« Il ne faut pas paniquer, il ne faut pas paniquer… Bordel de nom de dieu de merde !! » Vioryna faisait les cent pas dans la salle de bain, n’hésitant pas à hurler à moitié tandis que Sergueï ne risquait pas d’être de retour avant plusieurs heures. La raison, ah… elle préférait surtout ne pas y penser. Ce fut sans doute pourquoi elle n’hésita pas à enfiler une brassière de sport, un simple short, ses baskets favorites pour mieux partir pour un long jogging. Longeant les grandes avenues de New York dans une foulée relativement imposante, la jeune russe sentit ses muscles se détendre progressivement tandis que son esprit se vidait. Deux heures durant, elle poursuivit sa petite course jusqu’à ce que son PDA ne se mette à vibrer dans sa banane. Ce fut la seule raison pour laquelle la jolie violoniste s’arrêta net, prenant son appareil en main pour s’apercevoir du pot aux roses. Nom d’un chien. Ne jamais mettre en rogne un hacker en fouillant dans son passé, qu’il soit personnel, professionnel ou même médical. D’un coup, Vioryna sentit une violente colère s’insinuer dans tout son être, la poussant à se piquer un sprint en dépit de toute la fatigue physique qui se faisait déjà sentir afin de combler la distance la séparant encore de la demeure où elle vivait avec Sergueï et Marya. Si sa mémoire était bonne, il devait être en plein meeting avec son chef de la sécurité au sein de la même demeure, ce qui tombait de façon impeccable… vu qu’elle voulait les confronter aussi bien l’un que l’autre ! « Je peux savoir ce qui ne va pas chez vous, HEIN ?! » avait-elle hurlé après une arrivée fracassante en plein bureau de l’homme d’affaires. Pour sûr, Sergueï n’allait pas aimer, mais peut-être était-ce le but de la manœuvre. « Oh voyons Dickson, vous n’êtes pas stupide au point de penser pouvoir fouiller dans ma vie sans que je le sache ? Puis tout a été passé au peigne fin par vos soins, hein ? Espèce de malade !! Dossier médical, mon passé scolaire… vous vous attendiez à quoi, à me trouver en flagrant délit de fantasme sur un ancien prof ?! Malade !!! »

Le chef de la sécurité s’était levé aussitôt, mais non pas en un geste respectueux, plutôt pour la surplomber et faire en sorte de l’impressionner. Manque de bol, Vioryna était difficilement impressionnable, surtout en colère et en proie à des hormones plutôt virulentes. Avec ce qu’elle avait appris plus tôt dans la journée, le moindre grain de riz de travers l’aurait fait péter une durite. « Quant à ces photos que j’ai faites, d’accord ce sont des photos de nus mais c’est MA vie, c’est MON problème ! Et allez pas me faire chier que c’est une question d’image, parce que vous en gardez soigneusement tout un dossier sur votre ordi espèce de pervers ! Ouais, Louna43 n’est pas franchement un mot de passe difficile à craquer ! » Si Dickson s’était contenté de rester calme et impassible face aux attaques de la jeune russe, probablement aurait-il pu passer pour innocent. Mais il avait violemment saisit le bras de la jolie violoniste et s’était mis à le serrer en l’insultant de petite pute, alors forcément… difficile de ne pas raccrocher les wagons ensemble. « Lâchez-moi !! Vous me faites mal !! »

« Calmer mes humeurs, tu en as de bonnes Sergueï !! Ce n’est pas ta vie qui vient d’être passée au peigne fin pour mieux être humilié par la suite ! » Au début, elle ne savait pas vers qui elle devait diriger sa colère, mais il semblerait que son chef de la sécurité ait fait preuve d’un brin d’excès de zèle. D’ordinaire, chacun de ses employés obéissait à Sergueï au doigt et à l’œil, il était donc logique qu’elle ait raccroché les wagons de cette façon et pensée, à tort manifestement, qu’il avait donné l’ordre d’enquêter sur sa personne. Si tel avait été le cas, Vioryna aurait hurlé au manque de confiance immédiatement… mais pour l’instant, elle avait juste atrocement mal au bras face à la brute l’ayant serré sans aucune douceur. La jeune russe le massait douloureusement tout en grimaçant, tandis qu’elle sentait son cœur faire des bonds de cabri particulièrement vertigineux dans le fond de sa poitrine. Il fallait s’attendre à ce que Sergueï veuille en savoir plus sur ces fameuses photos… et dire qu’elle pensait ne jamais avoir à expliquer un truc pareil ! « Quarante-cinq secondes ? Tu es sérieux, tu me parles comme à l’un de tes employés ?! Parfait alors !! Figure-toi qu’à la mort de Sofya tu as ruiné le nom de Volkova et personne n’a jamais voulu m’embaucher après ça. Je n’avais pas un sou, j’étais désespérée, alors OUI, j’ai fais quelques photos de nu parce que ça payait bien et que c’était la seule option que j’avais. Content ? Tu te sens mieux de le savoir maintenant ? »

