Trois mois. Trois longs mois que Vioryna ne trouvait pas de discours suffisamment éloquent pour avouer à Sergeï qu’effectivement, elle était tombée enceinte. Sans doute la jeune russe savait-elle dans son âme et conscience que l’homme d’affaires la renierait à l’instant même où il l’apprendrait. Pourtant, cela n’avait pas été une partie de plaisir que de lui mentir durant ces trois mois… il avait fait mille et un effort en vue de lui plaire, pensant certainement qu’elle refusait de faire l’amour avec lui parce qu’elle se désintéressait peu à peu de sa personne, et que la flamme de ses sentiments s’amoindrissait de jour en jour alors que leur mariage n’avait pas encore été célébré. Il n’en n’était rien en vérité ! C’était presque une torture que d’être éloignée de lui ne serait-ce qu’une seconde… se retenir de lui sauter au cou et d’arracher la plupart de ses chemises avait été un véritable parcours du combattant. D’ailleurs, elle avait momentanément mis sa résolution de côté lorsqu’elle avait découvert qu’il avait refait l’intégralité de sa garde-robe pour lui plaire, et fait des heures de sport supplémentaires afin de s’offrir un corps d’éphèbe. Sauf que les jours passant, son ventre n’avait de cesse de prendre de très jolies rondeurs on ne peut plus significatives et Vioryna sentait venir le moment où il ne serait plus possible pour elle de continuer à mentir. Pas même une seconde. Par chance, Sergeï avait dû s’absenter une semaine pour elle ne savait quelle raison liée à son entreprise, ce qui lui laissait du temps supplémentaire pour mettre en place une stratégie. Qu’elle pensait ! La semaine passa à la vitesse grand V et à peine son fiancé fut-il de retour que déjà, il s’était approché d’elle pour la serrer fougueusement dans ses bras.

La jolie violoniste s’était volontiers emparée de ses lèvres afin de lui témoigner tout ce manque de lui qu’elle avait ressenti, mais Sergeï dû sentir quelque chose de louche car il s’écarta brusquement d’elle. Vioryna était pourtant vêtue d’une chemise plus ample que d’habitude, mais il l’avait serrée très fort et il fallait être idiot pour ne pas se rendre compte de la chose dans de telles circonstances. Les traits de la jeune russe prirent bientôt un air horrifié, tandis qu’elle attendait que le couperet de la guillotine ne tombe sur sa propre nuque. Elle ne savait comment interpréter un tel silence, mais une chose était sûre, ce qu’il risquait de lui dire n’allait pas être agréable… c’est à ce moment là qu’elle constata que quelques boutons de sa chemise avaient délicatement été défaits, offrant une vue imprenable sur ses nouvelles rondeurs de grossesse. Déglutissant avec difficulté, elle sut à partir de là que mentir n’était plus du tout une option viable. Elle lui devait la vérité. « Je ne savais pas comment te le dire » avoua-t-elle piteusement, persuadée qu’il ne risquait pas de lui offrir un temps de parole extrêmement long. « J’avais oublié ma pilule lorsque je te croyais mort ! Je sais, je suis amplement fautive mais… pourquoi est-ce que je me sens comme une criminelle alors que chez tous les autres, c’est censé être un « heureux évènement » ? Je t’en prie dis quelque chose Sergeï… regarde-moi ! »

Le sang de Vioryna ne fit qu’un tour lorsqu’il lui ordonna de se taire. Sergeï était parvenu à lui couper le sifflet, certes, mais elle détestait ce qu’elle entendait à ce moment précis. Une fois encore, elle avait la furieuse impression de n’être rien d’autre qu’un objet qui ne plait que pour un instant et est jeté à la première excuse valable. L’intégralité de son corps se figea face à l’écrasante rage qu’elle lisait dans le fond de son regard, mais sa dernière phrase la poussa à faire une chose qu’elle n’aurait jamais faite dans d’autres circonstances… après avoir levé ardemment sa main, elle gifla l’homme d’affaires de toutes ses forces alors qu’elle cherchait d’un même temps à ravaler ses larmes. Le terme même « d’avortement » lui donnait une indicible nausée. La jeune russe ne savait guère comment expliquer son cas, car de toute évidence, quelques soient ses arguments, ils n’auraient jamais grâce aux yeux de Sergeï. « Bien sûr, j’oubliais, je ne suis qu’un vulgaire pion à qui tu donnes des ordres et que tu rêves de massacrer dès qu’un ordre n’est pas respecté ! Merde Sergeï !! Je ne suis pas qu’une jolie poupée qui sent bon et obéit au doigt et à l’œil… je suis un être humain ! Je respire, je pense, j’ai des sentiments !! Il m’arrive de faire des erreurs et c’est justement parce que j’étais terrifiée à l’idée que tu puisses réagir aussi… CONNEMENT que j’ai gardé le silence !! Oui, j’ai gardé mes peurs, mes doutes, mes questions pour moi parce que tu n’es pas fichu d’avoir un sou de compréhension quand tu t’y mets !! » La respiration de Vioryna s’était faite extrêmement saccadée tandis qu’elle n’avait quasiment pas reprit sa respiration durant tout son discours. Cette énième dispute la déchirait complètement. Sans doute était-elle plus émotive que d’habitude, mais c’est avec une grande honte qu’elle reboutonna chaque bouton de sa chemise. « J’ai fais tout ce que j’ai pu Sergeï. Vraiment, j’ai fais tous les efforts dont j’étais capable… je ne pense pas que jusqu’ici tu aies eu quoi que ce soit à me reprocher. Mais là c’est… tu me fais peur. Je suppose que tu t’en remettras vite, pas vrai ? Alors cette fois, je vais prendre la décision de protéger quelqu’un qui est vraiment sans défense. Oh et quand tu feras notre autopsie… dis-toi bien que tu ne pourras le reprocher qu’à toi. » Jamais elle ne pourrait avorter, jamais. Elle était bien incapable de tuer un être vivant de ses mains… Vioryna quitta donc la pièce et la maison par la même occasion sans même un regard. Il le fallait… qu’était-elle censée faire d’autre ? Elle connaissait bien trop Sergeï pour savoir qu’il n’y avait pas de discussion possible !

