Elvia se détestait. Pire, elle n’arrivait plus à se regarder dans une glace depuis qu’elle avait pris la décision la plus haïssable de son existence toute entière. Son père n’avait hélas eu aucun mal à lui remettre le grappin dessus alors qu’elle errait comme une âme en peine dans les rues de New York, incapable de faire autre chose que de marcher sans but jusqu’à l’épuisement. Elvia l’avait suivi sans même demander son reste, laissant son océan de reproches glisser sur elle sans qu’aucun mot ne prenne prise sur sa personne. Elle n’était plus rien. Finalement, remettre un costume d’homme fait sur mesure lui permettait d’avoir l’impression de cacher son visage à la face du monde et donc d’être un peu moins coupable… mais ce n’était qu’une fausse impression. La jolie suisse n’était plus que l’ombre d’elle-même depuis qu’elle avait laissé Gabriel en cette pulsion colérique insupportable. Lawrence avait tenté de la chercher et avait découvert avec stupeur qu’elle avait repris place près de son détestable père, tandis qu’elle semblait plus abattue que jamais. Il avait déboulé comme une fusée à l’appartement de Gabriel avec l’aide de Charles-Henri pour le secouer et le pousser à agir… il n’y avait que lui pour arrêter ce gâchis. Seulement voilà : bien conscient que deux majordomes ne seraient sûrement pas suffisants pour pousser le journaliste à se rendre à cette maudite réception en préparation, il avait amené du renfort… et pas n’importe lequel : la mère d’Elvia en personne. Ange était par chance dans un jour d’extrême lucidité et s’était donc pointée à son tour, sans prévenir ni même supposer ce que cela pourrait faire à Gabriel de la rencontrer. Il faut dire que si cette femme était le portrait craché de sa fille en plus âgée, elle avait les cheveux délicieusement en bataille, des vêtements de toutes les couleurs et un sourire à faire damner un saint. L’originalité à l’état pur, et le pire… c’est que cela lui allait à ravir. « Je sais que tu es une altesse et qu’en théorie on doit te faire des courbettes mais le temps presse alors je vais simplement te dire ceci : arrête de chier dans la colle Renaldi. Crois-moi, ma fille en vaut la peine. Je n’ai pas la possibilité de veiller sur elle autant que je le voudrais, surtout que son père l’oblige depuis des années à me faire passer pour morte parce que je fais « honte » sur le tableau… mais Elvy est une fille merveilleuse. On a besoin de lui dire cinquante fois les choses pour qu’elle les entende mais tu ne trouveras pas quelqu’un qui puisse mieux te convenir. Demande à tes deux majordomes inventeurs de la super glue, ils ont cherché partout. Bouge ton cul de ce fauteuil et plus vite que ça… ne m’oblige pas à m’y rendre moi-même parce que le paternel Sprüngli-Schwarz, je risque de lui broyer les couilles ! »

Le soir même, à cette fameuse réception.
Elvia avait beau être habillée d’un magnifique costume, elle était en train de haïr chaque seconde de ce maudit instant. Surtout que son père venait de prendre la parole au micro pour saluer on ne sait quel exploit fait par son conseil d’administration… et elle faisait potiche, comme toujours, au beau milieu de tous ces inconnus. Mais ce temps prenait fin tout de suite maintenant. La jolie suisse venait de se lever, mue par une volonté qu’elle ne se connaissait plus et qu’elle pensait morte depuis des lustres, sautant de l’estrade en chipant le micro à son paternel pour faire son propre discours. « Mais oui, bravo, applaudissons le, lui l’homme de tant de foi ! Mais ce qu’il oublie de vous dire, c’est qu’il est suffisamment gonflé pour oser prendre ses collaborateurs pour des… idiots congénitaux, n’ayons pas peur des mots. Il pense que vous êtes suffisamment stupides pour croire que je suis un homme et que je m’appelle Evan ! » Dans un premier temps, la demoiselle ôta son chapeau, qu’elle écrasa d’un coup de pied, libérant sa longue chevelure blonde en ôtant chacune des épingles la tenant en place. Elle ôta également sa veste, sa chemise et son pantalon pour se retrouver en soutien-gorge et petite culotte devant une assemblée horrifiée. « Je suis bien une femme au cas où vous seriez aveugles et je m’appelle Elvia. Et pour information, Papa, j’en n’ai plus rien à cirer que tu veuilles me flanquer au pilori, ou d’être traînée dans la boue par la presse, parce que je n’ai officiellement plus rien à perdre. J’ai menti toutes ces années alors que tu me refusais la seule chose que j’ai vraiment désirée : un peu d’attention… l’impression de ne pas être qu’un pantin entre tes mains. Maintenant je te rends la monnaie de ta pièce et après je sauterais sûrement du haut d’un pont mais en attendant, je voulais que tu saches ce que ça fait. » Elvia le vit descendre à son tour de l’estrade, manifestement décidé et il levait son bras pour la frapper lorsqu’elle ferma simplement les yeux, attendant la sentence qu’elle méritait peut-être, dans le fond…

