Tout en riant, je m’installais au restaurant japonais. Heureusement, nous en avions trouvé un d’ouvert malgré l’heure très tardive. Je regardais mon téléphone – cadeau d’Ashley, qui était bien décidé à tout faire pour que je ne manque de rien – et regardais l’heure. Trois heures et dix minutes. Oui, la nuit avait été bien longue. Mais qu’est-ce que ça m’avait fait du bien ! « Tu as vraiment eu une bonne idée qu’on sorte ce soir ! Je ne savais pas si j’aimerais danser en boîte de nuit, mais en fait, si ! » m’exclamais-je dans un grand sourire. On pourrait se demander ce que deux jeunes femmes faisaient dans un restaurant à cette heure-ci, mais bon, même si nous avions mangé avant de partir, danser m’avait totalement rouvert l’appétit. Même si c’était Missandei qui avait proposé que nous sortions ce soir, c’était moi qui avais donné l’idée d’aller en boîte de nuit. Depuis que j’étais sortie de l’hôpital, j’avais tout simplement envie de connaître mes goûts, de savoir ce que j’aimais, ce que je n’aimais pas, … Et on pouvait dire que danser faisait largement parti de la liste des choses que j’aimais faire. Et apparemment, je n’étais pas très mauvaise à ça, ce qui ne gâchait rien du tout. Je lisais attentivement le menu, ne sachant pas du tout quoi prendre – je ne savais toujours pas si j’aimais la nourriture japonaise ou non. « Tu penses prendre quoi ? T’as quelque chose à me conseiller ? Je vais peut-être prendre quelque chose avec de la viande. Et du poisson aussi … Ashley est végétarien, donc forcément, je ne sais même pas si j’aime ça. Et c’est pas comme si je pouvais me fier à la nourriture de l’hôpital ! »

« Autant dire que ce n’est pas vraiment la musique qui m’a plu. » dis-je dans un petit rire. « Mais la danse, ça oui ! C’était vraiment super ! C’était comme un sentiment de liberté, tu vois ? Fiou, oui, on a eu toutes les deux une bonne idée pour cette soirée ! » m’exclamais-je enthousiaste. J’aimais bien le fait d’être une personne enthousiaste – car c’était apparemment quelque chose de naturel chez moi, puisque j’étais ainsi même lorsque j’étais encore à l’hôpital. Je repensais à Freud et à sa théorie des pulsions, et mon instinct suivait apparemment la pulsion de vie ! Je fis une petite grimace. D’où est-ce que ça me sortait cette histoire. Freud ? Pulsion de vie ? Est-ce que j’étais psychanalyste ou un métier du genre ? Etait-ce les études que j’avais suivies ? Des études de psychologie ? Comment connaîtrais-je Freud autrement ? En même temps, les médecins étaient quelque peu surpris de mes connaissances en médecine, donc peut-être suivais-je tout simplement des cours de médecine – ou étais-je diplômée ? J’avais 26 ans quand même ! – et avais étudié Freud en cours ? J’imaginais qu’il fallait bien quelques cours de psychologie dans la filière médicale, non ? « Oui, des sushis ça peut être sympa ! Ou alors un chirashi ? C’est un peu un mélange entre sushi et sashimi j’ai l’impression. Et peut-être quelques yakitoris en plus, histoire d’essayer la viande un peu. »

« Un garçon ? » riais-je, tant cela me semblait ridicule. « Je suis fiancée je te signale ! » m’exclamais-je tout en lui montrant mon annulaire pour accentuer mes propos. Je regardais ce magnifique diamant qui avait dû coûter une fortune à celui – ou celle, je n’excluais rien du tout, même si j’avais plus l’impression d’être hétérosexuelle au vu de mes regards sur les hommes – qui me l’avait offerte. Pourquoi est-ce que personne ne m’avait encore portée disparu ? Pourquoi est-ce que personne ne me recherchait ? J’aurais tellement voulu rencontrer mon fiancé, savoir à quoi il ressemblait, ce qu’il faisait comme métier, comment nous nous étions rencontrés, à quoi ressemblait notre relation, … Bref, tout simplement si nous nous aimions et étions heureux ensemble. Et peut-être qu’il me ferait retrouver la mémoire ? Apparemment, il y avait certaines personnes qui retrouvaient la mémoire simplement en revoyant l’amour de leur vie. Et si c’était vrai ? Et si ce serait mon cas ? Mais pour savoir ça, encore faudrait-il qu’il me retrouve. « Oui, elles ont l’air bonnes ces brochettes ! Et puis de toute façon, ça ne peut pas être pire que celles qu’on m’avait données à manger à l’hôpital ! » m’exclamais-je dans un éclat de rire. S’il y avait bien une chose dont j’étais sûre, c’était que je n’aimais définitivement pas la nourriture servie à l’hôpital ! « Oui, il faudra vraiment qu’on se refasse des soirées comme ça ! Pas forcément en boîte, même juste un ciné ou assister à un match aussi, ça pourrait être sympa ! » En effet, j’avais regardé un match de football américain à la télé, et j’avais juste adoré ça ! Qu’est-ce que ce serait en vrai ! Je faisais un signe au serveur, qui arriva enfin.