Où Vioryna était-elle partie ? Chez Seriojah, bien sûr ! Soigneusement cachée au Consulat, elle ne risquait pas grand-chose à priori. Mais son ami d’enfance s’inquiétait pour elle… bien sûr, après son malaise de la veille, son meilleur médecin l’avait examinée, mais le meilleur médecin ne pouvait soigner cette plaie béante se trouvant dans son cœur. Il ne l’avait jamais vue dans un état pareil ; aussi, bien qu’il se soit toujours bien gardé d’intervenir dans l’étrange histoire la liant à l’homme d’affaires, il avait demandé une entrevue le lendemain, soit trois jours après le départ de la jolie violoniste. Seriojah n’avait pas peur de prendre des coups… il savait qu’elle ferait de même pour lui s’il se retrouvait dans la même situation. « Veuillez pardonner mon intrusion Monsieur Vassilievykh. En théorie, je ne me serais jamais permis une telle chose mais je m’inquiète pour Vioryna. Elle est comme une sœur pour moi… je ne sais pas exactement ce qui se passe entre vous et je ne souhaite pas réellement m’en mêler sauf cas d’extrême urgence. Elle a fait un malaise en arrivant au Consulat, l’autre soir. N’ayez crainte, elle va bien, mais elle n’est que l’ombre d’elle-même. Permettez-moi l’expression mais arrêtez de chier dans la colle. Vous ne trouverez pas meilleur rayon de soleil et croyez-moi, j’ai cherché partout. Elle est dans la chambre B206 au Consulat si vous souhaitez la voir. J’ai déjà donné des ordres pour vous accorder l’accès. » Seriojah, très respectueusement, n’abusa pas une seconde de plus du précieux temps de l’homme d’affaires et s’éclipsa après s’être incliné. Pendant ce temps, c’est une Vioryna pâle qui tenait un cliché de l’échographie qu’elle avait passée plus tôt dans la journée. Debout, raide comme la justice, elle maudissait le fait qu’une aussi belle nouvelle lui arrache également de longues larmes de tristesse… des jumeaux.

Vioryna ne manqua pas de sursauter lorsqu’elle entendit frapper à la porte, n’attendant pas la prochaine visite de Seriojah avant au moins trois bonnes heures puisque sa présence était requise à un meeting. Elle incita simplement ce visiteur inconnu à entrer, tandis qu’elle s’asseyait péniblement sur le lit en glissant l’un de ses oreillers dans son dos et qu’elle ramenait, dans la mesure du possible, ses jambes contre son ventre arrondi. Autant dire que son cœur manqua plusieurs battements alors qu’elle vit apparaître Sergeï. Il lui fallut une extraordinaire dose de courage pour garder un visage on ne peut plus impassible alors que tout ce qu’elle voulait, c’était hurler et le virer de cette chambre illico presto sans même lui laisser le temps de s’exprimer. Néanmoins, elle était curieuse de savoir s’il mettrait encore sur le tapis cette foutue histoire de tradition ou s’il avait suffisamment réfléchir pour savoir qu’elle ne reviendrait pas dans sa demeure si c’était pour être éjectée de la vie de son bébé dans quelques années. Contre toute attente, il lui tendit un sac, et plus par réflexe qu’autre chose, Vioryna le prit en main tandis qu’elle ne perdit pas une miette du discours qu’il lui offrait à cette seconde précise. La jeune russe ne savait pas ce qui l’étonnait ni la touchait le plus… était-ce cet adorable ours en peluche qu’elle venait d’extirper du sac qu’il lui avait tendu ou l’adorable discours qui lui arracha plusieurs larmes d’émotion ? Finalement, la jolie violoniste fut bien incapable de conserver son masque d’impassibilité et l’invita à s’asseoir sur le lit en tapotant un emplacement près d’elle contre le matelas. « N’as-tu pas constaté à quel point Marya était heureuse depuis quelques mois ? Il existe des centaines de façons d’élever un enfant sans le priver de sa mère… je sais que je ne suis pas la maman biologique de Marya mais le lien que nous avons fait que dans nos deux têtes, c’est tout comme. Je ne veux pas d’un homme parfait, Sergeï. Je ne l’ai jamais voulu et je ne le voudrais pas… pourquoi crois-tu que j’ai cherché à m’adapter à toi tout ce temps ? Mais je refuse de revenir si c’est pour être éjectée dans quelques années. » La fin du discours de Vioryna pouvait paraître froid, mais l’autre jour, il lui avait brisé le cœur. « Tu n’es pas là pour me demander d’avorter ? » osa-t-elle finalement demander, tandis que sa voix s’étranglait littéralement dans le fond de sa gorge.

