Maureen s’était à moitié enfermée dans la salle de bain pour avoir la paix, jouant habilement avec des petits ciseaux à ongles sans vouloir blesser qui que ce soit. Elle avait simplement besoin d’occuper ses mains pour oublier que Lexie ET Azariel s’y étaient mis à deux pour la convaincre d’aller voir cette saloperie de gynécologue. Cela faisait deux jours qu’elle prétextait des rendez-vous ou inventait des bobards gros comme elle afin de ne surtout pas devoir se rendre dans quelque hôpital que ce soit. Même si son père avait moult insisté pour qu’elle n’y aille, il devait désormais être en direction de l’Irlande à bord de son jet et donc bien loin de pouvoir l’emmerder en insistant encore… « J’ai encore besoin de vingt minutes !! » maugréa la jolie blonde tout en continuant de jouer avec ses ciseaux, assise dans la baignoire, pour ne pas dire complètement affalée. Elle avait l’impression d’être protégée par le rideau qu’elle avait soigneusement tiré sur le canoë, et Maureen fixait un point dans le vague histoire de rassembler ses esprits… devait-elle abdiquer aujourd’hui ? L’espace d’un bref instant, elle passa une main contre son ventre plat en imaginant ce qui pouvait se passer à l’intérieur. S’il y avait le moindre problème, peut-être vaudrait-il mieux le savoir d’entrée de jeu, n’est-ce pas ? Pourtant, plus elle y pensait, moins elle avait envie de bouger. Pire, elle était tétanisée à l’idée de quitter cette fichue salle de bain… mais on lui ôta tout pouvoir de décision, puisque Lexie était parvenue à rouvrir le verrou que l’irlandaise avait tourné en entrant dans la pièce exigüe. La jeune sœur du canadien ne manqua pas de tirer brusquement le rideau, débusquant de fait la jeune femme qui poussa alors un long et pénible soupir. « Délicatesse, c’est ton deuxième prénom dois-je comprendre ? » nota Maureen avec un large trait d’ironie n’ayant strictement rien de sympathique. « J’ai envie de rester quinze minutes dans cette foutue baignoire, alors j’y resterai ! » maintint-elle, fidèle à son tempérament hautement borné… une valeur sûre chez les O’Connor !

Même pas moyen de ruminer tranquille dans son coin, il fallait qu’en prime Lexie soit experte ès ouverture de porte… Maureen leva les yeux au ciel à ce constat, sans vouloir être méchante une seule seconde – alors qu’en temps normal elle n’aurait pas hésité à l’être une seconde, son tempérament s’éloignant considérablement du bisounours lorsqu’elle s’y mettait – presque prête à mordre si on l’approchait de trop près. Elle n’accorda guère de regard à la petite assemblée, prête à ruminer aussi longtemps qu’il le faudrait et quelque chose lui disait que dix minutes ne seraient guère suffisante pour qu’elle n’abdique définitivement et n’aille à ce foutu rendez-vous. « Je n’ai pas dit dix minutes, j’ai dix quinze ! » maugréa l’irlandaise tout en faisant encore tourner les petits ciseaux entre ses mains, regrettant le moment où elle avait un jeu de fléchettes particulièrement aiguisés dans son salon, auquel elle pouvait s’adonner de temps à autre lorsque ses nerfs étaient à vif et qu’elle ne pouvait pas tout bonnement tirer dans son espèce de cave bunker transformée en stand de tir où ils s’entraînaient parfois avec Shaun. « On ne t’a jamais appris à respecter la vie privée d’autrui, miss ? » grogna-t-elle subitement car il ne fallait pas non plus la prendre pour la moitié d’une idiote, Maureen savait pertinemment que la porte était fermée au niveau du verrou et qu’il avait fallut que Lexie triture la serrure pour obtenir l’ouverture de la porte. « J’avais prévenu que je n’étais pas pressée d’y aller… c’était vrai il y a deux jours c’est toujours vrai aujourd’hui ! Et puis sans vouloir être offensante, j’ose espérer qu’elle ne va pas nous accompagner ? Non parce que je n’ai aucune envie d’écarter les cuisses pour qu’elle puisse admirer le spectacle affligeant, merci, dans ce cas là je préfère rester assise dans la baignoire ! » Peut-être que tout prétexte était bon pour ne pas bouger, au final… même si elle pensait ses mots.