Elvia mit un moment avant de rouvrir effectivement les yeux, découvrant avec stupeur un Gabriel bien décidé à faire mordre la poussière au père de la demoiselle s’il menaçait de s’approcher ne serait-ce que d’un millimètre. La jolie suisse n’avait aucunement calculé ses gestes, et c’était bien la première fois qu’elle agissait à ce point sur un coup de tête. Nom d’un chien, mais qu’est-ce qui lui avait pris ? Quoi qu’il en soit, elle devait une fière chandelle au journaliste, l’empêchant de rester en simples dessous devant l’intégralité d’une assemblée manifestement fan de ses formes généreuses ! « Merci… » articula-t-elle simplement sous le coup du stress alors qu’elle manqua de s’étrangler avec sa salive la seconde d’après, et ce à plusieurs niveaux : non seulement elle ne savait pas d’où sortait Charles-Henri le fait qu’elle soit future princesse de Genovia mais jusqu’à preuve du contraire Elvia avait soigneusement creusé sa tombe… mais pire, ils étaient manifestement au courant pour sa mère et avait semble-t-il croisé sa route. Lawrence était certainement derrière tout ça, bien trop inquiet de n’avoir absolument aucune nouvelle de sa protégée unique et préférée. Ce fut sans doute le discours du majordome qui motiva Elvia à prendre la main de Gabriel pour qu’ils ne puissent s’éclipser dans le couloir menant à la salle de réception où s’était joué le petit spectacle follement affriolant. « Mais comment as-tu su que j’étais ici ? Je veux dire… je n’ai prévenu personne, il m’a simplement mis la main dessus et je n’ai pas résisté. » Et elle en avait honte, pour ainsi dire. Elle pensait avoir dépassé tout ça, mais force est de constater qu’elle en revenait inlassablement au même détestable point.

« Je crois que ce n’est pas la peine de me botter le cul, je suis irrécupérable » reprit-elle, riant à moitié tandis que de longues larmes s’emparaient peu à peu de la peau de ses joues « en plus, je n’arrête pas de trembler… je n’arrive pas à comprendre ce qui m’a pris. Je n’avais pas prévu de faire un strip-tease à vrai dire et je suis très mal à l’aise avec l’idée. » Elvia rougit instantanément. « Tu as fais la connaissance de ma mère, dois-je comprendre ? Je t’ai reproché de ne pas me parler d’une chose capitale dans ton existence mais je crois que je suis encore plus à blâmer… mon père m’avait menacée pour que je me taise. » Elvia aurait tout de même dû prendre le risque de lui parler mais elle ne fut pas capable de le lui dire à voix haute, pas alors qu’elle tremblait effectivement comme une feuille morte à cause de l’adrénaline. « Future princesse de Genovia ? » répéta-t-elle machinalement. Oh Gabriel ne devait pas en penser un mot. Qui voudrait épouser quelqu’un comme elle ?

Elvia voyait ses rêves se briser un à un au fil des paroles de Gabriel. Comme elle aurait aimé être ailleurs et ne pas le revoir si c’était pour le quitter quelques minutes plus tard ! A croire que le destin s’amuse à partir du principe qu’il pouvait jouer avec ses sentiments sans que les conséquences ne finissent par tomber… « Si tu voulais que je dise oui, tout ce que tu avais à faire c’était me poser la question. » Jamais la jolie suisse n’aurait pu lui dire non s’il l’avait demandée en mariage. N’avait-il toujours pas compris qu’elle était prête à sauter dans le vide s’il le lui demandait ? Elvia ne pouvait pas vivre sans lui, sans sa présence, sans son amour. Quitte à épouser également le protocole et sa famille nouvellement retrouvée, elle aurait été prête à faire le grand saut… mais il ne lui avait jamais posé la question. Pire, il avait supposé qu’elle dirait non si elle lisait bien entre les lignes. Cela avait-il de l’importance désormais ? Gabriel venait de lui avouer de but en blanc qui partait demain pour la Genovia et brisait ainsi tout espoir que leur histoire ne choisisse une autre fin. Cette vérité la fit reculer d’un pas, se détachant par conséquent de sa chaleur frictionnant ses bras encore largement tremblants. Elle sentit une colère indicible la saisir et, sans même maîtriser son geste, elle le poussa avec autant de force qu’elle le put pour lui faire comprendre qu’il n’était rien d’autre qu’un crétin fuyard. « Pourquoi es-tu venu ici, hein ? Pour me torturer ? Pour profiter de ce magnifique spectacle consistant à me voir faire le grand saut ? Ce n’était pas la peine de te déplacer si c’était pour me dire quelques minutes plus tard que tu avais décidé de partir ! »

Elvia avait ravalé ses larmes, et bien que ses yeux émeraude soient très brillants en cette seconde, la colère irradiait tellement son corps qu’elle était bien incapable de laisser la tristesse prendre le pas sur le reste… pour le moment du moins. « Je n’ai pas besoin que tu m’enfonces encore je peux prendre soin de moi toute seule je te remercie. Tu es venu ici, tu as semé à nouveau le trouble en moi en jouant les princes sur ton beau destrier blanc… mais au bout du compte, tu fuis, tu m’abandonnes sans même chercher à te battre ! » Elvia baissa le regard tandis que Charles-Henri sortait de la salle de réception, particulièrement fier de sa petite prestation mais néanmoins pressé sur un point : le fait de finir à temps les préparations pour le grand départ pour Genovia. « Votre altesse toutes mes excuses mais nous avons encore beaucoup de préparatifs et le temps presse… votre voiture vous attend. » Le majordome avait prévu de mêler Elvia ce grand départ… mais la jolie suisse ne savait simplement pas encore comment.