C’est à ce moment là qu’elle percuta. Sergeï lui avait avoué qu’il l’aimait… il avait finalement osé avouer l’inavouable et Vioryna dû clore ses yeux quelques secondes pour éviter de se pincer afin de se convaincre qu’il ne s’agissait pas d’un rêve. « Tu m’aimes ? » La jeune russe avait bien conscience qu’elle n’avait de cesse de poser des questions mais il n’avait simplement aucune idée du nombre de doutes perlant dans son esprit au fur et à mesure des jours. Elle ne perdait pas de vue qu’elle n’avait que vingt-deux ans, peu d’expérience en la matière et qu’en prime, son corps restait d’une extrême fragilité. Mais tout ceci semblait s’effacer alors qu’elle posa à nouveau son regard profond sur l’ours en peluche, absolument adorable. Cela lui arracha un petite rire au milieu de ses larmes, avant qu’elle ne se mordille légèrement la lèvre inférieure et ne relève les yeux, soudainement plus sérieuse. « Il est adorable… mais ça risque de ne pas être suffisant » commença-t-elle, redoutant plus que n’importe quoi d’autre sa réaction. « Je suis enceinte de jumeaux… deux garçons. » Tout ce qui était désormais à espérer, c’est qu’il ne change pas d’avis et ne rebrousse pas chemin… voilà pourquoi un vent de panique lui tiraillait les entrailles et la fit soudainement grimacer de douleur.

Vioryna ne pouvait qu’imaginer à quel point il était difficile pour Sergeï de combattre les traditions ancestrales dans lesquelles il baignait depuis sa plus tendre enfance. Néanmoins, bien qu’elle soit diablement touchée par son geste, elle ne voulait pas qu’il ne soit capable que d’un effort tel pour l’occasion afin de ne mieux reprendre ses vieux travers le lendemain. Leur précédente altercation lui avait fait prendre conscience que l’amour démentiel qu’ils ressentaient l’un pour l’autre n’était pas toujours une barrière à leurs deux tempéraments aussi forts l’un que l’autre. La jeune russe voulait protéger les deux bébés qu’elle portait actuellement, car ils étaient plus fragiles que Sergeï ne le serait jamais. Malgré son amour pour lui, elle ne regrettait pas une seconde sa fuite ou ce qu’elle avait bien pu lui envoyer dans les gencives… sa gifle encore moins. Il l’avait amplement méritée. Néanmoins, les trois mots qu’elle avait l’audace d’attendre depuis leurs retrouvailles en Russie eurent pour effet de balayer toute la rancœur qu’elle avait pu ressentir à son égard. Le regard qu’il lui offrit mit à mal toutes les dernières barrières qu’elle pouvait vouloir mettre entre eux et lui arracha même un nouveau sourire, plus franc encore que le précédent. « Je savais à quoi je m’engageais en acceptant de t’épouser… mais ce n’est pas ta froideur le problème. J’ai bien conscience que tu as été élevé dans des traditions qui m’échappent. Je sais que j’y suis totalement étrangère et je ne me tarde surtout pas de comprendre… mais tu es le seul obstacle à ton propre bonheur Sergeï. Tu es au courant que tu n’es pas Dieu ? Juste un être humain qui a besoin d’avancer et de tourner la page, comme tout le monde. Je suis curieuse de savoir ce qui t’a fait changer d’avis… tu avais l’air plutôt décidé l’autre jour. »

Vioryna était prête à ajouter autre chose mais face à l’annonce qu’elle venait de lui faire, qu’elle ne fut pas sa surprise et sa frayeur de voir Sergeï s’étaler de tout son long à même le sol, inconscient. Elle s’extirpa aussitôt des couvertures, paniquée, appelant à l’aide sans que personne ne lui réponde. « Sergeï ?! Sergeï mon dieu réponds-moi !! » A la limite de la syncope, la jeune russe le secouait brusquement, totalement incapable de savoir ce qu’elle était censée faire au juste… du moins jusqu’à ce qu’une idée lumineuse ne lui traverse l’esprit. « Surtout mon ange, pardonne ce que je vais faire, mais il y a urgence ! » Elle s’était emparée du pichet d’eau se trouvant sur la table de nuit afin de l’en asperger, obtenant heureusement l’effet escompté puisqu’elle parvint à le réveiller. Vioryna reposa ledit pichet à son endroit initial pour mieux pousser un soupir de soulagement et aider ainsi Sergeï à se relever. Non sans mal… bien évidemment. « Effectivement, je confirme, tu as pris du muscle ! Est-ce que tu te sens mieux ? Tu n’as pas trop la tête qui tourne ? Tu veux t’allonger ? » La bouche de la jolie violoniste s’étira en une petite grimace car contre toute attente, elle paniquait encore… à l’idée qu’il ne fasse un autre malaise d’une part, mais aussi qu’il ne pense plus ses paroles précédentes d’autre part.