Au moment même où Lexie avait décrété qu’elle se rendrait à l’échographie, Maureen s’était empressée de la fusiller du regard, comme si c’était la chose la plus intelligente à faire. Mais à sa décharge, les hormones s’écoulant librement dans ses veines n’avaient de cesse de la porter jusqu’au précipice de ses sautes d’humeur… l’irlandaise ne contrôlait plus rien, et de fait, ne se reconnaissait même plus. Fut un temps où elle en aurait égorgé pour moins que ça mais la jolie blonde se garda bien de ce genre de commentaire : sitôt l’aurait-elle prononcé qu’Azariel l’aurait fusillée du regard ou lui aurait fait une réflexion qui n’aurait fait qu’augmenter plus encore son stress et sa colère latente. Une chance que le canadien ait dégainé en premier, en somme : il venait de se préserver de très longues minutes insupportables, et de fait, il incita Maureen à se lever de cette maudite baignoire sans pour autant qu’elle ne lâche la paire de petits ciseaux à ongle avec laquelle elle jouait depuis une bonne demi heure maintenant. « Tu risques de couper quelqu’un au passage… » nota Lexie sans manifestement pouvoir s’en empêcher. « Est-ce que j’ai insulté ton chien ? Alors fous-moi la paix !! » grommela Maureen, au comble de la mauvaise humeur puisque totalement dépossédée de ses moyens. Ses hormones la poussaient presque dans des crises de rage sur lesquelles elle n’avait aucune prise. C’était à la fois grisant et paniquant à vrai dire. « Ca va, me voilà sortie, et en moins de quinze minutes ! C’est ce qu’on appelle le progrès ! » L’irlandaise avait tenté de faire de l’humour tandis qu’elle se rendait docilement vers la voiture, mais le cœur n’y était pas. Dans le fond, sa peur était plus prononcée que tout le reste et c’était elle qui lui faisait perdre la tête. « Quoi ? » demanda-t-elle cette fois-ci sans violence aucune, juste parce qu’elle avait capté le regard d’Azariel sur elle plus de dix secondes d’à filée.

« T’es au courant que c’était qu’une expression et que t’es pas foutue de capter le second degré ? » grogna-t-elle plus fortement encore car lorsqu’on agressait Maureen, on ne le faisait pas deux fois à moins d’être suicidaire. « Et puis va t’acheter un palpitant qui te permettra de pas éjecter tous tes boyfriend pour réussir à te faire vraiment apprécier et on en recause, vipère des bacs à sable ! » L’irlandaise était frappée ? Elle rendait coup pour coup de façon plus exagérée encore. Après tout, il ne fallait surtout pas oublier qu’elle avait grandit dans un monde où l’adage « tuer ou être tué » prenait tout son sens. Maureen n’avait aucune pitié parce que personne n’en n’avait jamais eu pour elle, à commencer par cette petite idiote de vingt-deux ans se croyant arrivée ! Qu’elle ait eu une vie difficile n’était pas un argument suffisant aux yeux de la jolie blonde pour qu’elle ne lui cherche à ce point des poux à vrai dire. Et surtout pas suffisant pour excuser qu’elle n’ait massacré la vie sentimentale de son frère pendant tant d’années. Une chance qu’Azariel parvienne à calmer le jeu en deux coups de cuillère à pot car il ne fallait surtout pas oublier que Maureen n’était pas un bisounours : elle restait la tueuse à gages la plus dangereuse du monde, et quand elle n’était pas disponible, son cousin Shaun reprenait la relève avec brio et classe. « Bah au moins un qui est fier… » bougonna-t-elle car elle n’allait pas être dans son assiette jusqu’à ce que son gynécologue ne lui ait dit que tout irait bien. « Et je maintiens, ta sœur est une punaise ! » Maureen n’osa pas lui faire l’affront d’aller plus loin en lui disant qu’elle avait manqué de coup de pied au cul dans sa jeunesse, car elle savait que cela blesserait Azariel, mais il n’empêche qu’elle le pensait. Une chance que sa déclaration n’achève de calmer les nerfs à vif de l’irlandaise car si elle n’y répondit pas en ses termes, le regard qu’elle lui lança en disait long. « Voilà, ceinture attachée chef ! » ironisa-t-elle sans forcément sourire mais sans virulence pour autant. « Tu t’es gavé à refuser que Lexie nous accompagne, parce qu’écarter les cuisses devant ta sœur… NO WAY ! »

