Katarina Romanova… ce nom tournait en boucle dans l’esprit de Missandei telle une de ces ritournelles maudites que l’on a envie de se sortir de la tête à grands coups de clouteuse électrique. On pouvait dire que sur ce coup là, malgré le brio de Javier à dissimuler ses traces et le mal que l’australienne avait eut à avoir des informations, elle avait démontré son extraordinaire talent de hackeuse par a+b. Mieux, elle avait réussi à pénétrer au sein de sa chambre d’hôtel le jour présumé de son retour aux USA, terrée dans l’obscurité, l’attendant des heures durant tout en tapotant sa tablette. Miss avait grande hâte de le confronter pour mieux le rayer définitivement de sa vie, c’était devenu son objectif numéro un. De toute façon, qu’était-elle pour lui ? Une vague maîtresse parmi tant d’autres, avec qui il n’avait strictement rien partagé par rapport à la liste longue comme le bras qu’elle possédait sur sa tablette, une vulgaire mission supplémentaire avec qui il avait joué sans pitié aucune… l’impatience de la jolie brunette était à son comble lorsqu’il ouvrit enfin la porte, allumant d’un même temps la lumière comme elle s’y attendait, la dévoilant dans toute sa splendeur en la forçant d’un même temps à se relever. « Katarina va bien ? » lança-t-elle avec une large dose d’ironie, sans chaleur aucune, n’ayant aucune intention d’en faire preuve dans les secondes qui allaient suivre. « Je ne savais pas à qui j’avais à faire alors forcément, tu penses bien que j’ai fini par me renseigner… quel train de retard par rapport à mes réflexes, à croire que tu m’avais réellement endormie avec tes belles paroles et ton air charmant ! Je te félicite, tu es bien le premier à m’avoir avec autant de brio et si je n’avais pas ma tablette dans les mains, j’applaudirais volontiers ! Mais il n’en demeure pas moins que les masques finissent un jour par tomber et que si j’ai été grandement aveugle… tu m’as beaucoup mais alors beaucoup sous-estimée. Il serait tellement facile pour moi de faire exploser la couverture de cette chère Katarina d’un claquement de doigt pour sa nouvelle mission si je recherchais la vengeance… mais alors je ne vaudrais pas mieux que toi. » Miss possédait un visage résolument impassible, bien que son cœur batte à vive allure et qu’elle ait une folle envie de l’étriper sur place. « Mais Katarina c’était juste la semaine dernière, tu es un beau petit spécialiste de la maîtresse dis-moi ! Quelle organisation mon cher Javier, j’en suis toute esbaudie… ne serait-ce qu’en Espagne, je trouve que Lorena est particulièrement magnifique. Sans oublier l’espionne de Suède, dont je ne me souviens pas du nom imprononçable mais si tu y tiens je peux le retrouver sans peine ! Celle qui m’a marquée c’est la française, Charlotte… grande gueule mais pas moins efficace puisque récemment tu l’as tout de même vue trois fois. Mais c’était avant moi alors passons sur ce chapitre ! En tout cas tu as des goûts de luxe : égyptienne, italienne, allemande même ! Sans oublier autrichienne, anglaise, irlandaise… je continue ou j’ai suffisamment marqué mon point de vue monsieur l’agent de la CIA ? » Miss avait légèrement froncé les sourcils tout en rangeant soigneusement sa tablette, empoignant son sac à bandoulière tandis que ses yeux s’humidifiaient. Difficile de se relever d’une telle humiliation, d’un tel coup de poignard dans le dos… « Alors c’est vrai, je ne suis peut-être qu’une idiote qui se fait malmener par ses comparses de fac mais je ne suis pas mauvaise dans ce que je sais faire de mieux : trouver des infos. C’est ça que j’ai été pour toi, une maîtresse de plus ? Non même pas ça puisque je n’étais qu’une vulgaire mission. Tu vois Javier, comme je l’ai dis, les masques tombent… ne réapparaît plus devant moi parce qu’en ce qui me concerne, tu peux aller te faire foutre, avec ou sans ta russe de merde, mais en tout cas SANS MOI ! » Avec virulence, Miss repoussa l’agent contre le mur pour qu’il la laisse passer avant de quitter les lieux, purement et simplement. Courageuse mais pas téméraire : elle n’avait aucune intention de se laisser avoir comme une vulgaire bleue ! Même si, à son plus grand désespoir, elle allait revoir Javier… et pas ailleurs qu’à un gala, quelques temps plus tard.