Face au réveil légèrement… grimaçant de Sergeï, Vioryna leva les mains en signe de défense comme s’il fallait qu’elle se protège d’une éventuelle attaque. Il n’en n’était rien bien évidemment, mais il ne pouvait pas s’écrouler à ses pieds et espérer qu’elle ne s’inquièterait pas ! Justement, son tempérament maternel avait une fâcheuse tendance à reprendre le dessus depuis trois mois, probablement aidé et poussé par les hormones s’écoulant actuellement dans ses veines. Mais plutôt que d’en rajouter une couche et blesser plus encore son orgueil manifestement secoué, Vioryna se contenta simplement de se diriger vers un placard pour y prendre une serviette, qu’elle laissa simplement tomber sur la tête de Sergeï non pas en vue de le provoquer mais plus parce qu’elle préférait tourner la situation en dérision. Qu’était-elle censée faire sinon ? Pleurer ? La jeune russe avait l’impression que ses yeux étaient totalement secs tellement ses larmes s’en étaient écoulées. Ses paupières lui donnaient la sensation d’avoir du sable dans les yeux et c’était la raison pour laquelle une touche d’humour ne pouvait certainement pas leur faire de mal… d’autant que si Sergeï était fou de joie à l’annonce des jumeaux, il n’en laissait pas paraître la plus petite parcelle. « Tu avais mérité ma gifle, Sergeï. Je ne la regrette pas et ne compte pas sur moi pour te faire des excuses. Tu apprendras comme ça que je peux être extrêmement violente parce que je ne contrôle absolument pas mes rares colères. »

La jolie violoniste poussa un profond soupir à l’annonce du remède miracle ayant fait qu’aujourd’hui, l’homme d’affaires était devant elle, à tenir un discours n’ayant strictement rien de cruel. Vioryna préféra ne pas faire le moindre commentaire, de peur d’être désobligeante et d’éveiller à nouveau son extraordinaire orgueil masculin. « Pourquoi ai-je l’impression que cela sonnait comme un ordre ? » s’étonna-t-elle alors qu’elle grimaçait de douleur. La dose de stress qu’elle s’était infligée n’avait pas arrangé son état général et comme le gynécologue le lui avait très facilement fait remarquer, il ne fallait pas qu’elle mette la charrue avant les bœufs. Elle se rassit donc sur son lit, respirant profondément jusqu’à ce que la contraction cesse, avant de reprendre : « alors je t’écoute, quelles concessions es-tu prêt à faire ? Il n’y a pas de mauvaise réponse et je ne suis pas en colère, Sergeï. Je suis juste… fatiguée. Je pensais sincèrement que tu ne reviendrais pas. Je ne sais même pas ce que tu penses de tout ça. Est-ce que tu es content, ou est-ce que tu prends cela comme une corvée ? D’habitude j’arrive à te comprendre mais là… si c’est parce que tu es dans les pommes ça arrive, tu es un être humain au risque de me répéter ! Je me suis bien évanouie devant le Consulat l’autre soir, et je peux t’assurer que le public était autrement plus nombreux ! Je vais avoir du mal à retourner au Manoir… j’ai déjà du mal à me déplacer. » Vioryna esquissa un petit rire à la fin de son discours, tandis qu’elle se moquait davantage d’elle-même que de n’importe qui d’autre. « Et dire que j’ai un concert dans deux semaines… je vais me tirer une balle. »

La fatigue et l’agacement de Vioryna se mirent délicatement à fondre tandis qu’elle ne s’attendait pas à un tel discours de la part de Sergeï. Il n’avait jamais été si franc et délicat envers elle avant aujourd’hui… la jeune russe ne s’en était jamais plainte mais il lui fallait désormais des réponses. Il était inutile qu’elle revienne pour que cette ritournelle reprenne de plus belle et ne la laisse totalement sans forces, sans volonté, sans rien d’autre qu’une rancœur qu’elle n’était pas habituée à ressentir. Mais l’homme d’affaires parvint à faire s’effriter les derniers remparts de sa volonté, laissant son cœur au bord d’un gouffre. Il était le seul à pouvoir l’empêcher de sauter et lorsqu’il se mit à genoux, Vioryna se releva aussitôt du lit pour le serrer contre elle, aussi fort qu’elle le pouvait, comme pour lui prouver qu’elle voulait les empêcher aussi bien l’un que l’autre de continuer cette ridicule bataille. Puisque leurs sentiments étaient réciproques et qu’ils s’apprêtaient à fonder une famille, pourquoi ne pas célébrer la chose comme il se doit ? Mais pour l’instant, la jolie violoniste avait surtout besoin de laisser des pleurs de soulagement s’exprimer, balayant d’un même temps toute cette pression qu’elle s’était mise sur les épaules et qui n’avait eu de cesse de la malmener. « Pourquoi faut-il que je t’aime autant, Sergeï Vassilievykh ? Si tu savais à quel point tu comptes pour moi, oui à quel point tu comptes… » Alors qu’elle avait soigneusement gardé ses distances pendant trois mois, la jeune femme n’hésita pas à s’emparer de ses lèvres avec une fureur semblable à toute la tristesse qu’il lui avait fait ressentir pendant ces trois jours. Ce baiser était à la hauteur de son amour pour lui mais également à la hauteur de son pardon… plus que tout, elle avait été la première à penser qu’il méritait ce bonheur qu’il se refusait depuis des années.