Maureen était consciente qu’Azariel était pleinement sincère en lui disant qu’il était fier d’elle, mais elle ne pouvait pas supporter les petites réflexions insupportables de la sœur du canadien. Plus cela allait et moins elle la supportait. Après tout, Lexie ne connaissait rien de sa vie, de ses problématiques et encore moins de sa famille, de son clan. L’irlandaise n’avait pas réellement choisi sa destinée et si elle continuait à agir comme elle agissait, c’était pour protéger quelqu’un. « Je n’ai pas envie de faire un drame Az et crois-moi j’essaye de faire des efforts avec ta sœur mais je me retiens franchement de lui apprendre la vie des fois ! » maugréa Maureen sans l’ombre d’une douceur parce que les réflexions de cette petite pourrie gâtée l’avait blessée et qu’à chaque fois qu’elle était blessée, elle trouvait le moyen de réagir connement, c’était plus fort qu’elle. « Je ne te demande pas de choisir crois-moi je sais que je n’ai pas à te demander ce genre de choix débile mais… je ne me sens pas chez moi, Az. Ce n’est pas ma maison, je ne l’ai pas choisie et je n’ai pas de coin à moi ! Je suis quelqu’un de solitaire par moment et ta sœur est tout le temps à me titiller comme si elle n’attendait qu’une chose : que je craque et que je la gifle. Ca finira par arriver et je sais que tu vas me détester et me jeter dehors à ce moment là. » En tout cas il n’applaudirait sûrement pas, c’était une certitude, et au lieu de défendre Maureen, il défendrait sûrement sa petite sœur. Il le lui avait suffisamment souvent fait comprendre : il espérait que Lexie ne déménagerait jamais et qu’elle resterait toujours avec lui… mais quelle femme accepterait de ne jamais avoir d’intimité avec l’homme de ses rêves ? « Je ne me sens pas chez moi, c’est tout. Et avec les hormones j’ai l’impression d’être une bombe à retardement alors peut-être vaudrait-il mieux que je m’éloigne quelques jours pour éviter le pire. »

Maureen n’avait pas envie de rire. Elle était bien trop en colère pour s’esclaffer et Azariel pouvait bien bénir son contrôle car elle n’avait pas encore fait de carton plein justement grâce à celui-ci. « C’est justement parce que je me contrôle que je n’ai pas encore laissé mes travers s’exprimer si tu suis mon raisonnement » lâcha-t-elle sans mensonge car malgré son envie fondamentale de faire des efforts afin que cela marche, l’irlandaise ne faisait hélas pas de miracle, même si elle avait cruellement besoin de croire le contraire la plupart du temps. Elle ne pouvait pas se voiler tout le temps la face en se disant que ce n’était pas grave, que cette gamine allait finir par se calmer et la laisser en paix mais les jours avaient beau passer, rien à faire, elle était toujours là, oppressante, à la titiller en espérant très certainement la voir céder et obtenir donc un argument suffisant pour qu’Azariel ne la vire. « Il va juste falloir qu’elle calme ses ardeurs bouffonnes si elle ne veut pas que ça prenne des proportions bibliques. Je ne suis ni quelqu’un ayant été élevé comme n’importe qui, ni quelqu’un dont le contrôle est infini. » Et il n’y avait aucune menace dans ses propos, bien au contraire, la vérité rien que la vérité. Pour quelqu’un ayant pris l’habitude de mentir comme elle respirait… c’était plutôt