Non seulement Missandei avait la désagréable surprise de croiser Javier à cette maudite soirée mais en prime il venait avec la personnalité du jour, la jeune veuve Aeris Eggart. L’australienne connaissait déjà tous les détails à savoir sur cette demoiselle aux traits angéliques et à la personnalité si aimée dans le monde du tout New York… le simple fait qu’elle soit aujourd’hui au bras du latino qui ne quittait malheureusement pas ses pensées malgré l’humiliation ultime qu’il n’avait pas manqué de lui faire subir la poussait à la haïr présentement et par principe. Voilà pourquoi, au départ, Miss avait simplement eut l’intelligence de s’éloigner, refusant de côtoyer ce beau monde et de devoir supporter la présence du charmant petit couple mais ce n’était pas du goût de Javier, qui vint la retrouver jusque sur le balcon où elle s’était réfugiée histoire de souffler. Autant dire qu’elle fronça aussitôt les sourcils à son compliment, n’ayant cure de ses caresses dans le sens du poil, qui lui donnaient d’ailleurs davantage envie de lui sauter au cou pour l’étrangler que de l’embrasser passionnément pour le remercier. « Tu as parfaitement raison, je n’ai aucune envie ni même intention de te parler et mieux, je me fiche éperdument de ce que tu peux bien penser de ma robe, garde donc tes faux compliments pour la bourgeoise que tu tiens si aisément à ton bras… je ne savais pas d’ailleurs que tu comptais te recycler dans la veuve ? Remarque, tu aurais pu tomber sur bien pire, on la dit aussi douce et gentille qu’elle n’est riche. » Habile façon de mettre en lumière le fait qu’elle n’avait rien contre la fameuse Aeris, c’était contre lui qu’elle était en colère. Miss n’était pas cruelle au point de s’en prendre à quelqu’un de totalement innocent à ses affaires. « Je n’ai pas envie que tu m’expliques, car cela serait te donner une nouvelle occasion de m’humilier, de jouer avec mes sentiments et de m’endormir bien soigneusement avec ton charme et tes paroles si habiles. Tu es très doué Javier… mais je pensais avoir été claire : je ne veux plus entendre parler de toi je ne veux même pas recroiser ta route ! Tu as suffisamment joué avec moi, et crois-moi, tout ce que j’ai pu lire et voir concernant ta personne était clair comme de l’eau de roche, nul besoin d’explication supplémentaire. » L’australienne se dégagea du balcon sans même lui souhaiter une bonne soirée, se dirigeant plutôt vers l’assemblée où elle dénicha le premier jeune homme au charme électrique – et non marié de surcroît – pour danser avec lui en un tango des plus provocateurs. C’est particulièrement essoufflée qu’elle accepta de l’attendre sur le balcon tandis qu’il partait leur chercher à boire. Mais le pire dans tout ça, c’est qu’une fois seule, elle trouvait le moyen de s’en vouloir pour le froid refus qu’elle avait envoyé en plein visage de Javier…

Pour sûr, Missandei fut tentée de crier mais la simple menace de Javier lui ôta toute envie en l’espace d’un dixième de secondes. Elle n’avait pas envie d’être inconsciente et encore moins trimballée comme un sac à patates dans une berline d’un noir de geai mais avait-elle seulement le choix ? Aussi, malgré le malaise évident étant le sien, la jolie australienne écoutait Javier non sans regarder par la fenêtre avec nonchalance, évitant tout contact physique car elle voulait éviter à tout prix de ne faire son jeu. Plutôt crever ! pensa-t-elle subitement alors qu’il l’assommait avec des paroles qu’elle n’était