Elvia était à deux doigts de fondre en larmes face au départ on ne peut plus fuyant de Gabriel mais le discours de Charles-Henri qui suivit juste après l’en empêcha. Sans réellement lui donner un espoir à proprement parler, le majordome lui donnait une porte de sortie qu’elle pouvait choisir de saisir ou à laquelle elle pouvait tout aussi bien tourner le dos. Chacune de ses paroles étaient à la fois un soulagement et une pierre aiguisée jetée contre son cœur tourmenté. Le voir disparaître à son tour plongea Elvia dans une extrême perplexité, tandis qu’elle n’osait même pas rentrer chez elle de peur de sentir une impossible solitude s’emparer de tout son être. Elle mit un long, très long moment avant de prendre effectivement un taxi, sursautant en s’apercevant que sa mère ET Lawrence l’attendaient de pied ferme, parfaitement au courant du petit plan de Charles-Henri qui avait dû les mettre au parfum juste avant qu’il n’accompagne Gabriel lors de sa mission de sauvetage spéciale suisse en détresse. « Franchement ne le laisse pas épouser une greluche mal peignée avec qui il va s’emmerder toute sa vie, par pitié ! » « Maman comment tu parles ! » Mais Lawrence et Ange, à force d’arguments chocs, finirent par faire céder la jolie patineuse, se retrouvant non plus à son corps défendant mais en pleine conscience dans un avion pour Genovia. Sa mission ? Se rendre à un bal royal pour la première fois de sa vie, tout en bénissant le fait qu’il soit masqué et d’avoir eu l’habitude de porter d’importants talons lors des réceptions auxquelles elle avait assisté en tant que patineuse olympique. Pour sûr, ces majestés avaient mis le paquet et les jolies demoiselles avaient l’air nombreuses, à priori. Mais aucune ne semblait égaler le charme mystérieux et insaisissable de la jolie suisse, absolument étourdissante dans la tenue que Charles-Henri en personne lui avait fait livrer comme convenu. Son masque couvrait légèrement son visage, suffisamment pour qu’elle ne soit reconnue de personne mais pas assez pour que cela dissimule toute sa beauté.

La jeune femme eut un mal considérable à se frayer un chemin dans toute cette foule dansante, les beaux partis du pays étant nombreux et souhaitant, pour la plupart, inviter Elvia lors d’une danse. Mais par chance, Gabriel avait dû pousser un grognement un peu trop virulent car pour l’heure, il était seul, l’air sombre. Cette vision serra immédiatement le cœur de la jeune femme avant qu’elle ne prenne son courage à deux mains en s’emparant de deux coupes de champagne. A la guerre comme à la guerre, il serait toujours temps de s’occuper de son souci d’alcoolisme récalcitrant le lendemain ! « Bonsoir votre altesse… pardonnez mon extraordinaire culot mais il est immoral de vous voir aussi sombre alors qu’il s’agit d’un bal en votre honneur. Peut-être qu’un rafraîchissement vous détendrait ? Oh n’ayez crainte, vous aurez tout le loisir de prendre le train de la galanterie au cas où je désirerais un deuxième verre. » Elvia, dont les talents d’actrice la surprenait au plus haut point, c’était armé d’une voix sensuelle, légèrement piquante, très différente de celle avec laquelle elle s’exprimait habituellement. Mais quelque chose lui disait que son culot allait payer. Il fallait juste qu’elle le pousse encore un tantinet… « Si vous souhaitez danser et ainsi en terminer avec cette corvée, je peux vous accorder deux minutes d’attention en la matière si vous le souhaiter. Mais juste deux… je crains que vous ne supportiez pas davantage et il ne faut jamais abuser des mauvaises choses. » Pourvu qu’elle ne se prenne pas le champagne dans la tronche, sinon tous ses efforts pour dominer son tempérament réservé n’auront servis à rien…