Vioryna avait l’impression de perdre totalement le contrôle de ses humeurs, de ses réactions, et tout ça à cause de quoi ? Ah, elle se refusait à y penser. Ce n’était pas le moment. Si elle osait s’y risquer, c’est en larmes qu’elle finirait cette conversation et elle n’y était vraiment pas disposée. « Je n’avais pas envie de t’en parler parce que j’en ai honte. Oui, honte ! Je ne veux pas que tu me vois comme ça. D’autant que j’ai enlevé la majeure partie desdites photos des bases de données, et les journaux dans lesquels elles sont parues ne se vendent plus depuis longtemps. Je pensais avoir fait en sorte de ne jamais les revoir, et ça aurait été le cas si jamais ton cher Dickson n’avait pas joué au pervers ! Il m’a fait un mal de chien en plus. » La jolie violoniste allait certainement avoir un bleu conséquent étant donné l’imposante marque rouge se trouvant d’ors et déjà contre sa peau pâle. Diantre, elle avait espéré meilleur début de journée et voilà que le sol semblait se dérober sous ses pas… « Tu ne sais pas ce que c’est de manquer d’argent et de te torturer l’esprit pour essayer de t’en sortir. J’aurais préféré subvenir à mes besoins juste avec mon violon, crois-moi. »

« Quelle délicatesse ! » grogna Vioryna face au discours glacial de Sergueï. D’ordinaire, ses mots la touchaient bien moins, mais aujourd’hui, toutes les raisons étaient rassemblées pour la rendre particulièrement à fleur de peau. Elle détourna aussitôt le regard pour éviter qu’il ne s’humidifie, preuve suprême de cette honte indicible qu’elle avait à supporter depuis la parution desdites photographies. « Et si j’avais été obligée de me prostituer, alors quoi ? Tu m’aurais chassée ? S’il avait fallut que j’aille jusque là, j’y serais allée ! Facile de juger lorsque l’on n’est pas capable de se mettre à ta place… qui es-tu pour me jeter la pierre alors que tu as fais cent fois pire ?? Je ne peux pas croire ce que j’entends… » Vioryna n’avait pas eut envie, pas une seule seconde, que de poser pour des photographes alors qu’elle ne portait strictement aucun vêtement. Surtout qu’elle n’avait que vingt ans à cette époque et était particulièrement innocente face à ce genre de choses. « Je m’en contrefous de tes excuses nom d’un chien !! Mais c’est trop te demander de ne pas m’enfoncer la tête sous l’eau ? Apparemment si, question stupide. » Vioryna leva les yeux au ciel alors que son corps, secoué par l’adrénaline et la crainte, tremblotait comme une feuille morte un matin d’automne. Elle avait un mal fou à reprendre le dessus, sincèrement. Certes, la douceur dont fit preuve Sergueï l’aida à calmer un peu de ce tempérament flamboyant dont elle faisait soudainement preuve, mais elle ne manqua pas de grimacer face à la suite de ses paroles. Déçu ?! Il osait lui dire qu’il était déçu en prime ? La jeune russe ne manqua pas de serrer les poings pour essayer de ne pas parler sur le coup de la colère et ainsi dire des choses qu’elle regretterait. Hélas, avec ce qu’elle avait appris aujourd’hui… que pouvait-il lui arriver de plus difficile ?

La jolie violoniste le repoussa sans violence après qu’il ait commencé à l’embrasser, le visage aussi fermé que la porte d’un coffre fort, et le regard aussi glacial qu’un hiver en pleine Sibérie. Il avait touché une corde sensible… et bien qu’il soit habituel pour lui de réagir de cette façon, la jeune femme n’était pas dans une bonne période pour accepter ce genre de choses. « Quelle magnanimité ! Je suis sûrement stupide de ne pas être capable de voir ce qu’il y a de décevant surtout en ayant les explications qui vont avec. Tu n’avais pas besoin de culbuter des bourgeoises pour becter, alors ne t’avise pas de me juger parce que tu es fichtrement mal placé !! » Vioryna se releva aussitôt, en pleine fureur, balançant sans détour : « J’étais partie courir, mais je vais y retourner ça me calmera ou je vais dire des choses que je vais regretter ! » La jeune femme referma la porte sans violence cette fois, tentant de reprendre le contrôle d’elle-même avant de sortir de la demeure et de s’arrêter sur le perron, où elle s’assit. Sa tête tournait légèrement, elle se ravisa donc de tout jogging. L’air frais calma tout de suite sa colère et elle continua de masser son bras douloureux en laissant ses larmes couler librement. Elle se détestait lorsqu’elle se montrait pleurnicheuse de cette façon, mais là, c’était un trop plein d’émotions qui avait vitalement besoin de s’échapper.