définitivement pas prête ni envieuse d’entendre. « Je confirme ta méthode est plus que cavalière mais je ne vais pas faire ton jeu en hurlant, ce serait te faire ce plaisir et je n’y suis aucunement disposée ! Et je ne sous entendait pas que tu côtoyais Aeris pour son argent mais pour son carnet d’adresses, je ne suis pas une femme vénale ni même une manipulatrice comme toi ! Tout le monde ne peut pas avoir ton brio… » Missandei était aussi piquante que les crocs d’un serpent mais il ne pouvait guère lui en vouloir : non seulement elle avait l’impression de n’avoir été qu’un vulgaire objet entre ses mains expertes, mais en prime elle sentait qu’elle lui avait offert sa virginité pour rien. Erreur dont elle se mordait ô combien les doigts aujourd’hui, d’ailleurs. « En effet je ne sais pas qui est l’homme mais ce que j’ai lu de l’agent m’a suffit pour les trois cent douze prochaines années, je n’avais aucun besoin d’aller plus loin, crois-moi. M’enlever ne me fera pas t’écouter, tu en as conscience ? Tu t’es juste joué de moi pour mieux aller t’éclater avec Miss Russe alors ne compte pas sur moi pour te donner une nouvelle chance de me piétiner, ça non ! Je n’ai peut-être pas beaucoup d’estime de moi mais j’ai au moins un peu d’honneur et je ne compte pas te le confier. »

« Enchantée de même… Monsieur Alfred » articula Missandei avec difficulté tant elle ne s’attendait pas être conduite jusqu’à un manoir avec majordome en prime. Elle n’avait pas non plus l’habitude de la richesse, de se faire servir ou d’être dans un salon si imposant qu’elle s’en sentait presque oppressée. Mais Miss tenait à garder les idées claires, d’où le fait qu’elle ne refuse son verre avec politesse, sans l’attaquer à nouveau… la jolie australienne ne se reconnaissait plus : depuis quand montrait-elle aussi de méfiance avec quelqu’un pour qui elle éprouvait des sentiments ? Pour la simple et bonne raison qu’il s’agissait d’une grande première et qu’elle avait peur, oui peur de s’être trompée au point d’avoir été prête à offrir jusqu’à son cœur à un homme n’en n’ayant rien à faire. D’ordinaire, elle ne se serait pas alourdie avec de tels sentiments pour la simple et bonne raison qu’elle menait une vie avec ses dangers, ses intrigues et autres complications mais en l’occurrence, Javier était l’ultime complication et c’était peut-être celle de trop. Son cœur ne pourrait pas subir de nouvelle humiliation, de nouvelle découverte froide de vérité au point qu’elle n’ait pas voulu sortir de sa chambre des jours entiers, inquiétant de par ce fait son colocataire qui ne s’inquiétait pourtant jamais de rien et surtout de personne. « Les méthodes du FBI sont obsolètes et ridicules, pour ma défense » avoua-t-elle non sans un brin de sarcasme, tandis qu’elle fermait les yeux quelques instants pour éviter d’avoir en prime le bêlement amer. « J’avais cru comprendre que ces femmes étaient tes maîtresses et je sais aussi pertinemment qu’elles sont toutes un peu comme toi, des agents ou à des postes s’y rapprochant… mais pourquoi moi ? Si tu ne m’as pas complètement prise pour une idiote, alors pourquoi moi ? Je ne suis pas un agent, je ne sais même pas gifler quelqu’un sans risquer de me casser la main, je ne sais pas me battre ou parler Latin… d’un point de vue purement physique si on ne s’attardait qu’à ça, tu me briserais rien qu’avec le pouce ! Crois-moi, j’ai aussi étudié ce que tu as fais par le passé pour savoir qui j’avais en face de moi… je ne comprends rien, voilà la vérité ! Si tu n’es pas qu’un salopard qui a piétiné mon cœur alors que je te l’offrais alors qui es-tu, hein ?! » s’emporta-t-elle sur la fin alors que de l’eau débordait de ses yeux et que sa respiration était particulièrement saccadée. « Je ne veux pas avoir accès à ton ordi, c’est trop facile, il n’y a aucun fun. Je veux que tu me dises toi-même les choses. Ca, ce sera moins facile, surtout pour toi. »