quelque chose d’exceptionnel ! « La maison est un commencement mais je sais pourquoi elle agit comme ça. Lexie a manifestement agit ainsi avec toutes tes autres petites amies en espérant que celles-ci dégagent mais moi, je ne suis pas la moitié d’une idiote, du moins je ne pense pas… je vois un tout petit peu plus loin que le bout de mon nez et cette fois, elle change son fusil d’épaule. C’est moi qu’elle veut faire craquer pour que tu aies un argument afin que TU me vires. Elle s’en tirerait gagnante, non ? Tu ne lui en voudrais même pas puisque tu prendrais la décision ! Et c’est moi qu’on traite de manipulatrice sans cœur… écoute, je veux juste que tu ouvres les yeux avant qu’il ne soit trop tard. Je n’ai pas l’intention de lui faire du mal ou de te faire du mal mais si elle continue à me pousser à bout, je partirai de mon propre chef pour éviter ce genre de choserie. »

On dit souvent que la critique est facile mais que l’art est difficile. Maureen avait un esprit critique extrêmement poussé, à un point tel que cela finissait par en devenir un défaut, mais elle n’y pouvait rien : on l’avait poussée à ne goûter que l’excellence, ce n’était donc pas pour tomber dans la médiocrité. Mais elle savait aussi qu’être elle-même critiquée la poussait à rendre le mal qu’on lui faisait au centuple, par pur réflexe. Son passé parlait largement pour elle et là encore, on ne pouvait pas la blâmer. Lexie et Azariel avaient sûrement vécu un enfer dont elle ne connaissait guère les détails, mais l’inverse n’en n’était pas moins vrai. L’irlandaise avait-elle eu une enfance normale ? Bien sûr que non. Dès l’instant où l’on voyait sa propre mère mourir sous ses yeux, toute trace de normalité fondait comme neige au soleil. Et pourtant, malgré toutes les attaques que Maureen avait bien pu proférer, Azariel restait la sagesse incarnée et trouvait même le moyen de la tempérer. Si ce n’est pas de l’exploit… « Seulement moi j’en ai ras le bol de faire des efforts pour qu’elle m’envoie mon boulot dans la gueule à longueur de journée » reprit-elle, un peu moins cassante que précédemment mais bien décidée à mettre tout de même les points sur les i. Maureen était experte dans l’art et la manière de se tirer une balle dans le pied et pourtant, elle faisait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter de craquer. Hélas, sa patience avait tout de même des limites… « Limite, je m’en fous qu’elle m’ignore, ce serait sûrement moins chiant à supporter. Je ne connais pas votre passé sur le bout des doigts mais qu’elle ne me juge pas en retour non plus, c’est ça que je ne supporte pas. Qu’est-ce qu’elle peut savoir des raisons… » L’irlandaise haussa subitement les épaules, tentant de faire l’autruche comme elle savait si bien le faire mais tandis qu’elle regardait au travers de la vitre, ses yeux la brûlait violemment. Ne pas pleurer, ne pas pleurer. « Je pense que toi tu peux comprendre ce que ça fait de ne pas être acceptée. Ta sœur va accepter le bébé, normal, il sera innocent, je ferais pareil à sa place ! Mais moi, je reste le mouton noir et… même si ça ne se voit pas, j’ai un cœur, je suis un être humain ! Et je n’ai pas besoin de ce genre de stress. Peut-être que si j’allais quelques jours chez Anton le temps qu’elle se calme… »