« Oui, c’est vrai, mais ça me gène. J’aurais l’impression de tromper cet inconnu qui m’a offert cette magnifique bague, tu vois ? » lui demandais-je, même si je me sentais un peu ridicule. « Imagine je tombe amoureuse de quelqu’un. Qu’est-ce que je fais dans ce cas-là ? Je ne le connais pas mon fiancé, et il ne me cherche pas. Ça fait un mois et demi que j’ai eu mon accident, et ma photo n’est nulle part dans les postes de police. Donc et s’il ne veut pas me chercher ? Est-ce que je dois l’attendre, alors que je ne sais pas du tout qui il est, à quoi il ressemble, comment il est ? » C’était une vraie question que j’avais là, et j’avais l’impression d’être dans une impasse. Par exemple, j’aimais bien Joshua et ça avait l’air d’être réciproque. Mais est-ce que ce ne serait pas le tromper que de m’intéresser à une autre personne ? Bon, je ne savais pas du tout s’il se passerait quoique ce soit entre nous, mais le fait que je me pose même cette question, n’était-ce pas tromper mon fiancé d’une certaine façon ? « Heureusement que Brooke était celle qui m’apportait les repas et qu’elle restait manger avec moi ensuite, sinon jamais je n’aurais pu survivre à la nourriture d’hôpital ! » répondais-je dans un rire, faisant allusion à celle dont j’avais pris le prénom comme deuxième prénom. Je passais commande au serveur, avant d’être totalement excitée par l’idée d’assister à un match. « Ça doit juste être génial en vrai oui ! Est-ce qu’il y a du football américain dans ce stade. Enfin du football, parce que j’imagine qu’on rajoute pas le mot américain. »

« Je préfère ne pas regarder, comme ça je ne suis pas tentée. C’est juste plus simple. » répondais-je en haussant les épaules. Je préférais éviter d’y penser. Cela était bien trop douloureux pour moi. Comment avait-il pu m’offrir ce magnifique solitaire, et ne pas me rechercher depuis un mois et demi. Etait-il inquiet au moins ? Ou s’en moquait-il complètement. D’un coup, j’eus une mauvaise impression, au fond de mon estomac. Et si c’était lui qui m’avait écrasée ? Peut-être que c’était pour ça qu’il ne me recherchait pas. Il m’avait voulu morte et me croyait morte. Et ne me recherchait donc pas. « Miss, tu as vu qui conduisait la voiture ? C’était bien un délit de fuite, mais est-ce que tu as eu le temps de le voir ? » lui demandais-je, gênée. Je ne savais même pas si c’était lui qui m’avait écrasée, mais j’avais l’impression que c’était la seule chose logique qui expliquerait pourquoi il ne me recherchait pas alors que cela faisait un mois et demi que l’accident avait eu lieu. « Je ne pense vraiment pas que c’est une phase transitoire. J’ai lu beaucoup de choses à ce sujet, et quand c’est plus d’un certain temps sans souvenirs, les risques que l’amnésie soit définitive sont très élevés. » lui dis-je, avant de retrouver mon enthousiasme tendant qu’elle proposait de regarder sur son téléphone s’il y avait des matchs de football américain au stade. « Oh oui, ce serait super ! Je suis excitée comme une petite gamine, j’te jure ! »