« J’ai besoin d’y réfléchir au moins cette nuit Javier, d’encaisser tout ce que je viens d’entendre… » Missandei l’avait regardé droit dans les yeux sans l’éviter, allant jusqu’à mettre sa main sur la sienne, qui caressait actuellement sa joue. « Je ne fuirai pas avant l’aube » crut-elle bon de préciser sans pour autant avoir la force de sourire, s’éclipsant du salon pour mieux retrouver Alfred qui venait juste de finir sa chambre. Il avait été jusqu’à lui fournir une chemise et un short, tous deux féminins, sans même savoir où est-ce qu’il les avait dégotés mais qu’importe. Miss était bien trop épuisée pour s’arrêter à ce genre de détails, même si elle mit un long moment avant de ne trouver effectivement le soleil… ce qui eut le don de la mettre particulièrement en retard, même si cela finissait par devenir une habitude. L’australienne se leva en quatrième vitesse, passant par la case douche avant de n’être arrêtée dans le couloir de sortie par nul autre qu’Alfred qui lui tendit un petit sachet avec de quoi se remplir l’estomac. La brunette lui embrassa la joue en promettant de réfléchir et s’envola en mode sprint à travers les grandes rues de New York comme si sa vie en dépendait. Mais le cœur de Missandei était tellement chamboulé qu’elle en peinait à se concentrer sur ses cours, ou même à décrocher son téléphone pour appeler Javier. Voilà pourquoi deux jours passèrent avant qu’elle ne quitte précipitamment un cours, ayant dans l’idée de partir retrouver l’agent de son cœur du moins avant que trois loubards ne la bloquent en la balançant contre les casiers présents dans le couloir. En moins de deux, Miss se retrouva à terre, des coups de pieds l’assaillant de tous les côtés jusqu’à ce que son cerveau n’enregistre plus qu’un mot et une sensation : la douleur. C’est avec peine qu’elle put écarter les yeux pour voir une jeune femme à l’allure élégante et élancée venir la défendre, parapluie en main… « N’aie crainte je ne vais pas te faire de mal » lui dit-elle d’une voix douce après avoir étonnamment fait fuir les trois loubards en leur cassant probablement le nez à tous les trois. « Je vais t’emmener à l’hôpital avec deux amies à moi… » J’ai nommé Vioryna et Morgana, bien sûr. La jolie russe fut chargée de veiller sur l’australienne, la monégasque, en bonne folle du volant, conduisait, et Elvia passait un coup de fil à Javier pour lui expliquer la situation et lui donner l’adresser de l’hôpital où elles conduisaient actuellement Missandei…

« Je vous ai dis que j’allais bien, ce ne sont que quatre côtes cassées, je veux rentrer chez moi !! » tenta-t-elle de hurler sans qu’Elvia ne la laisse faire autre chose que s’asseoir sur son lit. Mine de rien, celle-ci avait de la volonté et de la force quand elle s’y mettait ! Mais la note était tout de même salée pour Miss : bras dans le plâtre avec fracture ouverte, légère blessure au mollet et donc quatre côtes cassées… « Avec tout ça je n’ai même pas pu aller le voir… » se lamenta-t-elle brusquement avant d’éclater en sanglots entre les bras d’Elvia, surprise.