S’il lui parlait, c’était en soi un début et Maureen ne pouvait que noter l’effort. Mais là, il ne fallait tout de même pas s’attendre à ce qu’elle applaudisse alors qu’elle avait eu Lexie sur le poil sans arrêt depuis des jours. La jolie irlandaise était arrivée à bout de patience et il lui fallait, de son côté, également digérer la chose si elle ne voulait pas prononcer des paroles qu’elle risquait de regretter mais aussi avoir de vilains réflexes physiques. Après tout, dans son monde, quand on lui manquait de respect ou qu’on la défiait, elle châtiait sans pitié l’importun ayant osé se montrer aussi suicidaire. « Seulement je n’ai pas l’intention de te voler à elle, je ne l’ai jamais voulu et ne le voudrai jamais ! Je serai curieuse de savoir ce que la voix de la sagesse de ta psy a bien pu trouver à y redire… je ne te blâme pas Azariel, je sais que tu fais de ton mieux mais tu m’as demandé de penser au bébé, pas vrai ? Et bien j’y pense. Et lorsque j’ai des palpitations tant je me retiens de me mettre en colère contre ta sœur par peur de la blesser, je ne suis pas certaine que ce soit bon pour lui ! » Maureen accepta évidemment la main du canadien, qu’elle serra quelques secondes avant de ne la lui rendre. Bien sûr qu’une discussion restait une première pierre à l’édifice mais l’irlandaise n’était pas en mesure de réfléchir avec discernement, elle avait besoin de temps. « Ce n’est peut-être pas une solution acceptable pour toi mais ça m’évitera une crise de nerfs. Crois-moi, apaiser les tensions c’est peut-être justement la solution. » Pour une fois qu’elle voulait agir avec conscience et raison ! Une fois n’est pas coutume…

Effectivement, Maureen ne pouvait pas vraiment comprendre le lien qui les unissait, tout comme Azariel ne pourrait sûrement jamais comprendre le fait qu’elle ne soit chef de la Mafia pour sauver ses frères. Tous deux se sacrifiaient ou s’étaient sacrifiés pour le bien de leur famille et ni l’un ni l’autre n’avaient à jeter de pierre à l’autre. D’ailleurs, ce n’était pas ce que faisait l’irlandaise : elle voulait simplement qu’on lui foute la paix et que l’on évite de passer par la case jugement à son sujet surtout que ni l’un ni l’autre des deux enfants Williams ne comprendraient sûrement jamais sa vie. « Je ne la juge pas, Azariel, et j’aimerais simplement qu’elle fasse de même avec moi. C’est tout ce que je demande et je ne pense pas que ce soit la lune non plus ! Alors d’accord, elle ne pourra sans doute jamais me comprendre mais ce n’est pas ce que j’attends de sa part. Si elle ne veut pas m’adresser la parole tant pis, je finirai très certainement par l’accepter. Je ne dis pas que ça ne me fera rien, mais si ça la stabilise et que ça la rassure vis-à-vis de toi pourquoi pas… mais qu’elle ne me juge pas moi. Elle ne sait rien de ma vie, de ma famille ou de mon passé. » Le ton de Maureen était peut-être un peu tranchant mais elle ne savait pas bien gérer les situations de crises familiales. Le canadien ne pouvait pas l’en blâmer parce que dans le fond, elle essayait, autant qu’elle le pouvait. « Je suis hargneuse parce que Neil m’a trahie. Il a vendu des renseignements sur un contrat et cela a manqué de m’être fatal. Tu ne sais pas ce que ça fait que d’apprendre que ton propre jumeau, ou l’être qui est censé te comprendre le mieux sur cette planète t’a mis un couteau dans le dos. Alors ce n’est peut-être pas une solution pour toi si je vais chez Anton mais ça calmera peut-être au moins mes nerfs ! Je n’aurais pas la patience de supporter les crises de ta sœur dans ces conditions, désolée. Je ne t’abandonne pas j’ai besoin de temps, c’est tout. »  