« Si tu peux me porter jusqu’à chez-nous j’accepte mille fois de revenir » murmura-t-elle tout en déposant délicatement son front contre celui de Sergeï. « J’espère que tu ne m’en voudras pas… mais j’aimerais beaucoup appeler l’un de nos fils Dimitri. Tu auras tout le loisir de choisir le prénom du second… » Vioryna ne voulait pas seulement être une part de son présent et de son futur, elle voulait qu’il saisisse qu’elle comprenait son passé et qu’elle allait tâcher de s’y adapter, de s’y insérer à sa manière si toutefois il lui en donnait l’opportunité. « Est-ce que tu es… content ? » Peut-être était-ce une question piège pour Sergeï mais Vioryna avait viscéralement besoin de savoir. C’était aussi vital que de savoir qu’il l’aimait effectivement…

« Tu sais très bien que l’argent ne m’intéresse pas… la dernière partie, en revanche, me comble » ajouta-t-elle malicieusement avant que la conversation ne prenne une dimension nettement plus émotionnelle. C’était la toute première fois qu’elle sentait Sergeï aussi vulnérable et cette image la frappa le plein fouet. Diable… Vioryna s’imposa le silence, comme si sa propre émotion l’interdisait d’intervenir avant qu’il ne s’agisse du bon moment. Du bout de son pouce, elle balaya la larme qui perla le long de la joue de son fiancé avant que de s’emparer tendrement de ses lèvres. Il parvenait à l’émouvoir bien au-delà des mots et elle se demandait encore comment ils faisaient pour s’opposer autant qu’ils s’aimaient. Le ridicule de leur combat incessant lui sauta aux yeux alors qu’elle se lovait à nouveau entre ses bras puissants et protecteurs. « Alekseï. C’est un magnifique prénom… et je suis sûre que nos fils seront amenés à faire de grandes choses, parce qu’ils auront un formidable modèle. » La jeune russe n’avait jamais cessé de croire en l’humanité de l’homme d’affaires. Quelque chose lui disait qu’elle avait eu pleinement raison, car il ne cessait de le lui prouver depuis de longues minutes. Aucun monstre ne se serait évanouit face à l’annonce des jumeaux, et aucun monstre n’aurait pleuré face à la proposition de prénom de la jeune femme… d’autant que celle-ci avait été énoncée réellement du fond du cœur. « Dimitri et Alekseï Vassilievykh. A vrai dire je crois que c’est moi la plus heureuse femme du monde… »

Vioryna aurait rêvé de rencontrer Dimitri. Elle savait qu’elle l’aurait beaucoup apprécié. Mais quelque chose lui disait que le jumeau de Sergeï veillait sur son frère d’une certaine façon, de même que Sofya devait veiller sur la jeune femme… le couple était passé par le pire, il n’y avait plus qu’à espérer qu’il ne leur reste que le meilleur. Dans le cas contraire, la jolie violoniste se sentait mue par une gigantesque force désormais. « Mon ange, je suis certaine que ton frère sait que tu le comprends. Je suis intimement persuadée qu’il est toujours là, quelque part. Tu sais pourquoi ? Parce que tu ne l’as pas oublié, et qu’il vit encore dans ton cœur. Ne me dis pas que cela sonne comme une insupportable guimauve, tu sais dans le fond que j’ai raison ! » Vioryna lui vola un énième baiser avant de lui murmurer, d’une voix presque suppliante : « Je veux rentrer à la maison. Profiter de toi avant que tu n’aies encore je ne sais quelle réunion et rattraper le temps que l’on a encore perdu… tu as sûrement plein de questions à me poser et j’ai encore beaucoup d’informations à te donner pour quand tu te sentiras d’attaque, mon invincible Sergeï. »

Vioryna fut passablement amusée par le fait que Sergeï la soulève comme une poupée avant de la conduire jusqu’à la voiture. Elle ne put d’ailleurs que lui murmurer : « tu t’entraînes pour notre nuit de noces ? » Sa voix était malicieuse et son sourire ne la quitta pas jusqu’à ce qu’il ne la surprenne avec une question à laquelle elle ne s’attendait pas. S’installer dans une maison qu’ils auraient choisie ? Oh bien sûr, cela la comblerait de bonheur, mais elle n’avait pas imaginé un seul instant qu’il lui proposerait une chose pareille. « Tu voudrais que l’on en choisisse une ? » demanda-t-elle, adorablement incrédule. A bien des égards, Vioryna avait conservé toute son innocence. Lorsqu’elle mettait de côté ses disputes avec Sergeï, leurs divergences d’opinion et que son bonheur se lisait sur son visage, ce côté adorable ressortait particulièrement. Chose qui ne l’empêcha pas de fermer la vitre menant au chauffeur et de tirer le rideau, comme s’ils allaient avoir une conversation des plus intimes. « J’aime beaucoup le manoir. Mais si tu veux que l’on choisisse une maison ensemble… j’entends par là un endroit où Marya et nos fils grandiront, alors je te suivrais jusque sur la lune. » Les traits de la jeune russe s’illuminèrent bientôt en un magnifique sourire alors qu’elle détachait sa ceinture pour venir s’installer confortablement sur ses genoux, partant du principe qu’il n’y avait aucune raison d’éprouver le moindre danger : Sergeï avait engagé le meilleur chauffeur qui soit. Lentement, elle caressa son beau visage du bout de ses doigts, comme si elle contemplait actuellement une œuvre d’art et qu’elle craignait de ne l’abîmer. « C’est drôle… je n’ai pas connu un Sergeï Vassilievykh particulièrement prudent » murmura-t-elle malicieusement avant de ne s’emparer de ses lèvres avec cette passion furieuse qui s’insufflait dans l’intégralité de son être.