Elvia ne se serait jamais crue capable de jouer un tel jeu même si d’une certaine façon, avancer masquée l’aidait à faire tomber une à une toutes les barrières la retenant d’être aussi naturelle et culottée. Elle faisait preuve de ce genre de comportement sur la glace, n’hésitant jamais à oser les choses quitte à se ramasser en beauté… le culot s’avérait généralement payant, du moins cela avait-il été le cas durant toute sa carrière de patineuse jusqu’à ce qu’elle ne doive se faire opérer du cœur. Ici, c’était légèrement différent. L’homme en face d’elle n’était autre que le prince de son cœur qu’elle devait reconquérir alors qu’il était pourtant parti sans même se retourner. Fallait-il qu’elle ait foi en ses propres sentiments et en leur avenir ensemble pour oser sans craindre de se brûler les ailes définitivement… mais il fallait avouer que Gabriel semblait réceptif à ses paroles, chose qui lui donna davantage de courage pour poursuivre dans sa lancée. Elle était prête à se damner car elle n’hésita pas à savourer une simple gorgée de champagne mais cela suffit à lui redonner confiance pour l’intégralité de ce moment qu’elle vivait en compagnie de Gabriel. « Sûre de moi ? Sachez votre altesse qu’une femme est un océan de secret. Il s’agissait davantage d’une supposition et je ne suis pas femme à imposer ma présence. Si vous souhaitez converser avec une autre « courtisane » si je peux m’exprimer de cette façon, alors je pense qu’il y a de très nombreuses demoiselles qui seraient proches du malaise si vous leur adressiez la parole. Vous ne sembliez simplement pas décidé à quitter votre cocon et j’ai simplement voulu vous épargner le fait de rester sombre pendant quelques minutes. Quant à la danse… me tromperais-je en disant qu’il ne s’agit pas de votre fort ? »

Finalement, toute cette petite joute verbale l’amusait beaucoup. Elle se permettait de le « moucher » sans en penser un mot mais quelque part, si cela pouvait lui fournir un quelconque électrochoc et lui permettre d’être moins sombre, cela ne pourrait que réchauffer son cœur meurtri par leur séparation. Ce fut sans doute la raison pour laquelle elle lui accorda son plus beau sourire, ne le quittant pas des yeux, peu décidée à baisser le regard comme la plupart des invités de ce bal. Bien qu’il soit prince… il ne l’effrayait pas et elle souhaitait le lui faire comprendre aussi intensément que possible. « J’ai envie de croire que ma générosité peut aller au-delà de deux minutes et même vous épargner le fait de danser. Je suis un bon alibi pour que vos obligations royales soient amoindries pendant au moins quelques minutes. Nous pouvons simplement… parler. Vous devriez essayer le champagne, cela vous détendrait et vous illuminerait certainement, votre altesse. »

« Une soupirante ? Pas le moins du monde. Je pense que ce soir, avant même que d’être un prince qui se trouve au cœur de l’attention, vous êtes avant toute chose un homme qui avait besoin de penser à autre chose qu’à tout ce tralala. » Elvia ne savait guère comment se considérer en vérité. Elle n’était pas en soi une soupirante car il y avait de grandes chances pour que son jeu ne fonctionne pas le moins du monde. Toutefois, elle sentait son cœur se réchauffer peu à peu tandis que l’attention de Gabriel continuait de perdurer à son égard. Sa proposition de sortir à son bras lui arracha un sourire nettement plus éclatant, comme si elle n’avait attendu que cela depuis sa mystérieuse apparition. Ne plus être sous le joug de tous ces regards inquisiteurs, ni même avoir la désagréable impression de tromper tout le monde… Elvia saisit cette occasion en se relevant simplement, acceptant le bras de son prince jusqu’à pouvoir prendre une importante inspiration une fois qu’ils furent seuls sur un imposant balcon menant justement aux grands jardins. Elle ne lui avait toujours pas donné de nom ni même réellement répondu à sa question tandis qu’elle avait pris son bras, son geste se passant de commentaire. Depuis qu’ils se connaissaient ils n’avaient guère eu besoin de longs discours pour se comprendre, et cette vérité demeurait bien qu’elle soit masquée et qu’il n’ait aucune idée de la véritable identité de son interlocutrice. Pour l’instant, ce qu’elle voulait retenir, c’est qu’aucun regard ne les suivait plus et qu’ils étaient désormais entourés de magnifiques buissons de fleurs taillés à la perfection. Elvia avait l’impression d’être au beau milieu d’un rêve…

« Vous sentez-vous mieux maintenant que vous n’êtes plus le centre de l’attention ? » se permit-elle de lui demander alors qu’elle lâchait subitement son bras, aussi insaisissable que mystérieuse, imprévisible comme une brise un beau matin d’été. Elle cessa de marcher pour se placer devant lui, son sourire malicieux ne la quittant plus, s’apprêtant à faire une révérence avant même que de s’arrêter. « J’allais vous saluer comme si vous étiez le plus beau parti de cette soirée, ce qui est somme toute le cas mais… puisque nous nous sommes éloignés des festivités je vais vous considérer comme un homme votre altesse. Lorsque vous voudrez redevenir prince, vous n’aurez qu’à me le dire. » Elvia faisait preuve d’un extraordinaire culot, peinant grandement à se reconnaître, surtout lorsqu’elle alla jusqu’à lui tendre la main pour qu’il ne la serre. « Je m’appelle Alicia. » Ce qui n’était pas tout à fait faux, puisqu’il s’agissait d’un de ses prénoms…