Pour sûr, on ne pouvait pas reprocher à Maureen de faire des efforts pour parler avant d’aboyer, et mettre en lumière les problèmes qu’ils pouvaient bien rencontrer plutôt que de vouloir régler lesdits soucis de la manière forte. Parfois, l’irlandaise donnait l’impression d’être en plein Far-West, mais il n’empêche qu’elle avait évité bien des dangers de cette façon. On la respectait, on la craignait même, et autant dire que sur le terrain elle était loin d’être la demoiselle presque douce comme un agneau qu’elle était en présence d’Azariel. Il avait beaucoup de chance de la voir sous cet angle, certains tueraient pour avoir cet honneur, à commencer par son assistant qui tremblait dès qu’il l’entendait beugler de rage ! « Je peux t’assurer qu’en temps normal je ne suis pas comme ça mais j’essaye de faire des efforts. Ce n’est pas évident de museler l’intégralité de ton caractère, de la personne que tu es pour que ça fonctionne ! Mais je le fais parce que je sais que ça vaut le coup. Je ne blâme pas ta sœur, je connais ses intentions mais… je crois que personne ne peut comprendre ce que le mot « hormones en folie » signifie avant de l’avoir vécu. Son tour viendra et ce jour là, crois-moi elle va comprendre sa douleur ! » Maureen ne souriait pas forcément, certes, mais elle avait prononcé la fin de son discours de façon plus légère afin qu’Azariel ne le prenne pas mal mais plutôt pour ce que c’était, à savoir de l’humour. « Je sais que tu n’étais pas au courant ! Je n’en n’ai parlé à personne, pas même à Anton parce que tu te rends compte… c’est comme si je lui demandais de choisir un parti ! Mais il faudra bien parce qu’imagine que Neil fasse de la merde avec lui aussi ? Anton ne pourra pas se défendre aussi bien que moi. Ca me tue par avance de le savoir… je pense que je vais aussi aller chez lui pour me rassurer, me dire qu’il va bien. Ce n’est pas contre toi, d’accord ? Et il faudra vraiment que j’assiste au règlement du bidule ? » Maureen n’avait pas, en prime, envie d’être conduite au pilori en fin de journée…

Soit Azariel lui faisait à nouveau une énième démonstration de sa patience proche de la perfection, soit Maureen avait clairement mangé quelque chose de pas net. Il l’acceptait telle qu’elle était et s’il évitait soigneusement de parler de son métier, elle ne pouvait pas lui jeter la pierre pour autant. Ce n’était pas son monde, et loin de l’irlandaise l’envie de le lui imposer, mais elle aurait presque aimé qu’il en fasse justement partie afin qu’il puisse la comprendre dans tous les sens du terme. Hélas, cela n’arriverait jamais, il ne fallait pas qu’elle rêve. « Il faut croire que les O’Connor ne sont pas aussi compréhensif que les Williams » lâcha-t-elle d’un ton las. « Au moins je sais que j’ai toujours Anton et Shaun sur lesquels je pourrais toujours compter… mais ça me déglingue. Je n’ai pas envie de faire comme si mon autre frère était mort, et pourtant c’est bien le cas. Ah, je n’ai ni ta patience ni ta bonté Azariel, tu peux me croire. Quand on perd mon estime, c’est toujours définitif… à plus forte raison lorsque Neil n’a pas mis seulement une vie en danger mais deux. Je me félicite d’avoir eu l’œil pour dénicher un assistant qui en a dans le froc ! Sans Dante je serais déjà six pieds sous terre. » Maureen soupira alors qu’enfin, ils arrivaient à la clinique et qu’elle paniquait par avance et par principe vis-à-vis de ce maudit rendez-vous. Diable, elle n’avait jamais aucun stress pendant ses contrats, pourquoi maintenant ? D’autant qu’on la fit rentrer quasi immédiatement dans la salle de consultation, et le gynécologue la fit mettre en tenue sans attendre… bah, ils font ça à la chaîne paraît-il. Mais cet enfoiré lui appuyait tellement sur le ventre qu’il lui faisait limite mal et Maureen se retenait vraiment de lui en mettre une. « Ca vous tuerait de pas me labourer le ventre espèce de bourreau ?! » s’énerva-t-elle au bout d’un moment, avant que le médecin reprenait, sans lui répondre : « Vous êtes enceinte de jumeaux, un garçon et une fille et tout est normal, mademoiselle O’Connor » dit-il simplement, coupant court à sa colère. « Bordel… deux ?! » s’étrangla-t-elle.

