Allongé dans mon lit d'hôpital, je tentais de garder les yeux ouverts. Je venais de sortir de deux heures d'opération du genou et j'étais encore pâteux. Lors de mes combats nocturnes, j'avais pris un coup de trop, un coup mal placé et mon ligament avait prit un coup, un coup de trop qui le rendait aussi fin qu'un fil à coudre. Le diagnostique avait été douloureux à accepter et encore plus à comprendre. Je n'allais plus pouvoir danser, jamais. Mes yeux se fermaient tout seul. Je n'avais plus qu'une envie : dormir et ne plus me réveiller. Le moral n'était plus là et c'était tout à fait normal. En trois semaines, j'avais perdu tout ce à quoi je tenais plus que tout : Neige, Lucas et la danse. Il ne manquait plus qu'il arrive quelque chose à Rose et ce serait vraiment la fin du monde. Soupirant, je porta ma main droite à mon visage et me frotta légèrement les yeux. Une petite larme coula le long de ma joue et finit par s'écraser sur mon oreiller. En quelques secondes, je me sentis partir et ne me réveilla que plusieurs heures plus tard, toujours pâteux mais un peu plus éveillé que je ne l'avais été ce matin. Ouvrant les yeux, je grogna légèrement en ne voyant personne dans ma chambre. Aucun membre de ma famille n'avait fait le déplacement pour me voir à la sortie de mon opération et j'étais quelque peu vexé. Certes, le médecin les avait prévenu que je risquais d'être dans un sale état, à moitié drogué mais tout de même... Levant le drap d'un geste vif, un léger cri se fit entendre. Putain de perfusion ! Dieu que ça fait mal cette connerie. Il fallait que je sois moins brut et moins pressé. Seulement, j'avais une folle envie d'uriner et je n'avais guère envie de me faire dessus parce que je devais faire attention. Bagarrant avec le drap et la douleur lancinante qui prenait possession de mon genou, je soupira une énième fois et tenta d'appeler une infirmière de vive voix. « Infirmière ! Youhou y a quelqu'un ! » J'étais bien énergique pour quelqu'un qui venait de sortir d'une opération de deux heures... Ils risquaient d'augmenter ma dose de médicaments pour que je me repose mais il me fallait plus pour finir comateux dans un lit, beaucoup plus. Tournant la tête de droite à gauche, je vis un boitier pendre au dessus de ma tête et le regarda quelques longues secondes, complètement bêta. Qu'est-ce que c'est que ce truc franchement ? Tirant dessus, je tente de lire l'inscription dessus et soupire en comprenant son utilité. C'est donc avec ça qu'on appelle les infirmières. J'étouffe un léger rire en appuyant sur le bouton. Non mais quel idiot je faisais. J'avais l'impression d'être dans une autre galaxie, sur une autre planète. Une fois mes petites affaires terminées – pas très agréable d'uriner dans une espèce de bassine – je commença à parler sans m'arrêter. La morphine semblait plus m'exciter qu'autre chose. Voyant l'infirmière perdre patiente et presser un bouton sur le goutte à goutte, je fronça les sourcils avant de souffler. Je devais être insupportable ou l'infirmière n'aimait pas franchement qu'on lui parle un peu trop longtemps. Croisant les bras, je grimaça en sentant ma perfusion changer. Fichue aiguille ! Tournant la tête vers la porte, je regarde le couloir pendant quelques secondes, quelques longues secondes avant de voir une tête connue. « Eh toi là ! » lançais-je pour faire revenir la jeune femme. Lorsque je la vois revenir, un large sourire prends possession de mes lèvres. « Maaaaaj ! Comme tu es belle... » lançais-je, le regard vitreux, sentant la morphine couler entre mes veines. Elle avait augmenter la dose et je le sentais déjà. Il ne me restait plus qu'à voir comment aller continuer la conversation...