Vioryna savait à peu près combien de temps ils avaient jusqu’au manoir, et elle savait aussi que bientôt, elle ne serait plus en mesure de se donner à lui pour des raisons tout à fait évidentes. Était-il prêt à subir cette incroyable frustration ? La jolie violoniste en doutait, et le connaissait suffisamment pour savoir qu’il n’était pas du genre à apprécier l’abstinence. « Que se passerait-il si je te dis que j’ai envie de toi et que je me sens capable de me donner à toi ? » Vioryna était particulièrement sérieuse. La preuve, elle défaisait doucement les boutons de son chemisier tandis qu’un désir ardent traversait son regard sombre et profond. « Bientôt ce sera dangereux. Je nous ai fait subir une torture pendant trois mois… alors juste avant d’être accaparés par notre mariage et notre installation, que penses-tu d’un petit avant goût de ta future femme ? » Vioryna avait bien l’intention de parler des préparatifs de leur union au plus tôt. C’est sans doute la raison pour laquelle elle se pencha pour lui murmurer d’une voix tendre : « Que penserais-tu de nous unir avant la naissance de nos jumeaux ? Ils porteraient ainsi ton nom… je n’en peux plus d’attendre, je te veux pour moi, dans tous les sens du terme. »

Vioryna avait beau essayer de réfléchir à une idée de maison particulière, la position dans laquelle elle se trouvait ne s’y prêtait pas nécessairement. Sa fragilité semblait être soudainement mise de côté bien que de toute évidence, Sergeï ait absolument raison en la matière. La jeune russe ne tiendrait jamais le choc s’il fallait qu’il libère toute la force de son désir, accompagné par ses pratiques d’antan. C’était d’autant plus méritoire de la part de l’homme d’affaires, et c’était une façon de lui prouver ses sentiments pour elle. Il ne fallait pas croire, la jolie violoniste y était extrêmement sensible… tout comme elle semblait particulièrement réceptive aux caresses et autres provocations de Sergeï, qui ne semblait pas en manque d’imagination ni même réticent aux avances de sa future femme. Vioryna se savait dans une position délicate, d’autant plus que ses sens étaient décuplés à cause des hormones irradiant l’intégralité de son corps. Elle le sentit d’ailleurs se cambrer au fur et à mesure que le désir montait en elle, incapable d’arrêter la progression de cette vague puissante qu’elle avait elle-même souhaitée et provoquée. Son fiancé n’avait de cesse de poursuivre la torture alors qu’elle avait glissé un important détail dans leur conversation : son impatience vis-à-vis de leur union prochaine. Vioryna laissa échapper un petit rire coupé par l’expression d’un soupir de plaisir, amusée par le fait qu’il lui demande de le supplier… ne l’avait-il pas suffisamment mise au supplice ? D’autant qu’à force de flatter sa poitrine nouvellement lourde, ferme et généreuse, le corps de la jeune russe se tanga et elle lâcha un fort cri de jouissance qu’elle n’avait plus pu retenir et qui dura de longues secondes avant qu’elle ne redresse le menton de Sergeï pour lui voler un baiser des plus passionnés. « Deux fois plus de sang dans le corps, je suis extrêmement, extrêmement sensible mon ange » murmura-t-elle, complètement à bout de souffle après cette explosion des sens qui avait eue lieu beaucoup plus tôt que prévu. Mais qu’il ne s’inquiète de rien, elle n’en n’avait pas fini avec lui.

« Je suggère que nous parlions de notre future maison une fois au Manoir, je crois que j’ai trop peu d’attention pour ça tout de suite et maintenant. Quant à notre union… il faut que tu y consentes, je t’en prie. » Le regard de Vioryna était brûlant de désir alors que ses mains se faisaient plus entreprenantes, se logeant entre les jambes du puissant homme d’affaires tandis qu’elle se mordillait la lèvre inférieure. Elle le provoquait ouvertement, jouant avec ses sens et son désir mais également de ses ongles afin de lui faire « payer » en quelque sorte le fait qu’il l’oblige à le supplier. Elle pencha son visage afin de dévorer littéralement son cou, ne mettant aucunement un terme à la torture pour laquelle elle semblait parfaitement douée, n’hésitant pas à détacher suffisamment sa chemise de sa main libre pour déposer un suçon très marqué contre son torse. « Si tu ne veux pas m’épouser tout de suite, je vais continuer à te marquer jusqu’à ce que tu ne puisses plus le cacher et je vais me faire plus méchante… tu sais que j’en suis capable Sergeï. »