« Et merde » murmura Vioryna après le départ de Sergeï. Bien sûr qu’elle était allée trop loin. La jeune russe avait été dans son bon droit en blessée des recherches ayant été faites sur sa personne, mais en l’occurrence, l’homme de son cœur n’était pas responsable. Ses hormones l’avaient tellement chamboulée qu’elle avait soudainement perdu toute notion du raisonnable. Elle prit par conséquent quelques minutes supplémentaires pour calmer les battements effrénés de son cœur, l’écoulement de ses larmes, avant de se rendre à son tour dans le bureau de Sergeï où elle frappa avant même que d’entrée. Pas question d’y pénétrer comme la furie qu’elle avait été plus tôt. Vioryna prit la poignée entre sa main tremblante et trouva l’homme d’affaires avachi sur un fauteuil. Cette vision lui serra le cœur et ce fut sans doute la raison pour laquelle elle se dépêcha de fermer la porte pour se placer délicatement contre les genoux de Sergeï. Elle ne comptait pas davantage lui demander pardon, parce que dans le fond ils avaient tous deux tort… et que s’il s’estimait dans son bon droit alors il n’y avait aucune raison qu’elle n’en fasse pas autant. « Je ne voulais pas remettre ça sur le tapis. C’était plus fort que moi, je ne me contrôle pas quand je suis en colère… je me suis sentie souillée en sachant que ce type avait un dossier de photos, tu comprends ? Ce n’est pas vraiment après toi que j’en avais, même si je t’en ai donné l’impression. Ca m’a tuée que tu sois déçue, aussi, accessoirement… » Vioryna se moquait de l’idée que l’on se faisait d’elle d’ordinaire, mais dès qu’il s’agissait de Sergeï, c’était forcément différent.

Pour apaiser la peine qu’elle lui avait causée, elle déposa un baiser aussi frêle qu’un vent de printemps contre ses lèvres avant de se blottir contre lui pour profiter d’une étreinte qu’ils avaient tous deux méritée. Diable, il valait mieux qu’elle ne lui parle pas tout de suite de ce qu’elle avait appris ce matin… c’était préférable. « Je n’aurais pas dû te crier dessus. J’ai eu une rude journée mais ce n’est pas une excuse. Je te promets de ne plus jamais reparler de ce passé. D’accord ? Ne m’exclue pas de ta vie… je ne demande rien d’autre. C’est marrant… je ne pensais pas que tu m’avais idéalisée. Tu es très mystérieux mon ange, j’ai du mal à te déchiffrer… tu as été jaloux ? »

Lui dire pourquoi elle avait été si nerveuse ? Oulala, très mauvaise idée. Il fallait qu’elle mente. Pour l’instant, évidemment, car Vioryna n’était pas stupide au point de vouloir lui cacher la vérité pendant neuf mois ! Mais elle avait besoin d’un temps de réflexion. Elle ne comptait pas prendre la moindre décision, elle voulait juste un moment pour digérer l’information, mûrir la façon d’amener la discussion sur le tapis et ainsi éviter, autant que possible, les foudres de Sergeï. D’accord, autant se pendre tout de suite car il allait le prendre très mal quelque soit la façon employée de lui amener la chose. « J’ai bientôt un concert et plusieurs m’ont été proposé un peu partout dans le monde et je suppose que… le stress m’est monté à la tête » avoua-t-elle le plus sérieusement du monde. C’était la pure vérité, ce n’était pas en soi un mensonge, juste l’annonce d’une vérité pour mieux en omettre une autre, nettement plus effrayante et inévitable. Par chance, Sergeï fut le premier à changer de sujet et elle poussa intérieurement un soupir de soulagement ; Vioryna n’avait jamais été extrêmement douée pour le mensonge, et préférait le privilégier en cas d’extrême nécessité. « Tu veux vraiment voir ces sales photos ? » osa-t-elle demander en se permettant de lever les yeux au ciel. Ma foi, il n’y avait rien de très choquant en soi puisqu’ils allaient se marier et qu’il la connaissait bibliquement depuis un moment maintenant. Elle se racla donc légèrement la gorge avant d’aller prendre l’ordinateur portable présent sur le bureau de l’homme d’affaires pour mieux le mettre sur la petite place se trouvant juste devant son fauteuil. Elle hacka son propre ordinateur pour en extraire le fichier et fit défiler lesdites photographies afin qu’il puisse se rincer l’œil… sous son contrôle.

Autant dire qu’elle passa extrêmement vite certains clichés, particulièrement osés. Vioryna était pourtant magnifique sur ceux-ci, alliant grâce et beauté grâce à la luminosité, au maquillage et à un brio plutôt évident pour la provocation à l’aide de son puissant regard. Mais le simple fait que Sergeï soit au courant de l’existence desdits clichés ET qu’il soit actuellement en train de les voir la mettait diablement mal à l’aise. Elle ne manqua pas de rougir face à certains, priant pour que cette séance maudite prenne bientôt fin afin qu’elle cesse de ressentir cette insupportable gêne. « Tu en as eu assez, je peux fermer l’ordinateur ? » coupa-t-elle finalement en s’activant de commencer à supprimer ledit dossier une fois que toutes les photographies furent passées. Elle espérait simplement qu’il ne la couperait pas ; elle n’avait aucune intention de le laisser garder ces horreurs sur son ordinateur ! « Elles sont atroces, j’avais oublié à quel point ! Ca m’apprendra à être stupide et naïve. »