« Mais bon, faut quand même avouer qu’un jour ou l’autre, je risque de me retrouver dans une situation délicate. Parce que bon, si dans six mois rien n’a changé, les choses risquent d’être différentes je pense. » répondais-je tout en me mordant la lèvre inférieure, de gêne. Etait-ce un crime que de vouloir tomber amoureuse et me créer tout simplement une nouvelle vie ? Après tout, si mon ancienne vie ne voulait plus de moi, qu’est-ce qui m’empêchait de m’en créer une nouvelle ? Je l’avais déjà fait avec mon identité, m’ayant trouvé des prénoms et noms. « Tu crois que ça pourrait être lui ? Enfin, pourrait être mon fiancé qui m’a écrasée ? Après tout, les délits de fuite, c’est pas ce qu’il y a de plus fréquent non plus. Et si ce n’était pas un accident ? » demandais-je, avant de me rendre compte que les choses dites à l’oral me semblaient bien étranges. Ashley et son manque de confiance ainsi que ses tendances à la paranoïa devaient commencer à me contaminer. C’était pire qu’un épisode de FBI : portés disparus – la série préférée de mon paranoïaque adoré ! – ce que je venais de monter. N’importe quoi ! Heureusement, dériver le sujet vers un futur match de football. « Ce soir ?! A quelle heure ? Je pense qu’on va passer le reste de la journée à dormir si on veut être en forme ensuite ! » lui dis-je dans un rire.

« Je ne sais pas ce que je ferais. Vraiment pas … Une partie de moi a envie d’espérer retrouver la mémoire et me souvenir de lui. Et l’autre … Je ne sais pas, j’ai juste pas envie d’être déçue. Parce que ce serait un peu un miracle médical si je retrouvais la mémoire. Donc ce qui se passera dans six mois, si je n’ai toujours pas de nouvelles de mon fiancé, je n’en sais rien. Et puis il y a aussi le fait que peut-être je suis totalement différente de l’ancienne moi. Donc peut-être que s’il me retrouve, je ne tomberais pas amoureuse de lui. Et là, qu’est-ce que je ferais ? » lui demandais-je dans un petit sourire triste. Je ne voulais pas penser à ça, je n’aimais tout simplement pas. Mais il fallait bien que j’y pense un jour non ? Parce qu’il n’y avait pas que la possibilité qu’il ne me retrouve jamais qui m’inquiétait, mais aussi ce qui se passerait s’il me retrouvait. Et si je n’aimais pas mon ancienne moi ? Et si j’étais une grosse connasse dans ma vie antérieure ? « Oui, c’est probablement Ashley et ses séries policières qui me montent à la tête. Franchement, c’est un peu le meilleur pour trouver des scénarios et se faire des films pour à peu près tout. » répondais-je dans un rire franc, réalisant à quel point ce que j’avais pu dire pouvait être stupide. « Je pense que ça va être la meilleure soirée de ma vie ! Ce soir était pas mal, mais alors là, ça va tout casser ! »

« C’est vrai que c’est déjà un peu ce que j’essaye de faire depuis la sortie de l’hôpital. Me créer une nouvelle vie. J’ai une nouvelle identité, de nouveaux amis … Et je me crée de nouveaux souvenirs. Et je n’ai pas l’impression d’être une personne fataliste non plus. Au contraire même je pense. J’essaye vraiment de ne pas y penser, de passer outre tout ça. Mais forcément, ya des moments où ça me revient en pleine face et où j’y pense. Ou je me questionne sur ma vie passée, et surtout sur ce fiancé dont je ne connais rien du tout. » répondais-je dans un petit sourire. Il était vrai que ce soir avait été exactement ce qu’il m’avait fallu. Cela ne faisait pas longtemps que j’étais sortie de l’hôpital, mais j’avais vraiment eu envie de m’amuser, de découvrir ce que j’aimais, voire ce que je n’aimais pas. Bref, me créer ma nouvelle vie en fait. Me découvrir, tout simplement. « Bah après, tu connais son histoire aussi. Tu sais ce qui s’est passé pendant que nous étions ensemble, vu que c’est toi qui as trouvé ces informations pour moi. Donc est-ce qu’on peut réellement le blâmer d’être ainsi ? » lui demandais-je, sérieuse. Moi je ne pouvais pas le blâmer en tout cas. Et de toute façon, vu ce qu’il faisait pour moi depuis que nous nous étions croisés, je ne m’en sentirais pas le droit. « VIP, carrément ! Au fait, on supporte qui ? C’est qui notre équipe ? »