« Ah c’est comme ça ! » lança-t-elle sans que son sourire ne diminue un seul instant. Elvia s’était contentée de lui lancer quelques gouttelettes, mais face à cette attaque caractérisée, elle lui emboita le pas pour mieux répliquer avec habileté et autant de sournoiserie qu’il avait su en faire preuve. Certes, sa robe était désormais trempée mais par chance, Charles-Henri en avait choisi une qui ne dévoilerait jamais sa cicatrice, à moins qu’il ne la déshabille mais Elvia ne comptait pas en arriver là. Bien au contraire, si les mots étaient remplacés par un langage plus physique, sans doute serait-elle la première à mettre un terme à cet échange. « Alors Gabriel, vous déclarez forfait ? La bouffée d’oxygène que je suis peu très bien vous noyer pour l’offense que vous m’avez faite : vous rendez-vous compte de l’état de ma robe ? » Elvia risquait d’attraper froid et pourtant, elle s’en moquait bien. La complicité qu’ils partageaient soudainement était sa propre bouffée d’oxygène. La jolie suisse avait l’impression de respirer enfin après une apnée insupportable et interminable… « Pourquoi décider de vous marier à une parfaite inconnue si vous aimez une femme ? Votre logique m’échappe et mériterait en soi que l’on vous plonge la tête sous l’eau ! »

Bien sûr, « Alicia » n’était rien d’autre qu’un leurre, mais Elvia voulait savoir si Gabriel avait réellement l’intention de se sacrifier pour son peuple en mettant soigneusement de côté tout ce qu’il lui avait conté plus tôt. Vivre dans un monde en noir et blanc était d’une cruauté sans pareille, et la jolie suisse prit soudainement un air beaucoup plus sérieux, même désolé. « Je ne prétends pas comprendre ce que vous vivez, croyez bien que je ne me permettrais jamais une telle audace… mais ce que je sais, c’est que la vie sans amour, ce n’est pas une vie. Il ne peut y avoir aucune bonne raison qui justifie que vous soyez là, à échanger en compagnie de ma personne alors que votre âme sœur vous attend quelque part. Peut-être devriez-vous vous interroger sur cela : saurez-vous vivre en sachant que les couleurs qui ont illuminé votre vie finiront par s’affadir sans votre présence… ou bien ne ferez-vous que survivre ? » La jeune femme s’était stoppée, les pieds dans l’eau, trempée jusqu’aux os, poussant Gabriel à trouver les bonnes réponses par lui-même en cessant de s’infliger des tortures impossibles… tout en la forçant à subir la même chose. Ils avaient tout pour être heureux, pourtant… et sa confidence sur ses sentiments ne faisait que serrer le cœur blessé de la jolie patineuse. Si seulement elle pouvait enlever son masque et lui faire comprendre qu’elle ne l’avait jamais quitté… et qu’elle veillait sur lui, tout près.

Elvia s’assit délicatement aux côtés de Gabriel, sans le toucher ou même se rapprocher plus que de raison. Elle le laissait s’exprimer tout en sentant son cœur être mis au supplice à chaque nouvelle parole, se demandant même si elle serait en mesure de le laisser aller au bout sans hurler sa véritable identité qu’importent les conséquences. Quelle maîtrise… la jolie suisse n’en fit rien, demeurant aussi silencieuse qu’une tombe bercé par un pâle matin de printemps alors qu’elle avait l’impression qu’effectivement, la lutte s’avérait de plus en plus inutile. Gabriel ne voulait plus retourner auprès d’elle, quoi qu’il clame, quoi qu’il en dise, ses sentiments n’étaient manifestement pas assez forts pour qu’il se sente capable de surmonter cette difficulté ensemble, comme le roc qu’ils auraient très bien pu constituer si seulement il lui avait fait confiance. « Vous semblez être la seule origine de cette impossibilité, Gabriel » souffla-t-elle sans jugement aucun, sans que son sourire ne diminue, et ce bien que son cœur soit cruellement au supplice dans cette seconde précise. Elvia avait envie de hurler sa peine, de fuir cet endroit maudit de toutes ses forces et de faire du patin des jours durant sans s’arrêter jusqu’à ce qu’il n’y ait plus qu’une solution plausible : s’écrouler. « Vous semblez être le plus apeuré des deux, et ne prenez pas cela pour un jugement de valeur car ça n’en n’est pas un… je pense simplement qu’en refusant de vous faire confiance à vous-même, c’est sa confiance à elle que vous remettez en doute. Et si justement, elle se trouvait capable d’avoir la force de vous surprendre ? De vous épauler d’une façon proprement inattendue et qui, fatalement, vous ôterait toute possibilité de douter ? »