Dans mon lit, je regardais partout autour de moi et avais la drôle d'impression de planer. Ce n'était pas qu'une impression à vrai dire, je planais réellement. L'intervention semblait s'être plutôt bien passée et j'étais content de cela, non euphorique mais je ne réalisais pas tout encore. J'avais eu du mal à accepter le fait que cette opération voulait tout simplement dire que je pouvais tirer un joli trait sur ma carrière de danseur. On ne retrouvait jamais ses fonctions à cent pour cent et j'avais réussi à me le rentrer dans le crâne. Pendant quelques jours, j'avais broyé du noir. Entre Neige, le bébé et maintenant la danse, j'étais plus que perdu ! Enfin, il fallait que je retrouve ma voix et plus vite que cela. Je n'avais aucun don digne de ce nom mais je voulais faire quelque chose de ma vie, je voulais m'occuper l'esprit par tous les moyens possibles et inimaginable. J'étais comme un gosse, une vraie pile électrique et la morphine qui coulait dans mes veines n'arrangeait rien à mon euphorie quotidienne, c'était même pire, ce qui avait le don d'agacer les infirmières et médecins dès qu'ils me voyaient. Ils prenaient sur eux mais je voyais bien que je les agaçais comme pas possible à poser milles et une questions pour ne plus m'en souvenir la minute suivante. J'étais comme ça après tout, un vrai bout en train ! Tentant de me calmer, je tourna la tête et fixa ma porte. Nouvelle astuce de l'équipe médicale : laisser ma porte ouverte pour éviter de m'entendre chanter ou ronchonner tellement fort que j'en aurais réveillé les morts. Les patients ne se plaignaient pas de moi, du moins pas encore. Je ne cherchais pas à déclarer l'apocalypse dans le service mais il fallait avouer que l'on se faisait bien chier ici ! Moi qui avait pour habitude de m'occuper continuellement, fixer le mur ou le plafond ne me plaisait pas vraiment. J'avais besoin de visite, de discuter et de quelqu'un qui arriverait à me supporter. Surtout ça à vrai dire. Et quelqu'un qui ne saurait pas se servir de la pompe à morphine ! Croyant reconnaître Maj, je l'interpella rapidement et mon visage s'illumina lorsque nos regards se croisèrent. C'était bien elle, ma petite Maj ! Nous ne nous connaissions pas depuis bien longtemps mais nous étions proches. Rencontrée à l'hôpital, j'avais fais mon curieux sur sa venue dans ce lieu et elle m'avait appris qu'une amie à elle se trouvait ici, ce que j'avais trouvé triste. Émotif un jour, émotif toujours. « Oh, salut, Amaury, je ne t'avais pas vu ! » je la regarda droit dans les yeux et fis de gros yeux. Comment ça elle ne m'avait pas vu ! C'était comme dire qu'on ne voyait pas un dieu grec ! La morphine était décidément entrain de me monter à la tête... je regardais la jeune femme, léger sourire aux lèvres et la laissa faire. Sa main sur mon front, je souris légèrement. « Oh, t'as pas l'air dans ton assiette, toi... Alors, ton opération s'est bien passée ? » Je la regarda et acquiesça légèrement, lui faisant un large sourire. « Ca va ! Je suis juste drogué à la morphine alors j'ai l'impression d'être entouré de bisounours et de nuage ! » Je lui fis un petit clin d'oeil avant de la serrer rapidement dans mes bras. « Oooh... Tu es douce comme un nuage crémeux et tu sens bon » Je déserra rapidement l'étreinte avant de glisser mes yeux sur elle et de froncer les sourcils en la voyant toujours collée à son sac. « Tu as peur que je te le pique et parte avec ? » Je laissa un léger rire s'échapper avant de porter mon attention sur elle. « Ca c'est bien passé oui ! J'ai juste un joli plâtre tout blanc. Et ta copine ça va bien ? Et toi ? » J'étais le champion en matière de questions alors il fallait que Maj s'y fasse, elle allait subir un réel interrogatoire avec moi.