« Oui, c’est vrai que c’est peut-être ma force en effet ! Mais ce n’est pas vraiment comme si j’ai le choix non plus. Je pourrais me lamenter dans ma chambre, sans vouloir sortir jusqu’à ce que mes souvenirs reviennent, s’ils reviennent un jour, mais en quoi ça m’avancerait exactement ? T’es pas la première à me dire que la façon dont je prends les choses est une force, mais c’est juste que quoique je fasse, ça ne fera pas revenir mes souvenirs. Donc autant essayer d’aller de l’avant plutôt que de penser à un passé dont je ne me souviens plus. » répondais-je dans un petit sourire gêné. Ce n’était pas vraiment une chose dont je pourrais parler des heures, surtout que je pensais réellement ce que je disais, et que je ne voyais pas l’intérêt que j’aurais à me lamenter sur mon sort. Mais ce sujet, cette force qu’apparemment j’avais en moi, finissait toujours par être abordé par les personnes que j’avais rencontrées depuis mon accident. « Je pense que je serais tout de même un peu gênée de te déranger en pleine nuit ! » continuais-je dans un petit rire. « Mais merci de proposer. Et merci d’être là pour moi. Ça fait du bien de me dire que, malgré tout, je ne suis pas seule et que je suis même très bien entourée. Je pense que c’est plutôt ça ma force en fait. » terminais-je, avant de m’enthousiasmer de nouveau à propos du futur match de football américain – enfin football tout court. « Sinon on verra quelle équipe mérite notre soutien ! Après tout, quel meilleur moyen de choisir que de voir leurs performances ? J’ai tellement hâte d’y être ! »

« Peut-être … Après, je ne pense pas que ça puisse être comparable avec Ashley. Je n’ai pas vécu de traumatisme, ou du moins si c’est le cas, je ne m’en souviens pas. Alors qu’Ashley, c’est plutôt normal qu’il est des problèmes et n’accorde pas sa confiance … » répondais-je en passant ma main dans les cheveux. Après, si les gens que je rencontrais voulaient croire que c’était une force, je n’allais pas les contredire non plus. Ils pouvaient bien croire ce qu’ils voulaient. Et puis, Miss devenait ma meilleure amie, donc son avis était celui qui importait. Mais en même temps, je ne pouvais pas m’empêcher d’être gênée par le sujet. Peut-être justement parce que réagir de cette façon m’était naturel, et que je ne voyais donc pas comment j’aurais pu réagir autrement. « D’accord, je t’appellerais en cas de problème, même en plein milieu de la nuit ! Mais bon, je te signale que j’ai deux hommes à la maison pour s’occuper de moi. » abdiquais-je avant d’éclater de rire au double sens que pouvait avoir ma phrase. « Je pense en effet que quelques heures de shopping vont être nécessaires. Je n’ai aucun vêtement de supporter … » lui dis-je, avant que le serveur n’apporte enfin nos plats. Cela avait l’air bon en tout cas !

Miss et moi venions d’arriver au stade. J’étais vraiment excitée comme une puce, et ne cessais de trépigner d’impatience. Après notre séance de shopping qui s’était un peu éternisé – j’étais apparemment une grande admiratrice de vêtements, et n’avais donc pas acheté des vêtements que pour l’occasion – nous étions retourné chez moi pour nous préparer, et avions donc passé pratiquement toute l’après-midi ensemble. Ashley avait été gentil – comme d’habitude, tout du moins avec moi puisqu’il s’était à nouveau montré très méfiant envers Missandeï – et nous avait prêté sa limousine avec chauffeur.  Ce qui accentuait encore plus le côté exceptionnel de cette soirée. « Je sens que ça va être génial ! »

Je n’avais finalement pas beaucoup dormi. Déjà, dès que j’étais rentrée, Ashley m’avait presque sauté dessus, inquiet comme pas deux. D’un côté, j’aimais beaucoup qu’il s’occupe de moi ainsi, surtout que je n’avais personne pour le faire. Je n’avais plus de famille, ou tout du moins, je ne m’en rappelais pas. Et le fait qu’Ashley s’inquiète autant pour moi me touchait énormément. J’avais même versé quelques larmes tandis qu’il m’enguirlandait de ne pas l’avoir prévenu et donc de l’avoir inquiété. Pas des larmes de tristesse, bien au contraire. J’avais vraiment été émue qu’il s’inquiète autant. Bien sûr, Ashley se faisait tout un tas de scénario et même s’il ne m’avait rien dit sur celui qu’il s’était fait pendant que j’étais tranquillement installée au restaurant, j’imaginais qu’il ne devait pas être très gai. C’était assez étrange ce que je ressentais envers lui, surtout que finalement, nous étions sorti ensemble plusieurs années auparavant. Etait-ce donc étrange de le considérer comme un membre de la famille, comme un frère, alors que nous avions eu une relation ? En même temps, je ne me souvenais pas du tout de cette relation, donc finalement, que j’en vienne à le considérer comme un frère n’était pas de ma faute. J’avais donc peu dormi. En plus d’avoir longuement parlé, j’avais surtout été très excitée à l’idée d’assister au match. « La soirée commence super bien tu veux dire ! Oui, c’est vrai qu’Ashley est spécial quand même. Et j’étais surprise qu’Ashley réagisse comme ça avec toi. Après tout, tu m’as sauvée la vie, et il devrait plutôt se concentrer là-dessus non ? Mais bon, il s’est beaucoup inquiété cette nuit et même que je me suis pris un beau savon en rentrant. J’ai peut-être oublié mon adolescence, mais j’ai l’impression de la revivre ! » confessais-je dans un éclat de rire.