Au départ, effectivement, Vioryna voulait une grande cérémonie avec sa famille retrouvée, et éprouvait l’envie de passer une journée absolument unique. Mais ce désir avait légèrement évolué dans le sens où elle sentait désormais combien leur amour la dominait mais également la peur de le perdre. Elle refusait d’attendre. C’était égoïste et allait totalement à l’encontre de son tempérament mais c’était délicieusement nouveau pour elle… après tout, quoi de plus normal que de vouloir que ses fils naissent en portant le nom de leur père ? Ils allaient ainsi venir au monde au sein d’une véritable famille, et cette simple idée la fit frissonner de bien être, plus furieusement encore que cette étreinte à laquelle elle se donnait sans condition aucune, malgré le fait qu’ils soient au sein d’une voiture et peu protégés des regards. La sensibilité extrême du corps de la jeune russe ne manqua pas de la pousser aux portes de sa propre jouissance à pas moins de trois reprises, prouvant ainsi à Sergeï qu’elle n’avait pas menti précédemment, et que son être était en feu au moindre frôlement, même lorsqu’elle s’asseyait simplement sur une chaise. Elle se refusa à retenir son propre cri alors que son fiancé explosait en elle, lui offrant ensuite une délicate étreinte contre laquelle elle se blottit volontiers, oubliant de remettre son pantalon pour l’heure. Cela pouvait attendre, contrairement à leur union prochaine… « Je n’ai aucune envie d’attendre » reprit-elle tout en se redressant, s’emparant du visage de Sergeï en le plaçant en coupe entre ses mains « je veux devenir ta femme tout de suite. Je veux que l’on forme une vraie famille de façon officielle… Marya, toi, les jumeaux, moi… on le mérite et je ne vois aucune raison d’attendre. » Vioryna apprenait l’impatience… mais cela ne devait pas déplaire à Sergeï.

« Mais je suis dans une tenue peu convenable et regarde-moi, je ne suis même pas maquillée ! Tu vas avoir honte d’épouser une… souillon, non ? » Vioryna avait les traits quelques peu tirés certes mais sa grossesse illuminait littéralement son visage, la rendant radieuse. Sans compter qu’elle était loin de porter des vêtements ne la mettant pas en valeur… « Je te promets d’organiser une belle cérémonie qui sera mémorable, mais quelque part… j’aime l’idée que pour devenir ta femme, il n’y ait que toi et moi au départ. C’est égoïste je sais mais tu es à moi, rien qu’à moi. »

« Tu es un être brimé, c’est bien connu ! » Vioryna ne manqua pas de râler au cours de grognements incompréhensibles, avant même que d’être surprise par l’appel que Sergeï passa la seconde suivante. A vrai dire, il râlait manifestement pour la forme et avait sûrement conscience que la jeune russe ne pouvait plus faire de folies de son corps… pas à moins de ne vouloir risquer la santé de leurs deux jumeaux à naître. D’ailleurs, malgré le fait qu’elle soit en jean, la jolie violoniste semblait rayonner littéralement et embaumer la voiture d’une lumière douce et chaleureuse. Elle s’exécuta néanmoins en prenant sa petite trousse de maquillage afin de se repoudrer le nez rapidement et avec talent, optant pour un maquillage discret mais efficace. « Il me tarde déjà d’y être » lui murmura-t-elle avant d’embrasser chastement sa joue, le laissant terminer sa communication. Il la surprit plus encore en lui proposant de s’arrêter quelque part afin d’acheter une tenue : Vioryna laissa échapper un petit rire amusé et, tout en empoignant le petit sac à dos qu’elle avait paqueté en partant comme une furie du manoir de l’homme d’affaires, ne manqua pas de répondre : « Si nous devons nous marier dans vingt minutes, cela risque d’être juste pour un achat… d’autant que je n’arrive pas à rentrer dans la plupart de mes tenues habituelles et qu’il nous faudrait nous arrêter dans une boutique qui fait des tenues pour femmes enceintes ! Par chance… je suis quelqu’un d’extraordinairement prévoyant. » Vioryna esquissa un léger clin d’œil avant d’ôter maladroitement son jean à nouveau, se tortillant pour y parvenir tant sa souplesse en avait pris pour son grade au passage. Elle détacha ensuite son chemisier pour mieux sortir une magnifique robe blanche, mi-longue, qui moulait ses nouvelles rondeurs sans être vulgaire, bien au contraire. Il s’agissait de la parfaite tenue pour un mariage impromptu.

« Comment tu me trouves ? » demanda Vioryna tout en attachant ses cheveux à l’aide de quelques épingles, histoire de frôler la perfection à défaut de la posséder totalement. « Nous ferons une magnifique cérémonie en prenant notre temps pour la préparer. Je pense que ce serait mieux après la naissance des jumeaux, d’ailleurs… nous avons un nid à trouver au préalable et j’avoue que j’aurais du mal à être parfaite pour une cérémonie si je marche comme un canard coincé ! » La jeune russe se rapprocha de Sergeï une fois sa coiffure terminée, s’étonnant elle-même de s’être préparée aussi vite. Elle prit ses mains dans les siennes avant de reprendre, malicieusement : « Il me tarde… »