Une chose était sûre, Missandei sentit Elvia pousser un soupir de soulagement en voyant Javier débarquer dans la chambre et prendre le relai après qu’il n’ait embrassé sa joue. Elle lui sourit avec gentillesse avant de faire signe à Vioryna et Morgana de quitter la chambre en même temps qu’elle. « Je t’en prie, si tu as besoin n’hésite pas, même si je me doute qu’elle est entre les meilleures mains qui soient » lui énonça-t-il avec tendresse avant de ne les laisser seuls, pensant qu’ils avaient bien besoin d’un peu d’intimité. Il faut dire qu’Elvia devait ramener respectivement Morgana puis Vioryna à leurs demeures respectives avant que leurs maris ne finissent par lui tirer les bretelles, il n’y avait donc pas de temps à perdre… et de son côté, Miss avait honte. Honte d’être dans un tel état, de ne pas avoir pu donner la moindre nouvelle à Javier alors qu’elle avait promis à Alfred qu’elle le ferait… rompre une promesse n’était pas dans ses habitudes et elle n’avait que d’autant plus mal à ce constat. « Tu veux veiller sur moi même si je n’ai pas pu tenir ma promesse ? » articula-t-elle entre deux sanglots. « J’avais promis à Alfred que je réfléchirai et je l’ai fais, aujourd’hui après mes cours je voulais venir te trouver pour te dire que je voulais apprendre à te connaître sans artifice, te donner cette chance que tu m’as demandée tout en m’en offrant une par la même occasion… je suis désolée de ne pas avoir pu. S’il te plaît… je veux sortir d’ici Javier » le supplia-t-elle finalement, sans cesser de le regarder dans les yeux. Elle avait besoin de ce contact visuel, sans même en comprendre la raison.

« Je veux bien être soignée au Manoir… rien ne peut être pire qu’ici ! » avoua Missandei sans aucune honte car s’il y avait bien un endroit sur terre qu’elle détestait au-delà des mots, c’était le milieu hospitalier. Non pas parce qu’elle en avait beaucoup fait l’expérience mais plutôt parce qu’elle haïssait le fait de se sentir si faible en face de parfaits inconnus, même si ceux-ci étaient censés être là pour l’aider et la soigner. « Je sais que je dois me remettre Javier mais avoir été blessée ne m’empêche pas de parler… ne râle pas par avance alors que je n’ai pas fini on va prendre notre temps d’autant que je sais que tu es un homme très occupé mais si je saurais me montrer patiente j’espère bien que tu reviendras vers moi. » Il ne faut pas croire, après ce qu’elle avait vécu, et à plus forte raison depuis qu’elle avait découvert toutes ces choses sur l’agent, Miss avait diablement besoin d’être rassurée, qu’on ne lui dise des choses claires et concises, sans équivoque. Cela prendrait le temps que cela prendrait mais au moins, l’infirmière s’étant occupée de son cas avait entendu son souhait et revenait avec les papiers de sortie qu’elle ne manqua pas de signer dans la foulée. Un sentiment de libération s’échappa de son être dès lors que cette femme eut rembarqué la paperasse : ça voulait non seulement dire qu’elle n’était pas contrainte de rester dans cet asile de fous, mais aussi que Javier l’accueillait chez lui… diable, rien que pour ça, elle risquait d’avoir du mal à s’en remettre. « En tout cas, je dois admettre que je dois la vie à Elvia… je ne la connaissais pas du tout avant et je ne sais même pas comment elle a réussi à me trouver mais elle est impressionnante avec un parapluie ! C’est quelqu’un comme toi ? »