« Personnellement, cela ne me gêne pas, au contraire. Bon, ça m’a un peu gênée qu’il s’énerve comme ça devant toi mais … Je sais pas, ça me touche qu’il soit comme ça avec moi. Aussi protecteur. Hésitant à me laisser sortir avec toi parce qu’il ne te connaît pas donc ne te fait pas encore confiance. Ça me touche énormément. Il veut me protéger. Il ne veut que mon bien. Et il s’inquiète pour moi. Il est ma famille en fait. Il se comporte comme telle en tout cas. Et peut-être que d’ordinaire cela m’aurait agacée et je l’aurais remis à sa place. Mais déjà je ne sais pas comment j’étais avant. Et surtout, cela fait du bien de savoir qu’une personne s’inquiète pour moi. Parce qu’apparemment il est bien le seul à le faire et que ma famille est je ne sais où et à l’air de se moquer éperdument de ce que je deviens. Donc tu vois, en contrepartie d’avoir un semblant de famille, j’accepte de me faire engueuler. Tout simplement parce qu’il s’inquiète pour moi …» répondais-je, sans réussir à contrôler les larmes qui coulaient sur mes joues. Puis je craquais et éclatais en sanglots. Je n’avais toujours pas pleuré depuis que je m’étais réveillée à l’hôpital. J’avais essayé de voir les choses du bon côté. J’avais essayé d’être rationnelle et de me dire que cela ne servait à rien de penser à ma vie d’avant, puisque je ne la retrouverais plus jamais. Mais parler d’Ashley et du fait qu’il était finalement la seule personne de mon passé à s’inquiéter pour moi et de mon bien-être, cela avait dû être la goutte d’eau de trop. Et j’étais donc là, sans pouvoir retenir mes pleurs – même si j’étais gênée d’être ainsi devant celle que je considérais comme ma meilleure amie – pour la première fois depuis que j’avais appris que j’étais amnésique et que personne ne me recherchait.

Je n’arrivais tout simplement pas à m’arrêter de pleurer. Apparemment, j’avais retenu tout ça en moi bien trop longtemps et une fois que j’avais commencé, je ne pouvais plus m’arrêter. Entre mes sanglots, je tentais de placer quelques phrases. « Je sais bien que tu es là aussi. Mais tu comprends, de mon passé, il est le seul. Tu te rends compte que je le connais depuis mes quinze ans ? Et même si, de ce que j’ai compris, on s’est perdus de vu après son enlèvement, il est quand même la seule personne de mon passé à s’inquiéter de mon sort. Tu vois, si je disparais à nouveau, il serait la seule personne de mon passé à s’en inquiéter. Je sais bien que toi aussi tu t’en inquiéterais, mais lui il fait parti de mon passé, de ma famille quoi. » arrivais-je à répondre, même si le tout fut entrecoupé par mes sanglots. Bon sang, je détestais être ainsi. Je comprenais maintenant pour quoi je n’avais pas voulu craquer depuis qu’on m’avait appris mon amnésie et que j’avais préféré ne pas me lamenter. Pleurer était vraiment horrible, et je ne savais pas quand j’arriverais à me calmer. Tout le monde avait pensé que j’étais forte de ne pas craquer et de me contenter de vouloir me créer de nouveaux souvenirs. Mais en voyant ce que les pleurs faisaient de moi, je me rendis compte que finalement je n’avais pas été forte, mais juste lâche. Parce que pleurer était bien plus horrible que de se concentrer sur son futur, et non son passé. « Je suis vraiment désolée. Ce soir est supposé être notre soirée, on est supposées s’amuser comme jamais, et voilà que je gâche tout … » répondais-je avant de redoubler de pleurs.