De toute façon, Maureen ne se serait pas encore une fois justifiée pour ce qu’elle faisait car c’était inutile et elle n’aimait pas se répéter. Si Lexie ne l’acceptait pas, et bien… tant pis, elle n’arrêterait pas de faire ce pour quoi elle avait été formée, que dis-je forgée dès son plus jeune âge car telle était la tâche confiée par O’Connor père en personne. Mais l’irlandaise ne s’attendait pas à ce qu’Azariel comprenne réellement son ressentit ou ses motivations et sa réaction le lui fit très bien entendre : comment pouvait-il croire, ne serait-ce qu’une seconde, que Maureen puisse passer outre ce que son jumeau avait osé lui faire alors qu’il était censé être celui qui la soutenait envers et contre tout ? « C’est une adorable qualité chez toi mais tu es utopiste mon ange… il ne s’agit pas de parler à cœur ouvert pour passer outre le fait que la connerie de Neil aurait pu me tuer et tuer le bébé avec ! Tu es sans doute capable de pardonner ce genre d’écart mais pas moi, je ne peux pas me le permettre même si je le voulais et je ne le souhaite pas, tu peux me croire là-dessus. Si je commence à être magnanime, je suis perdue d’avance. Ce serait quoi la prochaine étape ? Qu’il me tire une balle en pleine tête parce que je lui ai pardonné et qu’il peut passer à un niveau plus corsé ? Non Azariel… je ne vis pas dans un monde idéal et mon frère est définitivement mort à mes yeux. » C’était cruel mais immuable. Maureen n’avait pas cette capacité de pardon que possédait le canadien mais de toute évidence… elle ne voulait pas l’acquérir dans son milieu professionnel. Il fallait qu’on la respecte et qu’on la craigne, ainsi allait le monde. « Putain ils sont deux… » grogna-t-elle non mais avec colère mais plutôt de surprise, car elle ne savait pas du tout comment elle était censée réagir au juste. « Mais comment on va faire ! »

« Tu as bien de la chance de pouvoir encore croire au Père Noël, je crois que je t’envie presque ! » s’exclama subitement Maureen avant de ne voir l’intégralité de son existence chamboulée alors que le gynécologue lâchait sa bombe sur le jeune couple. Mais merde, ce n’était pas possible une chose pareille ! Bon techniquement si puisque l’irlandaise était issue d’une grossesse gémellaire, il y avait des chances pour qu’elle en ait une à son tour. Sauf que cette nouvelle, si merveilleuse soit-elle, lui donnait fortement à réfléchir alors que le médecin venait de lui dire qu’elle avait son temps pour se rhabiller, non sans lui donner en prime le dvd ainsi que les clichés de l’échographie. « Comment tu fais pour être aussi optimiste ? Va falloir que tu m’apprennes ! » maugréa légèrement Maureen, encore sous le choc. Pour l’heure, elle ne voulait pas entendre parler de maison, de Lexie ou de qui que ce soit d’autre alors que la chose qui la frappait doublement était la sécurité de ses enfants. « Tu penses toujours qu’une simple discussion pourrait effacer le fait que Neil a manqué de tuer deux innocents ? » L’irlandaise ne parlait pas d’elle mais du petit garçon et de la petite fille qui grandissaient en elle et qui avait manqué d’être tués dans l’histoire. « Ce n’est pas la maison qui m’inquiète je crois… c’est comment les protéger sans devenir une cible qui n’a pas les mêmes réflexes qu’avant si on s’en prend à elle ! » La jeune femme s’était relevée en vue de remettre sa robe sur elle, son visage étant subitement marqué par un sérieux ne laissant strictement rien augurer de bon. Azariel ne pouvait pas l’aider là-dessus, en prime…