Elvia prit une grande inspiration avant de ramener ses genoux à elle, n’ayant cure d’être trempée et de risquer d’attraper la mort en plus de tout le reste. Nul ne savait mieux qu’elle à quel point cette discussion était capitale et risquait de sceller la réussite ou l’échec de sa dernière mission. Si elle ne parvenait pas à lui faire entendre raison, la jolie suisse s’était promis de rentrer à New York sans se battre davantage pour essayer de poursuivre une vie que de toute évidence, elle n’allait faire que supporter… « Votre peur vous aveugle, votre altesse. Sincèrement, je ne pense pas que vous suiviez la bonne route. Blâmez-moi si vous le souhaitez, mais si cette jeune femme partage réellement vos sentiments avec la même force voire bien davantage… c’est à une vie de misère que vous la condamnez. Je suis bien placée pour savoir que l’on n’aime qu’une seule véritable fois. Les femmes n’aiment pas de la même façon que les hommes peut-être. Mais si vous abandonnez sans vous battre pour un prétexte fumeux d’héritier… d’autant qu’il n’est pas dit que vous n’effrayiez pas la femme que vous comptez épouser par « raison », alors vous ne faites que vous trouvez des excuses pour ne pas admettre une vérité certes dure, certes douloureuse et pénible… mais qui au final ne pourra que vous apporter le bonheur. Il est évident qu’il n’y a que dans les bras de cette femme que vous trouverez votre véritable paix… et que vous la lui donnerez, en retour. »

Autant dire qu’Elvia ne se priva pas de regarder Gabriel avec une certaine part d’émotion lorsqu’elle le vit s’éloigner, décidé comme il l’avait sûrement rarement été dans sa vie, ayant en tête de s’envoler immédiatement pour New York afin de la retrouver. Cela n’avait pas été une mince affaire ! Mais la jolie suisse était ravie d’avoir pris ce risque car au final… Gabriel avait fini par entendre raison. Le restant de la soirée, elle le passa dans une chambre que Charles-Henri avait spécialement aménagée pour elle, après qu’il lui ait stipulé qu’aucun vol pour New York n’éloignerait sa majesté avant le lendemain matin… voilà qui lui laissait une marge de manœuvre pour agir, et même quelques heures pour dormir après cette cascade d’émotions. A vrai dire, c’est pendant que le journaliste faisait son footing matinal d’avant départ qu’Elvia se décida à agir. Non sans l’aide du majordome à nouveau –la grandeur du palais étant aussi effrayante que son manque cruel de sens de l’orientation– elle parvint à atteindre les appartements qu’il occupait et à l’attendre, vêtue d’une jolie robe, ses longs cheveux détachés tombant en cascade contre ses épaules, tandis que pour la beauté de la chose, elle avait conservé son masque. Il était temps d’éventer son petit « bluff » et de dire la vérité, pour éviter sans nul doute que Gabriel ne se déplace à New York pour rien…

Ce n’est qu’une bonne demie heure plus tard que le prince ouvrit la porte, dégoulinant de sueur, le souffle marqué par son activité physique. Elvia ne fut guère surprise de lire de l’étonnement dans le fond de ses yeux, surtout qu’elle l’imaginait penser que cette Alicia voulait obtenir quelque chose de précis de sa part… mais il n’en n’était rien en vérité. « Je me suis dit que t’éviter un voyage à New York était une bonne idée » reprit-elle de la même voix à la fois sensuelle et énigmatique employée la veille, avant qu’elle ne transforme celle-ci en sa véritable voix, celle de l’Elvia introvertie, timide, réservée… « Charles-Henri m’avait dit que tu comptais faire un mariage de raison et je ne pouvais pas ne pas agir. Je sais que tu me penses certainement faible, mais hier, je t’ai prouvé que je pouvais aussi me débrouiller toute seule et parvenir à berner quelqu’un… qui me connaît pourtant au moins un peu. » La jeune femme n’ôta son masque qu’à ce moment précis, ne sachant pas s’il allait être heureux ou au contraire prendre la chose extrêmement mal. C’était un pari risqué mais elle était prête à s’avancer à découvert désormais. Sans doute était-ce sa plus belle bataille… « Je ne t’ai pas menti, avant que tu ne te mettes à le penser. Alicia est l’un de mes deuxièmes prénoms… mais c’est le moment où tu es censé dire quelque chose pour m’éviter une honte éternelle, tu sais. » Les rougissements d’Elvia étaient de retour, certes, mais il était logique que la jeune femme soit légèrement craintive des suites des deux abandons de Gabriel…

Elvia esquissa bien sûr un petit sourire amusé en l’entendant s’exprimer mais la raison pour laquelle elle ne se jetait pas à son cou pour l’embrasser passionnément et rattraper le temps perdu était toute simple : la crainte. Gabriel savait pertinemment qu’une fois apeurée, il était extrêmement difficile de lui faire entendre raison et de la ramener sous des cieux plus cléments… or, il lui avait tourné le dos par deux fois sans l’ombre d’une hésitation. La jolie suisse avait beau être la gentillesse incarnée, pour une fois, elle allait suivre le conseil de son meilleur ami et ne pas simplement se contenter de revenir et de faire comme si rien ne s’était passé. Il fallait que le journaliste comprenne déjà qu’il devait une fière chandelle à Charles-Henri… sans lui, Elvia n’aurait jamais osé braver autant d’épreuves afin de se frayer une place même infime dans l’univers du prince, c’était l’évidence même. « Bien sûr que j’ai fais tout cela pour toi. Je n’ai jamais baissé les bras et j’ai continué d’espérer, en silence, que tu comprennes que chaque parole prononcée, pour ma part, était vrai. Tu sautes, je saute. » Pourtant dieu sait qu’elle n’avait aucune connaissance du protocole, des comportements des courtisans ou même de ce qu’une dame de bonne famille est censée dire en théorie. Elle avait laissé son imagination opérer, ainsi qu’un sens du culot dont elle ne faisait preuve qu’une fois sur la glace, et cela s’était avéré particulièrement efficace… heureusement, c’était sa dernière carte à jouer.