Certes, Missandei était la seule à pouvoir freiner des quatre fers dans l’histoire mais à sa décharge, elle était encore secouée par toute l’affaire les ayant opposés. On ne pouvait pas la blâmer d’avoir quelques doutes puisque si elle connaissait l’agent et ses méthodes, elle ne connaissait pas du tout l’homme. L’australienne s’était interdit de faire des recherches, alors qu’il lui aurait été si facile d’obtenir de plus amples informations par le biais de l’ordinateur de Javier… mais elle voulait que sa parole soit d’or, et qu’il ne lui fasse découvrir lui-même cette facette de sa personnalité qu’elle ne connaissait qu’en surface. « Elvia est patineuse ? Ca explique sa souplesse mais vraiment, elle a dû prendre des cours de combat je t’assure parce que c’était réellement impressionnant ! En tout cas… je lui dois beaucoup alors j’aimerais la revoir en d’autres circonstances, avec son mari pourquoi pas, après tout, plus on est de fous moins y’a de riz ! » plaisanta-t-elle avant de ne sortir de cette foutue chambre à la noix, en boitant légèrement certes mais Missandei mettait de la volonté à la tâche et ne s’arrêta pas avant d’être dans la voiture, où elle poussa un long soupir d’aise : non seulement elle était sortie de cet enfer mais en prime elle n’aurait pas à remarcher tout de suite. Voilà qui risquait d’être délicat, surtout qu’elle adorait partir courir le matin à l’aube… « Javier… ce n’est tant que je doute c’est juste que je freine toujours des quatre fers en terrain inconnu. Je ne suis pas comme toi, je n’ai pas vraiment d’assurance fabuleuse en tant que femme et puis tu connais mon manque d’expérience, inutile de te mettre les points sur les virgules ! Tes maîtresses… c’est fini ? » osa-t-elle demander une fois qu’ils étaient effectivement seuls dans la voiture, une vitre séparant la cabine du chauffeur de celle où ils étaient assis.

« Mais il n’est rien arrivé à sa femme, mes agresseurs n’ont même pas eu le temps de répliquer une seule fois tant elle était rapide et précise, un vrai soldat ! Mais certes, j’ai également fait la connaissance de Morgana et de Vioryna et je serais curieuse de rencontrer Seraphina, pourquoi pas. Je ne suis pas quelqu’un de très sociable au départ mais je crois que je ne serais jamais pire que mon colocataire ou même que ma propre mère » ironisa-t-elle avant de laisser échapper un petit rire légèrement moqueur car elle imaginait Kale rien qu’en face de Morgana et l’hilarité reprenait tant elle savait qu’il s’évanouirait au bout de deux phrases, choqué par son côté brut de décoffrage. Ceci étant Missandei était pleinement pour s’intégrer au petit groupe de filles, plutôt deux fois qu’une même, bien que dans l’état actuel des choses, elle ait davantage envie de concentrer son énergie à découvrir Javier. C’était ça, son objectif numéro un. « Je veux bien te montrer que c’est le cas car contrairement à toi je ne conçois pas d’aller dans plusieurs bras mais à priori tu ne connaissais pas l’amour dans les bras de ces femmes. Tu étais satisfait d’un point de vue… disons mécanique mais il n’y avait pas vraiment de frisson, de tête à l’ouest ou de pensée dirigée uniquement vers quelqu’un en particulier. Je me perds un peu mais… et si tu n’es pas d’accord avec moi ? Et si malgré tout ce que je pourrais te montrer tu restes réfractaire ? J’ai cru comprendre que tu ne pourrais pas me donner de « garantie » là-dessus et c’est bien ça qui me fait peur justement… je ne suis pas sûre que tu puisses t’engager de façon aussi… inconditionnelle que moi. Même si je voudrais y croire. »