« Ah mais non, ce n’était pas de cette façon qu’il fallait le comprendre !! » se défendit-elle brusquement sans pour autant rougir ou même se laisser démonter. « J’aurais détesté aller à la mairie dans mes affaires de la veille, c’est tout… c’est un manque de classe absolue, surtout pour devenir ta femme tu m’excuseras ! » Mais ce genre de détails lui paraissait diablement loin maintenant qu’elle se retrouvait devant le maire, aussi impressionnée qu’une enfant lors de son premier Noël mémorable. Elle déglutit avec difficulté, son manque d’expérience devenant aussi évident qu’un nez au milieu d’une figure, sans pour autant qu’elle ne laisse son appréhension la gagner totalement. Vioryna avait cela d’extraordinaire, elle savait s’adapter à toutes les situations possibles et imagines en un temps record. En l’occurrence, elle admira la fluidité avec laquelle Sergeï répondit dans sa langue maternelle, bien que désormais, le projecteur soit tourné vers elle. Le maire lui posa la question, la laissant interdite quelques secondes sous le coup de l’émotion avant qu’un sourire ravi ne prenne soudainement possession de ses lèvres. « Bien sûr que oui » articula-t-elle sans l’ombre d’une hésitation supplémentaire, avant de tourner le regard vers Sergeï en comprenant que ça y est… le plus dur était fait en soi. Le reste ne serait que bonus car ils auraient tout le temps du monde pour trouver un foyer où ils se sentiraient protéger, accueillir leurs deux fils à naître et, au final, célébrer leur mariage en grande pompe avec tous leurs proches. « Vous pouvez embrasser la mariée » conclut le maire avant qu’ils n’échangent sûrement le baiser le plus important de leur vie commune, puisqu’il scellait effectivement leur union nouvelle et l’ouverture vers un horizon plein de promesses. Vioryna en frissonnait d’avance, sentait une contraction s’emparer de son bas ventre sûrement à cause du surplus d’émotion qu’elle venait juste de ressentir. Bien sûr, ils se retrouvèrent à la sortie de la Mairie après la signature des très nombreux papiers justifiant leur mariage effectif et légal, mais autant dire que la jeune russe se sentait une toute autre femme.

« Je n’ai pas rêvé, nous sommes bien mariés ? » ne put-elle s’empêcher de demander tandis que son sourire ne la quittait plus. Ses pensées étaient un gigantesque chaos et pourtant, elle ne s’était jamais sentit aussi heureuse de toute sa vie. « Je t’aime » murmura-t-elle simplement tandis qu’elle se contentait de prendre délicatement sa main, se sentant la force de cent hommes alors qu’en théorie, elle devrait ne pas quitter son lit de toute la grossesse. « Je sais que tu es un homme follement occupé, mais… tu m’accompagneras à ma prochaine échographie ? Je vais être honnête avant que tu ne l’apprennes de la bouche d’un spécialiste : en théorie, je ne suis pas censée me lever à part pour les cas d’extrêmes urgences… je considère notre mariage comme l’un d’entre eux. Ne sois pas en colère… » Vioryna était prête à répondre à toutes les questions qu’il voulait désormais. Après tout… « je suis tienne officiellement, tu sais. Mais quelque chose me dit que tu avais légèrement prémédité la chose étant donné que les alliances sont… gravées. Cachottier ! »

Vioryna esquissa un sourire attendri alors que l’inquiétude de Sergeï se faisait plus évidente de seconde en seconde avec l’annonce qu’elle venait juste de lui faire. « N’aie crainte je ne vais pas me briser en mille morceaux ! » l’informa-t-elle alors qu’il l’avait déjà saisie par la taille pour la reconduire jusqu’à la voiture, le fer encore chaud de leurs alliances marquant sa peau restée nue vingt-deux ans… la jeune russe s’assit aux côtés de son époux tout en se blottissant contre lui, l’épuisement la rattrapant soudainement alors qu’elle ne s’y était aucunement attendue. « Mon rendez-vous est samedi prochain. Tu penses pouvoir te libérer ? » La jolie violoniste ne lui avait pas encore répondu au sujet de sa proposition pour une infirmière à domicile, pour la simple et bonne raison qu’elle voulait y penser avant même que de donner une réponse. D’un côté, cela lui ferait une compagnie, mais de l’autre… elle risquait de se sentir hautement fliquée. Vioryna n’avait pas intérêt à jouer les têtes brûlées alors que son corps dévoilait sa faiblesse la plus évidente, Sergeï ne la raterait pas si elle s’aventurait sur ce genre de chemin sinueux. Mais elle avait hâte justement de s’allonger et reposer ainsi ses vieux os n’ayant guère dormi depuis trois jours. La dispute qu’ils avaient vécue restait l’une de leur plus violente et puisqu’elle restait un petit être sensible se posant énormément de questions à la moindre attaque… autant dire qu’elle n’avait pas pu fermer l’œil, même si Seriojah avait tout fait pour qu’elle soit au calme, choyée comme une princesse.

Le retour au manoir lui fit extrêmement étrange, à vrai dire. Vioryna se rendait compte qu’elle ne s’était jamais réellement sentie chez elle en ces lieux. Il n’y avait rien lui appartenait, elle n’était que spectatrice de ce luxe exposé et ne voyait rien ici qui puisse lui servir réellement de cocon protecteur. A cette idée, elle serra brusquement la main de Sergeï, non pas parce qu’elle se sentait mal mais plutôt parce qu’elle se rendait compte que les jumeaux allaient rapidement devenir de grands boxeurs. « Je sais que tu n’es sûrement pas coutumier de la chose mais… cela te dérangerais de leur parler ? Comme ça, je m’allonge, et tu peux essayer de les calmer parce qu’ils boxent dur là… » Vioryna esquissa un bref sourire encourageant avant de reprendre, imperturbablement : « Et je crois que je vais avoir besoin d’une infirmière. On ne sait jamais. Une compagnie ne sera jamais de trop, même si tout va bien ! »