« Gabriel… je voulais te faire comprendre que tu n’étais pas obligé de t’infliger un quotidien dont tu ne voulais pas, une vie que tu n’aurais jamais vraiment apprécié les attraits mais cela ne veut pas dire que j’oublie les choses. J’aimerais, crois-moi. Mais tu as abandonné… tu as pris la solution de facilité en oubliant le principe le plus évident du mot « nous » : nous sommes deux. On devait tout partager, le bon comme le mauvais. Hier, je t’ai prouvé que je n’étais pas juste une fille qui sent bon et qui a la peau douce. Je suis capable de supporter les choses. Mais si te voir me comble de bonheur, je voudrais que tu m’aides à oublier que tu as tourné les talons sans même hésiter une seconde et que tu as osé prétendre que je pourrais être avec quelqu’un d’autre. » Elvia esquissa un sourire qui était tout de même encourageant, preuve qu’il n’existait pas l’ombre d’une colère en elle et qu’elle n’avait pas l’intention d’être injuste. Plutôt envie qu’il cherche à la conquérir… mais ce sourire disparut lorsqu’elle se mit à tousser plutôt violemment, payant probablement le fait d’avoir été pieds nus dans l’eau un long moment la veille. Sans doute avait-elle-même de la fièvre… « Je repars pour New York dans quelques jours, cela nous laisse du temps, bien que j’ai une petite compétition de patinage ici, en Genovia. Et… tu peux remercier Charles-Henri qui m’a donné la possibilité de te retrouver ici. »

« Vous êtes bien sûr de vous, Gabriel Renaldi… qui vous dit que je ne peux pas choisir d’être totalement hermétique à vos charmes ? » Certes, Elvia était un peu en train de le provoquer mais elle souhaitait surtout faire valoir qu’elle n’était pas la première cruche venue et qu’elle avait une capacité de retenue tout à fait remarquable quand elle s’y mettait. La preuve, n’était-elle pas restée quatre ans sans fréquenter le moindre homme ou échanger le plus petit baiser ? Mais en attendant, alors que Gabriel la déshabillait, en se redressant et en se plaçant dans les couvertures pour couvrir sa nudité, elle ne manqua pas de détacher ses longs cheveux blonds pour qu’ils couvrent au mieux sa poitrine. Tous les moyens restaient bons pour ne surtout pas être trop… vulnérable aux yeux de qui que ce soit, à commencer par ceux de Gabriel auxquels elle accordait une importance malheureusement bien particulière. « Peut-être que je cherche aussi à me prouver, égoïstement, que tu peux aussi y arriver. Si ce n’est pas le cas, je n’aurais plus qu’à rentrer à New York. Mais je n’abandonne pas la bataille en rendant simplement les armes… ça ne doit pas faire partie de mon caractère désormais, c’est une sorte de question de survie je suppose. » En attendant, Elvia avait pris de beaux risques et elle n’était pas peu fière d’elle-même. Au moins, elle n’aurait pas de regrets à avoir à l’avenir.

Elvia avait presque fini par s’endormir lorsqu’elle entendit la porte de la chambre se rouvrir doucement, lui ôtant soudainement toute envie de dormir. Pour ainsi dire, Gabriel avait fait le plein et c’est avec un regard on ne peut plus surprit qu’elle accueillit l’intégralité des surprises qu’il lui offrit. Elle s’empara d’un croissant aussitôt, s’apercevant à quel point elle était affamée… « Je n’ai pas mangé depuis la veille, c’est une vigoureuse bonne idée… mais tu n’aurais jamais dû te promener tout seul dans tous ces magasins, imagine il te serait arrivé une bricole ! Je suis… je suis touchée mais tu me connais, je n’ai jamais beaucoup de besoins. Tu as des obligations à venir que tu as apporté des DVD ou tu les regarderas avec moi ? Quelque chose me dis que non vu qu’à priori, les comédies romantiques, ce n’est pas ta tasse de thé. » Mais pour le remercier, elle lui glissa un morceau de croissant dans la bouche comme pour le remercier. Comme quoi, Elvia était la première à ne pas savoir réellement comme elle s’était censée réagir… sans compter sa toux qui ne l’aidait pas franchement à se concentrer.