« Je ne peux pas lui jeter la pierre… Gabriel a une femme adorable » nota-t-elle avec une extraordinaire sincérité, chose rare pour quelqu’un passant le plus clair de son temps à se cacher. Missandei était aussi franche que réservée et là se révélait toute sa complexité justement. Peut-être était-ce ce qui la rapprochait tant de Javier, jonglant habilement entre ces deux traits de caractère lui-même, bien qu’il n’y mette bien plus de force, autant l’admettre. « Je vois… ils sont donc tous mariés ou en passe de l’être et avec une famille en cours ou déjà fondée. Autant que je connaisse ce genre de détails pour ne pas commettre de bévue à l’avenir, je suis particulièrement douée pour cela lorsque je m’y mets. Mais à ma décharge, comment ne pas mettre les pieds dans le plat quand on ne me dit pas ce qu’il faut ! » Hélas, Javier marquait un point : s’il n’avait jamais été amoureux dans sa vie, du moins véritablement et ce sans aucun doute possible, il ne pouvait qu’émettre des réserves mais le simple baiser qu’il déposa sur sa main lui arracha un sourire attendri. Au moins, il savait comment la prendre et même comment la faire fondre tel un caramel sucré placé sous un rayon de soleil printanier. « Et bien… à choisir je n’ai pas envie de ne te donner qu’un semblant de relation c’est certain » s’amusa-t-elle maladroitement avant de ne serrer sa main dans la sienne. « J’aurais continué à te fuir si je n’avais pas désiré la même chose, Javier, mais je ne suis pas sûre que tu aimes ce qu'il y a à découvrir sur moi » avoua-t-elle tout en penchant légèrement son visage, ayant dans l’idée de s’emparer de ses lèvres mais elle n’avait eu que le temps de les frôler sur les portes s’ouvraient sur Alfred, manifestement ravi de revoir Missandei au manoir, même si elle revenait blessée et qu’elle avait besoin de soins. « Vous êtes entre de bonnes mains Mademoiselle Snow ! » « Missandei. Je vous dois déjà beaucoup Monsieur Alfred vous savez, alors pas de ‘Mademoiselle Snow’, pitié ! »

Missandei était particulièrement touchée et par le résumé que Javier lui avait fait de son groupe d’ami, et par le fait qu’il ne lui répète qu’il ne la jugerait pas… et mieux, qu’il comptait lui faire découvrir chaque pan de sa personnalité, petit à petit, même sans savoir par quel bout commencer. Cela ne donnait qu’envie à l’australienne de faire de même, bien qu’elle ne sache pas davantage par où débuter. Elle se laissa par conséquent porter par Javier en personne jusqu’à sa chambre, à la fois contente et déçue de faire chambre à part avec le latino : contente parce qu’il ne verrait pas l’étendue des hématomes qu’elle se payait sur tout le corps, et déçue parce que justement, elle ne pourrait pas se blottir contre lui dans la nuit. Ce n’était que partie remise, peut-être ? « C’est vrai, il a parlé de moi ? Oh ben dis donc ! Je ne pensais pas lui faire telle impression et je t’avoue qu’au départ, j’étais sûrement beaucoup plus impressionnée que lui… je n’ai jamais eu de majordome, cette maison est absolument immense, les jardins je ne t’en parle même pas ! Cet endroit est purement inhumain, comment tu fais pour t’y retrouver sans GPS ? » reprit-elle avant d’éclater de rire face à sa propre bêtise. « Ne t’inquiètes pas, tu n’auras pas grand-chose à faire pour attirer mon attention » avoua-t-elle sans peine tout en attrapant sa main pour la porter à ses lèvres, à défaut d’avoir pu l’embrasser en bonne et due forme dans la voiture. « Tu sais Javier si tu dois travailler ne te gêne pas pour moi, je peux peut-être t’attendre le temps de ton coup de fil ? Surtout si je promets d’être sage ? »

