement ? Comment de pas aimer les équations, les fonctions, les théorèmes ? Etait-il malade psychologiquement ? Bien sûr, ça expliquait tout. Je m’approchai de lui et lui tapotait amicalement la tête. « Ne t’en fais pas, ça va aller, j’ai des connaissances qui peuvent t’aider à découvrir ce qui ne va pas dans ta tête. », déclarai-je avec le ton d’une mamie à ses petits-enfants ou à son chien. Le fait qu’il n’aimait pas les maths m’avait tant marquée que je n’avais pas noté le reste de sa phrase immédiatement. « Whouat ? Pourquoi m’espionnerait-il le petit ? » Par la suite il ne trouva rien de plus intelligent à faire que de s’étonner que mon mari ne m’ait pas encore tuée. Quel débile… Soudain il m’attrapa par le cou et me colla à lui. Dégage de là toi !! « C’est vrai tu es toujours vivante… Pardonne moi… ah ces femmes je te jure. Mais peut-être qu’il a déjà tenté de te tuer. Il doit se régaler au lit dis donc. T’as de beaux seins. » Si tôt dit ça je me tournai et lui collai ma main dans la figure. « Non mais oh, tu te crois où là ? On t’a jamais appris la politesse ? » Pour qui se prennait-il pour penser pouvoir avancer de telles choses…? Bon, je l’avouai, ma réaction était peut être exagérée, mais je n’avais pas l’habitude qu’on me dise ce genre de choses… j’étais peut être sensée le remercier de m’avoir fait un compliment ? Hors de question. Sa tête ne me revenait pas. « S’il a déjà tenté de me tuer ? En fait oui, tu as raison. » Autant rentrer dans son jeu. Et… ce n’est pas comme si c’était vraiment un mensonge. A la mort d’Edouard, l’absence de Ian aurait bien pu me tuer...

« Hey, je ne suis pas un malade mental hein. Et je te signale que des gars comme moi il en faut. Genre au FBI, CIA, et tout le train-train là, il y a des gars pire que moi. Alors… » What ? Mais en plus il n’avait pas compris que je parlais de sa relation avec les maths ? Il était vraiment débile ? Mais oui, mais oui, ça devait être ça. C’était forcément ça. A la limite, oui, qu’il m’espionne avec ma webcam, ce n’était pas si grave. Il suffisait de mettre du scotch dessus, le genre de scotch bien épais et comme ça kein Problem, je peux continuer à vivre sans penser qu’il y a un débile qui a évoqué le fait de pirater mon ordinateur. En plus, ce qu’il venait de dire, je le savais déjà. La police et autres choses de ce genre avaient besoin de braves petits geeks pour mener à bien leurs enquêtes, mais toujours était-il que ne pas aimer les maths et le clamer si ouvertement… je n’arrivais pas à croire que ça pouvait être vrai. Limite j’aurai envie de pleurer. Je n’eus pas le temps de me lamenter davantage sur mon sort qu’il se rapprocha encore plus de moi avant de me faire une remarque sur ma poitrine. Trouvant ce genre de compliment déplacé la gifle partit avant même que j’eus le temps de m’en rendre pleinement compte. C’était quoi ce soupir ? On ne soupire pas en ma présence qui plus est quand ce soupir est sûrement causé par moi-même. « Je ne me trompe jamais ! Tu m’étonnes qu’il ait voulu te tuer, quand je vois la bête devant moi. Je peux parfaitement le comprendre. T’es trop casse couille c’est pour ça ? Il doit bien y avoir une bonne raison non ? » Affligeant ce petit. Bien évidemment il ne pouvait pas savoir que c’était plus compliqué que ça. Je pris la glace qu’il me tendait et la commençait. Bien évidemment il ne pouvait pas imaginer une seule seconde ce que c’était de ne pas avoir la facile. Peut être ce que j’avançais était faux, mais il ne me donner vraiment pas l’impression d’être malheureux derrière son caractère insupportable. Mais non… il ressemblait plus à un bon gros bébé bien nourri, avec ses joues toutes rebondies !... ah non, à bien y réfléchir, il n’était pas bien gros. « C’est ça, c’est ça, en plus t’es bien placé pour me reprocher ça. Tu l’es bien plus que moi, on te l’a jamais dit ? Et dit moi, pourquoi devrais-je te raconter ma vie, à toi, un simple passant ? Par ce que tu m’as gentiment donné des glaces ? » Mais bien sûr, et puis quoi encore ? Il se croyait où là ? On n’était pas dans un roman où l’héroïne avoue son lourd secret au héros et fond en larmes dans ses bras… oh mon Dieu, quelle horreur.