« Voilà qui tombe bien votre altesse : je suis extrêmement résistante à la flatterie ! » Disons plutôt qu’Elvia allait essayer de résister dans la mesure du possible. La donne ne risquait pas d’être aisée car il lui avait atrocement manqué. Mais d’un autre côté, il lui suffisait de repenser à ses longues soirées de désespoir pour être aussitôt refroidie. Il suffisait d’un rien pour qu’elle ait simplement envie de se terrer dans une petite bulle protectrice et silencieuse, mais autant dire que le phénomène à côté d’elle ne lui en donna pas l’occasion, éprouvant son self-control de diverses manières, toutes plus étonnantes les unes que les autres. Mais il en ressortait néanmoins quelque chose de particulièrement habituel : le fait de l’entendre râler. Comme quoi, il restait sensiblement le même, c’était plutôt rassurant ! « Serais-tu soudainement bouleversé par un élan de possessivité ? » Au point qu’il la considère comme « sa malade », il y avait de quoi se poser des questions. Mais Elvia ne manqua pas d’éclater littéralement de rire alors qu’il lui demandait s’il devait faire l’avion… mais elle lui évita ce genre de chose en prenant elle-même la bouteille de sirop en main pour en boire une simple cuillère, mettant de côté le fait que d’avoir frôlé les doigts de Gabriel lui ait fourni une décharge électrique des plus… grisantes. Le moindre contact avec lui était à la fois indescriptible et merveilleux, exactement comme dans ses souvenirs. Mais avant, elle ne l’aurait jamais cru capable de passer un temps considérable à regarder des comédies romantiques en sa compagnie ! « Je crois plutôt qu’il ne voudrait pas avoir à outrepasser ses fonctions en se considérant obligé de vous border, votre altesse. » Elvia s’enfonça un peu plus franchement sous les couvertures, ramenant ses bras contre elle pour cacher sa nudité qui en elle-même se révélait être un abominable handicap à ses yeux. « Je voudrais… éviter de dormir complètement nue à vrai dire. Je n’aime pas avoir ma cicatrice sous les yeux sans arrêt et comme j’ai un peu mal à la poitrine, je préfèrerais autant la couvrir… tu as probablement une chemise à me prêter ou n’importe quel vêtement dans ce but… » Elvia avait l’impression d’abuser. Le rougissement instantané de ses joues ne manqua pas de le prouver alors qu’elle évitait soigneusement de le regarder, tournant les yeux vers la fenêtre d’où s’échappait une luminosité à la fois presque aveuglante et parfaite pour quelqu’un ayant eut l’impression d’être dans un noir complet pendant des semaines…

« Partageur ? Oh non, non, non ! Ce n’est pas du tout ce que j’ai voulu dire !! » Elvia avait déjà du mal à gérer ses sentiments pour Gabriel, ce n’était certes pas pour jouer les grands partageuses devant l’éternel. Loin d’elle l’idée ou même l’envie de s’adonner à ce genre de choses, surtout que cela irait à coup sûr contre ses principes. Elvia serait la femme d’un seul homme ou ne serait avec personne, point final. Finalement, à vouloir chercher la petite bête à son ours unique et préféré, cela se retournait machinalement contre elle et la poussait à marmonner furieusement. Son rougissement ne baissa pas d’un millimètre alors qu’il continuait à la provoquer gentiment, sûrement dans le but de mieux prendre soin d’elle après mais c’était cruel que d’agir de cette façon avec elle. Elvia n’était pas au mieux de sa force et avait donc bien moins de défense que d’ordinaire… si l’on pouvait parler de défense en parlant de la jolie suisse ! « Tu as dis que tu ne me toucherais pas, ce n’est pas pour cacher ma cicatrice avec tes mains ! » rétorqua-t-elle avec le peu de fierté demeurant encore présente dans son être. Gabriel ne lui facilitait pas la tâche, tant et si bien que face à son compliment, elle avait sentit son visage s’approcher comme par réflexe de celui du jeune homme, bénissant le fait qu’il se soit éloigné avant que ses pulsions ne prennent le dessus sur sa personne. Comme quoi, Elvia n’était pas aussi contrôlée et raisonnable qu’elle ne se plaisait à le croire.

« Plutôt que de dire des bêtises, tu veux bien te retourner le temps que je m’habille ? Un gentleman n’est pas censé gêner la femme dont il cherche à conquérir le cœur » répliqua-t-elle avec nettement plus de volonté, comme si le compliment qu’il lui avait fait avait suffit à lui redonner une belle confiance en elle. Factice, bien évidemment, mais il n’empêche qu’elle était légèrement plus à l’aise. Elvia sortit doucement du lit pour revêtir le pantalon qu’il lui avait donné, dont elle dû serrer le lacet à la taille au maximum pour qu’il ne tombe pas sur ses pieds, avant même que d’enfiler le t-shirt par la suite. « Nous savons tous les deux que le mot « sage » n’est pas celui qui te définit le mieux et bien que d’ordinaire j’y sois sensible, je préfère ne pas tenter le diable. Si je viens dans tes bras je ne suis pas sûre que tu sois capable de résister à aller plus loin. » Elvia ne s’était pas encore tournée vers Gabriel et n’était pas davantage revenue sur le lit, arrangeant au mieux le pantalon qui avait une vicieuse tendance à glisser. Le saligaud !