« Oui c’est juste… excuse-moi de ne pas avoir ce genre de réflexe, il n’y a pas marqué « James Bond Girl » sur mon front ! La seule fois où j’ai voulu frapper quelqu’un au visage, je me suis cassé trois phalanges… » avoua-t-elle non sans honte, surtout que sa mère s’était payé sa tête avec une telle virulence que Missandei n’avait plus jamais été capable de frapper qui que ce soit de sa vie. De toute manière, sa génitrice avait toujours été en mesure de la brimer, et ce avec un tel brio que c’en était presque ahurissant. Bah, inutile de s’appesantir sur la chose, puisque l’australienne n’avait pas du tout l’intention de lui présenter cette personne dépourvue de tout sentiment et qui le prendrait pour un abruti. Tous ceux qui n’étaient pas elle s’avéraient être des crétins, de toute manière. « Tu es au courant que je suis quelqu’un d’extrêmement curieux et que je risque de passer en mode interrogatoire avec Alfred ? Enfin pas en ces termes mais quand même un petit peu… mais je te promets qu’en cas de besoin je ferai appel à lui, il suffit juste que j’essaye de prendre le pli. Mais donc si je te suis bien, lorsque tu n’es pas James Bond tu es… une sorte d’Indiana Jones mêlé avec Lara Croft mais avec plus de muscles et de classe ? » Missandei laissa un grand sourire canaille peupler ses lèvres un instant avant qu’elle n’émette une grimace douloureuse. Merde, avoir les côtes cassées, cela avait oublié d’être agréable ! « Si tu voulais savoir une première chose sur ma personne… qu’est-ce que ce serait ? »

« Je crois que c’est plus sage en effet… surtout que je ne sais pas uniquement utiliser un ordinateur, je sais aussi le désosser complètement et le remonter » lui apprit-elle avant que le projecteur ne se replace soigneusement sur Javier qui lui expliquait sa bougeotte, mêlée à une passion qu’elle pouvait tout à fait comprendre et c’est la raison pour laquelle elle ne le quittait pas des yeux, le couvant même du regard sans perdre une miette de ce qu’il lui disait. « Tu n’aimes pas rester ici ? » se permit-elle de demander pour savoir quelles étaient ses habitudes au juste et si elle devrait s’armer de patience pour le voir revenir… ou pas. Missandei était une grande fille, elle pouvait tout entendre et à plus forte raison des choses dans le genre. « Je n’ai pas l’intention de le harceler, tu n’as pas de soucis à te faire je ne suis pas quelqu’un qui s’impose… je suis curieuse mais d’ordinaire je trouve plutôt mes réponses toute seule » avoua-t-elle non sans regarder un instant le plafond, devenu subitement d’un intérêt indéniable, surtout face à la question de Javier. Cette question était à la fois extrêmement logique et difficile pour Missandei, qui refusait de réclamer quoi que ce soit pour elle-même. « Et bien… même si je pars du principe que les rêves, comme l’espoir, c’est dangereux et que j’évite d’en avoir pour ne pas être déçue, je crois qu’avoir une famille à moi est mon plus grand rêve. J’ai perdu mon père alors que je l’accompagnais à la banque, lors d’un braquage, et je crois que c’était l’être le plus doux et le plus sentimental que j’ai connu dans ma vie. Ma mère est atteinte du syndrome d’Asperger, comme mon colocataire. Du coup, nos rapports sont disons… compliqués. Elle ne me serre jamais dans ses bras et ne me touche jamais comme si j'avais la gale ou un truc dans le genre. Elle me considère comme une idiote parce que j’ai refusé de rentrer au MIT, alors que l’université me l’a proposé – il faut dire que ma mère y fait très souvent des conférences en tant que Physicienne de renom – mais non. Je ne voulais pas rentrer dans ses pas. Je crois que j’apprécie davantage la compagnie des ordinateurs que celle des gens et c’est à cause de ça que je suis devenue ce que je suis. Alors oui, une famille. L’impression d’être attendue quelque part, d’avoir une attache. De ne pas devenir un robot comme ma mère ou la plupart des gens qu’elle me pousse à côtoyer. Et toi ? »